WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Jésus-Christ, Résurrection et Vie pour le croyant Lobi en route pour l'au-delà. Lecture africaine de Jn 11,1-44.

( Télécharger le fichier original )
par Sansan Hervé POODA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (U.C.A.O.), Unité Universitaire d'Abidjan (U.U.A.) - Licence Canonique (Maîtrise académique) en Théologie Biblique 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2.3.2.3. Autorévélation de Jésus à Marthe

Jésus répond à Marthe par un « 'Eyw EL'LL » de révélation : E~yc3~ EL~ItL 11 " ~~v~~Ot~OLc K~L'

11 " (c311 ~( o" 1TLOtE1'c3v EL~çE~ItE~K~6v ~~1To9~~v11l (11~OEtcL, KOL ~ 1TW i~ o" (c3iv K~L~ 1TLOtE1'c3v EL'cE~ItE~ o)~

~ It11

~~1To9~~v11l EL'c to~v~L~c3ivc. 1TLOtE~~ELc to~ito; (je suis la résurrection et la vie. Qui croit en

moi, même s 'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? vv. 25-26). Comme le dit Charles l'Eplattenier, « c 'est ici sans doute que s 'exprime avec la plus impressionnante netteté la notion johannique de l 'eschatologie réalisée99 ». Marthe vient de se référer à l'eschatologie classique, du moins telle que la professaient depuis peu les Pharisiens : la résurrection des morts est un des éléments du plan de salut définitif, que Dieu doit réaliser à la fin des temps. Mais Jésus, maintenant, abandonne le futur équivoque du v. 23, et s'exprime au présent. Dans un « Moi je suis » souverain, il fait de la résurrection une réalité effective, ici et maintenant. En lui, dans sa personne divine, le triomphe de la vie est déjà là. Jésus dit très concrètement à Marthe : « le dernier jour que tu évoques, il est là ! La vie dont je suis porteur est plus forte que toutes les puissances de la mort ». En effet, dans cette déclaration, la mort n'est pas niée, ou traitée en amie, elle est bien le « dernier ennemi » à vaincre (cf. 1Co 15, 26).

Bien entendu, il convient de noter que la déclaration de Jésus est à comprendre en se situant au niveau post-pascal. Elle anticipe sur l'événement que le lecteur confesse, avec la communauté, comme la révélation décisive et la certitude fondamentale de la foi. C'est la résurrection du Crucifié qui donnera à ses propres promesses leur force convaincante. Il est « la résurrection et la vie » parce qu'il peut dire à son église : « J'ai été mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts » (Ap 1, 18). C'est effectivement à ce niveau que se tient l'évangéliste, tant lorsqu'il fait exprimer à Jésus la portée salutaire de cette révélation, que lorsqu'il transcrira la réponse de Marthe.

Lazare semble un peu oublié dans ce dialogue théologique central. Jésus ne dit pas à Marthe : « c'est maintenant que je vais réveiller ton frère de la mort ! » Il formule une promesse générale, concernant le salut de tout croyant : celui qui croit en moi, même s 'il meurt, vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Dans le premier stique, comme nous l'avons vu dans l'analyse du vocabulaire, ~'1ToeyiOK (mourir) a le sens obvie de trépas et (~'o (vivre) a le sens fort de vie éternelle ; dans le second, « mourir (pour touj ours) » a le sens fort de perte définitive, de privation à jamais de la vie divine, tandis que « vivre », précédent 1T LOtED') (croire), semble dire la situation de celui qui est encore en ce monde100. Les deux sentences sont parallèles pour le sens : le croyant est destiné à la vie qui ne finit pas. Jésus révèle que la résurrection de vie, celle que Marthe, selon sa foi juive, attend de Dieu au dernier jour, est son oeuvre propre101. On voit ici la transition entre la foi traditionnelle et la nouveauté de la foi en Christ.

1.2.3.2.4. La confession de foi de Marthe

Jésus termine sa révélation en interpellant Marthe : 1TLOtED'ELç toD~to; (crois-tu cela ?). En guise de réponse, Marthe prononce aussi une confession de foi qui porte non sur le pouvoir eschatologique de Jésus mais sur son identité : ycL~ KD'p LE,E''~~ 1TE1T L'OtEDK~o-t L Oi EL!

ç toD ~eEoD~ o" EL'ç to~y KóOiLoyE'pXóiLEyoç (oui, Seigneur, je crois que tu es le

"

~

~

"

"

o

DL

ço

o XpLOto

Christ, Le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde, v. 27). On peut voir un décalage entre cette réponse et la proclamation que Jésus vient de faire. Mais en fait, le narrateur a voulu donner un caractère exemplaire à ce dialogue de confession de foi. Jean ne nous donne pas l'évolution psychologique de Marthe dans ce colloque avec Jésus. En trois répliques, elle est passée de la conviction d'un lien privilégié de Jésus avec Dieu à la reconnaissance de l'Envoyé eschatologique par qui le Règne de Dieu s'est approché, et donc de la foi juive à une foi proprement chrétienne. Sa confession du Christ correspond fort bien à celle des premiers chrétiens (cf. Mt 16, 16p ; Ga 4, 4 ; 1Jn 5,5 et cf. Jn 6,69 ; 10,36) et surtout selon la présentation de l'évangile de Jean (cf. 20,3 1). A travers Marthe nous reconnaissons la communauté johannique dans son expression de foi chrétienne. Certes Marthe, dans le récit, ignore quel sera l'itinéraire de Jésus, et devant la tombe elle reculera d'effroi en entendant l'ordre de soulever la pierre (11,39). Il reste qu'elle est illuminée par la parole de Jésus au

point qu'elle ne revient pas sur la mort de son frère comme si une nouvelle demande était superflue ; et elle va trouver sa soeur.

1.2.4. Jésus et Marie : v. 28-38

Dans cette section largement dominée par le champ sémantique du deuil, nous observerons le mouvement des personnages avant de considérer les diverses attitudes psychologiques en présence.

1.2.4.1. Le champ sémantique du deuil ou de l' affliction devant la mort ()9c~vcroç

C'est toute la section qui est ainsi dominée par le champ sémantique du deuil ou de l'affliction devant la mort. Il suffit pour s'en convaincre de remarquer tous ces termes qui se rattachent à cette constellation de sens : 1flcpctu9ou~tEvoL cu~~i~v (pour la consoler) ; to~

~vrtEL'ov (le tombeau) L-vc K?cu'~~$ ~ E~KEL (pour y pleurer) v. 31 ; EL!öEv cu~~i~v K?cL~ouocv (la vit pleurer) v. 33 ; KcL 'toiç ouvE?9o~vtcçcu~t~~ $ 'IouöcL~ouç K?cL~ovtcç (et ceux qui l'accompagnaient pleurant) v. 33 ; E~vE13p LInj~ocro t~~$ 1flvEu~tct L (il frémit dans son esprit) v. 33 ; KcL~E~tc~pc%Ev E"cur.o~v (et se troubla) v. 33 ; E~öc~KpuoEv (il versa des larmes), v. 35 ; E~~13pLIt~~iEvoç (frémissant), v. 38 ; EL~ç to~ IvrtEL~ov (au tombeau) v. 38.

Succédant à la section lumineuse de Jésus le révélateur, cette section est tragique et elle est envahie par le champ sémantique du deuil ou de l'affliction devant la mort102. Du début (v.3 1) à la fin (v. 38) l'ombre du tombeau avec ses aspects troublants traverse tous les versets de la section. D'ailleurs, tous les personnages de la section font mouvement vers le tombeau.

1.2.4.2. Rassemblement des personnages : v. 28-31

Les versets 28-30 constituent une sorte de transition permettant l'effacement de Marthe au profit de Marie. La mise en scène est assez élémentaire : Jésus reste à l'endroit où s'est déroulé son entretien avec Marthe. Serait-ce pour mieux nous permettre de saisir le parallélisme antithétique entre Marthe et Marie ? En tout cas, il est certain que le rédacteur veut accentuer l'opposition entre les deux soeurs. D'ailleurs par une série de déplacements, il va réunir tous les acteurs de cette scène. C'est d'abord Marthe qui fait le mouvement, pour rejoindre sa soeur : « ayant dit, elle s 'en alla appeler sa soeur Marie, lui disant en secret : ``le Maître est là et il t 'appelle'' » (v. 28). La discrétion de Marthe voulait sans doute éviter que

102 Lire A. MARCHADOUR, op. cit., p. 87 et P. L. MARCEL, Regard sur Jésus à la lumière de saint Jean, Kinshasa, Verbum Bible/Editions Paulines, 2003, pp. 202-203.

les ``consolateurs'' entourant Marie ne soient pas mêlés à la suite des événements, précaution qui va s'avérer vaine103. Marthe provoque ainsi un sursaut chez sa soeur que le narrateur transcrit successivement par les deux verbes classiques du vocabulaire de la résurrection ! « Celle-ci, à cette nouvelle, se leva (éyE1~p(J)) bien vite et alla vers lui » (v.29). Le v. 30 précise que Jésus était resté à l'écart du village, comme en attente. Il est le seul des personnages de cette section à ne pas se déplacer : tous viennent à lui. Le v. 31 est relativement développé. Il attire l'attention sur le rôle non négligeable que vont jouer « les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison. » Marie est ainsi associée aux Juifs par deux fois dans ce récit : ici au v. 31 et aussi en Jn 11, 45. Ces Juifs la voient « se lever » (~~v~~otr1flL), et ils la suivent, « en pensant qu 'elle allait au tombeau pour y pleurer ». Ils sont touj ours dans la logique du deuil et de la sympathie humaine qu'il suscite104.

1.2.4.3. La rencontre de Jésus avec Marie : v. 32-33

Une série de dialogues retarde encore le dénouement du récit (complications diverses). Plus qu'un effet de suspense, il semble que le rédacteur cherche à nous faire mesurer l'extraordinaire enjeu de cet affrontement de Jésus avec la réalité de la mort. C'est d'abord la rencontre de Marie et de Jésus, parallèle et différenciée par rapport à celle relatée aux versets 21ss : « Arrivée là où était Jésus, Marie, en le voyant, tomba à ses pieds et lui dit : ``Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort !'' » (v. 32). Elle reprend exactement la petite phrase prononcée déjà par sa soeur. Effet rhétorique de répétition, typique donc de la tradition orale ! Ce sera l'unique prise de parole de Marie dans tout le récit. C'est une silencieuse, mais elle s'exprime avec son corps (note psychologique importante !) comme l'a déjà suggéré le v. 2 de l'introduction du récit. Elle se jette aux pieds de Jésus, ce que Marthe n'a pas fait, pour lui communiquer sa détresse et son affection, sans rien demander. Le verset suivant ajoutera qu'elle pleure, et que sa présence suscite la réaction de Jésus, dans ce même registre corporel, où se manifestent les émotions les plus fortes. Le contraste est frappant avec l'échange théologique qu'avait provoqué le propos de Marthe. La différence psychologique est nette entre les deux soeurs. Et elle aura une répercussion sur la réaction psychologique du Maître.

1.2.4.4. Le trouble de Jésus devant la mort : v.33-38

Les versets 33 à 35 nous donnent les réactions de Jésus en face de Marie : 'I~ooiç o~5v

"

(J)

ç E~5ÔEv ~~~ti~v K?~~~oUOcv K~~ ~to~~ç ouvE?eo~vt~ç ~~~t~ l$ 'IoUÔ~~~olJç K?~~~ovtcç,E~vEl3pL1fl~~Octo

103 Cf. C. L'EPLATTENIER, op. cit., p. 233.

104 Lire C. F. MOLLA, Le quatrième Evangile, Genève, Ed. Labor et Fides, 1977, pp. 149-161.

~

~

tC) $

' E,

~vEU ItctL KcL

tc~pc%Ev E"cUtèv KcL 'EL'lTEv( 1TOU ~tEeEL~KctE cU~tO~v; ?E~yOUoLv cU~tC)~$ KU~pLE,

L'ÔE.E~Ôc~KpUoEv O" 'IroOU~ç (Lorsqu 'il la vit pleurer, et pleurer aussi les Juifs qui

,, ~

EpXOU KcL

l 'avaient accompagnée, Jésus frémit en son esprit et se troubla. Il dit : ``où l 'avez-vous mis ? '' Ils lui dirent : ``Seigneur, viens et vois. '' Jésus pleura )105 . Les réactions de Jésus dans ces versets sont décrites par trois verbes : E~vE3pLIt~~octO (frémir, v. 33), E~tc~pc%Ev, (se troubler,

v. 33) et E~Ôc~KpUoEv (verser des larmes, v.35). L'interprétation de ce passage a préoccupé les exégètes anciens, soucieux de concilier le donné textuel avec la maîtrise souveraine de l'Homme-Dieu sur lui-même106. Le motif des émotions de Jésus n'est pas spécifié, seule l'occasion ressort du contexte : les pleurs de Marie et des Juifs (v.33) et l'invitation à voir la tombe. Le premier verbe E~It3p LItc~OItc L signifie littéralement ``produire un bruit sourd''. S 'il est uni avec un complément qui désigne des personnes, ce verbe peut signifier ``gronder,'' ``s'indigner contre''107 ou ``interdire à,'' et implique du mécontentement ou de la sévérité à leur égard. Ici Jésus ne ``frémit'' pas contre quelqu'un : le caractère tout intérieur de l'émotion est souligné par le rédacteur, qui ajoute ``en esprit'' (tC)~$ vEU~ItctL : v. 33) ou ``en lui-même'' (E~v E"cUtC)~$ v. 38). Les pleurs des compagnons de Marie ne seraient-ils, quant à eux, que lamentations rituelles plus ou moins sincères, qui provoqueraient chez Jésus une réaction indignée108 (cf. Mc 5, 3 8s) ? Mais les versets suivants semblent plaider en faveur de leur sincérité. L'émotion de Jésus est plutôt à interpréter comme illustrant le grand mystère de l'incarnation. L'évangéliste vient de présenter Jésus dans l'assurance souveraine de sa victoire sur la mort : il n'en montre pas moins, dans le même temps, qu'en homme de chair et de sang il est profondément affecté par la douleur de son amie prostrée à ses pieds, et aussi bouleversé spirituellement par la présence tragique de la mort.

Le verbe qui suit, relié par ~ai, et la mention des larmes vont dans le même sens : ``se troubler'' (tcpc~ooC)) du v. 33 appartient chez Jean au contexte de la Passion (cf. Jn 12, 27) ; Jésus dit : « mon âme est troublée » face à l'heure qui est là, et en 13,21 il se trouble en esprit à cause de la trahison de Judas ; dans le Discours d'adieu, l'âme des disciples est « troublée » à cause de la séparation d'avec Jésus qu'il leur a annoncée (14,1). Dans notre contexte,

105 Rappel : Nous citons le texte grec quand nous avons besoin d'attirer l'attention sur quelques particularités littéraires ou sémantiques. Quant il s'agit de scruter le sens du message contenu dans le texte, nous nous contentons de la version française. C'est là notre option.

106 Cf. Interprétation des Pères de l'Eglise du passage chez A. MARCHADOUR, op. cit., p. 210-211.

107 R. BULTMANN en déduit la colère de Jésus face à l'incroyance des Juifs qui ne comprennent pas que lui le révélateur est la résurrection et la vie, face à qui la mort terrestre n'est rien en fait.

108 C'est ce que suggère la note k de la TOB à propos de Jn 11, 34 : « en esprit ; l'expression évoque une profonde colère devant les lamentations qui sont, en fait, l'expression de l'impuissance et du manque d'espérance devant la mort (11,38) ». D'ailleurs, E. OSTY traduit le v. 33 comme suit : « Jésus donc, quand il la vit pleurer, pleurer aussi les Juifs qui l'avaient accompagnée, gronda en son esprit et se troubla » (in La Bible d'Osty, Paris, Seuil, 1973, p. 2288)

l'occasion du trouble est la même que pour ``frémir''. On est donc autorisé à conclure que, par la désolation de Marie qu'il aimait (v. 5) puis par la remarque des Juifs, Jésus se trouve confronté à la réalité de la mort, non seulement celle de Lazare, mais aussi la sienne, imminente selon l'orientation même du récit (cf. 11, 7-16) et il réagit par un combat intérieur109. La forme verbale E~Ô~~KpUOEV (v. 35) est encore un hapax legomenon du N.T. et il désigne les larmes versées en silence, sans nuance de lamentation funèbre110. Ces larmes (~àipua) sont mentionnées aussi dans l'épître aux Hébreux qui évoque bien l'agonie du Christ (He 5,7). Elles ne sont pas semblables aux pleurs de lamentation et mieux elles expriment un sentiment profond. Alors que le trouble n'est connu que du narrateur qui nous fait y communier, certains Juifs ne constatent que les larmes et les attribuent à son amitié pour Lazare (cf. v. 3.5) : « voyez comme il l'aimait ! » (v. 36)

Mais d'autres Juifs posent tout haut une interrogation qui rejoint la déception de Marthe et Marie, et montre qu'ils créditent Jésus d'un pouvoir miraculé avéré : « Ne pouvaitil pas, lui qui a ouvert les yeux de l 'aveugle, faire aussi que celui-ci ne mourût pas ? » (v. 37) Cela sous-entend que le pouvoir d'un guérisseur peut empêcher que la maladie ne conduise à la mort, mais qu'il est impuissant lorsqu'a été franchi le seuil fatidique de la tombe. Le rappel, dans ce sens, du miracle de Siloé met encore une fois en évidence le pouvoir de Jésus, comme le faisait l'exclamation redoublée des deux soeurs (vv. 21.32). Et le signe de Lazare, qui est celui de la vie, est mis en continuité avec le signe de la lumière. « Alors Jésus, frémissant à nouveau en lui-même, se rend au tombeau. C'était une grotte, avec une pierre placée pardessus » (v. 38). La précédente émotion de Jésus tenait à son affrontement secret avec la mort, l'interrogation des Juifs prend un sens qui en justifie le retour. Jésus devant la tombe de Lazare est une présentation décalée de Jésus devant sa propre tombe, devant sa propre mort111. La présentation n'est pas loin de nous ramener devant le tombeau vide.

1.2.5. L'intervention victorieuse de Jésus : v. 39-44

Jésus face à Lazare gisant dans le noir tombeau est la figure qui nous est donnée au début de cette section qui nous donne le dénouement de l'intrigue du récit. Jésus retrouve son autorité. Il est seul au devant de la scène. Sa parole fait autorité112.

1.2.5.1. L'autorité de Jésus face à la mort

Cette autorité de Jésus face à la mort se manifeste à travers les ordres qu'il donne aux hommes et le pouvoir qu'il reçoit de son Père :

Jésus dit : « enlevez la pierre » (v. 39) ; Ils enlevèrent donc la pierre (v. 41)

Jésus leva les yeux (v.4 1). Il cria : « viens ici dehors » (v. 43). Et il sortit (v.44) Jésus dit : « déliez-le et laissez-le aller » (v.44).

Le récit s'étire dans une sorte de ralenti, chaque action est décrite par l'ordre donné par Jésus et l'exécution qui s'ensuit. Ici encore, l'interprétation accompagne et parfois précède l'événement113.

Le narrateur ne craint pas les détails réalistes qui soulignent l'horreur de la mort. Marthe redoute carrément l'ouverture du tombeau (v. 39). Cette réaction contraste avec la belle assurance dont elle avait fait montre dans la section de son dialogue avec Jésus. Jésus apparaît ainsi d'autant plus seul face au pouvoir de la mort. Mais la fonction première de l'intervention de Marthe est sûrement pour souligner les quatre jours (11,17) et la corruption du cadavre. La réplique « ne t 'ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ? » (v.40) nous renvoie à la parole de Jésus au début du récit sur le thème de la gloire de Dieu. La gloire de Dieu dit le sens ultime, qui inclut les diverses significations données par Jésus à ses oeuvres. La foi est la condition pour « voir» (óp~~()) la gloire de Dieu. C'est une préparation importante pour découvrir dans le retour de Lazare à la vie un signe dont le prodige n'est que le support nécessaire. La prière même de Jésus en est une illustration.

1.2.5.2. La prière de Jésus à son Père

rEp, Eu~XcpLor()

K0uO~~ç Lou : Père, je te rends grâce parce que tu m 'as

~

« ~~

- ,,
OOL 0 r~ ~

~

exaucé » (v.4 1). Comme la confession de Marthe anticipait le don de la vie à Lazare, de même ici aussi Jésus rend grâce avant la sortie de Lazare. Il ``savait'' que son Père l'écoute touj ours. Cette étrange liberté avec la syntaxe qui maltraite la concordance des temps est ici éclairante. La prière que Jésus formule n'est pas une demande mais déjà une action de grâce. L'action de grâce porte sur un fait situé dans le passé (l'aoriste ``~,,Kouo~~c'' renvoie à un moment ponctuel du passé)114, alors que l'événement qui justifie l'action de grâce n'a pas encore eu lieu. Jésus savait (ij(~~iv) : cet imparfait qualifie un savoir indépendant de la

113 « Tout se passe comme dans le récit de la création : l'énoncé d'un ordre, aussitôt suivi de son exécution » remarque M. GOURGUES, op. cit., p. 125.

114 Cf. M. CARREZ, Grammaire grecque du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 1985, p. 142.

chronologie des faits. Encore une fois la parole précède le signe chez Saint Jean, la révélation vient avant l'événement !

En continuité avec l'annonce de la gloire qui va se manifester, Jésus, dans sa prière, se tourne vers son Père en levant les yeux vers le ciel (v.41). Il y a ici un nouveau dépassement de frontière : de la terre au ciel. Jésus est en communication incessante avec son Père et l'assistance le reconnaît. Jésus sait que le Père l'a exaucé (~)Kouo~~c) et l'événement n'en sera qu'une conséquence. Ce verbe grec est le même que pour l'écoute par Jésus des paroles du Père (cf. Jn 5,30 ; 8,40 ;15,15). L'action de grâce, parce que Jésus a été exaucé, présuppose cependant une demande. Cette prière pourrait se référer, par-delà le miracle de Lazare, à la traversée de l'Heure, en accord avec l'évocation précédente du trouble de Jésus. Quant à l'exaucement constant du Fils par le Père, il est pour Jean au fondement de la prière des croyants. En effet, Jésus aurait pu se contenter d'une prière intérieure, qu'il sait déjà exaucée (cf. v.22). Mais il rend grâce à haute voix, pour que la foule rapporte à Dieu la gloire de ce que va accomplir son envoyé. Cet ultime commentaire préalable au miracle rejoint la conclusion de celui de Cana (cf. Jn 2,11) : les signes que fait Jésus conduisent à croire, parce qu'ils authentifient l'oeuvre qu'il vient accomplir de la part de son Père (cf. v.15 et Jn 6,29). L'interruption par Marthe et la prière de Jésus devant la tombe ouverte ont encore différé l'événement du miracle, mais en ont dit le sens115. S 'il nous faut retenir dans cette section une dominante lexico-sémantique, le thème de l'ouverture opposé à l'enfermement par lequel s'achevait la section précédente serait le plus indiqué. Ainsi, de la fermeture du tombeau (v. 38 : une pierre était posée dessus !), on passe à l'ouverture, de l'enfermement de Lazare on passe à sa sortie, « du voilement on aboutit au dévoilement » comme l'écrit Alain Marchadour116.

1.2.5.3. La libération de Lazare

Les précédents éléments narratifs ont amené tous les personnages à s'approcher du tombeau de Lazare. En deux versets très succincts, Jean va décrire le mouvement décisif vers lequel tendait tout le drame, celui du mort sortant de sa tombe (dénouement de l'intrigue), une sortie commandée par la parole souveraine du Fils (cf. Jn 5,28) : « Cela dit, il s 'écria d'une voix forte : ``Lazare, viens dehors !'' Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : ``déliez-le et laissez-le aller.'' » (vv.43-44). Outre la sobriété dans la description du miracle, il apparaît que le narrateur joue

assez subtilement, dans ce bref tableau, avec des analogies et des différences entre cette ``résurrection'' et celle de Jésus. En Jn 19, 40, le corps de Jésus, descendu de la croix, est lui aussi lié de ``bandelettes'' (quoique le terme soit différent !) et Jn 20,7 évoque le ``suaire'' (même terme !) qui était sur la tête. Mais aucun récit canonique n'ose montrer Jésus « sortant du tombeau » et Jean fera remarquer, comme un signe de négation du règne de la mort, que ces bandelettes et ce suaire sont méticuleusement rangés dans le tombeau vide ! (cf. 20,6s). Le surgissement de Lazare hors de sa tombe est de soi un prodige inimaginable. Jean esquisse l'image surréaliste d'un être qui fait ses premiers pas chancelants, encore hésitant entre la vie et la mort, encore empêtré dans l'appareil de son ensevelissement. Il faut que Jésus fasse intervenir les vivants pour que Lazare rentre dans leur cercle, enfin « délié des liens de la mort » (cf. Ps 18,5.20)117.

Et le récit prend fin, laissant le lecteur face à Lazare vivant, mais muet sur ce qu'il éprouve. Si l'évangéliste a omis de noter la joie des retrouvailles, alors qu'il s'est étendu sur le chagrin des soeurs, cela tient non seulement à son art narratif qui n'ajoute rien de secondaire au signe rendu présent, mais aussi au fait que la perspective du récit est centré sur Jésus allant à sa mort-résurrection118. Lazare a certes dû reprendre le cours interrompu d'une existence terrestre qui reste destinée à la mort (cf. 12, 10). Mais tout autre est le mystère de la résurrection du Christ, qui « montera vers son Père » (20,17), pour retrouver « la gloire qu'il avait avant la fondation du monde » (cf. 17,14). Comme le remarquent Boismard et Lamouille, pour Lazare il ne s'agit donc pas de résurrection au sens strict du terme, mais plutôt de réanimation119. Puisque la mort garde encore son pouvoir sur Lazare et continue bien de le menacer. Les chefs Juifs envisageront même d'éliminer Lazare car à cause de lui (signe de la puissance du Christ), beaucoup de gens croyaient maintenant en Jésus (cf. Jn 12,10-11). Ce miracle, situé au seuil du récit de la Passion du Christ, est bien aux yeux de l'évangéliste le signe suprême qui désigne Jésus comme celui qui peut donner la vie éternelle, parce qu'il est vainqueur de la mort. A ce niveau de signe, le destin de Lazare figure et annonce celui de Jésus. Il conforte également la promesse de la résurrection des croyants (cf. Jn 5,28 ; 6,39s)120. Mais c'est surtout l'imbrication des deux destins de Lazare et de Jésus que nous allons retenir à cause surtout de leur intérêt christologique et théologique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams