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Jésus-Christ, Résurrection et Vie pour le croyant Lobi en route pour l'au-delà. Lecture africaine de Jn 11,1-44.

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par Sansan Hervé POODA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (U.C.A.O.), Unité Universitaire d'Abidjan (U.U.A.) - Licence Canonique (Maîtrise académique) en Théologie Biblique 2007
  

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3.2. La résurrection comme re-création ou communion avec Dieu en Jésus-Christ

La résurrection du Christ est la base de la foi chrétienne. Nous avons vu comment elle s'est élaborée dans le judaïsme tardif pour atteindre sa pleine révélation dans le mystère chrétien295. Saint Paul la présente comme le pilier de la doctrine chrétienne (cf. 1 Co 15, 1-24). Mais les Lobi croient déjà à une vie après la mort et nous avons vu comment ils redoutent la résurrection matérielle des morts depuis que le mythe des origines a rendu cette perspective impossible296. Alors comment annoncer le mystère de la résurrection de Lazare, signe de la résurrection du Christ et de tous les croyants, à des peuples africains297 comme les Lobi du Burkina-Faso, de la Côte d'Ivoire et du Ghana ? Il nous faut donc élaborer un discours théologique qui soit ancré dans le schème culturel de ces hommes et femmes du continent africain tout en sauvegardant la nouveauté radicale de ce mystère de foi.

3.2.1. La nouveauté radicale du mystère de la résurrection du Christ

Partant de notre étude exégétique de l'épisode de la résurrection de Lazare et en ayant en mémoire le mythe de l'entrée de la mort chez les Lobi298, nous pensons proposer un discours qui se veut inculturé pour annoncer la nouveauté du dogme chrétien de la résurrection. Nous pensons pouvoir exploiter le mythe téléologique de l'entrée de la mort dans l'histoire des hommes pour expliquer aux africains lobi le mystère de la résurrection de Jésus. La vérité de la résurrection du Christ est en soi une nouveauté radicale. C'est un événement exceptionnel et fondateur d'une nouvelle histoire et d'une nouvelle communauté. Et il s'impose comme tel aux hommes. Mais pour qu'il soit compris chez des africains comme les Lobi, nous suggérons, dans la dynamique littéraire johannique, de trouver le meilleur canal

295 Cf. Supra, Excursus sur l'idée de la résurrection dans la mentalité juive, pp. 63-65.

296 Cf. Supra, 3.5. Réincarnation et résurrection en contexte lobi, p. 99-100.

297 C'est aussi la grosse interrogation de l'abbé Jean Bosco MATAND BULEMBAT, op. cit., pp. 146-147, à la fin de son article : « Dans quelle mesure l'annonce de la résurrection du Christ peut être entendue et reçue, comprise et interprétée comme une ``bonne nouvelle'' ? Faut-il vraiment insister sur cette nouveauté de l'Evangile, quand chaque membre de famille sait d'avance que la mort d'un des leurs n'éloigne pas ce dernier (...) du bonheur parmi les ancêtres ? Autrement dit, si la résurrection du Christ a constitué une grande espérance et une bonne nouvelle pour ceux qui croyaient que la mort n'était qu'une perdition dans le royaume de l'oubli éternel, et une séparation irréversible d'avec les êtres chers et même d'avec Dieu, ou pour ceux qui croyaient à la puissance invincible de la mort, comment peut-elle être annoncée là où l'on croit déjà que la mort n'est aucune menace à la communion de vie entre les êtres chers, particulièrement entre les membres d'une même famille ? ».

298 Cf. Supra, 3.1. L'origine de la mort selon les Lobi, pp. 93-94.

de communication et de transmission. Tout comme chez saint Jean, il s'agira de déployer une herméneutique qui passe de la tradition ancestrale (juive ou lobi) à la révélation chrétienne299. Ce faisant, nous ne pourrons certainement pas être exempt de malentendu. Et si le malentendu était là pour nous rappeler le caractère inédit et inépuisable de sens du mystère même de la résurrection du Christ et de tout discours sur ce mystère ?

3.2.2. Une foi traditionnelle à porter à accomplissement

Les Lobi, comme la plupart des peuples africains, croient à une vie après la mort300. Le passage de la mort à la vie est ce qu'on appelle résurrection. Sa modalité est hors de l'expérience sensible. Elle est de l'ordre du méta-physique. Dans ce sens, on peut bien dire que les Lobi croient en la résurrection des morts. Ce disant, nous ne nous contredisons guère. En fait, les Lobi redoutent plutôt la réanimation des morts301 et non la résurrection comme vie alternative à la mort. Mais selon leur foi traditionnelle, cette vie ne peut se passer sur cette terre302. Et de plus, la vie après la mort est certes béatifique mais elle est encore confinée dans les villages et les familles issues de l'expérience terrestre passée303. Cette vie est bien harmonie avec les esprits, les différentes principautés ou puissances invisibles, mais elle n'est pas centrée avant tout sur une communion avec le divin. Elle est centrée sur la communion familiale. Certes, une telle mentalité traditionnelle a besoin de retouches catéchétiques, mais elle est aussi une véritable `semence du Verbe,' qui ne demande que la pédagogie du Christ se révélant à Marthe, pour la faire germer et porter du vrai fruit théologique. Le Christ est la résurrection véritable qui fait entrer dans la vie totale, dans l'harmonie originelle avec Dieu. Si la mort est un voyage vers l'au-delà dans la communion avec les ancêtres lobi, la résurrection du Christ est l'agrégation des Lobi, au-delà de la mort, à la communion avec Dieu et avec toutes les familles humaines, enfin réconciliées par l'Agneau Pascal304.

299 Nous pensons qu'ici réside l'originalité de notre démarche théologique qui s'inscrit bien dans la ligne d'une hermeneutique africaine inculturée de la Bible. Voir P. POUCOUTA, Lectures africaines de la Bible, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2002.

300 Cf. Supra, 3.3. L'au-delà chez les Lobi, p. 97.

301 Cf. Supra, 1.3.2. Critique lobi de la mort-résurrection de Lazare, pp. 112-113.

302 Nous revenons sur l'importance des initiations sociales chez les Lobi où il y a toujours une mort-résurrection symbolique qui n'est pas sans nous rappeler les cultes à mystères grecs et cultes orientaux (cf. Supra, note 245, p. 100). Les Lobi ont donc une notion de la résurrection. Le langage initiatique comme le pense l'abbé Antoine de Padoue POODA, un pasteur chevronné du milieu lobi, peut certainement nous aider à mieux traduire aux Lobi les mystères chrétiens. Ce que vit symboliquement l'initié lobi (vie-mort-vie), le Christ peut l'amener à le vivre réellement et pleinement.

303 Cf. J. B. MATAND BULEMBAT, op. cit., p. 148.

304 C'est là une manière nouvelle et originale de proposer une compréhension africaine lobi de la résurrection. Nous la déduisons de l'hermeneutique africaine lobi de l'épisode de Lazare que nous avons étudié. Voir aussi Compendium du Catéchisme de l'Eglise Catholique, Abrégé, Abidjan, Paulines Editions, 2006, n° 131.

Pour les Lobi, si dans le mythe originel c'était des animaux305 (le chien et le bouc : animaux pour le sacrifice) qui furent les messagers des hommes et de Dieu pour trancher sur la question de la mort ou de la résurrection dans la société des hommes306, le Christ, Dieu et Homme, se présente comme `l'envoyé de Dieu venant dans le monde' (Jn 11,27). Voici enfin celui qui peut dire ex cathedra « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25) c'est-à-dire celui qui vient apporter la Bonne nouvelle aux Lobi, aux Africains, à tous les peuples (cf. Lc 4,16-19). Il vient crier enfin que Dieu a accédé aux désirs secrets des hommes et à l'éternité bienheureuse d'une vie pleine dans une communion familiale, divine, cosmique. C'est son Fils que le Dieu Créateur a envoyé en ces temps qui sont les derniers pour nous parler en son nom (cf. He 1,1-2)307 : maintenant, si on meurt on revient à la vie ! Pour exemple, Lazare sort de son tombeau par l'autorité de la voix puissante du Christ qui fixe son regard vers les cieux ; des morts ressuscitent le vendredi saint à la mort du nouvel agneau pascal par excellence (cf. Mt 27,53) ; des témoins voient et touchent l'Esprit du Ressuscité (cf. Jn 20,19-29). Désormais la mort définitive est vaincue. La vie dans l'au-delà n'est plus cantonnée à des villages ou à des familles bâties sur le modèle terrestre. L'envoyé de Dieu a réconcilié désormais le ciel et la terre. Le ciel et la terre se retouchent désormais. On n'a plus besoin de la médiation des nombreux esprits ou des puissances intermédiaires pour avoir l'harmonie avec Dieu Providence. Le ciel et la terre sont désormais unis par la croix du Christ. C'est cette croix qui fait l'unité entre toutes les familles, tous les villages, tous les peuples pour former une seule famille en Dieu (cf. Eph 2,11-22). Désormais ceux qui croient en sa puissance, ceux qu'il possède par son Esprit (cf. Ac 16,7 ; Ph 1,19), vivront sans craindre la mort définitive. Ils auront la vie pleine déjà sur cette terre. Et s'ils meurent, ils vivront avec lui dans son royaume, dans le village du Père où il leur a préparé des demeures (cf. Jn 14,2). Il reviendra à la fin des temps de son voyage vers le Père pour récapituler tout et le remettre sous l'autorité de son Père (cf. 1Co 15, 24-28 ; Ap 20, 11s ; 21,1s ; 22,12s). Il viendra conduire dans sa gloire ceux qui seront encore sur la terre (cf. 1 Th 4,13-18), et qui auront cru en lui.

3.2.3. La nécessité d'une conversion pour croire en la résurrection

La nouveauté de la foi chrétienne est nette et ses conséquences peuvent être incalculables dans la vie des Lobi. Ceux-ci devraient accepter de se convertir pour s'ouvrir à l'accueil du nouvel envoyé de Dieu (Thâgbaa-Thth-yùù), qui n'est plus présent en chair et en os au milieu des hommes, mais dans sa Parole (Th<m<<r). C'est cette parole qui est à la limite du mythe et de la ratio que les Lobi devront intégrer désormais dans leurs mentalités308. C'est dans ce sens qu'ils devront comprendre l'épisode de la résurrection de Lazare comme `signe mythique' ou signe du nouveau mythe de la résurrection des hommes309. Avec le Christ, ils entrent dans une nouvelle histoire, dans une nouvelle création, dans une nouvelle harmonie qu'ils recherchaient depuis la nuit des temps comme à tâtons : l'harmonie avec Dieu, la communion originelle avec le divin. Ce nouveau discours ou mythe sur Dieu et l'homme marquera désormais leur vie sociale. Il fondera un nouveau type de rapport entre l'homme et Dieu, et entre les hommes310. Le Christ, l'homme total (Tibil-Yiri) et Fils de Dieu (Tâgbaa-Bikuun), a ouvert par sa mort la nouvelle voie de la résurrection (Q<<r<).

Par ailleurs, ce mythe est nettement plus élaboré que le premier, car l'initiative vient désormais de Dieu, l'envoyé vient de la sphère divine, il est le premier à vivre la Bonne nouvelle qu'il a apportée aux hommes. Il meurt et il ressuscite. Il monte vers son Père et notre Père à tous désormais, pour préparer à tous des places dans la demeure divine. Par sa résurrection, une nouvelle fondation de société est inaugurée. Une nouvelle création ou recréation est amorcée dans une nouvelle société, la société ecclésiale où tous les hommes sont appelés à être frères, solidaires les uns des autres, et à vivre en enfants d'un même Père dans les Cieux. Une nouvelle route est ouverte désormais. Une nouvelle initiation est fondée311. Ce

308 En réalité, affirme, M. GOURGUES, op. cit., in Cahiers Evangile n°41, p. 16, « l'utilisation du mythe et du symbole est la seule ressource que nous ayons pour parler de l'au-delà ». Cf. J. M. ELA, op. cit., pp. 59-68, sur le symbolisme négro-africain. Lire aussi J. NDI-OKALLA, (Sous la dir.), Inculturation et conversion. Africains et Européens au synode des Eglises d'Afrique, Paris, Ed. Karthala, 1994, pp. 130-136.

309 L'épisode de Lazare qu'on a dans le dernier scrutin préparatoire au Baptême, le premier des sacrements de l'initiation chrétienne, peut bien être expliqué aux Lobi comme le mythe de fondation du mystère chrétien en prélude à l'événement fondateur du christianisme qu'est la résurrection de Jésus lui-même le matin de Pâques. Ce mythe, où il est question de mort-résurrection de l'ami, le chrétien lobi peut bien le comprendre si un tel discours est sociologiquement et linguistiquement inculturé à partir surtout des initiations sociales qu'on trouve chez les Lobi comme le J*r* et le Buur.

310 Faut-il le rappeler, le mythe ne saurait être confondu à la légende ou à une histoire sans fondement véritable. Pour les Lobi, les vérités essentielles et transcendantales se traduisent sous forme de Mythe. Parler de la résurrection chrétienne en langage de mythe pour une telle société ne dégrade en rien ce mystère de foi. Bien au contraire, le mythe, chez les Lobi, coupe court à toutes discussions inutiles pour enseigner la vérité essentielle et fondamentale.

311 L'image de la route ou du chemin est très forte chez les Lobi. L'initiation sociale J*r* elle-même est appelée hù-q<<r< (littéralement, marcher la route). Si la mort est un voyage vers l'au-delà chez les Lobi, il convient de leur expliquer la résurrection en terme d'arrivée chez soi, de retour au bercail, d'accueil dans la patrie céleste.

nouveau mythe de la résurrection-recréation de l'homme par Dieu en Jésus-Christ devrait marquer et renouveler par exemple la célébration de la mort. Il n'est plus donc question de célébrer la mort comme un voyage vers la maison d'un ancêtre familial particulier mais de célébrer la mort comme un voyage vers la maison d'un unique Père des hommes. Car par elle, nous sommes recrées ou renés à une vie nouvelle chez Dieu. Nous sommes ressuscités et accueillis dans un nouveau monde glorifié. Nous sommes introduits dans un au-delà de paix, d'harmonie totale retrouvée.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry