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Jésus-Christ, Résurrection et Vie pour le croyant Lobi en route pour l'au-delà. Lecture africaine de Jn 11,1-44.

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par Sansan Hervé POODA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (U.C.A.O.), Unité Universitaire d'Abidjan (U.U.A.) - Licence Canonique (Maîtrise académique) en Théologie Biblique 2007
  

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2.3.2. Le Sitz im Leben du récit

Plusieurs hypothèses sont ici avancées par les commentateurs de la péricope. Nous mentionnons les plus en vue :

- Pour A. Loisy,45 les destinataires du récit sont les premiers chrétiens et à travers eux tous les chrétiens en général. Ainsi, quand Jésus parle de Lazare qui est endormi et qu'il va réveiller (v.11), c'est pour signifier en fait que la mort du chrétien n'est qu'un sommeil, non une mort véritable. Lazare représente à ce moment tout chrétien. Les personnages mêmes du récit sont des figures qui représentent des groupes de l'Eglise : Marthe représente les judéochrétiens et Marie plutôt les fidèles venus du paganisme. La résurrection de Lazare est le symbole de la résurrection de tous les justes. Loisy nous plonge ainsi dans une lecture allégorique du récit qui ne manquait sûrement pas d'émules aux premiers siècles du christianisme (cf. Origène, Clément d'Alexandrie, Augustin etc.).

- Bultmann46 nous renvoie au contexte des premiers chrétiens pour saisir le sens du récit. Ce qui est raconté dans l'épisode de Lazare, c'est la rencontre entre le révélateur et le croyant parfait symbolisé par Marthe, la chrétienne. Tout croyant, qui reconnaît alors en Jésus le révélateur suprême, échappe à la mort. Marthe est une véritable figure symbolique à qui tout croyant peut s'identifier, dans la mesure où comme elle, il choisit Jésus comme l'irruption définitive de Dieu dans le monde. Dans le dialogue de Marthe avec Jésus, se trouve projetée l'expérience humaine des premiers chrétiens confrontés au scandale de la mort et pourtant provoqués à parier sur la vraie vie présente en Jésus et par lui. Face à Marthe la croyante, est campée l'image de ceux qui ont besoin comme Marie d'un signe extérieur pour reconnaître en Jésus le révélateur.

- Pour rechercher toujours le Sitz im Leben de notre récit, des exégètes comme Sass, n'hésitent pas aussi à comparer Jn 11, 1-44 et Marc 5, 21-43. Sass particulièrement voit dans l'épisode de Lazare des traits communs avec la résurrection de la fille de Jaïre : dramatisation, effet de suspense (par l'intervention retardante de l'hémorroïsse). Le Sitz im Leben de

l'évangile de Marc ici est assez voisin de celui de l'Eglise de Thessalonique où les difficultés avaient surgi au sujet de la mort des croyants survenue avant le retour attendu de Jésus le Christ (1Th 4-5). Le but de Marc, c'est de donner confiance aussi à sa communauté affectée par la mort de certains de ses membres. Dans l'histoire de la fille de Jaïre, c'est précisément la situation de la communauté qui est décrite : le retard de Jésus, l'espérance des hommes, mais aussi la foi du père qui n'est pas seulement une foi en Jésus comme en un guérisseur, mais comme en quelqu'un qui a puissance sur la mort. Et Sass de noter que le Sitz im Leben de « la résurrection de Lazare doit être une situation semblable à celle de Marc »47.

En effet, comme l'écrivent Boismard et Lamouille, « la plupart des commentateurs admettent aujourd'hui que Jn a repris le récit de la résurrection de Lazare à une source plus ancienne 48» dont le Sitz im Leben peut être le même que dans les autres récits de résurrection rapportés par les synoptiques. La critique de la tradition n'hésite d'ailleurs pas à rapprocher le récit de Lazare de la tradition synoptique.

2.4. Critique de la Tradition

Le récit de la résurrection de Lazare s'inscrit dans une tradition vétérotestamentaire et néotestamentaire de la résurrection des morts. Mais en St Jean, cette tradition gagne en netteté et en ampleur.

En effet, les récits de la résurrection sont relativement nombreux dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Elie ressuscite le fils d'une veuve qui l'hébergeait (1R 17,17-24), et son disciple Elisée en fait autant pour le fils de la shunamite (2R 4,18-37). Dans les synoptiques, Jésus ressuscite la fille de Jaïre (Mc 5, 22-24 ; 35-43 et par.) et le fils de la veuve de Naïn (Lc 7,11-17). D'après Ac 9, 36-43, c'est Pierre qui rend la vie à une femme du nom de Tabitha ou Dorcas. « Le récit johannique offre des contacts avec tous ces récits49 ». Comme en 1 R 17,18 ou 2R 4,28, Marthe et Marie reprochent à Jésus d'avoir laissé mourir leur frère (Jn 11,21.32). Comme en Ac 9,38, Marthe et Marie envoient dire à Jésus que Lazare est malade (Jn 11,3). Comme en Mc 5,23.3 5, il s'agit d'un malade dont on apprend ensuite qu'il vient de mourir (Jn 11,3.11). Comme en Mc 5,41 et Ac 9,40, Jésus effectue la résurrection en donnant un ordre au mort qui obéit (Jn 11,43-44). « Nous sommes donc devant un récit de forme classique50 ». En introduisant le dialogue de Jésus avec ses disciples, St Jean a voulu vraiment

harmoniser son récit à celui de la résurrection de la fille de Jaïre tel qu'il le lisait dans Marc51. Ce souci d'harmoniser apparaît à plusieurs endroits du récit. Bien qu'avec des verbes différents, l'équivoque portant sur la mort comparée à un sommeil se lisait déjà en Mc 5,39- 40 : « l'enfant n'est pas morte, mais elle dort. Et ils se moquaient de lui ». Mais selon Boismard l'emprunt net au récit de Marc se trouve au v. 32 où Jean ajoute les mots « le voyant, elle tomba à ses pieds » ; de même, on lit en Mc 5,22 que lorsque Jaïre arrive près de Jésus, « le voyant, il tombe à ses pieds » ; ce parallèle est d'autant plus frappant que, dans Marc comme dans Jean, c'est le seul cas où l'on voit quelqu'un ``tomber aux pieds'' de Jésus52. En Jn 11,33, ce n'est pas seulement Marie qui pleure, mais aussi les Juifs qui sont venus avec elle ; il y a donc dans le récit johannique un groupe de ``pleureurs'' analogue à celui que l'on trouve en Mc 5,38b. En Jn 11,28, Marthe annonce à Marie l'arrivée de Jésus en lui disant : « le Maître est là » ; de même en Mc 5,35, les gens qui viennent avertir Jaïre que sa fille est morte ajoutent : « Pourquoi déranges-tu encore le Maître ? ». Pour Boismard, « une telle façon de parler de Jésus ne se lit ailleurs dans les Synoptiques qu'en Mc 14,14 et par. ; dans Jn, qu'en 13,14 ; elle est donc très rare et le contact ici entre les récits de Jn et de Mc ne doit pas être fortuit53 ». L'influence sur le récit johannique de la tradition synoptique et de tout l'arrière-plan vétérotestamentaire sur la résurrection des morts est donc formelle selon Boismard.

Mais St Jean adapte cette tradition de la résurrection des corps en fonction de son époque et de sa communauté. Il faut rappeler qu'il est l'un des derniers écrivains du Nouveau Testament54. Il a devant lui quand il écrivait l'événement exceptionnel de la résurrection du Christ avec l'expérience de nombreux témoins attestés par la tradition néotestamentaire (cf. 1 Co 15,3-8). La résurrection du Christ est le fondement même de cette tradition de la résurrection des morts chez les évangélistes. C'est parce que le Christ est ressuscité et vivant que les autres résurrections opérées par Jésus durant son ministère terrestre sont vraies. On comprend pourquoi St Jean insiste sur la mort réelle de Lazare dans les 4 jours passés au tombeau avant sa revivification. Chez les Synoptiques, Jésus ressuscite des personnes qui viennent juste de mourir. L'intrigue est alors plus élaborée chez St Jean.

A cela, il faut ajouter l'influence de la situation de la communauté johannique en attente du retour glorieux du Christ. Cette Parousie tarde à se manifester et les amis du Christ en viennent à connaître la mort. Mais le récit de la résurrection de Lazare aura pour but de

51 Cf. E. M. BOISMARD et A. LAMOUILLE, op. cit., p. 292.

52 Idem.

53 Id.

54 Cf. W. HARRINGTON, Nouvelle Introduction à la Bible, Paris, Seuil, 1971, p. 943.

consolider la foi de ces frères et soeurs découragés et qui attendent l'intervention rapide du maître de la vie. C'est dans ce sens que St Jean reliera à la tradition testamentaire de la revivification des morts ses thèmes théologiques favoris que sont la foi, la gloire de Dieu, la vie éternelle, le salut... Il les insèrera dans son récit à travers des discours kérygmatiques qui ne cachent point les cicatrices de plusieurs remaniements rédactionnels.

2.5. Histoire de la rédaction du récit

De nombreux exégètes sont aujourd'hui d'avis que St Jean a eu recours à un récit primitif pour composer l'épisode de la résurrection de Lazare. Les hypothèses ne manquent pas dans ce sens. Mais ce qui force le consensus, c'est bien l'intention théologique de l'auteur dans ce récit. St Jean a assurément retravaillé des matériaux préexistants dans une visée théologique bien nette : susciter la foi de ses lecteurs en Jésus, le Maître de la vie. Cette intention théologique est très claire. Les longs discours kérygmatiques, qu'il intercale dans la trame de son récit, sont à dessein. L'autorévélation du Christ à Marthe et sa nette confession de foi constituent bien le sommet de ce récit. Cet objectif dans la rédaction de son texte ne manque pas de dédramatiser même l'intrigue de son récit.

Mais à l'origine du récit de Lazare, il convient de placer l'événement pascal. Le rédacteur fait partie d'une communauté de foi constituée après la passion-mort-résurrection de Jésus. Il met en scène Jésus, il convoque les personnages, il utilise les titres théologiques et christologiques qui ne sont compréhensibles qu'après l'événement pascal. Il convient de reconnaître qu'il s'agit bien d'une écriture pascale, d'un récit postpascal. Fils de Dieu et Messie ne peuvent être appliqués à Jésus qu'après sa manifestation comme tel dans l'événement pascal. Jésus est appelé Seigneur dans le discours de Marthe et de Marie (v. 3. 21 32) et dans celui des témoins (v. 34) en lien avec sa résurrection. En un mot, le rédacteur écrit bien comme un chrétien et les interlocuteurs de Jésus même dans ce récit s'adressent à lui par intermittence comme au Ressuscité que Dieu a fait Seigneur. Ainsi à travers le récit de l'aventure de Lazare, le rédacteur nous donne le parcours déjà achevé de Jésus : il est celui qui rencontre la mort et s'y plonge avec son cortège de pleurs et de deuil ; mais en même temps il est le Seigneur omniscient et tout-puissant qui vient de la part de Dieu et sort victorieux de son combat contre la mort qu'il se risque à affronter sur son propre terrain. « En lui, toutes les figures de l'Ancien Testament convergent et prennent sens. Le narrateur le sait parce qu'il est situé au terme du récit55 ».

C'est bien le fruit d'une composition littéraire, d'une création littéraire. Cette mise en intrigue est oeuvre créatrice qui dépend moins des événements bruts que de la perspective narrative de l'auteur : susciter et soutenir la foi de ses lecteurs en Jésus-Christ Ressuscité et Vivant. Elle répond cependant à des critères et à un genre littéraire précis, même si le rédacteur l'adapte magnifiquement à sa visée théologique. A côté de la logique narrative qui va de l'exposition aux complications pour aboutir au dénouement de l'intrigue, on remarque des doublets, des incohérences, des précisions inutiles et tardives qui sont autant de cicatrices de remaniements rédactionnels certains.

Mais s'il est clair que St Jean a retravaillé ainsi le récit primitif reçu, nous sommes incapable, dans l'état actuel des recherches, de dire son origine exacte, le « degré zéro d'où il est sorti et s'est développé », comme le dit Alain Marchadour56. Des exégètes comme Boismard et Lamouille tentent des hypothèses de reconstitution de cette histoire rédactionnelle57. Ce que nous pouvons retenir, c'est que notre récit, à travers toute son histoire rédactionnelle, vise un objectif narratif et kérygmatique assez clair pour nous permettre de rencontrer et de connaître celui qui a affronté la mort et qui l'a vaincue par la puissance de sa Parole, c'est-à-dire Jésus-Christ.

Conclusion au chapitre

La méthode historico-critique nous a permis d'être sensible aux cicatrices qui subsistent aux transformations successives du texte. Mais comme le dit Alain Marchadour « cette sensibilité s'accompagne parfois d'une méconnaissance certaine de la logique narrative à l'oeuvre dans un texte 58». Les spécialistes de la synchronie, de nos jours, ont éveillé notre sens à découvrir une stratégie narrative à l'intérieur des textes où les critiques trouvent des ruptures linguistiques, stylistiques et théologiques complexes. C'est là tout l'intérêt de la complémentarité des méthodes en exégèse. Comme le remarque fort bien A. L. Deschamp, un familier de la méthode historico-critique dans cette étude interdisciplinaire précisément consacrée à l'épisode de Lazare59 « au total, en vertu de la méthode historicolittéraire, l'étude synchronique de Jean parait devoir prendre le pas sur une étude diachronique conséquente ». Ce qui nous encourage à l'approche synchronique de notre texte en vue d'une meilleure compréhension de la Parole de Dieu qu'elle nous révèle.

*****

56 A. MARCHADOUR, op. cit., p. 193.

57 M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, op. cit., pp. 277-294.

58 A. MARCHADOUR, op. cit., p. 60.

59 COLLECTIF, Genèse et structure d'un texte du Nouveau Testament. Etude interdisciplinaire du chapitre 11 de l 'évangile de Jean, Paris et Louvain, Le Cerf et Cabay, 1981, p. 48.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore