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e 104 à Paris en 2008: Un projet de transversalité artistique et sociale ?

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par Elsa Gobert
Université Paris III - Master 1 2007
  

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2) Vers une friche institutionnelle

« Sa première originalité est d'offrir aux artistes un espace immense au sein d'une architecture industrielle qui n'était pas destinée à les recevoir. Son second point innovant est de faire cohabiter dans ce lieu ouvert des producteurs et des artistes de disciplines, de notoriétés et d'horizons différents, afin de faire naître de leur rencontre des créations artistiques, mais aussi une potentialité économique. Le troisième point qui apparaît essentiel dans le fonctionnement de la Friche est le rapport étroit et nouveau qu'elle rend possible entre la création et la production »33(*) (Renaud Muselier)

A : Fonctionnement d'un nouveau lieu culturel parisien

a : Position théorique de deux hommes de théâtre

Frédéric Fisbach et Robert Cantarella, les directeurs du 104 sont deux metteurs en scène de théâtre. Frédéric Fisbach est, de janvier 2002 à janvier 2008, le directeur du Studio-Théâtre de Vitry ; il est en 2007 le metteur en scène associé du festival d'Avignon où il monte les Feuillets d'Hypnos de René Char en associant comédiens professionnels et amateurs. Après un parcours de comédien à sa sortie du Conservatoire National d'Art dramatique il oriente à partir de 1996 son travail vers la mise en scène. Il développe un rapport au théâtre fondé sur quelques axes fondateurs : il place le public au centre de ses préoccupations de metteur en scène, dans un acte social, en proposant par exemple un statut de spectateur-associé à des spectateurs qui interviennent en amont et pendant des représentations. Il s'écarte cependant de cette approche sociale du théâtre en montant en 2005 Animal de Roland Fichet au Théâtre de la Colline. Cette mise en scène s'inscrivait dans une démarche réflexive et jouait de l'écart et de la tension, faisait fuir nombre de spectateurs. En revanche, à Avignon, les Feuillets d'Hypnos étaient composés de cent six comédiens amateurs aux côtés de sept acteurs professionnels. Frédéric Fisbach cherche également des appuis dans les autres pratiques artistiques, adaptées à la nature des textes présentés, en les mêlant aux formes théâtrales. On reconnaît par là des traits fondateurs du projet artistique du 104 : placer le spectateur au centre du projet, ne pas rester hermétique dans l'art, mais ouvert à toutes les disciplines. L'aspect social de l'art semble moins présent chez Robert Cantarella qui est plus connu pour ses travaux et écrits concernant la mise en scène. Il réalise des mises en scène de textes contemporains (notamment de Noëlle Renaude), il crée également la revue Frictions, consacrée aux arts de la scène ainsi que le festival du même nom et écrit en 1997 un manifeste Pour une formation à la mise en scène. Dans la publication 2.représentation Robert Cantarella et Marie-José Mondzain s'entretiennent autour de l'art contemporain. Robert Cantarella rappelle que pour lui l'art, c'est « prendre du temps à tenir l'autre (...) rappeler l'événement du vivant (...) face à toutes les constructions du réel refaites par la télévision »34(*). Et Marie-José Mondzain d'ajouter :  « au cinéma, le spectateur est touché alors qu'il n'y a pas d'effet tactile (...), au théâtre, le spectateur, même à distance des acteurs, sent qu'ils ne sont pas intouchables, il partage leur réalité présente et sensible (...) on respire ensemble »35(*). Cette idée de l'artiste, « aux prises avec la réaction directe et immédiate, du public »36(*) est également défendue par Marie Madeleine Mervant-Roux dans ses écrits sur le spectateur. Marie-José Mondzain ajoute que l'oeuvre dépend de « la perception créatrice du spectateur ».37(*) L'artiste, parfois, est lui même le médiateur de sa propre oeuvre. Et c'est ce que recherchent les directeurs du 104, que l'artiste explique son art en train de se faire. Il est intéressant de remarquer que l'artiste est présent sur le lieu de travail et qu'il assure une part de médiation. Il y a un effacement de la rupture art/public, l'artiste médiateur fait le lien dans un acte à la fois d'écoute, de représentation et de médiation. Il n'est plus « tranquille » et le travail fini n'est pas un seul aboutissement. Il y a une « mise en acte de sa présence »38(*), il doit être là. Tout comme dans la performance, où c'est l'artiste qui fait directement son art avec sa personne, ici il y a aussi une idée de l'être là. L'artiste se doit d'être présent à son oeuvre pour engager le dialogue, sans forcément tout expliquer, il doit créer la discussion, être ouvert au public. La position est cependant discutable, certains artistes sont incapables d'expliquer leur création, ou bien certaines créations perdent tout leur intérêt dès lors que le mystère est dévoilé.

On retrouve dans cette discussion une thématique de la résistance par le théâtre et les arts vivants en général. Une résistance à l'éloignement et à la virtualité. L'art cherche le rapprochement, la mise en contact direct presque tactile d'autrui. Alors que les médias comme la télévision et internet permettent de savoir ce que fait autrui sans avoir à lui parler, sans avoir à entrer dans sa « sphère' . Le 104 ça pourrait être le lieu de cette respiration commune, de ce rapprochement.

Il y a un point paradoxal dans la direction du 104. Il s'agit de l'association de deux metteurs en scène. Parce qu'en général on a idée que la mise en scène ne peut relever que d'une seule personne. Or ici il y a association de deux artistes pour partager les idées, une manière de rester dans le collectif.

* 33 MUSELIER, Renaud. Nouveaux Territoires de l'Art. op. cit. p 24.

* 34 CANTARELLA, Robert. op. cit. p. 16

* 35 MONDZAIN, Marie José. op. cit. p. 16

* 36 MERVANT-ROUX, Marie-Madeleine. Figurations du spectateur : Une réflexion par l'image sur le théâtre et sur sa théorie. Paris : Edition L'Harmattan, collection univers théâtral, 2006. 210p. p35.

* 37 ibid p 62.

* 38 ARDENNE, Paul. Un art contextuel : Création artistique en milieu urbain, en situation, d'intervention, de participation. Paris : Flammarion, Coll. Poche, 2004. 254p. p. 65.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard