WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

( Télécharger le fichier original )
par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I- 1- Les organisations non gouvernementales internationales au Burundi

Le nombre des ONG internationales menant leurs activités au Burundi est régulièrement fluctuant du fait du début et de la clôture des programmes et projets des unes et des autres. Globalement, au moment de la réalisation de cette étude, on dénombrait une quarantaine d'ONG internationales oeuvrant dans les 16 provinces du pays. Encouragées par le gouvernement, une trentaine d'entre elles se sont associées au sein d'une association appelée RESO38, (Rassemblement, Echanges et Solutions entre ONG). Le reste des ONG y ont un statut d'observateurs.

Depuis la promulgation, le 23 juin 1999, de la loi n°1/011 qui définit le cadre de coopération avec les ONG étrangères, le gouvernement a mené une campagne d'explication dans deux directions. A l'intention des services gouvernementaux d'abord afin de leur préciser les rôles et les obligations des uns et des autres dans leurs relations avec les ONG étrangères. A l'intention de ces dernières, ensuite, pour leur indiquer les principes directeurs, les obligations et les engagements qui lient aussi bien les ONG que le gouvernement dans la pratique quotidienne de leur coopération.

C'est donc, à l'issu de cette campagne d'explication de ladite loi portant cadre
général de coopération que fut créé le RESO. Il se veut être un forum neutre et
apolitique d'organisations non gouvernementales oeuvrant au Burundi dans tous les

domaines de l'aide humanitaire et du développement. Cette association joue le rôle d'interlocuteur des ONG étrangères face au gouvernement. Ce dialogue se passe à travers le Ministère des Relations Extérieures et de la Coopération, par l'action concertée de son Bureau National de Coordination des activités des ONG étrangères. C'est dans ce cadre que, depuis la fin de l'année 1999, des rencontres d'échanges et de concertations formelles et informelles sont organisées entre le Bureau National de Coordination des activités des ONG étrangères et les ONG membres et observateurs du RESO.

Le RESO est administré par un Comité Exécutif élu rotativement au sein des organisations membres pour une durée de six mois renouvelables une fois. Il dispose d'un bureau avec une secrétaire permanente qui assure la liaison entre la structure, ses membres et ses observateurs. Le Comité Exécutif se réunit tous les premiers lundi du mois.

Les objectifs initiaux du RESO tels que décrits dans ses statuts de 1999 sont les suivantes :

promouvoir les relations entre les ONG internationales et les autres partenaires ; donner aux membres un espace d'expression libre et transparent de partage, de débat, d'analyse et de réponse aux problèmes communs ;

offrir aux partenaires un interlocuteurs cohérent à travers une structure connue et représentative.

Ces ONG internationales interviennent sur toute l'étendue du pays39. Une grande concentration d'organisations internationales se trouve dans les provinces de Bujumbura-Mairie (15), Gitega (13), Muyinga (13), et Kirundo (12). Par contre, on remarque une déconcentration dans les provinces de Bururi (2), Muramvya (3) et Kayanza (5). Les autres provinces comptent entre 6 et 12 ONG internationales qui interviennent dans différents secteurs. On peut également noter que seules 10 organisations sur les 33 concernées, étendent certaines de leurs activités sur toutes les provinces du pays.

38 Voir Annexe tableau 2 : Liste des ONG membre du RESO

Carte du Burundi

Ces organisations sont très actives sur le terrain ; leurs activités sont menées par des équipes constituées d'employés expatriés et locaux. Le nombre d'employés varie selon plusieurs facteurs, notamment la taille de l'organisation, le volume des activités et les domaines d'intervention. Mais dans tous les cas, la gestion du personnel local reste complexe du fait de l'omniprésence de l'ethnicité dans l'inconscient collectif des Burundais. La variable ethnique est ainsi un élément important que les managers doivent savoir manier pour qu'elle n'entrave pas l'atteinte des objectifs globaux et spécifiques des projets.

39 Voir Annexe Tableau 3 : ONG internationales par province et par secteur d'intervention

I- 2- Les tendances lourdes pour le Team Building dans les
ONG internationales

On peut énumérer un certain nombre de tendances lourdes qui entravent le bon

déroulement du Team Building dans ces organisations ; il s'agit notamment de : l'offre limitée du personnel local qualifié dans les métiers du développement et de l'humanitaire,

l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales dans le recrutement du personnel,

le caractère urgent inhérent à l'action humanitaire et

l'ethnicité.

Mais d'abord, quel contenu donner à cet anglicisme ? Le Team Building, c'est « la construction des équipes gagnantes »40, performantes ; c'est-à-dire « un ensemble d'activités formalisées et destinées à encourager les employées d'une organisation à travailler en coopération »41 pour atteindre un/des objectif(s). « Une équipe gagnante est celle :

qui a un objectif commun, que tous connaissent, partagent et se sont engagés à atteindre,

qui a une communication ouverte et transparente,

qui a un climat de confiance et d'ouverture,

qui a un sentiment d'appartenance,

où la diversité est encouragée,

où la créativité et la prise de risque sont encouragées,

qui possède la capacité de s'auto-évaluer et de se corriger,

où les membres sont interdépendants,

où les décisions sont prises par consensus,

où le leadership est participatif.»42

Mais la construction des équipes (staffs) pe rformantes suppose qu'il y ait eu d'abord un recrutement dans les règles de l'art. Un bon recrutement se fait en principe en huit étapes :

40 Cabinet DCBC-Sarl, « Consultation et Gestion du Changement », Module de formation MBA, CESAC, Dakar, 2004

41 "Team building ", Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006

42 Cabinet DCBC-Sarl, Idem.

 

« la définition de poste,

la définition du profil du titulaire,

l'identification des sources de recrutement,

la mise en place des moyens de recrutement, la campagne de recrutement,

la sélection des candidatures,

la décision d'embauche et

l'intégration. »43

De toutes les tendances lourdes énumérées au début de cette section, l'ethnicité semble dominant en termes d'impact sur le rendement du personnel local. Cela a de quoi désarçonner car, on aurait plutôt tendance à penser que l'offre limitée du personnel qualifié vient en première position. Ce dernier facteur est en effet directement lié à la qualité des prestations des employés ; cela s'observe directement sans difficulté, quelque soit la zone d'intervention. Mais il n'en demeure pas moins vrai que dans le cas particulier du Burundi, l'ethnicité est un élément prégnant dans l'atteinte ou non de certains objectifs des projets mis en oeuvre par les organisations humanitaires ou de développement.

Il est presque indécent d'établir un quelconque rapport entre le terme ethnicité et les
ONG internationales. En effet au Burundi, il est politiquement incorrect d'associer

l' ethnie à ces organisations de droit étranger car elles sont sensées être un haut lieu de démocratie et de « bonne gouvernance ». Il est vrai que dans la société globale, la question de l'identité ethnique a été pendant longtemps un tabou. Comme le remarque Melchior MBONIMPA, « il y a quelques années au Burundi, désigner une personne par son ethnie était comme une obscénité. Les mots « hutu » et « tutsi » devaient être chuchotés entre intimes, les portes closes, à la faveur de l'ombre, un peu à la manière des adolescents lorsqu'ils parlent des choses du sexe. On feignait de ne jamais en parler. Pourtant, irrésistiblement, c'était le sujet qui occupait les conversations les plus passionnées44 ».

43 Cabinet DCBC-Sarl, « Les huit étapes de recrutement », Module de formation

44 MBONIMPA Melchior, Ethnicité et démocratie en Afrique : l'homme tribal contre l'homme citoyen ? , Harmattan, Paris, 1994.

En conséquence, les ONG internationales étant constituées par des individus vivant dans la société, ne subissent-elles pas une influence directe et indirecte de la part de cette dernière ? L'organisation est vue ici comme « le royaume des relations de pouvoir, de l'influence, du marchandage et du calcul » et comme « un construit humain qui n'a pas de sens en dehors des rapports de ses membres »45. Dans un environnement où « l'illusion identitaire »46 est profondément ancrée dans les mentalités, ne serait-ce pas nier la réalité sociale que de faire fi de la variable ethnique dans les pratiques de gestion des relations professionnelles dans les organisations internationales y opérant ?

En effet, ces organisations n'évoluent pas en vase clos ; elles sont dans un environnement fortement marqué par une identification par soi et par autrui de type ethnique très prononcée. Ici, l'enjeu ne serait plus forcément la lutte pour le pouvoir politique, mais la « lutte » pour l'emploi et surtout, la maîtrise et le contrôle des mécanismes et des circuits de recrutement et d'évolution de carrière au sein de ces organisations. Dans tous les cas, le travail dans les ONG internationales au Burundi, au même titre que la détention du pouvoir politique, apparaît comme étant synonyme d'accumulation de richesses matérielles et symboliques. L'enjeu est d'autant plus important que le travail dans ces organisations confère un statut social particulier.

Nous reviendrons plus longuement sur les manifestations de l'ethnicité au sein du personnel local de ces organisations dans d'autres chapitres. Pour l'insta nt in téressons nous au lien qui existe entre l'ethnicité et les trois autres facteurs identifiés comme étant des tendances lourdes à savoir : l'offre limitée du personnel local qualifié, l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales et l'urgence de l'action humanitaire. De prime abord, le sentiment qui se dégage de la lecture de ces trois facteurs alignés dans l'ordre, c'est la difficulté d'établir un lien entre eux et l'ethnicité. Pourtant il y'en a un. En mettant en exergue ce lien, nous montrerons également en quoi ces éléments constituent des tendances lourdes pour le Team Building.

45 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhrad, L'Acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Seuil, Paris, 1977, p.50

BAYART Jean-François, L'Etat en Afrique : la politique du ventre, Fayard, Paris, 1990

46

Comment l'offre limitée du personnel local qualifié constitue-t-elle une tendance lourde pour le Team Building dans les ONG internationales ? La rareté d'employés locaux expérimentés et qualifiés dans les métiers du développement et de l'humanitaire a un effet direct sur les performances des staffs. Cette situation est due en grande partie à la nature du système éducatif universitaire national qui est plutôt axé sur les formations généralistes plutôt que spécialisantes ou professionnelles. Par conséquent, lorsque les étudiants sortent des universités, ils ne sont pas opérationnels en ce qui concerne les métiers du développement et de l'humanitaire.

Cela implique que lorsqu'ils sont embauchés malgré leur non opérationnalité, il leur faut du temps pour suivre des formations et s'imprégner des outils, des processus, des approches et des méthodes en vigueur dans le secteur des ONG internationales. Dans ces conditions, le Team Building devient un travail de longue haleine, ce qui ne concorde pas généralement avec le caractère à court terme et urgent des projets humanitaires. Dans tous les cas il est extrêmement difficile de construire des équipes performantes avec des employés qui ont presque tout à apprendre du savoir faire, même s'ils disposent de capacités exceptionnelles en matière de savoirs et de savoir être.

Ainsi, l'expérience des candidats devient un critère hautement déterminant dans le recrute ment des ressources humaines pour le Team Building. C'est à ce niveau que s'invite le facteur ethnique. En effet, les différentes ethnies du Burundi n'ayant pas toutes bénéficié des mêmes avantages du système éducatif à certains moments de l'histoire tourmentée de ce pays, les personnes les plus expérimentées se retrouvent naturellement issues des ethnies qui ont été privilégiées à une époque ou une autre par le système éducatif national. Cela nous a été confirmé par un responsable expatrié d'une ONG internationale :

« Actuellement on trouve que le personnel qualifié et expérimenté est majoritairement homogène sur le plan ethnique du fait que, à un certain moment l'université du Burundi était ethniquement et m ême régionalement orienté [...] »

Cette situation crée inévitablement des frustrations de la part de ceux qui sont tenus à l'éca rt ou en minorité par les critères impératifs de recrutement.

Concernant l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales, elle se manifeste sous forme de tentatives d'influence sur le recrutement par les ONG internationales opérant dans une localité donnée en faveur des ressortissants de cette dernière. Pour avoir la possibilité de mener leurs activités, les managers se trouvent parfois contraints de faire des compromis. Les personnes engagées dans ces conditions occupent généralement des postes de chauffeurs, d'agents d'entretien, de gardien, de guide, d'interprète, etc.

Cette manière de faire pose un réel problème à la construction des équipes gagnantes. En effet, dans la logique du Team Building, tous les membres de l'équipe sont aussi importants les uns que les autres car le travail des uns conditionne celui des autres (interdépendance). Il n'y a donc pas d'employés « bouche trou » ou figurants. Or, si un manager accepte un individu imposé par l'autorité locale, cela veut dire qu'il n'a pas eu le luxe de suivre les huit étapes du recrutement évoquées plus haut. Cela signifie également que l'employé recruté ne partage pas forcement l'objectif du groupe ni sa vision, ce qui a des répercutions directes sur les variables comme le climat de confiance, le sentiment d'appartenance ou encore, la cohésion du groupe.

Par ailleurs, les élus locaux ne sont pas réputés comme étant des chantres du pluralisme ethnique car beaucoup d'entre eux ont été élus sur des critères essentiellement ethniques. Ainsi, il est probable que dans leurs tentatives d'imposition du personnel à recruter, le facteur ethnique soit des plus prédominants.

De manière générale, les managers des ONG internationales qui refusent de se subordonner à ces directives se voient faire l'objet de rapports hostiles destinés au Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité Publique. Lors de nos recherches dans les archives de ce ministère, le constat que nous avons fait était plutôt constant : dans tous les rapports produits par des maires des collectivités territoriales décentralisées sur les activités des ONG internationales opérant dans leurs localités, rares étaient ceux qui déclaraient travailler en bonne collaboration avec ces organisations. Au contraire, ces dernières faisaient l'objet de critiques des plus virulentes.

L'autre tendance lourde que nous avons relevé, c'est l'urgence de l'action humanitaire. En période de crise humanitaire, certaines ONG sont contraint d'intervenir en urgence pour subvenir aux besoins de base des personnes sinistrées. Les interventions humanitaires d'urgence nécessitent parfois la disponibilité immédiate de professionnels (souvent pour une période de courte durée) expérimentés pour travailler dans des zones à haut risque sécuritaire. Les organisations qui travaillent généralement dans ces conditions n'ont pas le temps matériel de procéder à un recrutement en bonne et due forme. Elles sont obligées de recruter par cooptation. La cooptation est une pratique courante dans la mise en place des équipes ; mais dans des contextes sensibles comme celui du Burundi, elle peut constituer un terreau fertile pour le tissage de réseaux mafieux d'accès à l'emploi.

En effet, en faisant fi des procédures et étapes « normales » d'un recrutement, le manager ouvre la voie au clientélisme ethnique et aux marchandages de toutes sortes (pour ne pas parler de corruption) de la part des collaborateurs locaux et même expatriés.

Mais le respect des huit étapes de recrutement évoquées plus haut n'est pas aisé comme nous veno ns de le voir. Par ailleurs, la mise en oeuvres de ces différentes phases nécessite des moyens logistiques et financiers qui ne sont pas toujours prévus dans les lignes budgétaires des projets qui sont financés par les partenaires financiers, ces derniers ne finançant que la réalisation des activités.

Mais comment minimiser les nuisances du facteur ethnique dans la gestion des staffs locaux ?

Chapitre II
Les approches managériales des responsables des
ONG internationales face à la question ethnique

La gestion d'un staff multi-ethnique dans un contexte de conflit ou de post conflit ethnique s'avère être un exercice extrêmement délicat pour les responsables des ONG internationales. Du fait de la particularité du contexte burundais, les responsables de ces organisations élaborent des stratégies afin de ne pas rester prisonniers du climat socio-politique ambiant. Nous relevons deux postures managériales les plus couramment utilisées dans la gestion des ressources humaines locales : d'une part, le recours à l'approche « Do No Harm » et au modèle du management cross-culturel (ou management interculturel) et d'autre part, l'observation du principe de « non-ingérence ».

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon