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e 104 à Paris en 2008: Un projet de transversalité artistique et sociale ?

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par Elsa Gobert
Université Paris III - Master 1 2007
  

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PREMIERE PARTIE :

DES FRICHES AU 104 : UTOPIE DU SQUATT

« Impossible dans ce dispositif pluridisciplinaire de ne pas penser à l'apport des squats artistiques. Depuis presque trente ans, ces friches précaires ont inventé la transversalité entre les pratiques culturelles. Voici ce legs précieux ici institutionnalisé, avec des moyens : le coût total de l'opération est de 102 millions d'euros. »9(*)

Dans les années 1970, la crise du capitalisme et la désindustrialisation contraignent de nombreuses usines à fermer leurs portes. Des services publics (hôpitaux, usines, laboratoires) sont restructurés en partie, laissant des bâtiments inoccupés, ce qui va correspondre au début du mouvement des squats artistiques. Les artistes de toutes les disciplines investiront ces lieux délaissés.

Toutes les friches sont différentes et le rapport Lextrait souligne bien leur diversité. Cependant, elles ont en commun de joindre plusieurs disciplines artistiques et de s'inscrire dans un quotidien et un mouvement collectif : c'est en groupe qu'on peut établir et faire vivre une friche. La friche garde les fondations d'origine de l'usine, son volume et son histoire, mais en assure le renouveau. En s'en tenant aux particularités de la friche telle que décrite dans Les nouveaux territoires de l'art, le 104 pourrait s'apparenter à une friche. Il prend place dans un ancien hall industriel, il fait cohabiter ensemble des artistes de toutes les disciplines.

1) Le phénomène de reconversion

A : Les lieux alternatifs

a : Reconversion d'un mot 

Le mot « friche » vient du Néerlandais « versch » qui veut dire « frais ». C'est un terme d'origine agricole qui désigne un « terrain non cultivé et abandonné, une friche industrielle urbaine qui correspond à une zone industrielle urbaine à l'abandon ou en attente de reconversion »10(*). Certaines de ces friches laissées vides vont être investies dans les années 1980 par les artistes contestataires de la génération de mai 68 (En exemple, Guy Alloucherie ouvre la Base 11/19 dans les anciens puits de mine, Karine Noulette et Frédéric Marcignac fondent l'association Emmetrop et s'installent à Bourges dans une ancienne usine). C'est le phénomène des friches : de l'usine industrielle, le lieu devient friche culturelle. À l'image de ces friches, le 104, assure également la reconversion d'un lieu. Construit autour d'une galerie centrale surplombée d'une charpente métallique de type Polonceau, le bâtiment, classé à l'inventaire des bâtiments de France, doit garder sa structure fixe et son identité architecturale. Il est réhabilité et réaménagé par les architectes du groupe Novembre.

Les artistes squatteurs, au-delà de l'opportunité de lieux de travail et de vie, développent des nouvelles formes artistiques, recherchent le voisinage avec des artistes pratiquant d'autres disciplines et, progressivement, s'attachent à créer une transversalité entre les disciplines artistiques. De la notion de pluridisciplinaire on passe à transdisciplinaire. Les arts se traversent, les artistes s'inspirent. Ainsi dans le squat de l'Antre Peaux à Bourges en 2001, plusieurs associations d'horizons culturelles différents travaillent ensemble dans un esprit collectif : Bandits Mage pour l'art vidéo, le Nez dans les étoiles pour les arts du cirque, Eko N ko pour les enregistrements musicaux, et Sonar Lap pour la création sonore. Les espaces sont répartis entre les structures et c'est Emmetrop qui s'assure de la cohésion générale de cette friche artistique. C'est également un désir de rencontres artistiques qui est favorisé, à travers le projet du 104. En exemple, en ce moment résident au 104 : Pascal Dhennequin qui photographie des visages ; Rimini Protokoll un collectif théâtral ; le cinéaste Sébastien Lifshitz ; Tania Bruguera qui est une artiste politique et interdisciplinaire dont les travaux se focalisent autour des relations entre art, vie et politique : et enfin, les designers culinaires Chinon Chéron. Ces artistes ne résident pas encore dans le lieu même, mais exercent leur travail dans le 19ème auprès des populations locales. C'est donc bien une transversalité entre les disciplines artistiques qui est en jeu. C'est le lieu, le concept qui construit un pont entre ces disciplines. Le lieu évite les obligations, attributions, les fixations et le conventionnel. Robert Cantarella rappelle que « Si un artiste vidéo veut un plateau de danse (...), il y en a un sur place, qu'il l'investisse. C'est la façon d'utiliser l'instrument de travail qui fait la spécificité de l'art et non l'inverse. »11(*)

Les friches naissent toujours dans le désir de s'éloigner des valeurs établies, et du conformisme de l'art : « le principe d'un lieu d'expérimentation et de développement des pratiques culturelles alternatives est né de la réflexion individuelle et collective d'artistes confrontés, dans leur pratique quotidienne, à l'inadéquation des structures existantes »12(*). En effet, malgré la multiplication des Maisons de la Culture initiées par Malraux et Picon (première Maison de la Vulture inaugurée en 1961 au Havre) qui excluent la spécialisation et favorisent la pluralité des disciplines artistiques, il manque d'espaces et de temps pour la création. Les artistes squatteurs rejoignent là un mouvement d'appropriation d'un espace industriel comme lieu de création et de monstration, dont un des exemples les plus connus est la Factory ouverte en 1963 par Andy Warhol dans une ancienne usine désaffectée de New York. Cette usine servait à la production en série de l'artiste du pop art.

C'est aujourd'hui cette même observation que font les directeurs du 104, en disant « on est partie d'un constat très simple : à Paris, il n'y a pas de lieu de l'art en train de se faire. Pour voir l'art en train de se faire, il y a un besoin de temps et d'espace. »13(*)

Les lieux anciennement industrialisés qui revivent partent de l'abandon, du rejet des grands espaces par toute une société. Ils sont les témoins d'une époque économique révolue qui annonce en parallèle un renouveau artistique. Cette transformation du lieu abandonné allant de pair avec une réappropriation des périphéries urbaines, est pour l'architecte Roland Castro, initiateur de banlieues 89 « un acte architectural qui nous sort de l'idéologie du on efface tout et on recommence »14(*).

Il s'exerce alors une reconversion double : celle d'un lieu industriel abandonné en un lieu artistique, le non-lieu qui devient lieu, et la reconversion de la façon d'aborder l'art. Par l'intermédiaire de ces lieux de visibilité, il se crée une interaction de plus en plus explicite entre la société et l'art, une insertion de l'art dans un nouveau milieu.

* 9 FÈVRE, Anne-Marie, Le 104 aux portes d'une seconde vie. Libération, Samedi 29 et dimanche 30 décembre 2007, p. 32

* 10 Dictionnaire, Le Petit Larousse illustré grand format . Edition 2008 de Larousse, article friche, p 441.

* 11 FISBACH, Frédéric et CANTARELLA, Robert  : Directeurs du 104, 27 décembre 2007, Visite du lieu  , Annexe 1.

* 12 LEXTRAIT Fabrice, op. cit, p 19.

* 13 FISBACH, Frédéric, entretiens, 7 avril 2008, 11 rue Curial, Annexe 4.

* 14 CASTRO, Roland, Nouveaux territoires de l'art. Propos recueillis par Fabrice Lextrait et Frédéric Kahn. Paris : éditions sujet/objet, 2005. 295p. p 122.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry