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e 104 à Paris en 2008: Un projet de transversalité artistique et sociale ?

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par Elsa Gobert
Université Paris III - Master 1 2007
  

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b : Esthétique de l'insertion

Ces lieux plus ouverts aspirent à une nouvelle façon d'envisager le processus artistique, plus en relation avec le public, moins sclérosé. Frédéric Kahn et Fabrice Lextrait, dans leurs propos recueillis suite au colloque international réuni à la Friche de La Belle-de-Mai en février 2002 le soulignent. « Toutes ces initiatives ont en commun d'être un laboratoire de l'émergence concrète d'un nouveau rapport entre l'art et la société, d'une présence inédite de l'artiste dans la cité. »15(*)

Avec les friches et les squats artistiques, voici le début des « lieux alternatifs », et l'émergence même du terme « Nouveaux Territoires de l'Art ». Ces sites présentent plusieurs avantages. Leur taille permet d'y travailler toutes les disciplines sans se préoccuper de la place. Ils sont vides et disponibles ce qui évite, au début du moins, les contraintes administratives. Ils se situent dans les zones industrielles ou en milieu urbain, là ou l'art n'a pas toujours l'habitude d'aller. En ceci, le mouvement spontané des friches trouve un écho théorisé dans les positions de Nicolas Bourriaud, commissaire d'exposition, écrivain et critique d'art qui affirme dans Esthétique relationnelle que l'art « s'avère particulièrement propice à l'expression de cette civilisation de la proximité, car il resserre l'espace des relations.  »16(*)

La rupture entre lieu de production (atelier) et lieu de monstration (galerie, salle de spectacle, musée) s'efface. L'artiste est présent dans les deux champs, comme acteur et comme médiateur. Les portes ouvertes, organisées dans les squats afin de rendre le public moins réticent à cette forme nouvelle qui va à l'encontre des normes établies, favorise l'accès à l'art et le processus de médiation par l'artiste. Les artistes recherchent la confiance du public de proximité, souvent « conscients des préjugés du public sur l'occupation illégale des lieux »17(*) comme le rappellent les résidents du Brise-Glace à Grenoble. Le 104, c'est également ce lieu de rapprochement de la population locale, situé au coeur de la ville, dans la ville et ouvert tous les jours gratuitement au public, comme un passage parisien, entre huit heures et vingt-deux heures, il incite en théorie à la rencontre de proximité.

Ce déplacement de l'art vers les populations, représente une sorte de deuxième décentralisation culturelle. Cette nouvelle décentralisation est moins officielle que la première, entreprise par l'état. Celle-ci fut initiée par Jeanne Laurent, sous-directrice des Spectacles et de la Musique. Sous son impulsion, cinq Centre Dramatiques Nationaux sont créés en Province de 1947 à 1952. Mais, Jeanne Laurent est brutalement arrêtée par André Cornu. Ainsi sa politique de décentralisation est suspendue, elle sera relancée par le Ministère Malraux en 1959. L'état français qui a toujours été centralisé sur sa capitale entreprend alors une décentralisation politique et administrative. C'est-à-dire qu'il va attribuer à des autorités autonomes (départements, communes) des pouvoirs de décision et d'exécution relatifs à certaines catégories d'affaires. C'est sous l'enseigne de cette décentralisation administrative que l'état va mettre en oeuvre une politique de décentralisation artistique qui vise à diffuser sur tout le territoire des produits de la création et notamment en dehors de Paris et des grandes villes. Cette décentralisation est renforcée en 1981 par le ministère Lang.

Celle des squats artistiques est plus spontanée, multiforme est en constante évolution. La carte établie par Fabrice Lextrait dans son rapport à Michel Dufour fait état de la répartition des principaux squats artistiques en France. Ils se développent dans toutes les régions, avec une certaine concentration dans le Nord, région la plus touchée par le recul de l'ère industrielle en raison de la présence de nombreux puits de charbon.

Ce que recherchait le mouvement spontané qui est allé investir les friches industrielles, en plus des obligations souvent économiques, c'est un désir de proximité de l'oeuvre au spectateur, une dynamique artistique nouvelle qui tendrait vers une certaine désacralisation de l'art, une esthétique de l'insertion.

De même que la notion de cadre et de vitre avait donné naissance aux codes de la perspective, la fin de l'époque industrielle marque le début d'un nouveau cadre pour l'art. Ce que confirme la citation d'Hervé Carrier dans son Lexique de la Culture : « L'histoire de l'art démontre à quel point les formes artistiques évoluent avec le progrès des techniques et des cultures ». 18(*)

L'expérience collective et la proximité avec le public oeuvrent à la diminution de la distance art-vie. Une nouvelle esthétique de la rencontre va naître. Cette nouvelle esthétique favorise le groupe, le collectif au-delà de l'individu et appelle à de nouvelles formes artistiques.

Si l'investissement spontané des friches par la communauté artistique répondait à un besoin d'espace, de temps et de lieu pour la création, ces nouveaux lieux montrent aussi une nouvelle façon d'envisager la relation au public. Cette nouvelle façon d'aborder l'art à travers des lieux industriels va joindre l'art à la vie en créant une transversalité entre la courbe de l'art et celle de la vie.

Les friches artistiques sont les lieux privilégiés de cette rencontre car elle n'établissent pas de frontière entre l'art et la vie. Les artistes sont présents avec le spectateur et ils sont là pour expliquer leur travail, sinon leur oeuvre même. C'est également ce que recherchent les deux directeurs du 104, ce rapprochement vers les spectateurs, dans un espace non conventionnel. Le lieu vise à ancrer tous les arts dans le quotidien en créant un lieu de vie où le travail en train de se faire devient visible, en ouvrant les portes des ateliers des artistes résidents. Très concrètement, au quotidien se jouera dans ce lieu la question de la transversalité artistique, des outils et des lignes mis en oeuvre théoriques, spatiaux, urbains pour une transversalité, une ligne qui joint l'art et la vie.

* 15 Ibid. LEXTRAIT, Fabrice, KAHN, Frédéric. Avant-propos. p. 16

* 16 BOURRIAUD Nicolas. Esthétique relationnelle. Paris : Les presses du réel, Edition française, 1998. 128p. p.15

* 17 LEXTRAIT, op. cit, p.14

* 18 CARRIER, Hervé. Lexique de la Culture : pour l'analyse culturelle et l'acculturation. Editions Désilée, 1999. p 47.

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