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La préservation des recours de l'assureur maritime sur facultés

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par Abdourahmane Sall
Université Cheikh Anta Diop - DESS droit des assurances 2006
  

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SECTION 2 : LES OBSTACLES A L'EXECUTION

DE LA SAISIE.

La saisie de navire peut être interrompue par des évènements ou obstacles qui peuvent être soit positifs, soit négatifs.

Paragraphe1 : Les obstacles positifs : Paiement ou

émission d'une lettre de garantie.

La saisie a pour but de contraindre un débiteur défaillant à exécuter ses obligations. Et à ce titre, la première cause d'extinction des obligations demeure sans aucun doute le paiement. Mais à défaut de paiement, le débiteur peut émettre une lettre de garantie.

-Le paiement :

C'est l'exécution volontaire d'une obligation antérieure (article 162 COCC). Parmi les nombreuses modalités de paiement, le versement d'une somme d'argent demeure la plus connue. De façon plus générale, le paiement a deux aspects. Il suppose d'abord une certaine activité de la part du débiteur, il permet en cela d'accomplir l'objet de l'obligation, donc d'en libérer le débiteur, en l'espèce l'armateur (article 163 COCC).

Ensuite, il permet aussi d'atteindre le but de l'obligation, c'est-à-dire le résultat matériel attendu par le créancier (assureur),  la satisfaction du créancier. Le paiement a une nature dualiste : il est l'exécution d'une obligation (donnant en cela satisfaction à l'assureur - créancier) ; il est l'extinction d'une obligation (libérant l'armateur - débiteur).

Ainsi l'article 183 COCC précise que «  lorsque la dette a pour objet une somme d'argent, elle est payée en la monnaie du pays où le paiement est fait ». Donc en principe, les armateurs doivent payer aux assureurs en franc CFA4(*) . Cependant l'article 184 COCC prévoit que si la dette est libellée en monnaie étrangère, le cours du change est celui du jour et du lieu du paiement.

-La lettre de garantie :

C'est une sûreté personnelle régie par l'AU/OS. L'article 1 de l'AU/OS définit les sûretés comme des moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat partie, où la convention des parties pour garantir l'exécution des obligations, quelle que soit la nature juridique de celle-ci. Quant à la sûreté personnelle, elle consiste en l'engagement d'une personne de répondre de l'obligation du débiteur principal, en cas de défaillance de celui - ci, ou à première demande du bénéficiaire de la garantie (article 2 AU/OS). La lettre de garantie est une convention passée entre le donneur d'ordre (débiteur - armateur) et le garant (un établissement financier : banque ou club de protection), par laquelle le garant s'engage à payer une somme déterminée au bénéficiaire (assureur créancier) sur première demande de celui-ci (article 28). Elles créent des engagements autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d'en constituer la base.

Elle est une garantie conventionnelle renforcée, en vertu de laquelle le garant doit payer aussitôt qu'il est sollicité, sans pouvoir, hors le cas de fraude manifeste, opposer la moindre exception.

En l'espèce les lettres de garantie des armateurs sont émises soit par leur club de protection, soit par des banques.

Les P&I clubs 5(*) ou club de protection restent des institutions assez originales de l'assurance maritime, en ce qu'elles se différencient des compagnies d'assurance aussi bien par leurs formes que par leurs activités. Ils sont des institutions à but non lucratif ; le concept de mutuelle revêt ainsi une importance considérable, car une mutuelle ne fait ni perte ni profit, et est au service de ses assurés. Leur financement est assuré par les membres. La cotisation est établie suivant la jauge brute du navire, avec généralement un minimum de quarante (40) tonneaux, et d'un taux de base ou d'une tarification applicable au navire considéré, eu égard au dossier historique de l'armateur et du navire considéré.

Il présente l'exemple intéressant d'une assurance où l'assuré est en même temps assureur. Et dans leurs garanties, ils précisent expressément aux assureurs que cette dernière les engage à libérer immédiatement le navire et/ou à renoncer de saisir ce navire ou tout autre navire ou biens et propriétés de l'armement de ce navire, de ses préposés, employés, représentants ou associés dans la même entreprise.

Cette garantie ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité. Elle est valable jusqu'à un accord amiable écrit entre les parties, et/ou une décision contradictoire définitive et exécutoire des juridictions sénégalaises. Elle devra être remplacée, au plus tard dans les quinze jours, par une garantie bancaire de même texte, et dont le montant ne devra pas dépasser celui fixé dans la garantie club.

Paragraphe 2 : Les obstacles négatifs : la procédure

d'anti suit injonction.

A travers le « bouillonnement  et le vagabondage »  juridique actuel, il apparaît depuis quelques années, d'une manière de plus en plus fréquente, que certains armateurs et certains clubs de protection entendent contester la validité des garanties qui ont été mises en place, en prétendant qu' elles ont été données sous la contrainte. Ces garanties clubs ou bancaires stipulant la plupart du temps que les litiges seront soumis à tel ou tel tribunal (en général celui du port de destination ), les armateurs et leur club ont ajouté à cette contestation la réactivation d'une procédure très ancienne, particulière au droit britannique, dénommée l'anti suit injonction.

Il s'agit d'une action entreprise devant la Hight Court of London qui tend à obtenir du juge anglais l'interdiction aux parties ( assureurs en général), victimes d'un sinistre (avaries, manquant ), pendant un voyage maritime, d'en obtenir réparation autrement que devant des arbitres anglais ; empêchant ainsi la procédure de se dérouler à l'étranger. Toute désobéissance à leur ordre est sévèrement sanctionnée tant sur le plan civil que pénal.

L'anti suit Injonction consiste donc pour l'armateur et son club de protection à demander au juge anglais d'interdire de façon préventive aux intéressés de la marchandise, ainsi qu'à leurs assureurs, d'engager une procédure autre qu'un arbitrage à Londres. Et en cas de contravention, d'admettre qu'il y'a « contempt of court »,  c'est-à-dire offense au tribunal, permettant ainsi à celui-ci de prononcer ensuite des condamnations.

Cette compétence s'étend à des personnes qui ne se trouvent pourtant pas physiquement présentes dans leur ressort, leur enjoignant de stopper séance tenante toute procédure entamée. Il s'agit d'une sorte de procédure pénale contestable tant dans la forme que dans le fond. Pourtant la convention de Bruxelles de 1952, par une disposition très originale, s'applique même aux navires des Etats non contractants, par le seul fait que la saisie a lieu devant le tribunal d'un Etat contractant (article 8). Les navires battant pavillon d'un Etat contractant ne peuvent être saisis dans le ressort d'un Etat contractant que suivant les formes et conditions définies par cette convention.

Les menaces ainsi faites sont prises au sérieux par les compagnies d'assurance ayant des ramifications internationales, à l'instar des groupes AXA, AMSA..., qui y voient un risque pour leurs actifs, et des contraintes d'emprisonnement de leurs dirigeants, notamment en Grande Bretagne.

Face à ces « flagrantes ironies et agressions juridiques », les assureurs essaient de plus en plus de définir une stratégie de lutte et de défense des intérêts de leurs groupes.

C'est ainsi que trois types de solution se sont imposées : les solutions préventives, les solutions amiables et la saisie au nom des réceptionnaires.

-D'abord, avec les solutions préventives, les assureurs signent avec les clubs de protection un protocole pouvant déboucher sur la mise en place systématique de garantie à l'amiable selon des modèles à définir afin d'éviter la saisie en amont des navires.

-Ensuite, avec les solutions amiables, les assureurs doivent d'une part, pour les dossiers ayant fait l'objet de procédures d'anti suit, proposer un règlement transactionnel tenant compte des frais engagés par toutes les parties ; et d'autre part, signer un protocole de transaction immédiate pour les dossiers dans lesquels des garanties clubs temporaires ou bancaires ont été émises.

-Et enfin, celle la plus efficace consiste à saisir le navire au nom des réceptionnaires. En effet, l'article 73 de l' AUVE dispose que «  lorsque le débiteur n'a pas de domicile fixe ou lorsque son domicile ou son établissement se trouve dans un pays étranger, la juridiction compétente pour autoriser et trancher les litiges relatifs à la saisie de ses biens, est celle du domicile du créancier »

Ainsi, de plus en plus, face à certains clubs de protection, les assureurs retardent leur subrogation envers leurs assurés. Et avant cette subrogation, ils mettent à la disposition de ce dernier un avocat qui devra accomplir les formalités de saisie de navire. Donc les armateurs et leurs clubs de protection ne pourront pas leur opposer cette procédure d'anti suit injonction.

Et c'est seulement après une réaction positive du saisi que l'assureur sera subrogé dans les droits et recours de l'assuré, éventuellement envers le manutentionnaire.

Cette pertinente et stratégique solution est maintenant de plus en plus pratiquée par les assureurs pour répondre à cette « ironie juridique »  d'anti suit Injonction.

CONCLUSION

En définitive la préservation des recours de l'assureur maritime sur faculté requiert une intelligence juridico - stratégique de l'assureur, sous peine de voir ses créances déchues. Cette intelligence juridique, pilier de l'ingénierie juridique1(*), doit être non seulement rationnelle mais aussi adaptée au système.

Par ailleurs, les mesures draconiennes prises par l'assureur à la souscription du contrat, notamment la consultation de la Loyds Shipping Index 2(*) , accentue l'hésitation consistant à se demander si l'assurance maritime sur facultés constitue réellement une assurance.

Même si elle est une assurance obligatoire, l'assureur a toujours la possibilité de refuser de contracter et de donner sa garantie. Il en est ainsi lorsque l'âge du navire dépasse trente ans, ou lorsque le club de protection n'est pas très connu. Donc la chance de gain ou de perte devrant caractériser l'opération d'assurance fait défaut.

Du coté de l'assuré, il n'y a pas de soucis : tous les dommages subis par la cargaison seront indemnisés. Cependant la fréquence très élevée des avaries, lors des expéditions maritimes, diminue sans aucun doute le caractère aléatoire du contrat. Donc, c'est toujours pour l'assuré tout sauf une perte.

Quant à l'assureur, de plus en plus, il est devenu un mandataire chargé d'exercer les recours de l'assuré. D'après l'art 457 COCC, le contrat de mandat est un contrat par lequel une personne donne pouvoir à une autre d'accomplir en ses lieu et place un ou plusieurs actes juridiques. En effet, la chance de perte n'existe presque pas, sauf dans quelques cas très très rares, notamment en cas d'avarie totale causée par une force majeure. Non seulement l'assureur reçoit une prime à la souscription du contrat, mais aussi, l'indemnité reçue par l'assuré lui sera remboursée par les tiers responsables.

En d'autres termes, l'assurance maritime constitue presque toujours un gain pour l'assureur. C'est pourquoi elle est devenue très sollicitée et « courtisée » par les compagnies d'assurance. Par exemple, pour transporter 18.000 tonnes de riz de Thaïlande à Dakar l'assuré payera environ une prime nette de 6.151.950 CFA, représentant 0,2% de la valeur de la marchandise estimée à 3.075.975.000 CFA. Cette prime représente la valeur de cent véhicules assurés en RC (responsabilité civile) pour une année.

Cependant, malgré la lucrativité et le profit que génère l'assurance maritime, les assureurs s'exposent à une perpétuelle insécurité juridique, accentuée par la fuite en avant des rédacteurs du code CIMA. En effet le code CIMA en a consacré un seul article, et ce dernier a renvoyé aux législations des pays membres.

Et en cas de fuite de navire, les compagnies d'assurance n'osent même pas penser engager la responsabilité administrative des autorités portuaires. Et pourtant, depuis 1970, avec l'arrêt Mor DIAW3(*) , la Cour d'Appel de Dakar, interprétant l'article 142 du COA, définit la faute de service comme un fonctionnement défectueux du service par rapport son fonctionnement normal, présentant un certain degré de gravité variable en fonction des activités de l'administration, et compte tenu des difficultés présentées pour l'exercice de cette activité et des moyens dont disposerait l'administration pour éviter le dommage. La jurisprudence actuellement en vigueur a de plus en plus tendance à déclarer la responsabilité de l'Etat, du fait de ses services de police 4(*), du fait de ses services publics hospitaliers5(*) , du fait d'une détention provisoire irrégulière 6(*).

Par ricochet, la responsabilité du port ne devrait pas poser de problèmes. Cependant, vu les aléas et les importants retards et lenteurs judiciaires notés lors des recours et assignations contre l'Etat, la réaction des assureurs est bien compréhensibles, hélas.

Le contrat d'assurance étant un contrat international, les problèmes de lois applicables se posent inévitablement, raison pour laquelle certains armateurs mal intentionnés se réfugient sous ces carences légales, et contestent de plus en plus les décisions rendues par tel ou tel tribunal. Et cette situation devient de plus en plus inquiétante quand « l'ironie  » d'anti suit injonction commence de plus en plus à être érigée en coutume loin d'être secundum legem (conformément à la loi), ou parfois en « principe général du droit 7(*) », par certains armateurs et leur club de protection.

Il convient de rappeler cependant deux règles juridiques classiques disposant d'une part, « c'est en vain que l'on prouve ce qui n'est pas pertinent » (frusta probatur quod probatum non relevat) ; et d'autre part, « aux hommes de mauvaise foi, point d'indulgence » (malitiis non est indulgendum). Contrairement à l'OHADA, la CIMA n'a pas été en mesure de faire développer des procédures judiciaires appropriées et de promouvoir l'arbitrage.

Face à cette situation, une réglementation légale communautaire de la CIMA ou la signature de conventions ou d'accords internationaux, réglant de manière claire nette et définitive cette insécurité juridique, devient alors une nécessité et une urgence, au grand bonheur des assureurs, qui, malgré les mauvais préjugés du « bas peuple », joue un rôle capital et important dans l'économie.

En effet, la CIMA dans ses objectifs, s'est chargée d'encourager, en vue d'accroître la rétention au plan national et régional, la mise en place de facilités permettant aux organismes d'assurances et/ou de réassurance opérant dans leur pays d'effectuer des échanges d'affaires par des techniques adéquates, notamment par la souscription et la gestion des grands risques dépassant la capacité de conservation d'un marché. Elle s'est également chargée de mettre en place de nouveaux instruments financiers pour rentabiliser les placements des compagnies d'assurances et de réassurance, et autres investisseurs institutionnels, notamment la création de leurs zones monétaires respectives de marchés financiers.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGE

- JEAN PIERRE TOSI : Le droit des obligations au Sénégal ; Librairie générale de droit et de jurisprudence, nouvelles éditions africaines, 1981.

CONVENTIONS INTERNATIONALES

- Convention de Bruxelles du 10 mai 1952.

- Convention de Hambourg du 31 mars 1978.

* 4 Communauté financière d'Afrique. Cette monnaie a été instaurée avant les indépendances dans la majeure

* 5 Associations mutuelles de protection et d'indemnité. Ils trouvent leur origine en Angleterre. C'est au milieu du 19e siècle que les précurseurs des clubs modernes s'étaient fondés strictement pour l'assurance corps et machines : c'était les « Total Lost Club »

* 1 Matière juridique ayant deux missions :

- l'étude de la science du droit positif. Ceci se base sur la systématisation, la qualification, l'herméneutique ou l'interprétation du droit,

- l'étude de la science de la législation, qui est la science du droit qui existe déjà : la légistique. Elle requiert une bonne maîtrise des techniques de conception, d'élaboration et de rédaction des textes.

* 2 La bible quotidienne de la fraternité de la marine marchande du monde entier : c'est la Lloyds List, publiée du lundi au samedi, et contenant des éditoriaux, des articles de fonds et des nouvelles sur un seul sujet,la navigation maritime.

Son compagnon d'écurie le Lloyds Shipping Index, énumère les mouvements de trente mille vaisseaux marchands en activité dans le monde : nom du bâtiment, propriétaire, pavillon, année de construction, tonnage, dernier passage signalé, et destination. Ces deux organes sont publiés dans le complexe de la Lloyds, Sheepen Place, à Colchester en Grande Bretagne.

* 3 Cour d'Appel de Dakar : 9 janvier 1970 ; Mor DIAW

* 4 Cour d'Appel de Dakar : 9 avril 1989 ; Etat du Sénégal contre Cheikh Mouhamed Fadel Kane et autres.

* 5 Cour d'Appel de Dakar : 27 juillet 1984 ; Demoiselle Diop contre Etat du Sénégal.

* 6 Cour Suprême : 2 décembre 1987 ; Seybatou Ndiour contre Etat du Sénégal.

* 7 Ce sont des principes non écrits qui sont généralement posés par le juge. En matière administrative, il s'impose en l'absence de toutes dispositions législatives.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius