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Jésus-Christ, Résurrection et Vie pour le croyant Lobi en route pour l'au-delà. Lecture africaine de Jn 11,1-44.

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par Sansan Hervé POODA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (U.C.A.O.), Unité Universitaire d'Abidjan (U.U.A.) - Licence Canonique (Maîtrise académique) en Théologie Biblique 2007
  

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3 - Inculturation du discours chrétien sur la mort et la vie chez les Lobi

Après avoir montré les difficultés pour les Lobi de lire le message chrétien sur la mort et la résurrection de Lazare et après avoir vu les limites de la conception traditionnelle lobi sur la mort et la vie dans l'au-delà, il convient d'envisager un terrain de conciliation et d'entente entre les deux niveaux de dialogue : la culture biblique et la culture des Lobi. Nous pensons là prendre en compte la perspective d'inculturation appelée de tous les voeux par les pasteurs actuels du continent africain à l'occasion du dernier synode sur l'Afrique288.

3.1. La mort comme un voyage vers la maison du Père

Dans la péricope johannique étudiée, la mort est comparée à un sommeil. Cela est une inculturation sémite de la notion de mort. Et dans la péricope de la résurrection de Lazare, cette conception traditionnelle est reprise par Jésus (cf. Jn 11,11). Lazare repose dans la mort. Cela crée un malentendu d'ailleurs dans l'auditoire de Jésus. Une herméneutique africaine peut bien y voir aussi l'ambiguïté d'une telle conception de la mort. Ce qui nous ouvre la possibilité d'avoir diverses conceptions de la mort selon nos traditions socio-

286 C'est aussi cette conception de résurrection qu'avaient la plupart des Juifs, exceptés les sadducéens, au temps de Jésus. C'est cette conception que récuse Jésus. Comme l'écrit, M. GOURGUES in Cahiers Evangile n°41, op. cit., p. 16, « Pour Jésus, la résurrection implique une condition nouvelle, un mode de vie et de corporéité transformé. Cette conception diffère profondément de représentations, parfois assez grossières, selon lesquelles la résurrection ne signifie que la reprise du mode antérieur de vie et de corporéité, à la manière d'une réanimation de cadavres. Ainsi en est-il dans certains écrits du judaïsme, tant hellénistique que palestinien ».

287 Cf. P. RAYET, Après la mort ? Paris, O.E.I.L., 1996, 146p. pour avoir l'essentiel de la doctrine chrétienne sur la mort et l'au-delà (la communion des saints, la résurrection de la chair, la vie éternelle etc.). 288 Cf. EIA n° 67.

anthropologiques. De ce point de vue, il n'y aurait pas de problème à concevoir la mort comme voyage par exemple comme nous l'avons vu chez les Lobi289.

De plus, à plusieurs reprises, Jésus a évoqué sa mort dans la perspective d'un voyage ou tout au moins d'un départ : en Jn 7,33 il annonce son prochain départ vers Celui qui l'a envoyé ; et où il va, ses antagonistes ne peuvent pas venir. Ceux-ci l'ont ainsi compris en Jn 8,21-22 puisqu'ils firent cette réflexion sur Jésus « Va-t-il se donner la mort, qu 'il dise : `où je vais, vous ne pouvez venir' ? ». Il redira la même chose à ses disciples dans son discours d'adieu en Jn 13,33. A Pierre qui lui demande où il va, Jésus répond « où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais tu me suivras plus tard » Jn 13,36. Ce départ ou ce `partir' signifie clairement la mort de Jésus. Il signifie aussi la résurrection et la glorification de Jésus. En Jn 14, 3 Jésus dit en effet : « quand je serai allé et que je vous aurez préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez ». Au verset précédent, Jésus avait explicitement parlé de la maison de son Père où il y a assez de places. Dans la théologie johannique, nous savons bien que la mort, la résurrection, l'ascension et la glorification sont un même moment, une même ``Heure''290. Le départ de Jésus peut bien signifier sa mort-résurrection-exaltation.

`Partir' en langue africaine lobiri se dit `a gal'. C'est le même terme qu'on retrouve pour dire par euphémisme que quelqu'un est mort `a gaal'. On se souvient du souhait habituel fait au mort en milieu lobi `f< gal b** !' La mort a souvent été considérée par les sociétés africaines comme un voyage291. Et nous pensons que cette analogie peut se retrouver dans ce départ de Jésus que les Lobi traduiraient volontiers par la même notion que voyage. Nous trouvons pertinent une telle analogie pour désigner la mort de Jésus dans le contexte

289 Comme l'affirme M. GOURGUES, ibid., in Cahiers Evangile n°41, op. cit., p. 28, « tout ce qui concerne l'après-mort, de même que le mystère du Christ ressuscité, de sa vie et de sa condition présentes, appartient évidemment au monde ``de l'invisible et de l'indicible'' que le symbole a fonction d'exprimer. La résurrection du Christ n'est pas une simple réanimation qui, comme celle de Lazare (Jn 11,1-44) ou celle du jeune de Naïn (Lc 7,11-17), l'aurait amené à reprendre sa condition et sa situation de vie antérieures. Depuis la résurrection, le Christ n'appartient plus à notre monde, celui pour lequel nos mots sont faits ». Il ne faut donc pas prendre à la lettre le langage symbolique employé à propos de l'exaltation du Christ. Et chaque peuple peut bien trouver le symbole le plus pertinent pour le traduire. De la conception de la mort dérive bien celle de la résurrection.

290 Cf. J. K. KOUMAGLO, Tod als Verherrlichung. Eine exegetische Untersuchung zur Perikope 12,20-36 im Blick auf die johanneische Christologie und Soteriologie, Innsbruck, 1997, pp. 62-63. Voir M. QUESNEL et P. GRUSON, La Bible et sa culture. Jésus et le Nouveau Testament, Paris, Desclée de Brouwer, 2000, pp. 434-43 8. 291 Selon B. YAHANON, dans Les rites funéraires chez les ``Fon'' de Ouidah, Abidjan, ICAO, 1983, p. 36, chez les Fons de Ouidah « quand un vieillard meurt on ne dit jamais qu'il est mort, on dit plutôt : ``Eyi houé'' il est allé à la maison ». Voir aussi C. E. DAGBOVOU, De la mort selon la vie religieuse vodun à la MortRésurrection dans le Christ en référence à Mc 15,39, Abidjan, ICAO, 1994, 118p.

africain lobi. La mort de Jésus serait donc un voyage mais surtout un voyage vers la maison de son Père (cf. Jn 14,2-3)292.

En effet, Jésus est venu du Père et il retourne à travers sa mort vers la demeure du Père. Saint Jean nous le dit clairement de la bouche de Jésus : « Que votre coeur ne se trouble ni ne s 'effraie. Vous avez entendu que je vous ai dit : je m 'en vais et je reviendrai vers vous. Si vous m 'aimiez, vous vous réjouirez de ce que je vais vers le Père, parce que le Père est plus grand que moi » Jn 14, 27c-28. Jésus va vers son Père dans sa mort. « Je suis sorti d'auprès du Père et venu dans le monde. A présent je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16,28). Mourir pour Jésus est bien donc un retour vers le Père. Une telle conception n'est pas incompréhensible pour les Africains, mieux pour les Lobi, pour qui la mort est bien un voyage vers le pays des ancêtres ou des `pères'. En Lc 16, 19-3 1 sur la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, cette même notion de la mort subsiste dans l'expression `être emporté dans le sein d'Abraham' pour dire la mort du pauvre Lazare. Cette expression typiquement hébraïque répond à l'ancienne locution vétérotestamentaire `être réuni à ses pères', c'est-à-dire aux patriarches (cf. Gn 15,15 ; 47,30 ; Dt 31,16 ; Jg 2,10). La mort peut bien être évoquée comme un chemin vers la maison de l'ancêtre. Les Juifs comprenaient ainsi cette expression. Les Lobi comprennent aussi que la mort les conduit vers la maison des ancêtres, des `pères'.

Nous pensons qu'un tel discours bibliquement ancré et anthropologiquement inculturé chez des peuples africains comme les Lobi peut contribuer à lever tout malentendu sur la notion de la mort dans les mentalités des chrétiens aujourd'hui293. Considérer la mort comme un voyage vers la maison du Père ou des `pères' nous paraît donc pertinent pour une théologie de la mort en Afrique294. Ce faisant, nous pensons suivre la dynamique de la pensée johannique qui, d'une part, s'est montrée inculturée dans la pensée juive de son milieu de vie (en considérant la mort comme un repos) et d'autre part, qui n'a pas manqué d'éveiller notre soupçon sur l'ambiguïté de la notion de mort comme repos (dans l'usage de l'artifice littéraire du malentendu). Mais considérer la mort comme un voyage et non comme un repos nous

292 Cf. A. M. DOURMA, Le chrétien Nawda et la célébration des funérailles : contribution pour une célébration chrétienne de la vie à travers le rite de « Kurem » (enterrement) en pays Nawda - Nord Togo, Abidjan, UCAO, 2004, pp. 99-101.

293 Comme le dit le COLLECTIF, Des prêtres Noirs s 'interrogent, op. cit., pp. 183-184, « rien n'empêche de procéder comme saint Paul, rien n'empêche d'exploiter les croyances populaires pour y greffer les vérités révélées. A cet effet, le héraut du message chrétien se fera une mentalité semblable à celle du peuple qu'il vient évangéliser, surtout lorsque cette mentalité est ouverte à la réception de ce qu'elle ne peut trouver réalisé ailleurs que dans l'Eglise ».

294 J. M. ELA le dit bien aussi dans Ma foi d'Africain, op. cit., p. 38 : « Il est caractéristique de bien de cultures africaines de ne jamais dire de quelqu'un qu'il est mort : d'une personne, on dira volontiers qu'elle est partie, qu'elle nous a laissés, qu'elle n'est plus, qu'elle est passée » (Sic).

amène à reconsidérer la résurrection autre qu'un réveil de la mort. Comment pouvons-nous dire `africainement' alors la résurrection si la mort est considérée comme un voyage ?

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci