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Le crédit documentaire

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par Aymen Aberkane
Faculté de droit de Sfax - Master droit privé 2008
  

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Introduction

Les échanges internationaux se développent et prennent de l'ampleur jour après jour. Des millions de produits sont commandés, vendus et acheminés par voie aérienne, maritime ou terrestre. Toutefois, cette évolution s'accompagne d'un accroissement des risques liés aux conditions de financement des importations à l'encaissement et à la mobilisation des créances nées des exportations. Ce risque est d'autant plus important «  lorsque les parties en présence sont géographiquement éloignées et que les relations qu'elles ont nouées comportent une part d'incertitude surtout si l'un ou l'autre des pays souffre de restrictions douanières ou monétaires »1(*) .

Pour parier à ces risques et établir une sécurité des transactions, progressivement, divers moyens de paiement internationaux ont été mis en place. Entre tous, c'est le crédit documentaire qui permet dans une large mesure de répondre à ce besoin.

Cet instrument « constitue le moyen idéal destiné à promouvoir sans trop de suspicion l'ouverture de relations commerciales à l'époque où la méfiance est la règle entre partenaires qui s'observent souvent à des milliers de kilomètres l'un de l'autre »2(*).

Selon l'article 720 du code de commerce, le crédit documentaire est : « un crédit ouvert par une banque à la demande d'un donneur d'ordre en faveur d'un correspondant de celui-ci et garanti par la possession de documents destinés à être transportés ». Cette définition peut être complétée par celle fournie par l'article 2 des règles et usances uniformes de la chambre de commerce internationale selon laquelle le crédit documentaire est «  l'arrangement quelle qu'en soit la dénomination ou la description en vertu duquel une banque (la banque émettrice) agissant à la demande et sur instructions d'un client (le donneur d'ordre) ou pour son propre compte est tenue d'effectuer un paiement à un tiers (le bénéficiaire) ou à son ordre ou d'accepter et payer des effet de commerce (traites) tirés par le bénéficiaire ou autorise une autre banque à effectuer ledit paiement ou à accepter et payer lesdits effets de commerce (traites) ou autorise une autre banque à négocier contre remise des documents stipulés pour autant que les termes et conditions de crédit soient respectés ».

Il existe plusieurs formes de crédits documentaires. La principale distinction est fondée sur la nature de l'engagement pris par les banques intervenantes. L'engagement du banquier est le plus souvent irrévocable mais il peut aussi être révocable.

Le crédit révocable implique un engagement bancaire souple. Il « peut être amendé ou annulé par la banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable »3(*). Un tel crédit offre donc peu de garanties au bénéficiaire.

Par contre, un crédit irrévocable fait peser sur le banquier un engagement rigoureux dont il ne peut s'exonérer sans en assumer les conséquences : le banquier qui prend un engagement ferme ne peut s'y soustraire quels que soient les évènements qui affectent ses relations avec le donneur d'ordre. L'opération fait naître un droit au profit du bénéficiaire.

Quelle que soit sa forme, le crédit documentaire n'est pas une technique de paiement récente. Elle « est apparue pour la première fois au début des années cinquante du 19ème siècle en Europe Occidentale et était utilisée en dehors des banques notamment dans les ventes maritimes. Les banques introduisent cette technique dans leurs activités au début du 20ème siècle lorsqu'une prolifération d'incidents de non paiement entre les partenaires commerciaux internationaux a été constatée »4(*). Cependant, cette pratique s'est développée sans aucun appui législatif. C'est pendant l'entre deux guerres que les praticiens travaillant sous l'égide de le chambre de commerce internationale ont élaboré en 1933 une sorte de codification des usages en matière documentaire sous le nom des «  règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires ». Cette dernière était périodiquement révisée pour tenir compte des suggestions des banques et des transporteurs internationaux. La dernière révision est celle de 1993 donnant naissance aux R.U.U.5005(*) applicables au premier janvier 1994. Ces R.U.U.500, sont aujourd'hui complétées par un supplément appliqué aux crédits documentaires concernant la présentation électronique des documents adopté en 2001 et applicable à compter du 31 mars 2002 visant ainsi à adapter le crédit documentaire aux impératifs du commerce électronique.

Compte tenu de l'importance des R.U.U.500, la question de la loi applicable au crédit documentaire se pose rarement. En effet, il existe trois hypothèses où leur application sera écartée. Selon le professeur Dominique Legeais « La première est celle dans laquelle la question posée n'est pas réglée par les R.U.U, la deuxième est celle dans laquelle le crédit documentaire n'est pas régi par les R.U.U, la troisième hypothèse est celle dans laquelle le contrat écarte expressément certaines dispositions des règles et usances »6(*).

Pour déterminer la loi applicable au crédit documentaire, il faut se référer à la convention de Rome du 19 juin 1980 à laquelle est soumis ce dernier. A cet égard, on distingue entre deux cas : lorsque les parties choisissent le droit applicable, il faut respecter leur volonté ; lorsque ce n'est pas le cas, il faut appliquer le droit du pays avec lequel il entretient les liens les plus étroits. A ce titre Dominique Legeais ajoute que : «  La convention de Rome pose en effet une présomption en faveur du pays où s'exécute la prestation caractéristique ».

La détermination de la loi applicable varie selon que le crédit documentaire met en présence une ou plusieurs banques. Dans le premier cas, la doctrine est partagée entre l'application de deux lois : celle de la banque émettrice ou celle du pays de la réalisation du crédit. Les solutions applicables sont plus complexes dans le second cas, c'est-à-dire dès lors qu'interviennent plusieurs banques. Selon un courant de la doctrine il faut faire soumettre toutes les relations découlant du crédit documentaire à la loi de la banque émettrice. Cependant, pour la majorité de la doctrine, il faut soumettre chaque relation à une loi spécifique. Il apparaît de ce fait qu'il n'est pas aisé de déterminer la loi applicable au crédit documentaire lorsque l'application des règles et usances uniformes est écartée. Signalons néanmoins que le nombre des Etats qui ont légiféré en cette matière est très réduit et que le droit tunisien est précurseur surtout en Afrique et au moyen orient. En effet, le code de commerce a organisé le crédit documentaire par les articles de 720 à 727 objet de la section 4 «  des crédits documentaires ».

Il est possible à présent d'affirmer et de mettre en relief le rôle important que joue le crédit documentaire en tant qu'instrument classique de financement d'achats à l'étranger, d'outil de règlement et en tant qu'élément de confort et de sécurité. Il se présente également comme l'unique moyen de paiement mondialement reconnu et capable d'assurer la sécurité optimale recherchée à toutes les parties aux transactions internationales sans quoi les échanges internationaux n'auraient certainement pas atteint leur volume actuel.

D'un autre côté, le crédit documentaire étant une pure création de la pratique bancaire internationale, son étude permet de cerner les techniques et les principaux mécanismes qui le régissent. En effet, l'intérêt pratique manifeste de ce sujet est qu'il permet de «  pénétrer la pratique du crédit documentaire pour en faciliter la manipulation »7(*).

C'est dans cet esprit qu'il a fallu opter pour la problématique suivante :

Quelles sont les phases de règlement par crédit documentaire ?

Le crédit documentaire peut être le résultat de la conjonction de volontés (les deux parties acheteur et vendeur) ou bien une exigence du vendeur s'il est en position de force pour garantir une meilleure mobilisation de sa créance. Mais en tout état de cause, l'ouverture du crédit documentaire (I) revient dans tous les cas à l'importateur même si ce dernier agit pour donner satisfaction au vendeur. Si cette ouverture est la première phase classique du crédit documentaire, sa réalisation constitue la seconde phase (II).

 

I - L'ouverture du crédit documentaire :

S'il trouve son origine dans la convention conclue entre l'acheteur et le vendeur le crédit documentaire repose sur deux fondements à savoir la convention conclue entre l'acheteur et la banque émettrice (1) et la convention conclue entre cette dernière et le bénéficiaire (2).

1/ La relation entre le donneur d'ordre et le banquier émetteur :

Le crédit documentaire ne tombe pas du ciel ; il est issu d'un contrat qui l'a prévu comme mode de règlement de la transaction internationale. Celle-ci met en phase l'acheteur et le vendeur que beaucoup de choses séparent à savoir la langue, le pays, l'espace, la culture et l'économie...

Une fois le contrat commercial signé entre les deux parties il revient à l'acheteur (donneur d'ordre) d'honorer sa première obligation à savoir l'ouverture du crédit documentaire en faveur du vendeur (bénéficiaire) dans les termes et conditions convenus c'est en effet le donneur d'ordre ou son représentant autorisé qui doit contacter la banque pour concrétiser l'opération.

Il remplira à cet effet un formulaire de demande d'ouverture mis à la disposition de la clientèle en principe dans toutes les agences de la banque. Une fois la demande d'ouverture déposée, la banque émettrice va l'étudier pour fixer les conditions dans lesquelles elle serait prête à émettre le crédit et par conséquent à s'engager vis-à-vis du bénéficiaire.

En premier lieu, elle va voir comment le donneur d'ordre entend financer son importation : en totalité sur ses propres fonds ou va-t-il solliciter un crédit ?

Dans le premier cas l'avis favorable est automatique. L'opération étant couverte dans sa totalité par le donneur d'ordre, la banque ne court aucun risque financier. Il s'agit tout simplement pour elle d'un service rémunéré qu'elle va rendre à son client.

Dans les autres cas, la banque va financer l'importation dans sa totalité ou partiellement eu égard à l'importance de l'opération.

En général, elle appuiera sa décision compte tenu de l'étude des risques suivants :

=- Le risque lié au donneur d'ordre : celui-ci peut devenir effectif lorsqu'au moment de la réalisation du crédit ledit donneur d'ordre se déclare dans l'incapacité de couvrir le montant déboursé par sa banque en faveur du bénéficiaire qui aurait honoré ses engagements. A cet effet la banque prend en compte dans sa décision plusieurs critères dont particulièrement l'honorabilité du client, sa notoriété, sa surface financière, ses garanties et parfois même la forme juridique de la société.

=- Quant au risque lié au bénéficiaire, il est peu connu mais il est bien réel surtout si le paiement est un paiement à vue. Il arrive parfois qu'une banque émettrice sollicitée par son client d'émettre une ouverture donne une suite défavorable, l'origine du refus est le bénéficiaire du crédit lui-même : soit la banque émettrice s'est renseignée par le biais de l'un de ses correspondants sur l'honorabilité de ce client et les informations reçues l'ont découragé à s'engager dans l'opération ; soit ladite banque a eu déjà dans le cadre d'une autre opération un incident avec le bénéficiaire du présent crédit.

=- En ce qui concerne les risques liés à la marchandise, il sont de toutes sortes. Ils sont liés à la nature propre de la marchandise ou occasionnés par des phénomènes extérieurs.

De ce fait la banque émettrice doit prendre en compte ces risques avant de décider le financement partiel ou total de l'importation de son client. Ainsi le banquier reste libre de refuser ou d'émettre le crédit. Une fois le banquier s'est engagé envers son client, il est tenu d'ouvrir le crédit dans le terme des instructions qu'il a reçu et en respectant les délais fixés.

Les instructions du donneur d'ordre doivent préciser la nature du crédit, ses conditions et les documents que le banquier devra exiger et vérifier. Ces instructions déterminent les obligations du banquier et notamment le contenu de l'accréditif qu'il doit adresser dans les meilleurs délais au bénéficiaire.

La convention ainsi conclue entre l'acheteur et la banque émettrice a pour objet une double promesse que le banquier fait au donneur d'ordre : l'une est à son bénéfice et l'autre au bénéfice du vendeur.

Pour la première, le banquier promet à l'acheteur de lui apporter son concours dans une opération de paiement. Cette obligation conduit le banquier à notifier l'ouverture du crédit au bénéficiaire et à payer ce dernier après examen des documents remis par lui.

Pour le second, si le crédit est irrévocable, le banquier promet à l'acheteur de s'engager envers le bénéficiaire dans la lettre de crédit qu'il notifiera. Toutes ces promesses constituent des services que le banquier rend au donneur d'ordre et pour lesquels il perçoit une rémunération. Celle-ci se décompose en des commissions et des intérêts.

En raison des services rendus qui peuvent concerner des sommes importantes, le banquier peut exiger de l'acheteur la constitution de sûretés telles qu'un dépôt de garantie. Il bénéficie également en vertu d'un usage constant d'un droit de gage sur les marchandises lorsqu'il détient des documents représentatifs des marchandises.

Une fois que le banquier a donné son accord au donneur d'ordre, une seconde relation verra le jour.

2/ La relation entre le banquier émetteur et le bénéficiaire :

Le déroulement du crédit documentaire qui fait peser sur les banquiers un devoir d'information conduit à faire naître les droits du bénéficiaire.

En fait, l'obligation directe du banquier émetteur envers le bénéficiaire ne naît pas directement de la convention conclue entre le banquier et le donneur d'ordre, elle prend naissance seulement quand provient au bénéficiaire un accréditif ou lettre de crédit. Il ne s'agit pas d'un effet de commerce mais d'un document bancaire qui se présente généralement sous la forme d'une lettre missive et qui exprime les obligations du banquier émetteur à l'égard du bénéficiaire et par suite les droits de celui-ci. Ces derniers ne naissent donc qu'à la réception de cette lettre qui doit préciser clairement si le crédit est révocable ou irrévocable à défaut le crédit est considéré comme irrévocable tel qu'affirme l'article 722 du code de commerce.

En effet, dans le rapport entre le banquier ordonnateur et le bénéficiaire, le caractère révocable ou irrévocable est essentiel : de lui dépend fondamentalement la sécurité que le bénéficiaire trouve ou ne trouve pas dans le crédit documentaire.

Si le crédit est révocable, la banque ne contracte aucun engagement personnel du bénéficiaire : son seul engagement est contracté envers le donneur d'ordre. Aussi par la lettre de crédit il informe seulement le bénéficiaire qu'il a consenti un crédit documentaire au donneur d'ordre qu'il réalisera entre ses mains contre remise des documents.

C'est pourquoi un tel crédit peut être « amendé ou annulé par la banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable »8(*). On ne doit pas cependant en déduire que le banquier peut révoquer pour n'importe quel motif ledit crédit : Il est tenu par son engagement envers le donneur d'ordre. C'est ce qui a été prévu expressément dans l'article 723 du code du commerce.

C'est ce qui explique que dans la pratique un tel crédit est relativement peu fréquent car il n'apporte au bénéficiaire aucune garantie véritable, le bénéficiaire ne peut jamais être assuré que le crédit lui sera payé dans les conditions et modalités de la notification qui lui en a été faite.

Si en revanche, le crédit est irrévocable, la banque émettrice prend un engagement ferme à l'égard du bénéficiaire. Cet engagement qui ne peut être modifié sans l'accord du bénéficiaire9(*) fonde le droit direct du bénéficiaire à l'encontre de la banque émettrice et constitue un engagement indépendant également qualifié « d'engagement abstrait »10(*). Ce caractère souligné par les règles et usances uniformes 11(*)se manifeste doublement.

D'une part l'engagement est indépendant de la convention conclue entre le donneur d'ordre et la banque émettrice et d'autre part il est indépendant du contrat entre l'acheteur et le vendeur.

La relation ainsi établie entre la banque émettrice et le bénéficiaire peut devenir tripartite. En pratique, le banquier émetteur peut charger un correspondant établi dans le pays du bénéficiaire de faire la notification et ceci soit par sa propre initiative soit à la demande du bénéficiaire qui exige l'intervention d'une banque locale.

A vrai dire, le mécanisme même du crédit documentaire exige l'intervention d'un second banquier situé dans le pays du vendeur alors que le banquier ordonnateur du crédit est le plus souvent une banque du pays de l'acheteur. En effet, le crédit sera exécuté par présentation des documents contre paiement ou acceptation d'une lettre de change. Il serait peut pratique de charger le vendeur d'expédier les documents à l'étranger avec les retards et les risques de perte que cela comporterait. En outre, le vendeur n'est pas censé savoir s'il peut faire confiance à la banque de l'acheteur qu'il ne connaît pas. C'est pourquoi il exige le plus souvent l'intervention d'une banque de son pays au moins pour lui notifier le crédit12(*).

Cette banque dite notificatrice peut avoir des rôles très divers et apporter une sécurité plus ou moins grande selon le rôle qui lui est attribué. A cet égard on distingue principalement : la banque notificatrice, la banque désignée et la banque confirmatrice.

La banque notificatrice ne fait que transmettre l'accréditif au vendeur sans prendre aucun engagement à son profit. Elle agit en tant que mandataire de la banque émettrice et doit seulement apporter un soin raisonnable à vérifier l'authenticité apparente du crédit qu'elle notifie13(*).

La banque désignée sauf si elle est la banque confirmatrice ne contracte pas non plus d'engagement envers le bénéficiaire du crédit14(*). Toutefois, à la différence de la banque notificatrice qui se charge de notifier la lettre de crédit, la banque désignée est investie du mandat de réaliser le crédit pour le compte de la banque émettrice. Cette distinction doit cependant être relativisée puisque la même banque peut être à la fois banque désignée et banque notificatrice.

A ces qualités peuvent s'ajouter celle de la banque confirmatrice. Dans cette hypothèse, la banque contracte envers le bénéficiaire un engagement ferme comparable à celui de la banque émettrice. Une telle confirmation ne peut intervenir qu'en cas de crédit irrévocable15(*). C'est ce qui donne au bénéficiaire une sécurité quasi-totale.

Cependant, la banque confirmatrice n'a aucune obligation d'accepter cette responsabilité si on lui demande d'ajouter sa confirmation. Elle peut donc refuser ce qui impose de modifier les conditions du crédit.

Ainsi, les étapes de l'ouverture du crédit documentaire, déterminées, il convient d'analyser son fonctionnement.

II - La réalisation du crédit documentaire  :

Une fois le crédit documentaire exécuté (1), des recours entre les divers intervenants peuvent avoir à s'opérer pour manquement de l'une ou l'autre des parties à leurs engagements respectifs (2).

1/ L'exécution du crédit documentaire :

La phase de l'exécution se divise en deux étapes successives auxquelles l'engagement bancaire réserve deux obligations distinctes.

D'abord, l'étape de la réception des documents qui fait peser sur le banquier une obligation de contrôle visant à protéger l'importateur. Ensuite, l'étape de la levée des documents qui fait peser sur le banquier une obligation de paiement ou de règlement visant la protection de l'exportateur.

Cette réalisation est une étape clé du crédit documentaire de laquelle dépend le sort de toute l'opération. La moindre faute peut entraîner des conséquences difficilement réparables.

En effet cette phase est subordonnée à la présentation avant date limite indiquée pour celle-ci dans la lettre de crédit16(*) par le vendeur ou par sa banque dite banque remettante des documents mentionnés dans ladite lettre. Ces documents qui sont au centre du crédit documentaire sont en général17(*) :

Les documents de transport qui peuvent être un connaissement maritime pur et simple, un connaissement de transport combiné ou encore une lettre de transport aérien ou une lettre de voiture de transport terrestre.

Le document d'assurance garantissant la marchandise pendant le transport pour une valeur au moins égale à son coût.

Les factures commerciales

Ainsi que tous les autres documents exigés par le contrat notamment les documents douaniers. Ce sont donc ces documents tels qu'ils sont énumérés dans la lettre de crédit que le banquier doit vérifier.

Il est essentiel de savoir à ce propos que le crédit documentaire est extrêmement formaliste ; les documents doivent être strictement conformes aux spécifications de l'ouverture de crédit et s'ils le sont rien d'autre ne peut être exigé de la banque et le crédit est exécutoire.

Ainsi le banquier n'a pas à vérifier la conformité de la marchandise, tout ce qu'il a à faire c'est juste d'examiner la conformité des documents, c'est l'une des causes de l'autonomie du crédit par rapport au contrat de base auquel le banquier demeure étranger.

Cependant il ne faut pas croire que l'engagement bancaire serait aussi simple qu'on le pense parce que le banquier doit montrer un souci très particulier durant l'opération de contrôle de laquelle dépend la sécurité du crédit.

Les documents, en raison de l'intérêt et de la place de premier rang qu'ils occupent dans le mécanisme du crédit documentaire, doivent attirer toute l'attention du banquier. Leur vérification doit intervenir dans «un délai raisonnable »18(*) et être effectuée avec «un soin raisonnable »19(*). A l'issue de cet examen, la banque dispose d'une option de lever ou de refuser les documents.

Si ces derniers sont irréguliers, le banquier est tenu de les rejeter. Le législateur tunisien ne pose pas le principe expressément mais on peut le déduire des Art. 725 et 726 du code de commerce. Ce principe a été appliqué par la jurisprudence tunisienne : le tribunal de première instance de Tunis dans son jugement n°11006 du 17 Juillet 1979 a fondé sa décision sur l'irrégularité des documents produits pour refuser la levée des documents et partant le paiement du bénéficiaire. A l'inverse, s'ils sont réguliers, le banquier doit les lever. La levée des documents s'effectue au sens de l'Art. 721 du code du commerce : soit par acceptation, soit par escompte, soit par négociation. « Si l'on se réfère à la pratique tunisienne et même étrangère la plupart des accréditifs sont ouverts surtout par paiement »20(*). A ce stade de levée des documents naît l'engagement bancaire de paiement.

L'exécution du crédit peut prendre alors plusieurs formes selon ce que l'accréditif a prévu. La forme la plus simple et la plus fréquente est le paiement à vue : le bénéficiaire est crédité dés la remise des documents. Précisément si le vendeur a émis une lettre de change, le banquier la paie immédiatement.

Lorsque le crédit est réalisable par acceptation, le banquier accepte contre remise des documents une lettre de change émise par le bénéficiaire payable à une échéance fixée dans le crédit.

La troisième forme de réalisation ou d'exécution du crédit documentaire est la négociation où le bénéficiaire émet une lettre de change à vue ou à terme sur l'acheteur et contre remise des documents, le banquier escompte cette lettre comme il s'y est obligé dans l'accréditif. Cet escompte fait partie intégrante du crédit documentaire et en permet la réalisation. C'est pourquoi le banquier escompteur ne dispose d'aucun recours contre le bénéficiaire en cas de défaillances du tiré (l'acheteur).

Enfin il peut y avoir un paiement différé qui doit alors intervenir après la levée des documents à l'échéance fixée dans l'accréditif. Entre le temps la marchandise parvient à l'acheteur qui la vérifie, s'il constate des anomalies, l'acheteur peut empêcher le paiement par la banque émettrice ou confirmatrice mais il ne peut le faire avec succès qu'en démontrant la fraude commise.

Il apparaît de ce fait que l'exécution du crédit documentaire se heurte parfois à des difficultés généralement liées à l'invocation de la fraude et à la pratique d'une saisie arrêt.

En effet, la fraude fait obstacle à la réalisation du crédit documentaire, elle permet au banquier de refuser le paiement et au donneur d'ordre de pratiquer une saisie. Elle est constituée quand un document est un faux ou contient des énonciations mensongères qui ne correspondent pas à la marchandise réellement expédiée.

Quant à la saisie arrêt, elle peut être diligentée par le donneur d'ordre ou par un créancier du bénéficiaire. Elle n'est cependant admise qu'au profit du second, à l'exclusion du premier. Que le donneur d'ordre invoque l'exécution défectueuse du contrat de base ou une créance étrangère à celui-ci, il ne peut sauf fraude pratiquer aucune saisie.

Lorsque le crédit documentaire est enfin réalisé et que la banque qui l'a effectué a procédé à des avances, elle peut exiger bien naturellement le remboursement de toutes ces sommes qu'elle acquittée.

2/ Les recours postérieurs à la réalisation du crédit documentaire :

Dans la pratique, les intervenants dans le cadre du crédit documentaire disposent de différents recours à savoir le recours de la banque émettrice, celui de la banque intermédiaire, le recours contre le bénéficiaire et celui contre le vendeur.

Concernant le premier : la banque émettrice a un recours contre le donneur d'ordre dans la mesure où elle a effectué à son profit une avance de fonds. Toutefois le droit du banquier au remboursement n'est pas inconditionnel : il doit remettre au donneur d'ordre les documents qu'il avait instruction de réclamer. En d'autres termes il est soumis à la condition que le crédit a été réglé conformément aux instructions du donneur d'ordre.

C'est à l'occasion du recours en remboursement que se pose en pratique la question de la responsabilité de la banque dans la vérification des documents. Pour assurer son remboursement, il est fréquent que le banquier émetteur demande à son client de constituer une provision ou une garantie. De plus lorsqu'elle détient des documents représentatifs des marchandises à l'exemple du connaissement, la banque jouit d'un droit de gage sur les marchandises.

Il se peut que le banquier autorise son client donneur d'ordre à lever les documents avant tout remboursement. En contre partie, il obtient que lui soient remises les lettres tirées sur les sous acquéreurs de la marchandise et acceptée par eux, ce qui lui permet de remplacer son droit de gage sur les marchandises par un droit personnel très efficace contre les tirés accepteurs. Ainsi, la banque émettrice pourra dans le cas du succès de son recours contre le donneur d'ordre récupérer les fonds qu'elle a avancés.

D'un autre coté, il existe un second recours, celui de la banque intermédiaire. En effet, cette dernière a agi en qualité de mandataire de la banque émettrice et par conséquent elle a droit au remboursement par cette dernière des avances qu'elle a effectué. Toutefois ce recours est soumis à la condition que les documents soient réguliers. En effet, lorsque la banque intermédiaire a vérifié des documents qui ultérieurement se révèlent faux, elle ne peut être tenue pour responsable. Ainsi, si elle peut justifier d'un « soin raisonnable », elle jouit d'un recours pour obtenir le remboursement de la banque émettrice.

Si ce remboursement est conditionné au respect des diligences que toute banque doit avoir lorsqu'elle est chargée de réaliser un crédit documentaire, il peut intervenir même en cas de fraude à condition toutefois que la découverte de la fraude soit postérieure à la réalisation dudit crédit.

Signalons aussi qu'en cas de crédit révocable, la banque intermédiaire a droit à ce remboursement dés lors qu'elle a réalisé le crédit avant la notification de la réalisation. Enfin la banque intermédiaire qui a levé des documents non conformes sous réserve dispose d'une action en répétition contre le bénéficiaire si le donneur d'ordre refuse les documents.

En outre, rien ne s'oppose à ce que l'acquéreur agisse contre son contractant. L'ouverture du crédit documentaire n'entraine pas novation des rapports de droit nés du contrat de vente. C'est pourquoi dans l'hypothèse où l'acheteur peut invoquer une mauvaise exécution du contrat de vente il peut agir en dommages et intérêts contre le vendeur voire en résolution et en restitution du prix. Ainsi, l'acheteur préserve ses recours de droit commun.

Qu'en est-il du recours contre le bénéficiaire ?

Ce recours n'existe pas qu'elle soit la banque en cause et quelle soit la nature du crédit documentaire irrévocable ou révocable. Le banquier supporte ainsi l'insolvabilité ou le mauvais vouloir du donneur d'ordre. C'est ce qui explique qu'avant de prendre la décision d'ouverture du crédit documentaire, le banquier prend en considération et vérifié l'honorabilité et la situation financière du bénéficiaire dans la mesure où il ne dispose pas d'un recours contre ce dernier.

Toutefois selon une jurisprudence française21(*), lorsque les documents présentés par le bénéficiaire n'étaient pas conformes aux conditions de l'accréditif et que la banque a pu réaliser le crédit « sous réserve », en ce cas, si le donneur d'ordre refuse de lever les documents la banque peut agir en répétition contre le bénéficiaire. Il en va de même en cas de fraude.

BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages :

v Boudinot : Pratique du crédit documentaire.

v Abdelmajid Ammar : Les sécurités de paiement dans le commerce mondial, l'exemple des crédits documentaires.

v De Juglart : Traité de droit commercial : banques et bourses.

v Frédéric Eisemann et Charles Bontaux : Le crédit documentaire dans le commerce extérieur.

v Hamadi Rayed : Cours de droit bancaire et boursier.

v Ligia Maura Costa : Le crédit documentaire : étude comparative.

v Mondino : Le droit du crédit.

v Ripert et Roblot : Traité de droit commercial : valeurs mobilières, effets de commerce, opérations de banque et de bourse.

v Thierry Bonneau : Droit bancaire.

Les mémoires :

& Kedissi Rawah : La protection du bénéficiaire dans le crédit documentaire.

& Lotfi Chèdli : Le formalisme dans le crédit documentaire.

& Rafik Baccar : L'engagement bancaire dans la réalisation du crédit documentaire.

* 1 A. Boudinot : Pratique du crédit documentaire.

* 2 M. Dahan : « La pratique française du droit de commerce international ».

* 3 Art 8 a, R 441.

* 4 Abdelmajid Ammar : «  Les sécurités de paiement dans le commerce mondial, l'exemple des crédits documentaires ».

* 5 R.U.U 500 : règles et usances uniformes 500.

* 6 Dominique Legeais : jurisclasseur commercial, 2005.

* 7 Boudinot (A) : Pratique du crédit documentaire.

* 8 Art 8 a, R.U.U.

* 9 Art 9 b, R.U.U.

* 10 Voir Thierry Bonneau : Droit bancaire.

* 11 Art 3 et 4 R.U.U.

* 12 Voir Juglart : Traité de droit commercial : banques-bourse.

* 13 Art 7 a, R.U.U.

* 14 Art 10 c, R.U.U.

* 15 Art 9 R.U.U.

* 16 Art 42 a, R.U.U.

* 17 Sur ces documents, voir les art 23 et suivants des R.U.U.

* 18 Art 13 b, des R.U.U qui précise que ce délai ne doit pas dépasser sept jours ouverts (jours où la banque travaille) suivant le jour de réception des documents.

* 19 Art 13 a, R.U.U.

* 20 T. Ben Nassr : Eléments de droit bancaire tunisien, cours polycopié.

* 21 Cassat. Com 23 février 1976/ cour de cassation 6 mai 1969.






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway