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L'effectivité des droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger

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par Hassane Hamadou Namary
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3e cycle en Droits Fondamentaux 2006
  

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Selon l'article 132 de la constitution du 09 août 1999, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. » Cela veut dire q'une fois publiés au Journal Officiel de la République du Niger, ces instruments acquièrent une autorité comparable à celle de la constitution et font partie intégrante du droit positif nigérien. Ils peuvent être invoqués devant les instances judiciaires ou les autorités administratives qui sont tenues de les appliquer. Seules les conventions ratifiées par le Niger seront au centre de notre réflexion. Si dans cette réflexion nous abordons une convention non applicable au Niger, ce ne serait qu'à titre de comparaison ou de plaidoyer pour une évolution du statu quo.

A côté des instrumentaux généraux relatifs aux droits de l'Homme (A) sur une base égalitaire, certaines conventions traitent spécifiquement des droits de la femme pour mettre définitivement et complètement hors la loi les discriminations dont elle fait l'objet (B).

32 Lochak D., op. cit., p 77

A - Les droits politiques de la femme comme droits de l'Homme

Les droits de l'Homme peuvent se définir comme un « ensemble de droits et des libertés fondamentales inhérents à la dignité de la personne humaine et qui concernent tous les êtres humains. »33 Nul besoin d'insister sur le fait que les droits proclamés par les textes internationaux sont des droits de tout être humain indifféremment du sexe. La Déclaration universelle des droits de l'homme précise en son article 2 que « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe... » Cette interdiction de toute discrimination basée sur le sexe est réaffirmée par le Pacte international relatif au droits civils et politique (article 2 § 1) ainsi que la charte africaine des droits de l'homme et des peuples (article 2).

En effet l'ensemble des droits politiques garantis par les conventions internationales sont également des droits politiques de la femme même lorsqu'en raison des influences des traditions séculaires ou simplement de l'ignorance, ils ne sont pas mis en oeuvre. Il s'agit notamment du droit de prendre part aux affaires publiques, de la liberté d'association et de réunion et de la liberté d'opinion.

a) Le droit de prendre part aux affaires publiques : Ce droit est garanti par la Déclaration Universelle des droits de l'homme (article 21), le Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques (article 25) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (article 13) qui, faut-il le souligner, ne mentionne pas le droit de vote. A la différence des autres droits, ce droit est réservé aux citoyennes et citoyens. Le droit de prendre part aux affaires publiques recouvre :

· le droit de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ;

· Le droit de vote et d'être élu dans le cadre d'élection libre ;

· Le droit d'accéder aux fonctions politiques de son pays ;

b) La liberté d'association et de réunion : la réunion est la formation de groupe momentané soit dans des lieux privés (liberté de réunion) soit dans des lieux publiques (liberté de manifestation) tandis que l'association consiste en la formation de groupes permanents. Cette liberté est garantie par la déclaration universelle des droits de l'homme, le

33 Salmon J. (dir), Dictionnaire du droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p 396

Pacte international relatif aux droits civiles et politiques et la Charte Africaine des droits de l'hommes et des peuples.

c) La liberté d'opinion et d'expression : Elle est énoncée dans l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reprend l'affirmation de la Déclaration avec quelques nuances. Il indique et justifie certaines restrictions concernant:

- Le respect des droits d'autrui,

- L'ordre public,

- La moralité publique,

- La santé publique.

L'article 20 du Pacte ajoute que toute propagande en faveur de la guerre ainsi que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse sont interdits. L'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples reconnaît aussi la liberté d'opinion et d'expression mais dans « le cadre des lois et règlements ».

En plus de ces conventions qui définissent des droits politiques pour tous les êtres humains sans distinction de sexe, la communauté internationale a reconnu de la situation particulière de la femme et a élaboré des textes spécifiques aux droits de la femmes en vue d'une plus grande équité dans la jouissance des droits.

B Les droits politiques comme droits de la femme

Trois grandes conventions spécifiques aux droits de la femme renforcent la garantie des droits politique de la femme. Il s'agit de la Convention sur les droits politiques de la femmes du 7 juillet 1954 à laquelle le Niger a fait acte de succession le 07 décembre 1964 34 ; de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) adoptée le 7 novembre 1967 par l'Assemblée générale des Nations unies et à laquelle le Niger adhère le 08 octobre 1999 35 ; et du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme entrée en vigueur le 25 novembre 2005. Signataire de ce protocole régional, le Niger ne l'a pas encore ratifié. Nous nous limiterons donc aux deux conventions ci-dessus citées. En ratifiant la CEDEF, le Niger a fait une déclaration et émis des réserves dont la portée est si considérable sur le plan des droits de la femme qu'il y a lieu de les examiner de près.

34 Archives Nationales du Niger, Répertoire des engagements internationaux de la République du Niger, p54 (notification de succession de la République du Niger)

35 JORN n° 19 du 1er octobre 1999, p 845 (Ordonnance n°99-30 du 13 août 1999)

1) La Convention sur les droits politiques de la femmes : Le but de cette convention est de mettre en oeuvre le principe d'égalité de droits des hommes et des femmes contenu dans la Charte des Nations Unies. La convention énonce dans son préambule que « toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, et d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays, et désirant accorder aux hommes et aux femmes l'égalité dans la jouissance et l'exercice des droits politiques, conformément à la Charte des Nations Unies et aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme ». Elle vise donc à réaffirmer sans équivoque que les droits politiques sont des droits de l'être humain, c'est-à-dire de la femme dans des conditions d'égalité avec les hommes.

En mettant surtout l'accent sur le droit de vote, le droit d'être éligible aux organismes publiquement élus, le droit d'occuper des postes publics et d'exercer des fonctions publiques, la convention a voulu renforcer le cadre juridique garantissant la participation des femmes à la prise de décision et à la gestion des affaires publiques dans les Etats parties. Cette convention bouscule donc les idées reçues et autres stéréotypes tendant à confiner la femme au foyer et que Xénophon, le philosophe grec, affirmait déjà en ces termes : « les dieux ont créé la femme pour les fonctions du dedans, l'homme pour les autres... Pour les femmes, il est honnête de rester dedans et malhonnête de traîner dehors. »36

2) La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) : constatant qu'en dépit de ces divers instruments internationaux garantissant les droits de l'homme, les femmes continuent de faire l'objet d'importantes discriminations, l'Assemblée Générale des Nations Unies adopte en 1979 la CEDEF. Le préambule de la convention rappelle notamment que « la discrimination à l'encontre des femmes viole les principes de l'égalité des droits et du respect de la dignité humaine, qu'elle entrave la participation des femmes, dans les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays, qu'elle fait obstacle à l'accroissement du bien-être de la société et de la famille et qu'elle empêche les femmes de servir leur pays et l'humanité dans toute la mesure de leurs possibilités ».

Elle fait obligation aux gouvernements de mettre fin à toute discrimination dans la vie publique, familiale, sociale, mais aussi dans la pratique coutumière. En devenant partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, un État contracte l'obligation d'aligner sa législation et sa pratique sur les dispositions de cet

36 Xénophon, cité par Hamani Abdou, op. cit. p 9

instrument. Les parties doivent observer de jure comme de facto ces dispositions qui concernent l'ensemble des droits - civils, culturels, économiques, politiques et sociaux - garantis aux femmes par la Convention. Ainsi, les États sont tenus d'assurer l'égalité entre hommes et femmes devant la loi, et dans les domaines suivants : participation à la vie politique, éducation, santé, droit de la famille.

Les articles 7 et 8 font expressément obligation aux Etats parties non seulement d'éliminer toute discrimination à l'égard des femmes dans la vie publique mais également de leur assurer dans des conditions d'égalité avec les hommes, la jouissance de l'ensemble de leurs droits politiques. Les États sont tenus de soumettre périodiquement au Comité des Nations unies sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes un rapport sur les mesures adoptées pour donner effet aux dispositions de la Convention. L'article 4 de la convention considère que « l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un acte de discrimination ».

L'Assemblée Générale a, par la suite, adopté un Protocole facultatif à la Convention entrée en vigueur le 22 décembre 2000 et qui permet aux femmes victimes de discriminations fondées sur le sexe de soumettre des plaintes, individuellement ou collectivement, au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le Niger qui a émis d'importantes réserves à la Convention, ne ratifiera ce protocole qu'en 2004 à travers la loi n° 2004-09 du 30 mars 2004.

3) Les réserves de la République du Niger à la CEDEF : par l'ordonnance n° 99-30 du 13 août 1999 autorisant l'adhésion du Niger à la CEDEF, le Gouvernement de la République du Niger a émis cinq (5) réserves et fait une déclaration (cf. Annexe 1). A travers ces réserves, le Niger écarte l'application des dispositions suivantes de la CEDEF : article 2 - d, f ; article 5 -a ; article 15 - 4 ; article 16 -1-c, 1-e, et 1-g.

Ces réserves portent essentiellement sur le droit de la famille mais leur portée est générale. Examinons les trois (3) premières qui ont un lien direct avec l'objet de notre analyse.

· Réserve à l'article 2 alinéas d et f de la Convention : « Le gouvernement de la République du Niger émet des réserves à l'égard des alinéas d et f de l'article 2 relatifs à la prise de mesures appropriées pour abroger toute coutume et pratique qui constituent une discrimination à l'endroit de la femme ; en particulier en matière de succession ».

· Réserve à l'article 5-a de la Convention : « Le gouvernement de la République du Niger émet des réserves en ce qui concerne la modification des schémas et modèles de comportements socioculturels de l'homme et de la femme ».


· Réserves à l'article 15-4 de la Convention : « Le gouvernement de la République du Niger déclare qu'il ne pourrait être lié par les dispositions de ce paragraphe notamment qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces dispositions ne concernent que la femme célibataire ».

Par ces réserves le Niger exclut la possibilité de prendre aucune mesure législative pour abroger toute coutume et pratique qui constituent une discrimination à l'endroit de la femme. Le gouvernement de la République du Niger refuse de bousculer les traditions culturelles et les modèles de société qu'elles ont engendrés. Il maintient la persistance des traditions qui consacrent la prééminence de l'homme dans la détermination de la résidence ou du domicile conjugal.

Ces réserves sont manifestement contraires à l'objet même de la convention. Selon l'Association des Femmes Juristes du Niger (AFJN), « en excluant la possibilité de prendre des mesures législatives pour abroger toute coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'endroit des femmes, le Niger ampute la CEDEF de beaucoup de normes égalitaires et de ce fait, laisse persister des discriminations à l'égard des femmes. »37

Le gouvernement en est pleinement conscient car selon la Direction de la Promotion de la Femme au Ministère du Développement Social, de la Population, de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'Enfant, « les réserves nigériennes vident la CEDEF d'une grande partie de sa substance normative et constituent une source de discriminations à l'égard de la femme. »38

Seule la France et le Royaume des Pays-Bas ont fait objection aux réserves du Niger sans toutefois s'opposer à l'application du traité entre l'une ou l'autre et le Niger. Mais la question de leur validité se pose d'autant plus que l'article 28 alinéa 2 de la CEDEF dispose qu' « aucune réserve incompatible avec l'objet et le but de la présente Convention n'est autorisée ». Selon la convention de Vienne sur le droit des traités, un Etat peut formuler une réserve mais il ne doit pas s'agir d'une réserve interdite par le traité ou incompatible avec l'objet et le but du traité39.

Du point de vue du droit interne nigérien, les réserves du Niger se fondent sur une logique qui ne ménage pas les principes égalitaires consacrés par la Constitution.

37 AFJN, rapport parallèle des organisations non gouvernementales nigériennes sur la conventions pour l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, juillet 2002, p 87

38 DPF (MDS/P/PF/PE), Etude sur le statut juridique de la femme et la loi au Niger, Niamey, avril 2002, p 57

39 cf. Convention de Vienne du 13 mai 1969 sur le droit des traités, article 19 - alinéas a) et c)

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon