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Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

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par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

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III-2- Quand des ONG internationales défendent le principe de non ingérence...

L'apologie du principe de non-ingérence dans les affaires internes de l'Etat par les responsables de certaines ONG internationales au Burundi a de quoi désarçonner l'observateur de l'action humanitaire internationale. Ce principe est généralement invoqué par les Etats dans les relations internationales lorsqu'ils estiment que leur souveraineté est menacée par des intentions interventionnistes d'autres Etats ou de la communauté internationale.

Mais de façon régulière et systématique depuis la fin des années 1980, les organisations humanitaires ont plutôt recours à la notion de droit ou de devoir d'ingérence pour justifier des interventions visant notamment la protection des droits fondamentaux d'une population opprimée par un Etat. Le cas du Burundi où des ONG internationales brandissent le principe de non ingérence pour expliquer leur position réservée sur une question sensible est un cas inédit.

Les responsables de ces ONG estiment que la gestion des rapports interethniques relève de la responsabilité de l'Etat et que, de ce fait, il est inopportun de s'en mêler. Ce qui importe pour eux c'est l'atteinte des objectifs. Ils fustigent le système des quotas ethniques institutionnalisé dans certaines organisations humanitaires. Interprétant le principe de non-discrimination contenu dans la plupart des chartes des ONG, ils considèrent que faire un recrutement en incorporant dans les profils des critères ethniques, c'est ni plus ni moins de la discrimination et une violation des chartes.

La politique de gestion des ressources humaines appliquée est celle qui met en avant la compétence exclusivement de toute autre considération. Elle se décline sous trois axes :

Le recrutement ;

La formation ;

 

La promotion.

Concernant le recrutement, il s'agit de lancer une offre d'emploi publique à laquelle toutes les personnes qui répondent aux critères spécifiés peuvent postuler. La sélection se fait en fonction de critères tels que le niveau d'études, les qualifications et l'expérience. Les candidats qui correspondent le mieux au profil sont présélectionnés indépendamment de leur religion, de leur sexe, de leur appartenance ethnique et de tout autre considération. À l'issu de la présélection, la short-list des gens qui sont invités à participer à des entrevues et à des tests techniques est affichée. Les entrevues et les tests passés, les candidats ayant les meilleures notes sont ainsi retenus et sont intégrés dans leurs postes.

Pour ce qui est de la formation, deux étapes sont à observer :

L'identification des besoins en formation : c'est le recueil des besoins en formations. Les besoins sont collectés sur différentes bases et sont priorisés selon l'urgence de la formation, du poste qui requiert cette formation, etc. ;

La réalisation des formations : il y a des formations internes que les experts de l'ONG font eux-mêmes, et des formations externes réalisées par des Cabinets spécialisés.

Concernant la promotion, lorsqu'il y a un poste disponible à un degré quelconque, même quand une offre d'emploi externe a été lancée, les salariés de l'ONG peuvent y postuler. Par ailleurs, en cas d'ouverture d'un poste supérieur et qu'il y a un salarié qui présente des aptitudes, qui a accumulé assez d'expérience, il peut l'occuper selon les résultats de son évaluation. C'est en fonction des évaluations internes qui sont faites annuellement que les responsables déterminent et jaugent les performances individuelles des employés.

En fait, ces organisations disposent juste d'un système de gestion du personnel. Mais un système de gestion du personnel n'est pas une politique de gestion des ressources humaines. Contrairement au premier type d'ONG évoqué, ici, les responsables se limitent aux aspects purement techniques liés à la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, promotion, salaires, etc.) ; mais

ignorent volontairement tout ce qui a trait au « symbolisme organisationnel56 » en rapport avec les interactions qui se font jours entre efficience, climat social, intériorisation des valeurs organisationnelles, conflits, staff motivation et sentiment d'adhésion ou de loyauté. C'est ainsi que la dimension identitaire des relations professionnelles est complètement évacuée.

Dès lors, créer ou modeler les comportements, les attitudes et les systèmes de valeurs, ou alors, développer des mécanismes pour déjouer les résistances issues des traditions locales (notamment les pesanteurs ethniques) sont des aspects qui sont loin d'être au centre des préoccupations des managers de ces ONG. Il en est de même de la connaissance des enjeux politiques et économiques, des rapports de forces entre les différentes composantes de l'espace public local, etc. Le management interculturel semble être un concept abstrait que personne ne veut comprendre. Pourtant, tous ces éléments, au-delà même de la compréhension du fait ethnique, sont de nature à permettre aux responsables des ONG de cerner les catégories mentales du personnel local et d'anticiper sur d'éventuels blocages dans le fonctionnement de la structure.

La mobilisation même du principe de non-ingérence pose problème. En effet, s'il faut parler d'ingérence dans un domaine donné, cela implique que l'Etat ait fait de ce domaine une chasse gardée. En d'autres termes, il faudrait que cela touche au libre exercice des compétences reconnues à l'Etat par le droit international, c'est-à-dire, qu'il a sur son territoire l'exclusivité et la plénitude de compétences seulement limitées par ses engagements internationaux. Or, en matière de pluralisme ethnique, l'Etat Burundais est assez avant-gardiste : suite aux accords de paix d'Arusha, le système des quotas ethniques et de parité dans les institutions nationales (Parlement, gouvernement, armée, police nationale, sénat) est inscrit explicitement dans la loi organique.

A titre d'exemple, la composition du Sénat telle que prévue dans l'article 163 de la loi organique est établie comme suit : « 1) deux délégués de chaque province, élus par un collège électoral composé de membres des conseils communaux de la province intéressée, provenant de communautés ethniques et de familles politiques

56 STANKIEWICZ François, Economie des ressources humaines, La Découverte, Paris, 1999.

différentes et élus par des scrutins distincts ; 2) trois personnes issues de l'ethnie Twa ; 3) les anciens chefs d'Etat. En tout état de cause, le nombre de sénateurs, paritaire ethniquement et politiquement, ne peut être supérieur à cinquante quatre. »57 Dans un pays où les équilibres ne se font pas automatiquement, il a fallu forcer la main aux protagonistes politiques pour que tous les citoyens qui en sont capables puissent avoir la possibilité d'accéder à des postes de responsabilité dans les institutions étatiques et les entreprises publiques ou parapubliques. A la lecture de l'article précédente, on se rend ainsi compte que les pygmées Twa bénéficient d'une affirmative action.

De quelle non ingérence parlent alors les responsables de ces ONG internationales ? Leur compréhension de ce principe semble être diluée. Dans tous les cas, les incidences de cette politique de négation du fait ethnique sont palpables. Concrètement, il s'est opéré une sorte d'homogénéisation ethnique des personnels locaux de ces organisations. Malgré toutes les précautions prises pour opérer un team building basé sur des critères objectifs, le risque de mono polarisation des équipes locales est très élevé. Cela tient de la méconnaissance des éléments contextuels locaux par certains managers expatriés.

L'erreur fondamentale que font ces derniers, c'est de croire que leurs homologues ou collègues Burundais obéissent à une même rationalité que la leur. Dans un contexte local aussi diffus, avec des catégories mentales et systèmes de valeurs aussi hermétiques sur la question ethnique, les théories rationnelles et classiques de management des ressources humaines qu'ils ont apprises dans les universités deviennent inopérantes face à la complexité des logiques qui animent les employés Burundais.

Plus grave, ces managers n'ayant pas pris la peine d'étudier en profondeur les acteurs et les facteurs de leur milieu d'intervention pour déterminer les menaces et les opportunités, ils ont une vue caractérisée par des clichés et des étiquetages de toutes sortes sur telle ou telle autre ethnie du Burundi. Leurs opinions sont fondées sur les informations soigneusement sélectionnées par leurs collaborateurs

57 Constitution de la République du Burundi

Burundais. Ils deviennent ainsi dépendants de leurs interprétations et analyses parfois partisanes du réel.

Dans les staffs locaux de ces ONG, l'homogénéisation ethnique semble s'opérer naturellement. Les managers expatriés n'intervenant pas sur la variable ethnique, elle devient l'apanage des cadres locaux. La politique officielle de ces organisations leur convient parfaitement : « les ethnies n'existent pas au sein des organisations, il n'y a que des Burundais ». Une telle déclaration, dans un autre contexte, serait peut- être le signe de la volonté des managers de rassembler les personnes des différentes ethnies, de les inviter à dépasser les clivages ethniques, etc. Mais dans le contexte burundais, elle peut être sujette à une multitude d'interprétations.

C'est ainsi que dans certaines ONG dans lesquelles, du planton jusqu'au plus haut cadre des employés Burundais, tous étaient d'une même ethnie, les cadres locaux rencontrés lors de nos enquêtes affichaient un air des plus outrés lorsque nous envisagions le fait qu'ils puissent privilégier les personnes de leur ethnie. « Nous ne regardons pas l'ethnie des gens, nous sommes tous des Burundais... », nous déclaraient-ils d'un air offusqué. Pourtant l'existant parlait de lui-même.

Face à une telle situation où les symptômes de l'ethnicité au sein du personnel local se développent tout en finesse tel un cancer, les managers expatriés sont quelque peu dans le désarroi.

Chapitre IV

Le désarroi du manager expatrié face à la complexité

des logiques des employés locaux

Les difficultés qu'éprouvent les responsables expatriés des ONG internationales à définir des politiques appropriées de gestion du personnel local sont directement liées à la complexité du contexte d'après guerre civile qui prévaut au Burundi dont la composante ethnique échappe à leur lecture souvent réductrice de la réalité locale.

IV-1- La difficile compréhension des éléments du contexte local par
les managers des ONG internationales

Loin des luttes interétatiques plus ou moins bien encadrées par le droit des conflits armés, la guerre civile au Burundi a été particulièrement brutale. Par nature, la guerre civile a pour moteur la haine de l'autre et exige son anéantissement. Pour y parvenir, tous les moyens seront utilisés, le but des combattants étant de terroriser les populations civiles afin qu'elles s'exilent d'elles-mêmes. La guerre civile implique en effet la défaite absolue et totale d'un des camps car dans un tel conflit interne on assiste à « un processus de séparation de populations dressées les unes contre les autres, dans lesquelles les intérêts des protagonistes sont à l'aggravation continuelle de la situation et non à l'apaisement ; l'objectif final étant la disparition de « l'autre » »58 . C'est dans ce contexte où la haine ethnique est instrumentalisée de part et d'autre que les ONG internationales sont amenées à évoluer avec, en leur sein, un personnel local quotidiennement confronté aux problèmes d'ethnicité, voire d'ethnisme.

Une des difficultés majeures pour les responsables de ces organisations réside alors dans leur lecture erronée des comportements tribalistes des employés locaux ; tellement les stratégies des uns et des autres sont bien élaborées. A partir de ces données de départ la facilité voudrait qu'on se désintéresse complètement de la variable ethnique dans la gestion des ressources humaines, comme le font certaines ONG. Mais peut-on s'en désintéresser alors qu'elle fait partie des Problèmes à résoudre pour arriver à une paix durable ?

En effet, la fin des hostilités que connaît le pays actuellement ne signifie en rien que
la paix soit acquise. Bien au contraire, l'expérience a montré qu'il existe en général
une chance sur deux pour qu'un conflit reprenne. Pour comprendre ce paradoxe il

58 http://www.solidarité-international.com/ POMES Eric J., « Les opérations de maintien de la paix : des relations ONG / Nations-Unis / Etats à approfondir » in Géoéconomie, 16 mars 2006

faut s'attacher à la définition de ce qu'est un conflit. Un conflit peut être défini comme « la poursuite de buts incompatibles par différents groupes » ; ou alors, comme la « présence simultanée de motivations inconciliables ou contradictoires »59. Ainsi, un conflit n'est résolu définitivement qu'autant que les causes profondes de celui-ci ont été comprises et désamorcées.

Le retour de la volonté de vivre ensemble nécessite par ailleurs une réelle réconciliation qui passe notamment par le dialogue et la justice. Cette phase critique, pour un retour de la paix, est la phase de reconstruction. Il s'agit en fait pour les ONG internationales d'aider l'Etat à réussir sa transition de la guerre à la paix sans qu'aucune partie ne se sente lésée. Cette reconstruction est d'autant plus importante qu'il existe un lien fort entre le développement et la fin de la violence. Mais ces organisations peuvent-elles remplir cette mission si elles n'arrivent pas à cerner, en leur sein même, les logiques et les dynamiques ayant conduit à la guerre civile ?

Le levé de bouclier que nous avons observé dans certaines de ces organisations dès que nous abordions le sujet de l'ethnicité dans les relations professionnelles montre bien combien leurs responsables semblent être déconnectés de la réalité. Une omerta sur le sujet paraît régner dans beaucoup d'ONG internationales. Mais si une bonne partie des managers expatriés paraissent être unanimes quant à la posture de retrait à prendre à l'égard de la variable ethnique, les employés Burundais, quant à eux, n'entrent pas dans cette logique.

Certes, ces derniers ne crient pas sur les toits leurs opinions en la matière. Mais au- delà de cette réserve affichée, des postures parfois tranchées sont discernables. Le champ de l'ethnique ayant été laissé libre par la hiérarchie, il devient une zone d'ombre dans laquelle se déploient les stratégies des employés locaux pour la maîtrise des circuits décisionnaires de l'organisation. Contrairement au managers expatriés, pour les locaux, l'ethnicité représente un enjeu réel. En filigrane, c'est le contrôle des sources de richesse qui se joue, l'ONG étant perçue comme « une source intarissable d'argent à laquelle il faut obligatoirement venir puiser »60.

59 "conflit." Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.

60 Propos d'un enquêté

Dans ces conditions, les responsables expatriés des ONG sont bien partis pour « ne pas comprendre grande chose » à la mentalité des Burundais, comme nous l'a avoué un avec dépit : « [...] les Burundais sont très compliqués, personne ne dit ce qu'il pense réellement. »

En réalité, la majorité des employés locaux de ces organisations sont loin d'avoir un comportement tribalistes de manière permanente. Toutefois, ils sont parfois contraints de prendre position en réaction aux attitudes hostiles de certains de leurs collègues. Même ceux que nous avons appelé les « irréductibles » dans le chapitre précédent, nous avons vu qu'ils attendent les moments de crises pour exprimer ouvertement leur inimitié envers les « autres ». Nous sommes, selon toute vraisemblance, face un à ethnisme situationnel s'exprimant à l'occasion de pics émotionnels individuels ou collectifs liés à l'ethnie.

Mais tout cela n'empêche pas que, de manière continuelle, l'ethnicité61 reste prégnante dans les manières de faire des uns et des autres, cela de façon à peine perceptible. Cet état de choses est en partie dû au conditionnement social. Le groupe d'origine s'impose à l'employé local et lui imprime des comportements considérés comme normaux. Les individus qui vont outre ces « règles » communautaires non écrites et non dites s'exposent au risque d'être marginalisés par le groupe. C'est ainsi qu'on observera avec suspicion une amitié ouvertement affichée entre deux individus issus de deux ethnies différentes. En conséquence, ils n'auront plus accès aux informations jugées sensibles de la part des collègues de leurs groupes ethniques respectifs, de peur qu'ils n'en soient des vecteurs vers l'autre « camp ».

On voit ainsi que la pression du groupe d'origine sur l'employé est très forte, de telle façon que, même s'il est de type coopératif, il s'oblige à ménager les susceptibilités de ceux qu'il considère comme étant ses « semblables » sur le plan identitaire. Mais cette pression ne s'exprime pas de manière ouverte. Elle est d'autant plus contraignante pour les individus qu'elle se déploie de manière sous-entendue car, dans la conscience collective des Burundais, le sous-entendu est largement plus parlant que l'entendu.

61 L'ethnicité est à différencier de l'ethnisme. Cf. définitions des termes

Cependant, cette attitude est moins marquée chez les employés des ONG pratiquant déjà le management interculturel. La zone d'ombre que constitue le champ de l'ethnique y est moins étendue car déjà investie par la hiérarchie. Pratiquement contraints à collaborer avec les « autres », les systèmes de valeurs des employés locaux subissent des modifications, ne serait-ce que de manière superficielle, et les consciences individuelles intériorisent des éléments de la culture organisationnelle. Mais, même dans ces ONG, des pans entiers des catégories mentales des locaux échappent à la compréhension des managers expatriés.

En toute état de cause, les employés locaux ont la parfaite maîtrise de la variable ethnique et savent en user avec dextérité dans les relations professionnelles. Beaucoup d'enquêtés nous ont confirmé l'existence d'un tel phénomène, comme nous l'a dit un cadre burundais :

« Il y a un climat de concurrence teinté d'ethnicité pour l'accès aux postes de responsabilité car ce sont des postes pour lesquels, quand tu y accèdes, tu as des avantages ; la concurrence elle est là, c'est clair. Les Burundais nous avons un caractère..., les uns disent que c'est un peuple ironique... C'est un peuple qui très rarement manifeste dans la rue, mais il y a des crises profondes que les gens vivent au fond d'eux mêmes et qui souvent, éclatent profondément ou bien quand ça éclate, officiellement ou extérieurement ça n'apparaît pas forcément. La preuve en est que, quand ça a éclaté vraiment, les gens se sont entrecoupé les têtes [...] .ça se vit comme ça au boulot ; tu vas voir une personne venir appeler l'autre parce qu'elle sait qu'elles ont cette affinité ethnique, et elles vont aller à côté et vont parler entre les oreilles, et puis après ils vont revenir, personne ne te dira ce dont ils ont parlé, tu vois ? C'est comme ça qu'au boulot ça se fait. Il y a eu des postes qui étaient donnés à certains mais qui n'étaient pas donnés aux autres, ça se faisait comment ? Est-ce que ça se faisait officiellement en disant on ne donnera pas ceci à celui là ? La présélection s'est toujours faite dans la clandestinité, ça a été un apartheid clandestin et ça se vit dans les coeurs des gens. »

Les différentes postures des managers expatriés n'arrivent pas à endiguer le phénomène. Cela paraît logique car, de par les blessures et les stigmates profonds (physiques et symboliques) laissés par plusieurs années de conflit, il est normal que beaucoup de Burundais agissent encore suivant un sentimentalisme ethnique, sans que cela ne soit forcément un déterminisme social.

Il faut en effet nuancer le propos car la pression du groupe est loin d'être un facteur explicatif dominant. Si l'on peut admettre que le sentimentalisme ethnique puisse être mobilisé dans les relations interindividuelles par les masses populaires, il n'en est pas de même pour ceux qui comptent parmi les plus instruits des Burundais. Les ONG et les autres organismes internationaux, en raison de leurs salaires attrayants et de leurs critères de recrutement axés sur la compétence, emploient une bonne partie de l'élite locale. Il est ainsi difficile d'imaginer que ceux-ci convoquent systématiquement l'ethnicité par pure sentimentalisme ou atavisme.

Le problème est plutôt à analyser sous un angle utilitariste. L'ethnicité n'est en fait qu'une ressource, parmi tant d'autres, au service des employés locaux pour accéder à la richesse matérielle et symbolique. L'observation des comportements de la catégorie d'employés que nous avons appelé les « joueurs » nous conforte dans cette idée. Pour ceux-ci, avoir un poste de responsabilité dans une organisation internationale, autant que dans une institution étatique, relève du domaine du prestige, en tant que « considération plus ou moins forte dont bénéficient des personnes ou groupes de personnes en fonction de leur pouvoir, de leur richesse ou de leur statut social »62.

Il découle de ce qui précède que le travail dans les ONG internationales est porteur de pouvoir pour ses détenteurs. L'exercice du pouvoir, quel qu'il soit, étant par nature limitée selon les circonstances à un groupe restreint de personnes, il ne saurait être ouvert à la multitude. C'est ainsi que des modes de sélection souterraines sont élaborés pour y accéder. Dans une société marquée par l'omniprésence de l'ethnicité dans la constitution des réseaux sociaux, il n'est nullement irrationnel que les plus rationnels des acteurs instrumentalisent l'ethnicité en tant qu'outil, au sens le plus vulgaire du terme, pour restreindre l'accès au pouvoir. Tout autant que l'ethnie, si la religion était un élément dominant dans la société burundaise, il n'en aurait pas été autrement.

En principe, les managers qui auraient compris ce qui précède devraient à leur tour,
pouvoir élaborer sereinement des stratégies pour que le facteur ethnique n'entrave

62 FERREOL Gilles et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand Collin, Paris, 2004, 242 p.

pas le fonctionnement de leurs organisations. Mais dans les faits, beaucoup d'entre eux ont une peur viscérale de tout ce qui a trait à l'ethnie. Suite à des expériences traumatisantes vécues lors du génocide au Rwanda en 1994, on estime, dans certaines organisations, qu'aborder la question de l'ethnicité dans les relations professionnelles créerait un malaise profond et de la suspicion au sein du personnel local. Pour d'autres organisations, par contre, c'est en parler qui constituerait la clé pour démystifier le sujet et l'extirper, une fois pour toutes, des relations professionnelles dans le milieu des ONG.

Ce qui apparaît au final, c'est l'existence d'une certaine cacophonie en matière de gestion des ressources humaines, notamment sur la question ethnique, dans le secteur des ONG au Burundi. Pourtant, la quasi totalité de ces ONG sont membres ou observateurs du RESO comme nous l'avons relevé au chapitre premier. Les ONG réunies au sein de ce réseau se réunissent tous les premiers lundi de chaque mois pour harmoniser leurs interventions sur le terrain. Dans le cadre de ces séances de travail, il leur arrive d'aborder des thèmes liés à la gestion des ressources humaines locales. Mais suite à l'omerta qui semble régner dans le milieu, la question ethnique dans les relations professionnelles n'est jamais abordée. On se limite à la définition des « meilleurs procédures et processus » pour amener les équipes locales déployées sur le terrain à orienter leurs activités vers l'atteinte des résultats, etc.

En conséquence, c'est chaque ONG en cavalier solitaire, qui gère en interne les externalités (pour autant que ses responsables se soient rendus compte de leur existence) liées à la mobilisation de l'ethnicité dans les rapports humains au travail par les employés locaux. Mais tant qu'il n'y a pas de politique concertée entre organisations non gouvernementales pour aplanir cette problématique, les employés locaux surfent paisiblement sur la vague ethnique en codifiant progressivement les circuits de l'emploi dans ces organisations. En effet, l'absence de normes acceptées par tous en la matière laisse la place à une « normalisation informelle » parfois imbibée de logiques ethnicistes non explicites.

Si la mobilisation de l'ethnicité est avérée au sein des staffs locaux des ONG internationales, la responsabilité des cadres expatriés dans sa consolidation en underground n'est pas aussi clairement établie.

IV- 2- La « socialisation ethnique » des cadres expatriés des ONG
internationales

Lorsque nous analysons le discours des différents cadres expatriés des ONG que nous avons rencontrés, on constate qu'ils se drapent sous une neutralité et une objectivité, par rapport à la question ethnique, qui seraient à toute épreuve. Etant des étrangers, ils se considèrent également comme étant étrangers au conflit. Interrogés sur leurs motivations à s'engager dans l'humanitaire au Burundi, 2/5ème d'entre eux avancent des raisons philanthropiques et humanistes. Seulement quelques uns reconnaissent avoir été intéressés par les opportunités professionnelles et d'aventure que leur offre l'action humanitaire au sein des ONG internationales.

Les cadres expatriés des ONG internationales seraient ainsi des chantres de l'objectivité. Mais au delà de ce discours, on ne peut s'empêcher de se poser une question : comment, dans une société où l'objectivité sur la question ethnique est la chose la moins partagée, les expatriés vivant en son sein réussiraient-ils à conserver la virginité de leur neutralité pudique en matière d'ethnicité ? Une définition de l'objectivité nous fournit un éclairage la dessus. L'objectivité est une « attitude, disposition d'esprit de celui qui « voit les choses telles qu'elles sont », sans préjugés ni parti pris ». C'est la « valorisation des idéaux de désintéressement, de mise en commun et d'universalité. Une rupture avec le sens commun, les apparences, le monde du vécu, ... »63

Ainsi, un idéal que les sociologues, depuis Durkheim, ont toujours cherché à approcher sans réussir véritablement à l'atteindre, les cadres expatriés des ONG internationales au Burundi le vivraient pleinement. L'on serait donc tenté de dire que ces derniers sont les premiers des sociologues, tous sans exception. Mais le réel ne saurait souffrir d'une lecture aussi simpliste.

Loin de nous l'idée de mettre en doute leur bonne volonté, nous remarquons juste que dans l'histoire du Burundi, rare sont les étrangers (occidentaux) qui sont entrés en contact avec la société burundaise et en sont partis sans que leurs consciences individuelles ne soient profondément marquées et imprégnées par les tendances

dominantes en matière de représentations collectives sur l'ethnie. Depuis la période coloniale, nombreux sont les ethnologues et autres pseudo scientifiques qui ont cru déceler des caractéristiques physiques et culturelles spécifiques dans les deux principales ethnies du Burundi, véhiculant plus les idéologies raciales (voire racistes) alors en vogue en Occident vis à vis des peuples d'Afrique. Il suffit de lire les théories fallacieuses sur les peuples du Burundi et du Rwanda des plus célèbres d'entre eux, à l'instar de Mgr. J. GORJU64, le Père Bernard ZUURE65, Hans MAYER66, Pierre RYKMANS67 , ou encore E. SIMONS68 pour s'en convaincre définitivement. Défendant une approche dite évolutionniste dans leurs « analyses » des faits ethniques, ils avancent notamment que les clivages ethniques observés au Burundi et au Rwanda seraient un phénomène naturel et atavique, le fait de populations encore « sauvages », poursuivant leur évolution vers les sociétés civilisés...

Les spéculations mentales de ces missionnaires et coloniaux convertis en ethnologues ayant été élevées au rang de théories scientifiques contribuèrent à cristalliser et à consolider les divisions ethniques qui déchirent la région des Grands Lacs aujourd'hui. Pourtant, c'est de ces mêmes lectures qu'est nourri le simple citoyen occidental lorsqu'il daigne s'intéresser à l'histoire et aux cultures des peuples des Grands Lacs.

Il est ainsi clair que, à l'arrivée au Burundi, les cadres expatriés se font déjà une certaine idée du Burundi et de son peuple, de par les recherches documentaires qu'ils font obligatoirement avant de regagner leurs postes d'affectation, et les récits des collègues ayant déjà effectué des séjours plus ou moins prolongés dans ce pays. Une fois sur place, ils chercheront tout simplement à infirmer ou à confirmer leur « connaissances » sur le pays auprès de leur collègues Burundais. On comprend par là combien il est important pour les cadres Burundais d'être parmi les hommes de confiance du coordinateur expatrié car, de la peinture qu'ils lui feront de

63 FERREOL Gilles et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand Collin, Paris, 2004, 242 p.

64 GORJU J., En zigzag à travers l'Urundi, Mission d'Afrique, Anvers, 1927 ; et Face au royaume hamite du Rwanda. Le royaume frère de l'Urundi, Vramart, Bruxelles, 1938

65 ZUURE B, L'âme du Murundi, Gabriel Beauchesne et ses fils, Paris, MCMXXXII

66 MAYER H., Les Barundi : Une étude ethnologique en Afrique orientale, (trad. de l'Allemand par Françoise Willmann : éd. Critique présentée et annotée par Jean Pierre CHRETIEN), Société française d'Histoire d'Outre-mer, Paris, 1984

67 RYCKMANS P., Une page de l'histoire coloniale. L'occupation allemande dans l'Urundi, Bruxelles, 1953 ; et Dominer pour servir, Bruxelles, 1931

la réalité locale dépendra la lecture qu'il en aura. Cela peut être déterminant dans l'orientation qu'il donnera à la gestion des ressources humaines.

Plus concrètement, si cette peinture de la réalité locale est faite sur un fond ethnique en défaveur de telle ou telle autre ethnie, il faudrait qu'il soit solidement préparé, notamment sur le plan académique et de l'expérience du terrain, pour ne pas céder aux sentiments d'antipathie, de sympathie ou de compassion. Et si d'aventure, il lui arrivait de vivre des expériences malheureuses répétées, impliquant des personnes d'une certaine ethnie, cela ne pourrait que sceller définitivement le sens de son jugement.

« [...] Au bout de trois ans ici, je n'arrive pas encore à distinguer qui est de telle ethnie ou de telle autre ». Cette déclaration constitue l'une des phrases que nous avons le plus entendues lors de nos entretiens avec les managers expatriés. En s'exprimant ainsi, nos interlocuteurs tentaient de nous démontrer à quel point ils ne veulent pas s'ingérer dans des problèmes exclusivement burundais. Pour eux, aller jusqu'à ignorer l'identité de leurs collaborateurs directs serait un gage de neutralité.

Mais à travers cette déclaration, on perçoit distinctivement un refus de s'exprimer sur un sujet qu'ils disent pourtant considérer comme étant un non problème. Parfois, nous étions même confrontés à des résiliations de rendez-vous d'entretien, sous prétexte de manque de temps, dès que nos interlocuteurs prenaient connaissance du thème de notre recherche. Cette attitude que nous observions, jusque là, chez nos enquêtés Burundais, nous donnait de précieux indicateurs quant à la réelle perception que certains managers expatriés ont de la question ethnique dans la gestion des ressources humaines locales.

Forts de toutes ces observations, nous pouvons avancer que les managers expatriés des ONG internationales opérant au Burundi, aussi bien ceux adoptant l'approche interculturelle que ceux invoquant le principe de non ingérence, jouent un rôle de premier plan dans le jeu de dupes qui met en scène, dans ces organisations, les différents groupes ethniques engagés dans la « lutte » pour la maîtrise des sources de richesse. Ils ont le beau rôle qui est celui d'arbitres, les uns en usant

68 SIMONS E., « Coutumes et institutions des Barundi », in Bulletin des juridictions indigènes et du

d'interventionnisme, pendant que les autres se mettent en retrait en faisant fi de ne pas voir les enjeux qui se jouent. Les premiers veulent imposer les équilibres tandis que les seconds favorisent (peut-être inconsciemment) le maintien des déséquilibres, préférant la sécurité du statu quo à l'imprévisibilité du changement.

Dans le discours des deux catégories de managers, on perçoit un soupçon de paternalisme à l'égard de l'employé Burundais. Il est décrit comme étant très renfermé sur lui-même, caractérisé par la duplicité dans les relations interindividuelles. Il serait alors question que les responsables expatriés des ONG, auréolés de leur objectivité et de leur bon sens, amènent les employés locaux qui sont sous leur leadership, à plus d'ouverture sur le monde, à plus de tolérance, etc. Il ne semble pas leur venir à l'idée que parfois la mobilisation de l'ethnie par les locaux dans les relations professionnelles comme dans la vie de tous les jours, loin d'être un atavisme culturel, n'est qu'un instrument comme tant d'autres, de positionnement sur les différents échiquiers de la vie en société.

En réalité, les expatriés sont parfois pris en otage par les cadres locaux. Pensant être au dessus de la mêlée, ils ne se rendent pas compte qu'ils constituent la pièce maîtresse dans le jeu auquel se livrent ces derniers. En effet, ayant réussi à s'ériger en « collaborateurs de confiance », les cadres locaux sont ceux qui manoeuvrent dans l'ombre, toujours prêt à donner des conseils avisés à la hiérarchie étant donné qu'ils maîtrisent mieux les éléments du contexte local. Ainsi, selon qu'ils sont « coopératifs », « joueurs » ou « irréductibles », en matière de gestion des ressources humaines, ils peuvent faire pencher la balance en influant sur les décisions de recrutement. Ils ne sont pas ceux qui décident, mais leur avis compte dans la décision finale. En fin de compte, qu'importe l'objectivité du choix opéré, à partir du moment où la décision finale est endossée par le responsable expatrié de l'ONG, elle jouit d'une neutralité indiscutable auprès de l'opinion et des bailleurs de fonds.

On voit ainsi que, bon gré mal gré, les managers expatriés, de par les choix de
gestion des ressources humaines opérés, contribuent à raffermir ou à réduire les
conditions de relance du conflit en renforçant ou non, indirectement, le pouvoir

droit coutumier congolais, Elisabethville, N° 7-12, 1943-1944

économique de certains groupes plus que d'autres. Il faut cependant relativiser l'impact du phénomène qui ne s'observe peut-être qu'à un niveau microscopique d'un secteur parmi tant d'autres de la vie socio-économique du Burundi : le secteur des ONG internationales.

IV-3- Les perspectives de la question ethnique dans le management des
staffs locaux

Pour endiguer les manifestations négatives de l'ethnicité, est-il possible de trouver une approche idéale de management des ressources humaines locales ? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. En effet, nous avons vu que les comportements et les attitudes des employés locaux en la matière sont fluctuants en fonction des données du contexte ; c'est ainsi que nous avons parlé de comportements de situation.

En réalité, il n'y a pas d'approche idéale ; confrontés aux problèmes d'ethnicité au sein du personnel, les managers qui réussissent le mieux sont ceux qui savent adapter leur politique aux exigences de l'environnement. Ils se doivent ainsi d'avoir à l'esprit deux éléments essentiels :

Atteindre les objectifs des projets mis en oeuvre par les ONG ;

Ne pas créer ou contribuer à créer les conditions de déclenchement ou de relance du conflit ethnique dans la société globale. Il peut sembler exagéré d'avancer que les politiques de gestion des ressources humaines appliquées dans quelques ONG internationales puisse avoir un quelconque impact sur le contexte socio-politique et économique d'un pays. Mais lors de la présentation des différentes approches, surtout celle du « Do No Harm », nous avons vu dans quelle mesure un tel scénario est envisageable.

Il est alors question d'élaborer ponctuellement des stratégies flexibles aux moments les plus sensibles de la gestion du personnel. Dans le cas concrets des ONG internationales au Burundi, quelque soit l'approche préconisée, nous identifions les moments suivants comme étant sensibles lorsqu'ils sont mis en rapport avec la question de l'ethnicité :

Le recrutement (dans toutes ses huit phases69)

L'évaluation : c'est une étape d'une sensibilité extrême car d'elle dépendra l'évolution de la carrière de l'employé au sein de l'organisation ; des manoeuvres subjectives peuvent ainsi voir le jour en faveur ou en défaveur de certaines personnes.

L'avancement (promotion)

Les moments de conflit (cas des employés de type irréductibles évoqués dans le chapitre III)

Etant donné que les employés locaux dans leur majorité accordent une certaine attention au facteur ethnique dans leurs relations interindividuelles, le manager de l'ONG ne peut pas complètement ignorer cette donne car elle est de nature à influer sur le rendement au travail. Tout en gardant sa supposée neutralité, il est possible qu'il définisse les processus et les procédures devant garantir l'équité en matière d'ethnicité dans la prise de décisions lors des moments sensibles que nous venons d'identifier ci-haut. Mais dans les faits, c'est la capacité du manager à faire une appréciation juste du contexte ou de l'environnement qui est déterminante dans la prise en compte ou non du facteur ethnique en matière de gestion des staffs locaux.

Toutefois, si les ONG internationales inscrivent leurs projets humanitaires et de développement dans la dynamique et la logique de la construction d'une société multiethnique réconciliée avec son histoire, il semble inévitable de mettre un accent particulier sur le caractère multiethnique qui doit être inhérent à chaque équipe sur le terrain.

Néanmoins, il ne suffit pas de construire une équipe multiethnique pour prétendre régler le problème ; encore faut-il savoir en gérer les soubresauts et les zones de turbulence. En effet, lorsque les membres d'une même équipe sont issus de plusieurs ethnies supposées être en situation de belligérance sur le plan politique, il est inévitable que des conflits interindividuels ou intergroupes naissent. Mais cela n'est pas une fatalité ; une équipe, aussi homogène soit-elle est forcement confrontée à des moments de crise et de conflits relationnels.

69 Cf. Chapitre I, pages 35 et 36

S'il est avéré que le conflit entraîne un certain nombre de désagréments pour les individus comme pour l'organisation, il est aussi de plus en plus admis que le conflit n'est pas forcement porteur d'éléments négatifs. Au contraire, il offre une lecture du changement ; il permet au manager de connaître les problèmes qui minent le staff et de les résoudre de la meilleure manière qui soit. Il met également en lumière les rapports de forces entre les acteurs (membres de l'équipe), les enjeux et les stratégies que les uns et les autres mettent en oeuvre.

Les situations conflictuelles sont toujours instructives pour le manager. En effet, les stratégies déployées par les membres du staff donnent une idée du pouvoir réel dont ils disposent. A partir de ces données de base, il peut ainsi connaître les racines probables des dynamiques négatives ainsi que leur degré de nuisance.

Ainsi, dès lors que le manager identifie le facteur ethnique comme étant l'une des clés du conflit, il lui appartient de savoir le comportement adéquat à adopter pour maintenir les membres de l'équipe orientés vers l'atteinte des objectifs. Il est vrai que cela est sensiblement plus facile à dire qu'à mettre en application. C'est alors en ce moment que le manager doit véritablement jouer l'un de ses rôles : effectuer des choix, « manipuler » les hommes dans le but des les amener à atteindre les objectifs désirés. C'est une gymnastique qui relève presque de l'art.

Au-delà des ONG internationales, il est tout de même impératif que la réflexion sur la question ethnique dans le management des ressources humaines locales soit menée au niveau des instances étatiques compétentes. Si les managers de ces organisations ont tant de mal à définir des politiques qui conviennent au contexte particulier de l'après conflit ethnique, c'est également parce qu'il y a un vide juridique sur la question pour ce qui concerne les ONG internationales. Mais lorsque l'on sait à quel point l'ethnisme caractérise les acteurs politiques au Burundi, on se demande s'il serait pertinent, voire opportun d'attirer leur attention sur cette question. En effet, aux vues des antécédents, il est permis d'émettre de solides réserves quant à leur capacité à traiter ce genre de thématique de manière lucide, dépassionnée et avec recul.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery