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La protection du creancier gagiste du fonds de commerce en droit positif rwandais

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par Modeste BISANGWA
Université Nationale du Rwanda - Bachelor's degree in law 2005
  

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§2. Moyens de protection mise en oeuvre par le Décret de 1937

A part les moyens de droit commun que le créancier gagiste du fonds de commerce peut mettre en ouvre comme tout autre créancier, le décret de 1937 met à sa disposition d'autres moyens spécifiques qui se justifient par le caractère particulier du gage du fonds de commerce. Ce sont notamment la sanction pénale du détournement frauduleux, le droit de suite, le droit de préférence et le droit de réaliser le gage en cas de non paiement.

A. Sanction pénale du détournement frauduleux

Le débiteur, par le fait du gage est constitué gardien des éléments du fonds de commerce. L'art. 18 du décret de 1937 punit d'un mois à deux ans de servitude pénale77(*) et d'une amende de 100 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement, le débiteur qui diminue frauduleusement la consistance du fonds de commerce qu'il a donné en gage. Même si le législateur fait usage du terme «diminution frauduleuse », les auteurs en sont venus à conclure qu'il s'agit bien d'une infraction d'abus de confiance78(*).

Ainsi envisagée, la question se pose de savoir pourquoi le régime de droit commun est écarté. Faut-il conclure que la diminution frauduleuse de la consistance du gage ne cadre pas avec l'élément matériel de l'abus de confiance de droit commun ? Une autre question est de savoir ce que serait le fondement de la condamnation du débiteur. Est-il condamné du fait qu'il est constitué gardien ou simplement à un autre titre ? Les développements qui suivent se penchent sur ces questions

En ce qui concerne "l'abus de confiance spéciale" résultant de la diminution frauduleuse de la consistance du gage, analysons d'abord ce qu'il en est de l'abus de confiance prévue par le code pénal rwandais. Le code pénal rwandais punit quiconque a frauduleusement détourné ou dissipé au préjudice d'autrui, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge et qui lui avaient été remis à titre de louage, de dépôt, de mandat, de gage, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non salarié, à charge de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé79(*). Il ressort des dispositions de cet article que pour mettre en application les sanctions qu'il porte, il faut que les effets, deniers, marchandises et quittances, écrits aient été remis à titre de l'un des contrats y énumérés à savoir le contrat de louage, de dépôt, de mandat, de gage, de prêt à usage ou un contrat de travail.

Cependant, il est de notre avis qu'aucun des contrats énumérés à l'article 424 du code pénal rwandais ne permet d'accommoder l'idée de dépossession des biens du fonds de commerce. Certains auteurs animés par l'idée de dépossession « fictive » ou « symbolique » estiment que le constituant du gage n'est qu'un simple détenteur qui n'a pour mission que de préserver et conserver le bien nanti80(*). En cette qualité il serait considéré comme un simple dépositaire. A notre avis, ce parallélisme accuse d'un certain illogisme, car le dépositaire ne peut que garder le bien qu'il a reçu en dépôt, il n'a aucun droit de disposition sur le dit bien. Il est donc clair que cette idée est contraire à la raison d'être de l'institution de gage du fonds de commerce qui est de doter les petits commerçants d'un instrument de crédit tout en poursuivant l'exploitation de leur fonds.

Biens plus, il nous semble que le contrat de gage auquel fait allusion l'art. 424 ne peut entrer en ligne de compte que pour un créancier ordinaire aux mains duquel un gage a été remis. Il ne peut pas faire bon ménage avec la réalité du gage du fonds de commerce.

Par contre, le fondement de la sanction de la diminution frauduleuse peut donc être recherché ailleurs ce qui justifie, à notre sens, le recours au régime spécial. Selon MOREAU MARGREVE : « c'est l'obligation de conservation imposée au constituant du gage en raison même de la garantie constitué en faveur du créancier qui explique et justifie qu'il puisse, en cas d'inexécution de son obligation, être condamné pour abus de confiance »81(*). Le constituant qui a grevé le fonds, a l'obligation de gestion rationnelle, pareille obligation est tout à la fois la mesure de ce qu'il ne peut plus faire et de ce qu'il peut encore faire. Il ne peut modifier les éléments du fonds de commerce si ses agissements sont contraires à une bonne gestion mais il le peut à l'inverse82(*). De là, il y a lieu de constater que l'abus de confiance de l'art. 18 du décret de 1937 n'est pas fondé sur l'un ou l'autre des contrats prévus par l'art. 424 CP mais résulte plutôt d'une obligation pesant sur le constituant de ne pas diminuer la consistance du gage (obligation de gestion rationnelle).

Avant de conclure cette rubrique relative à la sanction pénale, nous pensons de lege ferenda que les sanctions portées par l'art. 18 du Décret de 1937 devraient être revues dans le sens de l'augmentation des peines, car elles paraissent moins dissuasives pour un commerçant de mauvaise foi. L'insuffisance de la sanction a poussé Jacques FERRONIERE à proposer au créancier gagiste d'insérer «la clause d'arrosage » dans son contrat de prêt. Celle-ci est une clause permettant au créancier d'exiger au débiteur, soit un supplément de garantie soit un payement avant terme lorsque les garanties viennent à diminuer83(*). Toutefois, l'utilité de cette clause ne paraît pas évidente, car celle-ci restera sans effet si le débiteur n'a pas d'autres biens à donner en complément de garantie ou se trouve dans l'impossibilité de payer avant terme84(*).

Aussi, est-il d'un grand intérêt de souligner que pour le créancier, l'intérêt n'est pas de voir le débiteur condamné à un emprisonnement ou à une amende. Pour lui, il serait mieux que les biens détournés retournent dans le patrimoine du débiteur pour qu'il exerce sur ceux-ci un privilège. La tentative d'obtenir les dommages et intérêts sera également vouée à l'échec car, dans la plupart des cas le débiteur est insolvable. C'est pourquoi un autre mécanisme permettant au créancier de poursuivre le bien en quelques mains qu'il se trouve a été imaginé. Il s'agit d'un droit de suite reconnu au créancier.

* 77 La servitude pénale signifie emprisonnement mais le terme n'est guerre utilisé en droit pénal rwandais.

* 78 I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 142 ; A-M. STRANART, op. cit.,p. 45.

* 79 Art. 424 du décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977 portant Code pénal rwandais, J.O.R.R., 1978, n° 13bis.

* 80 Répertoire Pratique du droit belge, op.cit, n° 170, p.810.

* 81 I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 142.

* 82 Idem, p. 145

* 83 J. FERRONIERE, Les opérations de banques, 4e éd., Paris, Dalloz, 1963, p. 390.

* 84 HATUNGIMANA Joseph, Le régime juridique des sûretés réelles sans dépossession en matière de crédit au Rwanda, mémoire de licence, UNR, 1997, p. 40.

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