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e 104 à Paris en 2008: Un projet de transversalité artistique et sociale ?

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par Elsa Gobert
Université Paris III - Master 1 2007
  

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B : Reconversion artistique

a : La nouvelle place du spectateur, une place qui découle du mouvement des performances

La performance est une technique d'expression à part entière reconnue dans les années 1970. Celle-ci naît dans un contexte de provocation des normes. Les performances ont lieu en public et sont utilisées comme « autant d'armes dirigées contre les conventions de l'art officiel »21(*). Elle prennent jeu au milieu d'une foule et vie par la présence du spectateur, par l'inscription dans les espaces de la vie. Elles rejettent généralement les matériaux habituels de l'art pour utiliser des éléments bruts : (le corps, la terre, les détritus). Des artistes de l'avant-garde américaine comme Allan Kaprow et John Cage ouvrent avec ce mouvement une mutation radicale des pratiques artistiques. Les arts plastiques quittent leurs supports conventionnels (la toile, la sculpture) pour rejoindre les arts vivants. Ce sont toujours des expériences directes, le spectacle s'empare de la réalité.

L'avant-garde américaine est un terme qui désigne un mouvement né après la deuxième Guerre mondiale dans les années 1950. Il puise en partie ses sources dans les mouvements d'avant-gardes européens tel le futurisme, le Bauhaus (école d'art pluridisciplinaire basée à Berlin) ou le dadaïsme. Il s'effectue à partir des années 1950 un déplacement du centre de gravité des arts de Paris vers New York.

Gertrüde Stein, écrit des pièces-paysages dans les années 1930. Ses pièces sont une succession d'images linéaire, où chaque spectateur se fait comme dans un train sa propre image de la pièce, son propre récit narratif. Il est libre de sa vision. Antonin Artaud en 1938 décrit « la scène comme un lieu physique et concret qui demande qu'on le remplisse et qu'on lui fasse parler son langage concret ». Il place le théâtre non comme un lieu qui reproduit la vie mais comme un lieu de vie. C'est, il me semble, effectivement un langage propre fait de « tous les moyens d'expressions utilisables sur une scène »22(*) que recherchent aujourd'hui les actants de l'art contemporain. Et ce en créant de nouveaux lieux qui ne soient pas spécifiques à un type d'art et à un public privilégié. Artaud s'inspire du théâtre Balinais pour soutenir que le théâtre doit accompagner la vie quotidienne en s'inscrivant dans un espace total. Le théâtre ne s'inscrit pas dans un temps mort, un temps à part, mais dans un temps de vie. Plus tard, Thaddeus Kantor revendique le fait qu'il a « toujours utilisé des lieux non institutionnels, des lieux qui faisaient des trous dans l'institution »23(*). Il situe son oeuvre là où deux arts peuvent se provoquer. Pour ces deux hommes de théâtre, une rencontre entre plusieurs arts est nécessaire pour que l'échange artistique ait lieu. Ces trois artistes fondateurs marquent une nouvelle approche de l'art et de son public. Pour Artaud, Kantor et Stein, l'expérience du spectateur est première.

En 1948 au Black Montain College, John Cage commence à développer ses idées auprès d'artistes américains et fait découvrir celles d'Artaud et de Gertrude Stein, il est suivi par Robert Wilson. En 1952 il y joue « Evénement sans titre ». « Cette oeuvre se composait d'une improvisation chorégraphique interprétée par Merce Cunningham dans les rangs du public, de lectures poétiques données par plusieurs interprètes juchés sur des échelles, de films projetés sur les murs, de tableaux blancs de Robert Rauschenberg accrochés au plafond et d'une composition pour piano « préparé » interprétée par David Tudor »24(*). Cet événement marque le début d'une période interdisciplinaire où la dynamique du dialogue des disciplines convoque le public à vivre l'action artistique. Chaque spectateur se faisant sa propre dramaturgie de l'oeuvre, vivant sa propre expérience face aux actions dramatisantes. Le spectacle n'existe pas sans spectateur, une nouvelle façon d'envisager l'événement par l'expérience du spectateur se dessine. Les artistes issus de l'avant-garde américaine manifestent un désir de réouverture des frontières artistiques et initient une tentative d'éliminer les frontières entre l'art et la vie. C'est le début des performances.

La performance associe les arts visuels, le théâtre, la danse, la musique, la vidéo, la poésie et le cinéma et se définit par l'interconnexion entre ces disciplines. L'accent est mis sur l'éphémère et le non-achèvement de la production plutôt que sur l'oeuvre d'art, représentée et achevée. C'est une dynamique d'interdisciplinarité où tout se fait sur l'expérience du spectateur. Le préfixe inter joue avec les écarts-différences-relations, il y a donc une rencontre et un dialogue des arts mais ces derniers peuvent garder leur autonomie ou bien se lier et se mélanger.

Si le futur lieu d'art et de culture parisien, le 104, n'est pas un lieu où se donneront uniquement des performances, il est intéressant à faire le lien entre le programme de ce lieu et l'avant-garde américaine : il y a en effet dans ces deux phénomènes une volonté de diminuer la frontière entre l'art et la vie en plaçant le spectateur au coeur du processus artistique et en le rendant participatif de la création.

Le concept de passage qui laisse à supposer que l'on puisse traverser le lieu occasionnellement sans le prévoir, conduit à un autre élément de l'avant-garde américaine, celle du hasard. La notion de hasard est très présente dans les performances, notamment avec John Cage qui utilise le hasard comme motif musical. On retrouve au 104 quelque chose du hasard : l'imprévu de ce que l'on verra ce jour-là, l'aléatoire de l'événement et de la rencontre.

Par sa configuration, le lieu place le spectateur, public averti ou non, en position de voyeur. En effet celui-ci se promène dans le lieu et voit directement le processus artistique. C'est un peu comme dans une scénographie où l'on se promènerait et l'on verrait des actions dramatiques différentes suivant le lieu dans lequel on se trouve. Je pense au spectacle The Tooth Crime, pièce musicale écrite par Sam Shepard en 1972 et jouée par The Performance Group. Les spectateurs étaient dans l'obligation de se déplacer pour pouvoir voir l'intégralité du spectacle. Le 104, c'est presque une pièce paysage, le spectateur qui accepte l'échange peut se créer sa propre dramaturgie à l'intérieur du lieu.

* 21 GOLDBERG, Roselee. La Performance du futurisme à nos jours. Paris : Editons Thames et Hudson, 2001. 232p. p 7.

* 22 ARTAUD, Antonin, Le théâtre et son double. France : Editions Gallimard, 1964. 246p.

* 23 SCARPETTA, Guy. Kantor au présent. Actes Sud, Académie expérimentales des théâtres, 2002. 209 p.p.37

* 24 GOLDBERG, Roselee. Performance : L'art en Action. Paris : Editions Thames et Hudson, 1999.

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