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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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2- Le centre historique : Patrimoine, sens et représentations

Je partirai notamment des travaux de Raymond Ledrut pour évoquer cette dialectique entre habitants et patrimoine. Il se demande : « la forme reçoit-elle ou donne-t-elle un sens ? »9(*). D'après lui, on ne peut comprendre la forme sans saisir le lien entre la forme sociale et la forme spatiale.

Il montre à quel point le centre est qualifié socialement ; « les grandes artères, les places comme les monuments sont à la fois d'ordre quantitatif (éléments d'un réseau spatial) et d'ordre qualitatif (point de concrétisation de la ville pour chacun de nous) »10(*). À travers ses analyses empiriques, Ledrut souligne l'importance des dimensions matérielles (usages du centre) et symboliques du centre ; ainsi, le centre évoque pour les citadins à la fois un lieu, une forme, un monument, mais aussi des activités et des qualités particulières.

La dimension subjective du sens que l'on donne au monument est essentielle pour notre étude. Elle nous permettra de comprendre l'affection portée par les habitants à leur ville.

L'image possède toujours une résonance affective, elle déclenche une émotion et « elle exprime un rapport global de l'homme à la ville »11(*), laquelle se trouve sous cet angle personnifié. Plus il y a de monuments, plus l'identité de la ville est forte. On peut comprendre cette corrélation car le monument est un repère privilégié, c'est-à-dire un moyen de se repérer mais également de repérer la ville. Il apparaît comme un « symbole ». Qui n'a jamais fait visiter la Cathédrale de Rouen à leurs amis étrangers venus leur rendre visite ? Qui n'a jamais donné rendez-vous Place de la Cathédrale ?

L'espace n'est pas seulement un ensemble de points, lignes et surfaces, il est chargé de sens. Certains éléments, en renvoyant à des moments historiques, des normes éthiques, politiques ou religieuses et en suscitant des émotions, participent à la construction de l'identité collective et à l'élaboration du lien social.

Halbwachs est le premier chercheur en sciences sociales à analyser de façon détaillée la mémoire collective. Il montre dans son ouvrage La mémoire collective dans quelle mesure l'espace joue un rôle fondamental dans les processus de mémorisation : « Il n'est point de mémoire collective qui ne se déroule dans un cadre spatial (...) ainsi, le lieu a reçu l'empreinte du groupe et réciproquement »12(*).

La mémoire peut se définir comme « la faculté de conserver les idées antérieurement acquises »13(*), ceci à un niveau individuel ou collectif.

La symbolique d'une ville, au travers de ces monuments, est éternelle car l'identité de la ville c'est le patrimoine en héritage. La Cathédrale existe depuis le XIIème siècle et le sera jusqu'à la fin des temps. L'héritage des nombreux monuments a permis à Rouen de présenter sa candidature des villes au patrimoine mondial à l'UNESCO en septembre 1993.

Pour A. Riegl, « le monument est une oeuvre créée de la main de l'homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou telle destinée »14(*).

La définition de A. Riegl est cependant insuffisante et demande à être étoffée. Pour cela, je vais prendre la définition du monument de H. Lefebvre. Pour cet auteur, le monument a une multitude de sens15(*). Le monument véritable a un caractère significatif et symbolique inépuisable pour l'habitant. Les lieux restent des lieux investis de sens, des « lieux identitaires, relationnels et historiques »16(*) selon Marc Augé.

Malinowski17(*) et l'école d'anthropologie sociale ont souligné dans quelle mesure certains espaces ou objets ont, au-delà de leur fonction instrumentale, une fonction symbolique : ils sont en mesure de nous mettre en relation avec des systèmes de connaissance et de croyance et constituent, en d'autres termes, des supports à notre identité.

Françoise Choay18(*) a ainsi montré que tout est désormais mémoire, certes, mais mémoire vide car les nouvelles constructions ne peuvent procurer d'émotions aux habitants. Le projet moderne Monet Cathédrale ne peut être vu comme porteur d'identité comme le serait un monument ancien qui a une histoire que chacun s'approprie.

Dans une volonté de modernisation des centres-villes, on voit apparaître des compromis entre conservation du patrimoine et inscription de formes nouvelles et modernes dans ces lieux. André Malraux fait passer la loi du 4 Août 1962 pour justement associer revalorisation des patrimoines et modernisation des centres-villes19(*).

Le contexte de requalification n'implique pas que nous vivions dans un monde de non-lieux20(*), c'est-à-dire des espaces mono-fonctionnels et cloisonnés caractérisés par une circulation ininterrompue et ainsi peu propice aux relations sociales mais plutôt dans un monde aux repères changeants. L'arrivée du moderne dans la ville peut apparaître choquante et dangereuse pour l'identité de la ville, or pour Lynch21(*), il ne faut en aucun cas arriver à la constitution d'une image trop évidente de la ville, car elle deviendrait trop ennuyeuse. La ville doit présenter de la stimulation, du rythme et une certaine ambiguïté. J'en retiens que le projet moderne serait nécessaire à la ville pour garder un certain dynamisme.

* 9 Ledrut R., Les formes et le sens dans la société, Paris, Librairie des Méridiens, 1984.

* 10Ledrut R., Les images de la ville, Anthropos, Paris, 1973, p.113.

* 11 Ledrut R, op. cit., 1984, p.22.

* 12 Halbwachs M., La mémoire collective, Paris, Puf, 1950, p.209.

* 13 Dictionnaire Larousse.

* 14 Cité par Champy F., « Des valeurs et des pratiques de l'architecture contemporaine », L'homme et la société, n°145, n°2002/3, p.11.

* 15 Cité par Busquet G., « Henri Lefebvre, les situationnistes et la dialectique monumentale. Du monument social au monument- spectacle », L'Homme et la Société, n°146, octobre-décembre 2002.

* 16 Cité par Dris N., « L'irruption de Makkam Ech Chabid dans le paysage algérois : monuments et vulnérabilité des représentations », L'Homme et la société, n°146, octobre-décembre 2002.

* 17 Malinowski B., Une théorie scientifique de la culture et autres essais, Maspero, Paris, 1968.

* 18 Choay F., op.cit, 1992.

* 19 Atelier d'urbanisme, Rouen, secteur sauvegardé, Renseignements d'ordre général et législation en vigueur, 24 novembre, 1981.

* 20 Augé M., Non-lieux, Seuil, Paris, 1992.

* 21 Lynch, K., L'image de la cité, Paris, Dunod, 1969.

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