WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

( Télécharger le fichier original )
par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II-2- Le principe de non-ingérence

Le principe de non-ingérence découle d'une certaine lecture d'une notion propre au droit internationale humanitaire : le droit d'ingérence. Ici, les managers des organisations internationales s'abstiennent d'avoir recours à ce droit dans la définition des profils pour la formation et le développement des staffs locaux. Mais qu'est-ce que le droit d'ingérence ?

Impulsé (du moins dans l'esprit) au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au moment de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, le droit d'ingérence consiste à consacrer un droit de regard de la communauté internationale, dans les Etats, sur les conditions de vie de leurs propres citoyens et une prohibition des comportements considérés comme étant contraires à certains principes démocratiques de base.

Mais dans les milieux de l'humanitaire, l'expression de «droit» ou de «devoir d'ingérence» (à laquelle on a rapidement accolé le qualificatif d'«humanitaire») est apparue à la fin des années 1980 sous la plume de Mario Bettati, professeur de droit international public à l'Université Paris II, et de Bernard Kouchner, homme politique français qui fut l'un des fondateurs de Médecins sans frontières. Ils voulaient s'opposer, selon l'expression du second, à « la théorie archaïque de la souveraineté

des Etats, sacralisée en protection des massacres ». La formule a vite fait recette, particulièrement avec l'avènement d'un nouvel ordre mondial sensé replacer au premier rang des priorités des valeurs comme la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de la personne humaine. La nécessité de secourir les populations en détresse imposerait en effet à chacun un «devoir d'assistance au peuple en danger», qui transcenderait les règles juridiques traditionnelles.

C'est en grande partie le choc immense causé par les atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale qui inspira à la communauté internationale l'idée de rendre plus intolérable, à travers le monde, le sacro-saint principe de la non- ingérence. Il devint désormais possible de pouvoir demander des comptes aux gouvernements sur leur manière de traiter leurs citoyens. La principale conséquence de cet état de chose fut que « le rempart de la souveraineté ne permit plus aux gouvernements, comme autrefois, de faire n'importe quoi sans avoir à répondre, au moins politiquement ou diplomatiquement, de leurs actes.»53

En effet, le droit international humanitaire classique était depuis toujours porté à privilégier la neutralité et la souveraineté des Etats pour sauvegarder la collaboration avec les pires comme avec les meilleurs des régimes. La consécration du droit d'ingérence vint remettre en question cette situation pour ne privilégier que le sort des populations quelques soient les Etats. Il s'agit alors, pour les organisation humanitaires, de porter remède, de façon unilatérale, par quelque moyen physique que ce soit, au mauvais sort réservé aux victimes de toutes les sortes imaginables de calamités sans attendre l'aval des autorités des Etats où se passe l'intervention.

Le droit d'ingérence s'oppose au principe de neutralité jadis prôné dans les organisations internationales humanitaires. Principe directeur par excellence du droit international classique, la neutralité fut, dès les premières véritables balbutiements de l'action humanitaire, une des règles de conduite fondamentales des organisations vouées à cette cause. Supposant autant une abstention dans des situations de conflit qu'une renonciation à toute prise de position sur la politique des gouvernements, ce principe comporte deux aspects essentiels selon Mario Bettati : « premièrement, il assimile neutralité et impartialité. Deuxièmement, il comporte un

53 BETTATI Mario, Le Droit d'ingérence : mutation de l'ordre international, Odile Jacob, Paris, 1996.

volet souvent très contesté découlant d'une certaine réciprocité souvent exigée par les États en conflit : la neutralité politique ou idéologique. »54

Cette « neutralité », ou absence de prise de position sur les politiques des régimes des Etats, qu'ils soient jugés fréquentables ou non, a pendant longtemps contraint les travailleurs de l'humanitaire à adopter une attitude inerte, résignée, docile et même parfois fataliste au gré des circonstances (guerres civiles, abus des droits de l'homme, génocides, etc.).

Le principe de non-ingérence pose la question des risques moraux et humains : comment observer une obligation de garder, en toutes circonstances, une totale réserve dans les controverses idéologiques ou ethniques, peu importe le comportement barbare ou criminel des belligérants ?

Au Burundi, les responsables des ONG internationales qui observent cette forme de neutralité avancent l'argument suivant : l'État étant le seul maître du bonheur comme du malheur des siens, en plus d'être autant l'auteur que le sujet principal du droit international classique, les organisations internationales travaillant au sein de cet Etat n'ont pas à bouleverser les pratiques en vigueur en matière de gestion des ressources humaines. Elles s'en tiennent à réaliser les activités qui entrent dans le cadre de leurs planifications stratégiques et opérationnelles, sans plus.

En d'autres termes, si le gouvernement ne leur spécifie pas, en termes clairs, d'introduire dans leurs politiques de gestion des ressources humaines locales le principe d'équilibre ethnique, les organisations internationales n'ont pas à le faire sous prétexte de vouloir donner les mêmes chances à toutes les composantes ethniques du pays.

Dans ces ONG, la prise en compte explicite du facteur ethnique dans la gestion du personnel local est complètement évacuée. Les responsables se veulent les chantres de la neutralité. Même si la donne ethnique constitue un phénomène transversal à tous les domaines de la société burundaise, ils choisissent délibérément de ne pas voir l'impact qu'elle peut avoir sur la réalisation des objectifs des organisations. Ils sont convaincus que l'instauration d'un système de recrutement du personnel transparent et axé sur la compétence, et de la mise en place de grilles d'évaluation pour opérer les avancements, constituent des gages de justice sociale.

54 BETTATI Mario, Idem.

Mais quelle est l'incidence de ces deux approches sur les relations professionnelles au sein des ONG internationales opérant au Burundi ?

Chapitre III
Incidence des modèles managériaux sur les relations
professionnelles dans les ONG internationales

Les différentes approches de management des équipes locales en vigueur dans les ONG internationales, qu'elles soient explicites ou tacites, ont forcément une incidence sur les relations professionnelles. Dans les faits, il n'est pas aisé de percevoir de prime abord, l'effet de tel ou tel autre style managérial sur le climat social des différentes ONG en raison de la complexité des comportements humains dans un contexte de conflit ethnique latent. Toutefois, deux tendances semblent se dégager globalement. Elles épousent les approches managériales que nous avons identifié dans le chapitre précédent : l'acceptation affichée de l'altérité conséquence de l'approche Do no Harm combinée au modèle de management interculturel, et la négation du problème ethnique produit du principe de non ingérence.

En réalité, les deux types de comportement ne sont pas si tranchés, en dépit des apparences. Elles s'imbriquent et s'interpénètrent en fonction des contextes et des événements. Ce sont des comportements de situation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand