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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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3- Projets urbains et participation des habitants

Par participation, nous entendons la participation des habitants dans les décisions politiques concernant leur ville, leur quartier, leur environnement.

La démocratie participative est l'un des objectifs de la politique de la ville. Cette participation est née à la fois de la mobilisation d'habitants et de certains représentants de services publics autour de projets de développement social et urbain. La ville devient de plus en plus un lieu d'exercice de la citoyenneté, notamment depuis l'adoption de « La loi JOXE » du 06.06.2002, article L-125-1 qui stipule que « Les électeurs peuvent êtres consultés sur les décisions que les autorités municipales sont appelées à  prendre ... » et de la loi Vaillant adoptée le 13.02.2002, qui, selon les investigateurs, devait devenir un instrument de reconquête citoyenne et il présentait deux idées fortes allant dans le sens d'une démocratie de citoyens et d'une révision du pouvoir municipal22(*).

Aujourd'hui, dans un idéal démocratique, chaque individu veut pouvoir prendre la parole et être considéré comme citoyen à part entière. Cette volonté est un retour aux sources de la démocratie qui se définit avant tout comme « espace de dialogue, d'information et de délibération pour créer les conditions d'un consensus, de la formation de la « volonté générale » »23(*). Par les prises de parole, la société civile construit l'espace public qui peut se construire par un volontariat basé sur la participation active d'un grand nombre.

Nous essayerons de voir si la démocratie participative a été de mise lors des discussions autour du projet et s'il y a en effet, création d'espace public.

À travers les projets urbains, on peut observer l'imposition de politiques spécifiques. Le Palais des Congrès construit en 1970 était le fruit d'une politique d'aménagement qui se voulait moderne. Philippe Genestier24(*) a décrit les matériaux qui permettent de produire l'effet voulu, c'est-à-dire moderne. Selon lui, le verre joue un rôle important pour provoquer la fascination immédiate recherchée.

Il est intéressant de se demander comment ce bâtiment va être accueilli et perçu par les Rouennais. Le projet Monet Cathédrale étant de nouveau très moderne, dans quelle mesure ce choix est-il judicieux ? Quels sont les soubassements politiques d'un tel projet?

L'architecture devient un moyen d'accroître la visibilité des administrations, d'afficher leur modernité, de présenter une image positive d'elle-même. La compétition des grandes villes pour le statut de « capitale régionale » a entraîné une surenchère des programmes de prestige dont la valeur ajoutée est parfois plus symbolique que fonctionnelle25(*). Selon Alain Genestier26(*) qui s'est intéressé aux formes, aux styles, aux ambitions et aux significations associées à ces réalisations, en a déduit que les modifications sont la recherche de prestige pour le pays, les retombées qui peuvent en être attendues pour l'industrie culturelle et l'aspiration du pouvoir à la reconnaissance. Comme l'aspect fonctionnel peut être mis au second plan, on a construit des mètres carrés d'un coût exorbitant sans savoir à quoi ils étaient destinés, comme l'illustre la Grande Arche de la défense.

Les habitants sont-ils victimes de la politique? Les habitants ont-ils un rôle à jouer dans les décisions concernant les Grands Projets de Ville ? La ville de Rouen souhaite-t-elle plutôt améliorer les valeurs symboliques ou améliorer le cadre de vie des habitants ?

Si nous considérons que les citadins sont autre chose que des spectateurs passifs : qu'ils sont des acteurs à part entière, tissant un ensemble de relations, s'appropriant la ville à travers une multitude d'usage et de représentations, quelle serait leur place dans la gestion de leur environnement ? Quels moyens ont-ils pour agir ?

La théorie de la démocratie délibérative d'Habermas est importante pour penser les conditions de possibilité d'un changement fondé sur l'action positive déterminée des agents de la société civile. Habermas propose que la dissémination de la logique de la communication et sa place centrale dans l'évaluation du monde vécu pourrait contribuer à la fortification de la démocratie27(*).

Si les habitants ont la possibilité de participer aux projets urbains, de donner leur avis et qu'ils sont pris en compte pour les décisions, la ville leur ressemblera.

Maîtriser son logement, être bien chez soi est insuffisant si, au seuil du logement commence un univers hostile ou dévalorisant. La difficulté de l'appropriation des espaces tient au fait qu'ils ne sont pas le résultat de pratiques sociales des habitants28(*). Ils doivent s'approprier les lieux que les experts ont conçus pour eux, or il s'avère beaucoup plus difficile de s'approprier les lieux quand ils sont imposés.

Y a t-il une incapacité à faire face à la prolifération des demandes contradictoires ou incompatibles ? Face à ces difficultés, les experts ont tenté de se substituer aux futurs usagers du bâtiment en décidant de l'organisation spatiale à retenir29(*). Dans ce cas, les habitants sont alors de simples sujets qui ne sont pas écoutés car ils sont vus comme incapables de s'unir pour trouver un compromis entre eux. Ils se voient alors obligés de s'adapter à un environnement qu'on leur impose.

Or, l'insistance d'Habermas sur la participation des habitants à la communication souligne les qualités potentielles des intervenants, à savoir, l'auto-réfléxion, le sens critique, la capacité à s'engager dans des actions et à participer à des débats rationnels, enfin la capacité au jugement et à l'action morale30(*).

La rénovation urbaine produit des changements trop importants sur la population pour que les acteurs politiques puissent la mener à bien sans son accord. Pour manifester son intérêt pour sa ville, le citadin a plusieurs solutions pour faire entendre son opinion: Il peut participer aux réunions publiques en assistant aux conseils municipaux ouverts à tous ou bien assister aux conseils de quartiers. Ces deux recours permettent une relation entre citoyen et pouvoir politique, ce qui correspond à la sphère publique selon Habermas. Il la définit comme étant une suite d'institutions et d'activités qui a pour fonction de favoriser les relations entre l'Etat et la société. Elle permet de lutter contre l'absolutisme étatique, dans le sens où toute formation sociale devait pouvoir accéder aux structures de pouvoir par ce moyen31(*).

Les conseils de quartiers ont été mis en place à Rouen de façon expérimentale dans quelques quartiers du centre ville, dès 1996, sous l'ancienne majorité PS. En 1999, ils sont généralisés à l'ensemble de la ville puis rendus obligatoires par la loi de février 2002.

Les conseils de quartiers vont êtres présentés au public comme des « espaces de concertation et d'interpellation, un nouveau lieu de démocratie, capable de rompre avec le dialogue codé entre les professionnels de la politique et les professionnels du mouvement associatif »32(*).

Les conseils de quartiers doivent avoir trois fonctions33(*) :

- Celle d'écoute sur les problèmes ressentis par les habitants, de concertation sur les actions de la mairie.

- Celle de consultation sur les projets concernant le quartier ou ayant une incidence sur son devenir dans tous les domaines.

- Celle d'information mutuelle et d'interpellation entre les habitants du quartier et le conseil d'arrondissement.

Le conseil de quartier Vieux Marché - Cathédrale bénéficie d'une population et d'un cadre d'intervention privilégiée : le centre historique de la ville, mais aussi du dynamisme d'un noyau dur de militants déterminés, dotés d'un savoir-faire acquis au fur et à mesure des expériences.

Malgré une demande forte de la part des habitants pour une démocratie locale active, il y a un déficit de la connaissance de la démocratie locale à Rouen. En effet, selon une enquête34(*) menée par la mairie en mai 2005 auprès de 1000 personnes montre que, 10% des personnes interrogées affirment savoir ce qu'est la démocratie locale ; 25% indiquent connaître ce qu'est un conseil de quartier (même si seulement 7% font la différence entre comité et conseil de quartier) ; 21% se déclarent prêts à s'impliquer dans un conseil de quartier et 75% des habitants souhaitent être mieux informés sur l'action des conseils de quartier.

Comment expliquer un tel décalage entre l'omniprésence du thème de la démocratie participative dans le discours politique et l'apparente pauvreté des résultats constatés ?

Qu'est-ce qui motive les politiques de Rouen à vouloir favoriser la participation des habitants et pourquoi ne la mettent-ils pas en oeuvre ?

Notre questionnement initial s'est basé sur des interrogations majeures qui auront pour but de mettre en lien une relation entre l'espace et la société ainsi que de mettre en perspective le rôle des citoyens dans la sphère politique. Nous abordons ces questions par l'analyse de la place du projet moderne dans le centre historique, ses effets sur l'identité de la ville et l'attachement des habitants aux valeurs portées par le centre historique. Enfin, notre dernier questionnement portera sur le projet urbain et la mise en oeuvre d'un processus démocratique pour la participation des habitants au devenir de la ville.

Deux axes ont fondé notre réflexion soit, centre-ville/patrimoine et centre-ville/enjeux de pouvoir. Grâce à ses axes, nous pouvons formuler deux hypothèses structurant notre analyse.

1/ La reconquête du centre-ville caractérisée par la multiplication des nouvelles formes urbaines modernes peut enlever à la ville toute son histoire et par conséquent lui fait perdre son identité de ville d'histoire. Les habitants peuvent alors avoir des difficultés à construire ou à conserver une mémoire historique.

2/ Les habitants sont consultés avant que des décisions soient prises. Ils sont donc des acteurs de la vie politique et participent donc à l'évolution de leur ville. Avec la création des conseils de quartiers, chaque citoyen a le droit d'apporter son avis lorsqu'il est consulté par la municipalité. Mais il est aussi possible que les habitants n'aient qu'une place secondaire si les politiques n'appliquent pas la démocratie participative.

Pour étudier la ville, il est indispensable de choisir plusieurs méthodes d'enquête car les images d'une ville sont diverses et variées. Dans ce travail j'ai privilégié les méthodes qualitatives (l'entretien, l'observation, et le questionnaire comme méthode complémentaire).

Dans un premier temps, pour faire le point sur les différentes approches et les concepts utilisés, j'ai lu de nombreux ouvrages et articles.

Dans un second temps, je suis allée à là rencontre d'acteurs institutionnels (architecte des bâtiments de France, chef de service du droit des sols, le responsable du service « monuments historiques ») qui m'ont montré des documents officiels comme le permis de construire du projet Monet Cathédrale, des photos de maquette.

Pour récolter tous ces documents, je suis allée au service départemental de l'architecture de la Seine-Maritime, à la Direction de l'aménagement et de l'habitat urbain et à la Direction Régionale des Affaires culturelles.

Les lectures et l'exploitation des documents m'ont permis de mieux centrer mon sujet et de mieux comprendre les enjeux d'un tel projet au niveau social et politique.

De plus, j'ai effectué un stage à la direction de l'Aménagement urbain et de l'Habitat (voir annexe n°1) qui m'a permis de rencontrer des personnes majeures pour mon enquête (adjoint à l'urbanisme, chef du service urbanisme...). J'ai également pu prendre ou consulter des documents officiels ou « officieux ». Grâce à ces matériaux, j'ai pu donner plus de contenu à ce mémoire qui manquait de références documentaires.

* 22 Lévy A., « La démocratie locale en France », Espace et Société, n°112, n°1/2003, p.162.

* 23 Sue R., La société civile face au pouvoir, Presses de sciences po., La bibliothèque du citoyen, 2003, pp. 99-101.

* 24 Cité par Champy F., « Des valeurs et des pratiques de l'architecture contemporaine », L'homme et la société, n°145, n°3/2002, pp.11-15.

* 25 Champy F., Sociologie de l'architecture, Paris, La Découverte, Repères, 2001.

* 26 Cité par Champy F., op.cit, 2002, pp.11-15.

* 27 Cité par Duarte F., Frey C., « Démocratie participative et gouvernance interactive au Brésil, Santos, Porto Alegre et Curitiba », Espace et société, n° 123, n°4/2005.

* 28 Mollet A. (dir.), Quand les habitants prennent la parole, Paris, Ministère de l'Urbanisme et du Logement, 1981.

* 29 Champy F., op.cit, 2001.

* 30 Dahlgren P., « A la recherche d'un public parlant » in Cefaï D., Pasquier D. (dir.), Les sens du public, PUF, 2003, p. 294.

* 31 Le Texier E., « Minorités et espaces publics dans la ville. Le « «chicano park »  à san diego », Espace et Société, n° 123, n°4/2005.

* 32 Libération, 13 septembre 1996.

* 33 Neveu C., (dir.), Espace public et engagement politique, L'harmattan, 1999, p. 33.

* 34 Bilan 2005 de l'observatoire de la démocratie locale de la ville de Rouen.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo