WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'effectivité des droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger

( Télécharger le fichier original )
par Hassane Hamadou Namary
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3e cycle en Droits Fondamentaux 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1 : les garanties non juridictionnelles

Le recours contentieux n'est pas la seule méthode de garantie des droits de l'homme. Les garanties non juridictionnelles concernent tous les mécanismes de réparation ou de dissuasion des violations des droits de l'homme. Au Niger, il existe toute une constellation de mécanismes, opérationnels ou non, destinés à assurer la jouissance des droits reconnus à l'homme et à la femme. Toutefois, il ne nous paraît pas d'un grand intérêt d'en faire l'inventaire car la spécificité de notre étude nous commande de recentrer la réflexion sur les droits politiques et en particulier ceux de la femme. L'analyse des mécanismes de garantie non juridictionnelle des droits politiques de la femme nous amène à distinguer les mécanismes institutionnels (A) et les mécanismes non institutionnels (B).

A - Les mécanismes institutionnels de protection des droits politiques de la femme

Par mécanisme institutionnel, il faut entendre les possibilités offertes par des institutions nationales ou internationales ayant mission ou compétence pour garantir les droits politiques de la femme nigérienne. La pratique qui a tendance à se généraliser et qui consiste

54 Chapus R., Droit administratif général, Tome 1, 9e édition, Paris, Montchrestien, 1995, pp 834-835

55 DPF (MDS/P/PF/PE), Op. cit., pp 66 - 67

56 Frédéric Sudre, Op. cit.

au niveau des institutions et de certaines autorités à nommer des conseillère en genre est certes à encourager. Mais, tout en reconnaissant l'importance du rôle de ces conseillères dans la promotion de la femme, l'on peut objectivement les considérer comme ayant vocation à garantir les droits politiques de la femme. Si de part leur expertise elles peuvent éclairer voire influencer les décideurs, elles ne jouissent d'aucune indépendance dans leur action.

C'est pourquoi nous mettons plutôt l'accent au plan national sur le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'Enfant et la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (C.N.D.L.F) et au plan international sur le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.


· Le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'Enfant : Le Ministère de la Promotion de la Femme est probablement l'un des

Ministères dont la structure est la plus instable d'un Gouvernement à un autre. Mais il a, depuis 1981, toujours gardé une Direction de la promotion de la femme. Cette Direction joue un rôle important dans la conception et la mise en oeuvre des politiques du gouvernement dans le domaine de la promotion de la femme. Les études, séances de formation et de sensibilisation menées par cette Direction sur la loi sur le quota et les questions de genre contribuent à une meilleure connaissance des droits politiques de la femme. A travers cette Direction, le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l'Enfant contribue à faire évoluer les textes et les politiques dans un sens favorable à l'émancipation de la femme.

A côté de la Direction de la Promotion de la femme qui est avant tout une administration, donc une entité soumise au gouvernement, il existe un observatoire national de la promotion de la femme. Créé par le Décret n° 99-545/PCRN/MDS/P/PF/PE du 21 décembre 1999, l'Observatoire National de la Promotion de la Femme (ONPF) est chargé en réalité de coordonner et d'impulser la mise en oeuvre du plan d'action relatif à la politique nationale de la promotion de la femme. Un des objectifs de cette politique est de respecter les droits de la citoyenne dans le cadre de la démocratie. Un des résultats attendus de cet objectif est précisément : « le nombre de femmes au niveau des instances décisionnelles de l'administration et dans les structures politiques est augmentée ». L'Observatoire (ONPF) pourrait bien se servir de la loi sur le quota pour faire du plaidoyer auprès des plus hautes autorités pour une meilleure représentation de la femme au gouvernement et aux emplois supérieurs de l'Etat.

Placé sous la présidence du Ministre chargé de la promotion de la femme, L'ONPF est essentiellement composé de fonctionnaires représentants de l'administration. Les associations

et ONG de la société civile y sont sous représentées. Rattaché au Ministère de la promotion de la femme, sa composition est imprécise et il compte trois Ministres en son sein dont son Président. Comme on peut le constater, l'ONPF n'a ni le statut et le niveau d'autonomie nécessaires à son bon fonctionnement, ni la composition et la structure pour être efficace.

Cette structure qui aurait bien pu profiter du dynamisme des organisations féminines pour faire avancer le plan d'action de la promotion de la femme et faire du coup évoluer la représentation des femmes à tous les niveaux sombrent aujourd'hui dans la léthargie. L'ONPF doit être reformé pour donner plus de poids aux associations et ONG de développement et sa mission doit dépasser le cadre étroit du plan d'action pour lui permettre de surveiller et de mieux suivre l'effectivité des droits de la femme.

Comme on peut le constater, le Ministère de la promotion de la femme conçois des politiques qu'elle exécute et à ce titre contribue à l'évolution et à la connaissance des droits politiques de la femme. Mais il est moins outillé pour contrôler l'effectivité des droits politiques de la femme.


· La Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (C.N.D.H.L.F) : Créée pour la première fois au Niger sous la IV République, la CNDHLF a été prévue par la Constitution du 09 août 1999 en son article 33. Selon la loi n°98-55 du 29 décembre 1998 fixant ses attributions, la CNDHLF a le statut d'autorité administrative indépendante. Cette indépendance se reflète dans la composition de ses membres qui sont pour la plupart désignés par les organisations de la société civile à l'issue d'élections organisées en leur sein.

La CNDHLF a un mandat étendu en matière de protection des droits de l'homme en général. Sa mission est « d'assurer la promotion et la protection des Droits de l'Homme sur le territoire du Niger ; de promouvoir par tous les moyens appropriés, notamment d'examiner et de recommander aux pouvoirs publics toutes dispositions de textes ayant trait aux Droits de l'Homme en vue de leur adoption ; d'émettre des avis dans le domaine des Droits de l'Homme ; (...) de procéder à la vérification des cas de violation des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales sur le territoire de la République du Niger».57

La CNDHLF a par ailleurs des pouvoirs quasi-juridictionnels. Elle est habilitée à recevoir et à examiner des plaintes individuelles concernant des cas de violation des droits de l'homme et dispose du pouvoir d'investigation et d'enquête. Ce qui fait dire à son Président

57 Article 2 Loi n° 98-55 du 29 décembre 1998 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement de la CNDHLF

M. Garba Lompo que « sans avoir la puissance de juger, la CNDHLF dispose de l'arme tout aussi redoutable de dissuasion et de persuasion. »58

La Commission qui s'est beaucoup illustrée sur le terrain des droits sociaux grâce notamment au recours que font les organisations syndicales constitue une voie de recours possible dans le domaine de la protection des droits politiques de la femme. Les organisations féminines ont la possibilité de recourir à la CNDHLF pour surveiller l'effectivité des droits politiques de la femme. En effet la Commission est bien placée pour faire des investigations sur la mise en oeuvre effective de la loi sur le quota surtout en ce qui concerne la représentation de la femme dans les emplois supérieurs de l'Etat.

En plus de la dissuasion que constituerait le recours à la commission, celle-ci peut, selon l'article 2 alinéa b de la loi n°98-55 du 29 décembre 1998, « donner aux pouvoirs exécutifs et judiciaires des avis sur toutes les questions relatives aux droits de l'homme », y compris donc les droits politiques reconnus aux femmes.

Le nombre et la variété des plaintes individuelles et collectives59 que reçoit la CNDHLF attestent de la confiance qu'elle gagne de plus en plus auprès des citoyens. Etant donné qu'elle dispose du pouvoir d'auto saisine, la Commission peut davantage élargir son champ d'action en s'intéressant à la représentation des femmes aux emplois supérieurs de l'Etat en s'appuyant sur les dispositions de la loi sur le quota. Cela pourrait constituer un domaine de partenariat efficace avec les organisations féminines.


· Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes : Institué par l'article 17 de la CEDEF, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine les progrès réalisés par les Etats parties dans la mise en oeuvre de la Convention. L'article 18 de la CEDEF fait obligation aux Etats parties de « présenter au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu'ils ont adoptées pour donner effet aux dispositions de la présente Convention et sur les progrès réalisés à cet égard ». Le Comité formule des recommandations générales sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, à l'intention de tous les Etats parties. Il a en outre la possibilité d'inviter les institutions spécialisées du système des Nations unies à présenter des rapports et les organisations non gouvernementales peuvent lui fournir des informations sur

58 Lompo Garba, « Communication du Président de la CNDHLF à Kinshasa », Revue semestrielle de la CNDHLF, n° 001, sans date, p11

59 Selon la revue semestrielle de la CNDHLF, plus de 30 plaintes sont enregistrées par mois.

les faits dans un pays donné soit lors des réunions du Groupe de travail pré-session ou même en séance plénière.

Le protocole facultatif qui a été ajouté à la Convention, permet aux femmes ou à des groupes d'individus victimes de discrimination fondée sur le sexe de soumettre des plaintes au Comité. En devenant parties au Protocole, les Etats reconnaissent les compétences du Comité pour recevoir et examiner ces plaintes une fois que tous les recours nationaux ont été épuisés. Entrée en vigueur le 22 décembre 2000, ce protocole a été ratifié par la République du Niger à travers la loi n° 2004-09 du 30 mars 2004.

Ainsi les femmes nigériennes, les associations et ONG disposent d'une voie de recours à travers le mécanisme de plainte individuelle auprès du comité. Mais il faut souligner que les voie de recours internes ne sont encore que très faiblement utilisées. Ce qui rend en l'état actuel des choses, difficile le recours au comité. L'utilisation optimale des voies de recours nationales et internationales ne peut s'améliorer qu'avec un engagement plus fort de la société civile et des partis politiques.

B - Les moyens de protection non institutionnels

Le rôle que jouent les partis politiques et la société civile dans la garantie des droits politiques de la femme n'est pas négligeable même s'il est loin d'être satisfaisant.


· Les associations et ONG : Depuis la marche historique des organisations féminines du 13 mai 1991 qui a forcé la participation des femmes aux travaux de la Commission Nationale Préparatoire de la Conférence Nationale, la composante féminine de la société civile nigérienne a, pour ainsi dire, marqué son territoire. Le nombre des associations et la variété de leurs domaines d'intervention est un gage pour les femmes de jouir pleinement de leur liberté d'association et de se donner les moyens de s'exprimer et d'aborder les problèmes d'intérêt général ainsi que ceux qui leurs sont spécifiques.

Il existe au Niger plusieurs associations et ONG de défense et de promotion des droits de la femme. Le nombre de ces associations offre aux femmes une opportunité de s'engager davantage dans le mouvement et de faire entendre leur voie sur leurs préoccupations ainsi que les politiques nationales. En raison certainement des problèmes que posent la satisfaction des besoins pratiques ou primaires de la majorités des femmes, les ONG et associations se sont surtout attaquées aux questions relatives à l'allègement des tâches domestiques, aux activités génératrices de revenus, aux actions de salubrité, à l'octroi de crédits, etc.

D'autres ONG s'inscrivent plutôt dans le renforcement des capacités d'organisations à la base dans le sens d'une plus grande responsabilisation des femmes dans leurs ménages et à l'échelle de la communauté.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans le contexte nigérien, la participation politique effective des femmes est tributaire de la satisfaction de ces besoins pratiques. Plusieurs études montrent que les tâches domestiques occupent une très grande partie de la journée de la femme. Ce qui lui laisse très peu de temps pour des activités associatives ou politiques. Le défi de la conciliation des activités politiques et le rôle de mère ne semble pas d'ailleurs être une spécificité nigérienne même s'il se pose ailleurs en des termes bien différents. Selon Mme Elisabeth Guigou, Ancienne Ministre française, « même lorsque leur compagnon prend sa part du fardeau, c'est quand même sur les femmes que repose la responsabilité principale de la vie de tous les jours. Or le quotidien est particulièrement difficile pour une femme en politique, car c'est l'une des activités qui respectent le moins les rythmes du temps privé. »60

Certaines ONG et associations comme l'AFJNmettent un accent particulier sur la sensibilisation et la formation pour favoriser une plus grande prise de conscience des droits et devoir de la femme.

Il faut noter également le rôle que joue la société civile dans le plaidoyer pour influencer une plus grande prise en compte des droits de la femme ou pour faire écho à une initiative internationale. L'adoption de la loi sur le quota considérée comme un pas de géant vers une plus grande équité dans la représentation des genres est aussi à mettre à l'actif des associations et ONG de promotion des droits de la femme.

A l'heure actuelle par exemple, les ONG et associations féminines ont déjà engagé plusieurs initiatives et mènent des actions de plaidoyer auprès des décideurs politiques en faveur de la ratification par la République du Niger du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes. Ce protocole qui reprend certaines dispositions de la CEDEF pourrait rendre caduques une partie des réserves du Niger à la CEDEF.

Le dynamisme de la société civile nigérienne dans la conquête des droits de la femme ne signifie pas que le mouvement associatif ne connaît pas de limites. Tant s'en faut. Outre le problème de la faiblesse des moyens financiers qui limite leurs initiatives, il y la duplication des actions, un manque de concertation entre les regroupements qui vivent une sorte de rivalité nuisible aux actions de plaidoyer. Le contexte socioculturel peu favorable, la faiblesse des compétences techniques des membres dans certains cas et le contrôle que les pouvoirs publics ont tendance à exercer dans le fonctionnement des organisations limitent l'action de

60 Guigou Elisabeth, citée par Mariette Sineau, « l'obstacle familial », Problèmes politiques et sociaux, n° 835, mars 2000, p 62

ces dernières. L'entrée en scène des partis politiques, créant des associations pour infiltrer le milieu, demeure aussi un sujet de préoccupation.


· Les partis politiques : Le rôle des partis politiques dans la garantie des droits politiques de la femme est plus équivoque. D'une part ils consacrent tous une place importante à la promotion de la femme dans leurs programmes et discours mais d'autre part au moment de prendre les décisions, les responsables sont moins magnanimes.

L'action la plus remarquable des partis politiques en faveur des droits politiques de la femme se situe au niveau de la protection du droit de vote. Ils consacrent une énergie et des moyens considérables pour mobiliser les femmes à s'inscrire sur les listes électorales et à se servir de leurs droits de vote. Selon l'article 9 de la constitution du 09 août 1999, « les partis et groupements de partis politiques concourent à l'expression des suffrages. » Il s'agit donc là d'une mission constitutionnelle, non dénuée d'intérêts particularistes, dont les partis politiques s'acquittent plutôt bien.

Les partis jouent également un rôle considérable dans la mise en oeuvre de la loi sur le quota notamment au moment de la préparation des listes de candidatures pour les postes électifs. Ce rôle a surtout été bien joué en raison de l'effet dissuasif du contrôle des listes par la Cour constitutionnelle. L'on peut d'ailleurs aisément remarquer que les partis se sont limités au minimum requis. Les cas où les partis sont allés au delà de ce que prévoit la loi pour favoriser une meilleure représentation des femmes sont plutôt rares.

En réalité il faudrait examiner de près le fonctionnement des partis politiques essentiellement animés par les hommes, pour comprendre pourquoi ils se contentent du minimum dans la protection des droits politiques de la femme quand ils ne contribuent pas, à travers leurs propositions de nominations, à limiter la représentation des femmes au gouvernement et aux emplois supérieurs de l'Etat.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius