WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De l'analyse critique des règles de compétence de la cour pénale internationale

( Télécharger le fichier original )
par Patient SAYIBA TAMBWE
Université Libre des Pays des Grands Lacs - Licencié 2002
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B.        Concurrence d'autres modes de règlement pacifique des différends

La CIJ n'est pas le seul moyen de règlement pacifique des différends mis à la disposition des États. L'article 33 de la Charte en précise un certain nombre :

« Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix ».

La multiplication des instances judiciaires internationales vient également limiter le champ d'action de la CIJ. On peut citer le Tribunal international du droit de la mer, [54] né de la Convention de Montego Bay [55] de 1982, qui empiète directement sur les compétences de la CIJ en matière de délimitation maritime.

La création en 1993 du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ( TPIY) puis en 1994 du Tribunal pénal international pour le Rwanda ( TPIR) et en 2002 de la Cour pénale internationale ( CPI) peuvent également introduire des conflits de compétence [56].

 

Paragraphe IV.  Appréciation critique

 

Par ses jugements et ses avis consultatifs, la Cour a permis de clarifier la relation du droit des conflits armés avec le droit international général, les règles coutumières et le jus cogens, et de mettre en évidence des principes fondamentaux du droit international humanitaire.

 

En tant que principal organe judiciaire du droit international public, la Cour internationale de Justice concourt à mettre en évidence les valeurs fondamentales que la communauté internationale a exprimées dans le droit international humanitaire. Sa jurisprudence représente un apport essentiel, car d'une part, elle clarifie la relation entre le droit international humanitaire et le droit international général, et d'autre part, elle précise le contenu des principes fondamentaux du droit international humanitaire. La Cour internationale de Justice a en outre dégagé et spécifié les principes fondamentaux du droit international humanitaire, lesquels peuvent être regroupés en trois catégories : les principes fondamentaux relatifs à la conduite des hostilités, ceux qui gouvernent le traitement des personnes au pouvoir de la partie adverse, et ceux qui touchent à la mise en oeuvre du droit international humanitaire. Ces règles constituent à la fois une synthèse du droit des conflits armés et la quintessence normative de cette branche traditionnelle du droit international.

 

SECTION III. LE TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL

POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

 

Face à la  situation caractérisée par des violations généralisées du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, par l'existence de camps de concentration et par l'application d'une politique de "nettoyage ethnique", le Conseil de sécurité a adopté une série de résolutions invitant les parties au conflit à se conformer aux obligations découlant du droit international humanitaire, et en particulier des Conventions de Genève, et à mettre fin aux violations du droit international humanitaire. Le Conseil a réaffirmé en outre le principe de la responsabilité individuelle des personnes qui commettent ou ordonnent de commettre de graves infractions aux Conventions de Genève et d'autres graves violations du droit international humanitaire.

C'est ainsi que par sa résolution 808 (1993) du 22 février 1993, le Conseil de sécurité a décidé la création d'un Tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 et il a chargé le Secrétaire général de préparer un rapport à ce sujet. Le rapport du Secrétaire général contenant le statut du Tribunal a été soumis au Conseil de sécurité qui, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, l'a adopté dans sa résolution 827 (1993) du 25 mai 1993. Par cette résolution le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a été créé [57]

Comme tout tribunal, le TPIY dispose des règles de compétence que nous nous proposons d'examiner succinctement.

Paragraphe I. Compétence territoriale et temporelle

 

La compétence ratione loci du tribunal international s'étend au territoire de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie, y compris son espace terrestre, son espace aérien et ses eaux territoriales. La compétence ratione temporis du Tribunal international s'étend à la période commençant le 1er janvier 1991 [58].

            Il importe de faire remarquer qu'il n'a été établi aucune date limitant la juridiction du TPIY.

Paragraphe II. Compétence personnelle et matérielle

 

Le tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, conformément aux dispositions du présent statut [59].

Le tribunal international a compétence à l'égard des personnes physiques conformément aux dispositions du présent statut [60].

Le statut affirme avec clarté que la responsabilité pénale individuelle ne pourrait se heurter à des  obstacles liés à la qualité officielle de l'auteur présumé d'un crime du droit international en précisant que :

1.      Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du présent statut est individuellement responsable dudit crime [61].

2.      Aussi la qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'Etat ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine [62].

Ceci dit, le tribunal international est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir les actes suivants dirigés contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente [63] :

a) L'homicide intentionnel; b) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques; c) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé; d) La destruction et l'appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire; e) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou un civil à servir dans les forces armées de la puissance ennemie; f) Le fait de priver un prisonnier de guerre ou un civil de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement; g) L'expulsion ou le transfert illégal d'un civil ou sa détention illégale;     h) La prise de civils en otages.

Le tribunal international est compétent pour poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées [64]:

a) L'emploi d'armes toxiques ou d'autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles; b) La destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires; c) L'attaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus; d) La saisie, la destruction ou l'endommagement délibéré d'édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à l'enseignement, aux arts et aux sciences, à des monuments historiques, à des oeuvres d'art et à des oeuvres de caractère scientifique; e) Le pillage de biens publics ou privés.

            Le statut précise sans équivoque en outre :

1. Le tribunal international est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis le génocide, tel qu'il est défini au paragraphe 2 du présent article, ou l'un quelconque des actes énumérés au paragraphe 3 du présent article.

2. Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
3. Seront punis les actes suivants: a) Le génocide; b) L'entente en vue de commettre le génocide; c) L'incitation directe et publique à commettre le génocide; d) La tentative de génocide; e) La complicité dans le génocide [65].

En toute vraisemblance, le tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis au cours d'un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre une population civile quelle qu'elle soit: a) Assassinat; b) Extermination; c) Réduction en esclavage; d) Expulsion; e) Emprisonnement; f) Torture; g) Viol; h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses; i) Autres actes inhumains [66].

Paragraphe III. Compétences concurrentes

          Selon l'esprit de son statut, la compétence concurrente du TPIY peut se résumer en deux idées majeures contenues dans l'article 9 :

1. Le tribunal international et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991.

2. Bien plus, le tribunal international a la primauté sur les juridictions nationales. A tout stade de la procédure, il peut demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur conformément au présent statut et à son règlement [67].

Paragraphe IV.  Appréciation critique

 

Le Tribunal pénal international pour l'ex-yougoslavie (TPIY), siégeant à la Haye (Pays-Bas), a été institué par le Conseil de sécurité le 23 février 1993 pour « juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991  ». De nombreux juristes se sont alors indignés contre la constitution d'un tel tribunal ad hoc et soulignaient la nécessité d'un tribunal international permanent et d'un corps judiciaire indépendant :

-         décidée par le Conseil de sécurité, la constitution du TPIY serait selon eux illégale car le Conseil n'a pas de pouvoir législatif et n'a pas respecté le principe de séparation des pouvoirs : une institution judiciaire a été mise au service d'une instance politique ;

-         des critiques se sont également élevées contre sa compétence limitée dans l'espace (ex-Yougoslavie), dans le temps (depuis 1991) et « ratione materiae », dans son domaine d'accusation : les crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Pour de nombreux observateurs, les Occidentaux se sont donné bonne conscience après les tragédies commises en ex-Yougoslavie et ils ont également accentué leur pression sur le gouvernement yougoslave. Contrairement aux autres instances des Nations unies, régulièrement soumises à des restrictions budgétaires, le budget du TPIY a été décuplé en cinq ans, passant de 10 millions de dollars en 1994 à 94 millions pour l'année 1999, les Etats-Unis se plaçant au rang des principaux contributeurs [68].

 

Au Kosovo, le Conseil de sécurité a voulu renforcer les prérogatives du tribunal. La résolution 1160 du 31 mars 1998 a ainsi demandé à Belgrade de « coopérer pleinement avec le bureau du procureur du TPIY ». La résolution 1207 a étendu à « tous les Etats » sa demande de « coopérer pleinement avec le Tribunal et ses organes ». Les pays membres de l'Alliance se sont montrés davantage prêts à coopérer avec le tribunal pour le Kosovo, mettant à sa disposition leurs services de renseignements pour l'obtention de documents pouvant étayer les preuves contre les inculpés et légitimer leur opération « force alliée  ». Le 27 mai 1999, le procureur du TPIY Louise Arbour a pris la décision la plus importante du tribunal depuis sa création, inculpant M. Slobodan Milosevic de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le tribunal mène également des enquêtes  : plusieurs sont en cours pour déterminer les responsables serbes des violences perpétrées contre les Albanais du Kosovo et les responsables albanais, notamment l' UCK [69], des exactions contre les populations non serbes du Kosovo.

 

Le 10 novembre 1999, le successeur de Louise Arbour, Mme Carla Del Ponte, a dressé devant les Nations unies un premier bilan des travaux d'exhumation au Kosovo après examen d'un tiers des sites repérés : 2 018 corps exhumés, sur 195 sites ayant fait l'objet d'une enquête.

Bien que lourd dans  ses  instructions  et  enquêtes,  ce   tribunal    pourra          servir d'instrument de dissuasion aux potentiels criminels de guerre. Pour l'heure, il mérite le bénéfice du doute [70].

 

SECTION IV. LE TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL

POUR LE RWANDA

 

Devant les atrocités commises au Rwanda entre avril et juillet 1994 [71], la communauté internationale s'est engagée à faire respecter le droit international humanitaire et à juger les responsables des infractions à ce droit. C'est ainsi que le Conseil de sécurité des Nations Unies, par sa résolution 955 du 8 novembre 1994, a créé le Tribunal pénal international, chargé de juger à la fois les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins [72].

Le Conseil de sécurité a ainsi créé un précédent particulièrement significatif, puisqu'il est « le tout premier cas d'un organe judiciaire international ayant compétence en matière de violations du droit international humanitaire dans le cadre d'un conflit interne » [73]. Mais, s'agissant d'un organe judiciaire institué par un organe essentiellement politique dans un contexte international en pleine mutation, il convient de s'interroger sur les considérations politico-juridiques qui ont entouré la création et la mise en place du Tribunal, et qui ont ensuite déterminé l'attitude des États et leur méfiance ou leur soutien, selon le cas.

Le tribunal a été ainsi chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations du droit international commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

Le génocide rwandais a fait, d'avril à juillet 1994, de 500.000 à 800.000 morts. Le TPIR est la première juridiction à statuer sur des accusations de génocide, défini par une convention internationale datant du 9 décembre 1948 [74].

Le tribunal pénal international pour le Rwanda est régi par son Statut qui est joint en annexe à la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Règlement de procédure et de preuve que les juges ont adopté conformément à l'article 14 du Statut, définit le cadre nécessaire au fonctionnement du système judiciaire. Le Tribunal est composé de trois organes: les Chambres de première instance et la Chambre d'appel, le Bureau du Procureur, chargé des enquêtes et des poursuites et le Greffe responsable de fournir un appui général judiciaire et administratif aux Chambres et au Procureur.

Les compétences du TPIR le rapprochent certes des juridictions d'après-guerre, mais dans certains cas, elles vont même au-delà de celles-ci. À titre d'exemple, on pourrait relever, entre autres, la compétence ratione personae. Dans le cas du TPIR, elle vise non seulement tous les criminels en principe, mais elle demeure prioritaire dans sa concurrence avec celle des juridictions nationales.

 

Paragraphe I. Compétence temporelle

Elle porte sur les crimes commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. La compétence ratione temporis n'est pas liée à un fait précis, tel que, en l'occurrence, la mort [accidentelle] des présidents du Rwanda et du Burundi, le 6 avril 1994, qui aurait pu être considérée comme l'événement qui a déclenché la guerre civile et son cortège d'actes de génocide [75]. Cette compétence est plus large, puisque le TPIR est appelé à connaître des violations commises entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994, et non des seuls crimes commis à compter du 6 avril 1994 [76].

Paragraphe II. Compétences territoriale et personnelle

Elles portent sur les crimes commis par des Rwandais sur le territoire du Rwanda et sur les territoires d'États voisins ainsi que les citoyens non-Rwandais pour les crimes commis au Rwanda. La compétence ratione loci n'est pas moins importante : le Tribunal est compétent pour connaître non seulement des violations graves du droit international humanitaire perpétrées entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 sur le territoire rwandais, mais également, sur celui des États voisins [77].

Quant à la compétence ratione personae, dans le cas du TPIR, elle vise non seulement tous les criminels en principe, mais elle demeure prioritaire dans sa concurrence avec celle des juridictions nationales [78].

Paragraphe III. Competence matérielle

Elle recouvre le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les violations de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du Protocole additionnel II (protection des civils en temps de guerre et violations des lois ou coutumes de la guerre).                   Ils constituent donc la compétence matérielle du TPIR.

Paragraphe IV.  Appréciation critique

 

Par les jugements qu'il sera appelé à prononcer sur les cas qui lui sont soumis, le TPIR contribuera à faire reculer l'impunité en Afrique, car les peines prononcées démontreront aux responsables politiques et militaires et aux chefs de guerre qu'ils peuvent un jour être recherchés, jugés et punis pour les violations du droit international humanitaire qu'ils auraient commises dans le cadre d'un conflit interne. Le procès Jean Kambanda est un exemple à saluer.

 

Comme l'avait fait remarquer le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie dans ses observations adressées au Comité ad hoc de la commission du droit international pour la création d'une cour criminelle internationale, « la création par le Conseil de sécurité de tribunaux ad hoc, comme ceux créés pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, représente un progrès considérable dans la lutte contre les violations des droits de l'homme et répond à la préoccupation fondamentale de voir la justice internationale contribuer à l'instauration d'une paix réelle et durable dans les pays déchirés par des conflits armés et où la dignité même est bafouée sur une grande échelle ». [79]

 

Au Rwanda comme dans les autres pays victimes de conflits armés, la reconstruction nationale, son rétablissement social et économique ne peuvent passer que par une réconciliation entre groupes ethniques, fondée sur une justice impartiale et neutre. En effet, tant que la justice n'est pas rendue, la haine ethnique peut se perpétuer. Et dans un tel contexte, le sentiment d'impunité justifie la multiplication des crimes. En punissant les coupables des atrocités perpétrées au Rwanda en 1994, le TPIR contribuera certainement à faire reculer l'impunité et à faciliter la réconciliation nationale.

Certes, le TPIR n'a pas pour mandat de procéder au développement du droit international humanitaire. Mais il convient toutefois de souligner que, comme tout organe à caractère judiciaire, il sera appelé dans le cadre de ses activités, à clarifier les règles de droit applicables, à préciser les normes coutumières relatives aux conflits armés non internationaux, à apprécier les actes des criminels au regard des dispositions pertinentes des Conventions et du Protocole additionnel II, entre autres. Ce qui contribuera, sans doute, à la réaffirmation du droit humanitaire, à la clarification et à la détermination de la portée et du contenu des normes de ce droit et, dans certains cas, à son développement progressif.

 

Pour tout dire, la création du TPIR symbolise le refus de l'impunité. Elle traduit également l'engagement de la communauté internationale à faire respecter le droit international humanitaire et à juger les responsables des graves violations de celui-ci.

 

            Comme l'on peut s'en rendre compte, ces juridictions pénales ad hoc, en leur qualité d'organes subsidiaires du Conseil de Sécurité voient leurs compétences limitées. Elles ont été créées pour  des fins déterminées. Elles ne pouvaient donc être dotées que des compétences strictement nécessaires à l'atteinte de l'objectif de leur création, entendu, la cessation des violations du droit international humanitaire constituant une menace à la paix et à la sécurité internationales.

 

            En ce qui concerne la compétence ratione loci, le tribunal pour l'ex-Yougoslavie ne peut sanctionner que les crimes commis sur le «  territoire de l'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie » [80], y compris son espace terrestre, son espace aérien et ses eaux territoriales. Le Tribunal pour le Rwanda a compétence sur le territoire du Rwanda et celle-ci s'étend aux «  territoires d'Etats voisins » [81].

 

            En ce qui concerne la compétence ratione temporis, le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie n'est compétent qu'à l'égard des crimes commis à partir du 1er janvier 1995 [82],date indiquant selon le Conseil de Sécurité, le début des hostilités sur le territoire yougoslave. Le Tribunal pour le Rwanda connaît les violations commises entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994 ; ce qui le distingue de celui de l'ex-Yougoslavie dont aucune date limitant sa juridiction n'a été établie [83]

 

            Dans le cas du Tribunal pour le Rwanda , même si cette solution a été adoptée afin que la planification du génocide et des crimes contre l'humanité n'y échappe (sic) pas, il n'en reste pas moins qu'elle comporte des limites : les crimes commis au Rwanda en 1994 n'étaient que le point culminant d'un long processus [84]. Ce paradoxe est une des principales critiques à l'encontre du Tribunal  pour le Rwanda car le Statut du Tribunal ne considère pas les causes et la planification du génocide [85].

 

            Cette compétence d'attribution limitée dans l'espace et dans le temps est due au fondement juridique, soit le Chapitre VII de la Charte, soit de la création de ces tribunaux. En effet, le problème réside dans le fait qu'il ne pouvait être question pour ces tribunaux de juger tous les crimes internationaux, fussent-ils imprescriptibles, commis sur les territoires Yougoslave et Rwandais depuis l'existence de ces pays. Cela aurait été incompatible avec leur mode de création car le Conseil de Sécurité ne peut créer une juridiction que dans l'objectif de rétablir la paix et la sécurité internationales et non  pour sanctionner des crimes anciens.

 

            La compétence ratione personae des deux tribunaux ad hoc est limitée aux personnes physiques, soit les auditeurs (sic) - nous pensons que l'auteur voulait dire auteur (présumés) des crimes-, complices et instigateurs des crimes prévus par le statut. [86] Contrairement à Nuremberg, ils n'ont pas compétence pour poursuivre pénalement les personnes morales ou privées et ne peuvent déclarer criminels des groupes, des associations ou des organisations [87].

 

            La réussite de ces tribunaux dépendra en grande partie de la volonté des Etats à régler les obstacles à leur mise en marche et à leur efficacité. En effet, tout le système de ces tribunaux est fondé sur la coopération des Etats. Si les Etats ne font pas preuve de bonne volonté, ces tribunaux ne pourraient être  que la manifestation de la bonne conscience de la communauté internationale et devenir des «  tribunaux-alibis » [88].

 

            La multiplication des tribunaux ad hoc est le compromis de la communauté internationale afin de redonner une certaine crédibilité à l'O.N.U.

 

            Les événements de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda ont permis d'accomplir un progrès remarquable en matière de responsabilité pénale internationale de l'individu. Le respect  du «  sacro-saint » principe de la souveraineté des Etats en droit international public a subi quelques brèches : l'approche est de plus en plus fondée sur la protection de la personne et sur le respect des droits de l'homme les plus fondamentaux.

 

            Si ces  précédents n'ont pas ou ne sont pas sans limites, au moins ont-ils eu le mérite d'exister et d'agir. Ces événements ont aussi permis de reprendre les négociations et d'adopter le Statut de Rome créant la Cour Pénale Internationale permanente. Tel n'a pas été le cas de la Cour Pénale Internationale dont la création avait été envisagée pour juger, après le premier conflit mondial, l'Empereur Guillaume II, ou de celle dont la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide proposait la création en 1948. Son examen fut cependant constamment différé par l'Assemblée générale du fait de la paralysie liée à la guerre froide et pour le motif qu'il fallait attendre que soit adoptée une définition de l'agression, qui aujourd'hui encore, dans le Statut de Rome, reste à adopter.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE II.

ANALYSE DES REGLES DE COMPETENCE  DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE

 

L'idée selon laquelle " même la guerre ne peut justifier toutes les atrocités " était déjà en germe à la fin du 19ème siècle, suite au conflit franco-prussien. Différents textes viennent corroborer cette pensée. Les conventions de La Haye des 29 juillet 1899 et 17 octobre 1907, invoquent le droit des gens et les lois de l'humanité. Le statut du tribunal militaire international de Nuremberg introduit la notion de crime contre l'humanité. Les Conventions de Genève du 10 août 1949, instaurent une obligation d'entraide et de coopération en vue de l'arrestation et de la poursuite de toute personne présumée responsable d'un crime international [89].   Mais, la nécessité d'ériger un système de justice pénale internationale opératoire s'est imposée de façon cruciale au début des années 1990, au lendemain de la guerre de l'ex-Yougoslavie et des massacres au Rwanda. La communauté internationale a exprimé l'idée de voir les auteurs, les co-auteurs et complices de crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et de génocide poursuivis individuellement pénalement selon les règles coutumières et conventionnelles du droit pénal international. C'est au sein d'un comité ad hoc, en 1995, que les discussions sur la Cour pénale internationale ont débuté.             Considérée comme un impératif moral, la création de la Cour pénale internationale a recueilli un large consensus dans la communauté mondiale. Certains Etats, soucieux de leurs intérêts, entendent pourtant en limiter les pouvoirs. Les modalités de constitution et d'exercice de la Cour demeurent l'enjeu d'âpres discussions

Il ne s'agit pas, pour cette cour de juger des Etats, des peuples ou des nations mais des individus, innovation majeure et corollaire de l'émergence, dans la seconde moitié du XXème siècle, de l'individu comme acteur du droit international.

Dans le cadre de la justice pénale internationale telle qu'elle se met en place actuellement, les accusés peuvent de moins en moins, pour échapper au jugement, invoquer leur qualité de personnage officiel, ce qui constitue une remise en cause des immunités qui protègent traditionnellement les chefs d'Etat ou les hauts fonctionnaires.

En effet, dans le droit international classique, un chef d'Etat ou un diplomate en exercice bénéficient d'une immunité attachée à leur personne, ce qui les met à l'abri de poursuites judiciaires, y compris pour des agissements privés; un ancien chef d'Etat conserve quant à lui une immunité pour les actes publics réalisés lorsqu'il était au pouvoir.

On peut se référer là encore, au procès de Nuremberg: l'affirmation d'une responsabilité pour des actes publics des anciens dirigeants allemands a constitué une véritable révolution juridique, car le Statut de Nuremberg préconisait déjà que : "la situation officielle des accusés, soit comme chef d'Etat, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de la peine." [90] Cependant il ne s'agissait encore que d'une disposition exceptionnelle, qui ne s'est pas étendue immédiatement après la seconde guerre mondiale.  

La levée de l'immunité du général Pinochet le 25 novembre 1998 a marqué un véritable précédent. La chambre des Lords a jugé que des actes publics accomplis par un chef d'Etat pouvaient faire l'objet de poursuites lorsqu'ils ne relèvent pas des compétences de l'Etat. Ainsi, les crimes tels que la torture ou les crimes contre l'humanité ne sauraient appartenir aux fonctions d'un chef d'Etat.

Le principe d'absence d'immunité des chefs d'Etats et des haut-fonctionnaires n'est pas mentionné explicitement dans les statuts des Tribunaux pénaux internationaux, mais ces textes ne prévoient pas non plus un traitement d'exception pour les dirigeants politiques. La mise en accusation en mai 1999 par le procureur du TPIY de Slobodan Milosevic pour "crimes contre l'humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre " [91] au Kosovo le confirme, d'autant plus qu'il s'agit de la première mise en accusation d'un chef d'Etat en exercice par une institution judiciaire établie à l'échelon international.

Restant dans cette même logique, le statut de la Cour pénale internationale a consacré ce principe dans l'article 27 intitulé  "Défaut de pertinence de la qualité officielle" en précisant sans ambiguïté que:

"Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.
Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne." [92]

La compétence de la CPI est soumise au principe de complémentarité, c'est-à-dire que la CPI n'est appelée à intervenir qu'en cas de défaillance des juridictions nationales. Toutefois en matière de droit pénal international les États exercent une compétence liée. Ils agissent sur «commandement» du droit international.

Pour permettre une critique on ne peut plus objective des règles de compétence de la CPI, il nous semble nécessaire de les évoquer d'abord une à une.

 

SECTION I. COMPETENCES TEMPORELLE ET

PERSONNELLE

 

 

La Cour n'a compétence qu'à l'égard des crimes relevant de sa compétence commis après l'entrée en vigueur du Statut. Et après l'entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du Statut pour l'Etat qui ratifie, c'est-à-dire après le 1er juillet 2002.  

La Cour Pénale Internationale (CPI) sera la première cour permanente, chargée d'enquêter et de juger les individus accusés de violations massives du droit international humanitaire et des droits de l'Homme, c'est-à-dire les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et, une fois défini, les crimes d'agression.

A la différence de la Cour Internationale de Justice (CIJ), qui ne peut connaître que des différends opposant des Etats, la CPI est compétente pour juger les individus, indépendamment de leur qualité officielle et hiérarchique. De même, à la différence des Tribunaux Pénaux Internationaux pour l'Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda créés par le Conseil de Sécurité de l'ONU, la compétence de la CPI n'a pas de limite spatiale ou temporelle.

La juridiction de la CPI ne sera pas rétroactive et la Cour ne pourra connaître que des crimes commis après son entrée en vigueur, le 1er juillet 2002 [93].  C'est là l'une de failles de cette juridiction, car elle laissera impunis plusieurs crimes horribles pourtant bien définis par le statut de Rome et devant relever de la compétence matérielle de la CPI.

 

La CPI sera un organe complémentaire des juridictions nationales, n'exerçant sa compétence que lorsque les Etats seront dans l'incapacité ou ne manifesteront pas la volonté de poursuivre eux-mêmes les responsables des crimes de la compétence de la CPI (à la différence des TPIY et TPIR qui sont régis par un principe de primauté sur les tribunaux nationaux). Cette complémentarité à la base du fonctionnement de la CPI devrait avoir un effet positif sur les systèmes juridiques nationaux ; elle devrait inciter les Etats à moderniser leur système juridique, à typifier les crimes internationaux, à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire. La protection des droits de l'homme au niveau mondial ne s'en verra qu'améliorée. Mais, il faut reconnaître que certains pays pourront se prévaloir de ce principe pour entraver la bonne marche de la cour (on y reviendra).

 

En ce qui concerne la compétence personnelle, la Cour est compétente à l'égard des personnes physiques ressortissants des États qui auront ratifié le Statut ou qui ont exprimé leur volonté de se soumettre à la juridiction de la Cour. Le crime peut avoir été commis individuellement ou conjointement. La personne est pénalement responsable si elle ordonne, sollicite ou encourage la commission du crime, si elle facilite la commission du crime, lui apporte son aide, ou contribue de toute autre manière à sa commission ou à la tentative de commission [94].   Ainsi, seuls les auteurs d'actes commis là où ni l'Etat dont il est ressortissant ni celui où les actes ont été commis n'ont reconnu la juridiction de la Cour échapperont à la juridiction de la Cour. Le principe de base de l'exercice de la compétence de la Cour est le suivant : la responsabilité pénale pour les crimes de droit international est toujours individuelle. Dans ce sens, le Statut de la Cour suit entièrement le principe formulé par le Tribunal de Nuremberg, récemment confirmé par les tribunaux internationaux pour l'Ex- Yougoslavie (art 7 du statut) et pour le Rwanda (art. 6  du statut).

 

Cette responsabilité s'étend à toutes les violations graves du droit international et des droits humains. La responsabilité individuelle est cependant strictement limitée aux personnes physiques.

Le Statut indique également les différentes formes dans lesquelles la responsabilité d'une personne peut être engagée sur le plan pénal. La personne peut être tenue responsable pénalement :

a.       lorsque l'acte qui constitue un crime international a été commis avec sa participation ;

b.      si la personne a tenté de commettre un tel acte ;

c.       si elle a incité à la réalisation d'un tel acte ou si la personne a participé à sa planification ;

d.      si la personne a été complice dans l'exécution du crime ou si elle a ordonné son exécution ;

e.       si la personne n'a pas tout fait afin d'empêcher la réalisation des actes criminels.

La responsabilité pénale peut être engagée même si l'acte criminel n'a pas été exécuté intégralement. Le fait de planifier la commission de crimes internationaux constitue per se un comportement délictueux.

 

Il est cependant à remarquer que le Tribunal de Nuremberg avait retenu de manière explicite la notion d'appartenance à une organisation criminelle. S'il est vrai que le crime de droit international est commis par des personnes physiques et non par des entités abstraites, leur exécution se fait souvent non par des personnes prises individuellement, mais par des personnes liées à une organisation.

Ainsi, si le génocide contre le peuple juif a été exécuté par des personnes individuelles, il n'est pas moins vrai que les organisations criminelles tels les SS ont joué le rôle déterminant dans la mesure où cette organisation criminelle a servi comme canal collectif par lequel les ordres ont été transmis et exécutés. Une personne isolée, agissant en dehors de tout cadre organisationnel, sans rattachement à un groupement d'affinité politico-idéologique pourrait difficilement planifier et exécuter des crimes de droit international.

C'est toujours à travers les personnes morales ou abstraites que les crimes sont normalement canalisés et que les individus agissent. Dans ce sens, il faut retenir attentivement que les SS ont été déclarés organisation criminelle par le Tribunal de Nuremberg [95].

Cette figure délictueuse d'organisation criminelle est d'ailleurs tout à fait d'actualité car sur le plan des relations internationales, il y a des cas où des personnes morales sont parfois responsables de véritables comportements criminels.

 

Il est donc à regretter que ces personnes morales n'aient pas été incluses comme responsables également des crimes de droit international et en conséquence pouvant être déclarées et poursuivies comme " organisations criminelles ", qu'il s'agisse de personnes morales privées ou d'institutions internationales possédant la personnalité juridique internationale.

 

SECTION II. COMPETENCE TERRITORIALE

            La Cour peut être saisie pour des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression (cette dernière qualification n'étant pas encore applicable dans l'attente de sa définition). Sa compétence territoriale n'est pas universelle. Dans les cas de saisine par un Etat partie ou d'autosaisine par le procureur, sa compétence est subordonnée à l'obligation suivante : l'Etat sur le territoire duquel le crime est commis ou dont la personne accusée du crime est ressortissante doit être partie au Statut, c'est-à-dire avoir reconnu par ratification ou déclaration la compétence de la Cour. Le Conseil de sécurité des Nations Unis peut également saisir la Cour sur le fondement du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, estimant la paix en danger.   Le principe fondamental du statut de Rome est que la Cour est complémentaire des juridictions nationales. Elle ne peut donc exercer sa compétence que lorsque les Etats n'ont pas voulu (volonté de faire échapper l'intéressé à sa responsabilité pénale) ou n'ont pas pu (disparition de l'appareil judiciaire) exercer des poursuites.                         La procédure devant la Cour est un mélange de common law et de droit romano-germanique, avec une prédominance malgré tout de common law. Le procureur est responsable de l'enquête. Il établit et présente les charges contre les accusés, devant la chambre préliminaire (proposition française) comparable par certains côtés à une chambre d'accusation en France [96].   Dès lors que les charges sont confirmées, l'accusé est renvoyé en jugement devant une chambre de première instance composée de trois juges. L'appel se déroulera devant une chambre d'appel composée de cinq juges.   Dans la mesure où la CPI ne se substitue pas à la compétence nationale et ne supplante pas les systèmes nationaux de justice pénale, il appartient désormais aux Etats non seulement d'adapter leur législation interne pour poursuivre les crimes visés par le Statut, mais également de mettre en place un système de coopération avec la Cour notamment pour la remise des suspects ou pour l'entraide judiciaire. Sans ce système, cette dernière se trouverait privée de tout moyen.

 

SECTION III. COMPETENCE MATERIELLE

 

La Cour sera compétente pour quatre catégories de crimes : le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression [97].   S'agissant des trois premières catégories, les définitions reprennent des textes existants tels les conventions de Genève de 1949 et la convention sur le Génocide. Elles sont assez précises et s'agissant des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, la liste est très longue. S'agissant des crimes de guerre, pas moins de 26 infractions sont mentionnées. Par contre il est dit dans le Statut que « la Cour exercera sa compétence à l'égard du crime d'agression quand une disposition aura été adoptée, qui définira ce crime et fixera les conditions de l'exercice de la compétence de la Cour à son égard ». [98]

Nous ne reprendrons pas les définitions puisqu'il suffit de se reporter à celles ci-haut données. Cependant, lors des négociations du statut de la CPI, les Etats ne sont pas parvenus à s'entendre sur une définition du crime d'agression. Une commission préparatoire a donc été chargée de rédiger un article sur le crime d'agression qui sera adopté plus tard  (sept ans après l'entrée en vigueur du Statut) par voie d'amendement. Dans un premier temps, la Cour n'aura donc pas compétence pour le crime d'agression.

Or, en principe, la Cour Pénale Internationale devrait déjà exercer sa compétence aussi pour les crimes d'agression. Mais, dans le contexte actuel, quel Etat oserait prendre le leadership sur la délicate question de la définition de ce crime ?

Ce n'est qu'en 1974 qu'une définition consensuelle est adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, dans les termes suivants : « L'agression consiste en l'usage de la force armée par un Etat, contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat ». Cette Résolution 3314 du 14 décembre énumérait par ailleurs un certain nombre de moyens interdits, tels que, l'invasion, l'attaque, le bombardement, le blocus. Cependant, des dérogations à l'usage de la violence lui furent adjointes, liées à l'autodétermination ou aux luttes de libération nationale. Cela dit, le Conseil de Sécurité, organe éminemment politique, restait seul juge en matière d'agression [99].

 

            La Cour Pénale Internationale n'était pas encore affranchie de toutes les raisons d'Etat et les divergences de vue concernant le crime d'agression ne purent être résolues pendant cette Conférence ; le crime fut inclus, mais les travaux concernant sa définition et les éléments constitutifs, reportés.  Il y a fort à parier que des pressions des Etats-Unis se renouvelleront, car le Pentagone s'est toujours opposé à l'inclusion du crime d'agression dans le champ de compétence de la Cour [100].

L'on peut se douter d'ailleurs que la  notion de guerre préventive, mise au point par le Pentagone dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, n'est ni plus ni moins qu'une justification d'un mouvement d'agression. La Charte des Nations Unies, et surtout son Préambule « Nous, les Peuples », n'ont jamais été autant en danger, car dans un monde démocratique, la souveraineté appartient au Peuple, non à l'Etat. Le précédent qui va peut-être avoir lieu, en-dehors de toute légitimité onusienne, ouvre la porte au retour de la loi de la jungle et de la loi du plus fort. Les populations civiles étant bien sûr au premier rang des victimes touchées, c'est l'exemple récent en Irak.

           

Aujourd'hui, il faudrait une sacrée dose de courage politique pour progresser sur la voie de la sanction du crime d'agression, car avant de poursuivre des individus, le Conseil de Sécurité doit déterminer si oui ou non un Etat en a agressé un autre ! Il semble que l'opinion publique internationale se soit massivement prononcée en défaveur d'une guerre programmée contre l'Irak. Alors oui, de même qu'il a fallu attendre que les conditions soient favorables à l'émergence d'une Cour Pénale Internationale, de même est-il opportun aujourd'hui d'aller au bout de la logique de cette Cour, en lui donnant ses pleines et entières compétences. [101]

Quant aux crimes contre l'humanité [102], une précision mérite d'être donnée, et c'est là une grande innovation du statut de Rome : la liste des crimes contre l'humanité a été précisée et allongée, notamment pour inclure les disparitions, l'apartheid (qui avait été qualifiée de crime contre l'humanité dans la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid [103]de 1973) et les crimes sexuels graves autres que le viol.

Il faut noter en outre que si les crimes visés sont qualifiés d'"internationaux", ce n'est pas tant du fait de leur caractère intrinsèquement international, que parce qu'ils portent atteinte à des valeurs jugées universelles, touchant à la dignité humaine [104].

 

Un mot sur le principe de complémentarité de la CPI aux juridictions nationales ne serait pas de trop, car nous savons que le statut de Rome établit une compétence partagée entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale.  En effet, la CPI n'agira donc qu'en complémentarité des juridictions nationales, mais les Etats sont tenus de coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites pour les crimes relevant de sa compétence.

 

a. le principe de complémentarité

 

En ce qui concerne la recevabilité des affaires, le principe est qu'une affaire est jugée irrecevable par la Cour pénale lorsqu'elle fait ou a fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce. La solution retenue est donc différente de celle qui avait prévalu lors de la création des tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Le statut de ces tribunaux pose en effet le principe de la primauté sur les juridictions nationales et leur permet de demander le dessaisissement de ces juridictions à tout stade de la procédure. Or, il est dit aux termes de l'article 18 du statut de Rome que le procureur doit informer les Etats dès le début de l'enquête. L'Etat dont le suspect a la nationalité dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître l'état des poursuites concernant cette personne. L'existence de telles poursuites oblige le Procureur à suspendre l'instruction. La Cour doit s'assurer, aux termes de l'article 19 du statut, qu'elle est compétente pour connaître d'une affaire portée devant elle. Elle peut d'office se prononcer sur la recevabilité de l'affaire. Le principe de compétence des Etats est tempéré par le fait que cette règle ne s'applique pas lorsqu'il apparaît que l'Etat en cause n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites. Le statut précise les circonstances qui permettent de déterminer qu'il y a un manque de volonté de l'Etat. Il en va notamment ainsi lorsque la procédure est engagée dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale.

Naturellement, conformément à la règle non bis in idem, nul ne peut être jugé par la Cour lorsqu'il a été jugé par une autre juridiction pour les mêmes faits, sauf si la procédure devant cette juridiction avait pour but de soustraire la personne à sa responsabilité pénale ou si elle a été menée d'une manière qui démontrait l'intention de traduire l'intéressé en justice.

 

            Mais, comme on peut le constater, il n'est pas du tout facile de déceler la mauvaise volonté ou l'incapacité d'un Etat à poursuivre une enquête sauf, à notre avis lorsque ledit Etat est prêt à coopérer.

 

b. Une obligation de coopération

 

L'article 86 prévoit une obligation générale pour les Etats de coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites pour les crimes relevant de sa compétence.

La Cour peut adresser des demandes de coopération aux Etats parties, notamment afin d'obtenir qu'une personne soit arrêtée pour lui être remise. Elle peut également formuler des demandes d'assistance concernant l'identification d'une personne, le rassemblement d'éléments de preuve, la signification de documents, l'examen de localités ou de sites...

Lorsque l'exécution d'une mesure d'assistance demandée par la Cour est interdite dans l'Etat requis en vertu d'un principe juridique fondamental d'application générale, ledit Etat doit engager des consultations avec la Cour pour tenter de régler la question. Si la question n'est pas réglée à l'issue des consultations, la Cour modifie la demande.

 

Un Etat partie ne peut rejeter, totalement ou partiellement, une demande d'assistance de la Cour que si cette demande a pour objet la production de documents ou la divulgation d'éléments de preuve qui touchent à sa sécurité nationale.

L'article 98 du statut, quant à lui, prévoit que la Cour ne peut présenter une demande d'assistance qui contraindrait l'Etat requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des Etats ou d'immunités diplomatiques d'une personne ou de biens d'un Etat tiers, à moins d'obtenir au préalable la coopération de cet Etat en vue de la levée de l'immunité.

 

          Cet article pourrait être manipulé par certains Etats qui seraient contre la CPI dans la mesure où ils peuvent signer des accords qui violent sensiblement le statut de Rome et se réfugier derrière l'article 98.

 

SECTION IV. COMPETENCE EX-OFFICIO DU  PROCUREUR

 

 

L'article 99 prévoit notamment que le Procureur peut procéder à certains actes d'enquête sur le territoire d'un Etat partie, y compris en l'absence des autorités de cet Etat.

 

Le Procureur peut donc ouvrir une enquête de sa propre initiative. Il est indépendant, toutefois son action ex-officio est soumise à l'examen d'une chambre préliminaire qui décidera du bien fondé de l'action entreprise et autorisera ou non la poursuite des enquêtes.

 

Les mesures qu'il peut prendre dans ce cadre, notamment recueillir une déposition ou inspecter un site public ou autre lieu public, sont exclusives de toute contrainte. " [105]

 

En marge de tout ce qui a déjà été dit, on ne peut passer sous silence les modes de saisine pour  que la cour exerce sa compétence. Ainsi point n'est besoin de signaler que trois voies possibles sont ouvertes afin que la Cour exerce sa compétence.

 

La première voie concerne l'Etat Partie. Celui-ci peut remettre au Procureur des informations relatives à des crimes commis et demander que des poursuites soient engagées contre les responsables. Il est cependant très probable que cette voie ne soit jamais utilisée. En effet, plusieurs conventions internationales de protection des droits de l'homme contiennent déjà des dispositions similaires, et sauf information contraire, à notre connaissance, aucun cas de plainte d'un Etat contre un autre n'est connu devant un organe international chargé de surveiller le respect des obligations étatiques dans ce domaine [106].

 

Dans le cas de la Cour Pénale Internationale, il ne s'agit pas de violations qu'on peut appeler " non graves ", mais des crimes de droit international. En réalité, les organisations de défense des droits de l'homme, les ONGs et les victimes n'ont pas grand chose à attendre de cette voie.

 

La deuxième voie, est celle du Conseil de sécurité de l'ONU. Cet organe politique, dont les Etats-Unis sont un membre permanent avec droit de veto, peut, à l'égal des Etats Parties, remettre au procureur des informations et demander l'ouverture des investigations sur des crimes commis sur le territoire d'un Etat Partie. Il est important de rappeler que les Etats-Unis ont développé une politique de boycott permanent contre la création de la Cour.

Donnée révélatrice, ce pays vient de retirer tout appui à la Cour Pénale internationale. En effet, les Etats-Unis par lettre envoyée au Secrétaire général de l'ONU le 6 mai 2002, viennent de retirer leur signature du traité de Rome, manifestant en même temps leur volonté de ne jamais devenir Partie au Statut de la Cour. Deux arguments ont été avancés par eux afin de justifier ce refus. D'abord, que les Etats-Unis ne sont pas obligés par le droit international à ratifier le traité de Rome. Deuxièmement, leur crainte que des plaintes capricieuses soient déposées auprès de la Cour Pénal Internationale contre leurs autorités gouvernementales, leurs fonctionnaires civils, leurs militaires et leurs soldats [107].

 

La voie du Conseil de sécurité reste un chemin dangereux, surtout en tenant compte de la crise de légitimité et le manque de crédibilité de cet organe de l'ONU. En effet, les Etats-Unis, tiers au Statut de la Cour, pourrait à tout moment, tout en refusant de se soumettre à l'ordre juridique pénal international, utiliser cet organe en faveur de ses propres intérêts de domination. Le danger est encore plus réel lorsqu'on constate que le statut de la Cour Pénale Internationale prévoit que le Conseil de sécurité a le pouvoir de paralyser totalement toute action d'investigation ou suspendre tout procès ad infinitum contre les responsables des crimes contre l'humanité. Il n'est donc pas à exclure que là où les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont menacés ou en danger, cet organe politique ne devienne un instrument de sa politique, consacrant juridiquement l'impunité. Ces craintes sur la possible manipulation du Conseil de sécurité sont, malheureusement, bien réelles [108].

 

La troisième voie se présente lorsque le Procureur de sa propre initiative    ("d'office ") décide d'ouvrir une procédure criminelle sur base d'informations relatives à l'existence de crimes tombant sous la compétence de la Cour. C'est au Procureur que revient le pouvoir de vérifier la véracité des faits, en demandant notamment des renseignements aux organisations gouvernementales et non gouvernementales, y compris, en principe, aux victimes.

S'il est regrettable que les victimes des actes criminels ne puissent pas accéder directement à la Cour, le pouvoir dont dispose le Procureur constitue cependant une porte ouverte aux citoyens [109].

 

            Il n'est pas inutile de rappeler  que  la Cour applique le Statut et le règlement de procédure et de preuve, les traités applicables et les principes et règles du droit international et à défaut les principes généraux du droit. Les principes généraux du droit pénal applicables sont les suivants: ·        Nullum crimen sine lege: il faut que l'acte poursuivi constitue au moment où il se produit un crime relevant de la compétence de la cour ?article 22 du statut?. ·        Nulla poena sine lege: la Cour ne peut prononcer une condamnation que conformément au Statut ?article 23 du statut?. ·        Non rétroactivité ratione personae: nul n'est responsable pour un comportement antérieur à l'entrée en vigueur du Statut ?article 25 du statut?. ·        Responsabilité pénale individuelle: la Cour est responsable à l'égard des personnes physiques. Le crime peut avoir été commis individuellement ou conjointement. La personne est pénalement responsable si elle ordonne, sollicite ou encourage la commission du crime, si elle facilite la commission du crime, lui apporte son aide, ou contribue de toute autre manière à sa commission ou à la tentative de commission ?article 25 du statut?. Quant aux  droits de l'accusé et les peines encourues, l'accusé bénéficie des droits de la défense et notamment de la présomption d'innocence.   S'agissant des peines encourues elles consistent en peines d'emprisonnement allant jusqu'à trente ans au plus et dans des cas d'extrême gravité l'emprisonnement à perpétuité. La peine de mort n'a pas été retenue. L'Assemblée ne peut qu'approuver l'exclusion de la peine capitale de l'échelle des peines, car elle considère qu'il s'agit d'un traitement inhumain et qu'une société qui se prétend évoluée ne saurait l'accepter. Ayant déjà passé en revue les compétences de la CPI, une critique générale s'avère indispensable pour vérifier si cette cour sera bien efficace ou vouée à l'échec ou tout simplement à la disparition.   De ce fait, un argumentaire mettant en liaison l'analyse des considérations théoriques de la Cour et l'étude d'un cas spécifique d'handicap de la Cour va faire l'objet du troisième chapitre que nous nous proposons d'aborder dans les lignes qui suivent.    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE III.

LES COMPETENCES DE LA CPI

A L'EPREUVE DE LA THEORIE ET DE LA PRATIQUE

 

           

Le présent chapitre est subdivisé en deux grandes sections dont les considérations théoriques (section 1) et l'analyse critique de la position américaine contre la                  CPI (section 2).

 

SECTION I.  CONSIDERATIONS THEORIQUES

 

 

Le principe d'une juridiction universelle indépendante s'est souvent heurté à la structure même de la société internationale, fondée sur la souveraineté étatique. C'est cette dernière qui a servi de fondement à l'organisation de la société internationale, aujourd'hui incarnée par l'Organisation des Nations Unies. Comme l'a rappelé M. de Montbrial, le terme de " société " convient mieux en l'espèce que celui de "communauté ", celle-ci impliquant un lien " affectif " entre ses membres, celle-là se bornant surtout à la prise en compte " d'intérêts " communs. Or si une justice indépendante peut, dans un système démocratique, émaner d'une communauté nationale, il lui est singulièrement plus difficile de le faire, à l'identique, au niveau d'une société composée d'entités souveraines que des intérêts peuvent, tour à tour, se rapprocher ou se séparer [110].

 

La création d'une instance judiciaire internationale a toujours été confrontée à cette difficulté. La Cour internationale de justice elle-même, organe judiciaire de l'ONU, en est un premier exemple : elle ne peut concerner que les Etats qui ont accepté sa création et sa juridiction, sachant qu'une soixantaine d'entre eux -dont la France et les Etats-Unis- ont, par déclaration, précisé qu'ils n'acceptaient plus a priori -après des décisions de la Cour qu'ils avaient contestées-, sa juridiction obligatoire.

 

La Cour pénale internationale reflète cette contradiction, tant par certaines dispositions de son statut que par les conditions qui ont entouré sa négociation. Conçue pour transcender les blocages que pourraient poser certains Etats à la mise en jugement d'auteurs de crimes particulièrement odieux, elle n'en doit pas moins recourir, pour être efficace, à leur coopération. Surtout, le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui incarne cette souveraineté des Etats et la prééminence de certains d'entre eux, et que certains des promoteurs de la Cour entendaient contourner, tient un rôle non négligeable dans le dispositif final.

 

Comme nous l'avons vu, le statut de la Cour pénale internationale reconnaît au Conseil de sécurité un double rôle : il peut tout d'abord la saisir, ce qui confère d'ailleurs à la Cour une compétence accrue par rapport aux autres cas de saisine. Il peut enfin suspendre les enquêtes et les poursuites qu'elle serait en train de conduire.

 

Paragraphe I. La saisine, par le Conseil de sécurité, de la Cour Pénale         

Internationale, confère a celle-ci des pouvoirs importants

 

L'article 13 du Statut précise que " La cour peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l'article 5b si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ". Cette saisine, par le Conseil de sécurité, constitue l'une des trois possibilités de saisine de la Cour, aux côtés de celle reconnue à un Etat partie (article 13a) et au Procureur lui-même (article 13c).

Le Conseil de sécurité ne peut saisir la Cour que dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations unies, c'est-à-dire " en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ". Cette faculté de saisine de la Cour par le Conseil présente deux caractéristiques contradictoires : sa mise en oeuvre est aléatoire ; en revanche, elle confère à la Cour des compétences assez étendues.

 

Aléatoire, la procédure de saisine par le Conseil de sécurité l'est, en premier lieu, en ce que toute résolution du Conseil suppose un vote que peut venir entraver le recours, par l'un des cinq membres permanents, à son droit de veto. Si tel ou tel de ces Etats entend " protéger " un pays où se dérouleraient des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, la saisine de celle-ci s'avérerait vite impossible.

 

En second lieu, la nécessité pour le Conseil de sécurité de se placer dans le cadre du chapitre VII suppose qu'au préalable le Conseil ait constaté " une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression " [111]. Or cette constatation ne va pas de soi, dans les hypothèses de commission de crimes relevant de la compétence de la Cour, si celles-ci interviennent dans le cas de conflits armés non internationaux ou dans le cadre d'une répression, purement interne, conduite par le gouvernement d'un Etat contre un groupe ou des membres d'un groupe, ethnique ou religieux.

 

Certes, le Conseil de sécurité a souvent considéré que des conflits, apparemment internes, pouvaient constituer une menace contre la paix : Rwanda, Haïti, Angola, Somalie, Afghanistan... Toutefois, dans chaque cas pouvait-il s'appuyer sur des risques d'extension internationale de conflits, liés à des mouvements de réfugiés, à des situations humanitaires dramatiques, à des perspectives de destruction d'un Etat mettant en péril son intégrité territoriale, etc.  Il reste que, hors ces cas extrêmes, bien des situations internes peuvent demeurer hors du champ de compétence que le Conseil de sécurité peut s'assigner. La situation en Algérie, le comportement dictatorial de tel ou tel dirigeant recourant à une répression brutale et systématique de ses opposants, par la torture ou les disparitions, ne font pas ou n'ont pas fait l'objet d'actions spécifiques du conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII. De telles situations ne seraient donc pas susceptibles d'entraîner la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité. On peut également rappeler, à cet égard, que l'implication de l'ONU au Cambodge a bien davantage résulté, dans un premier temps, de la volonté de la Communauté internationale de sanctionner l'invasion vietnamienne du territoire cambodgien, condamnée par elle comme acte d'agression, que de mettre un terme au crime de génocide perpétré par les dirigeants khmers rouges que, pourtant, l'agression vietnamienne contribua à faire cesser.

 

Cet aspect aléatoire de la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité est d'autant plus regrettable qu'elle est de nature à conférer à la Cour des compétences que ne permettent pas les deux autres modalités de saisine et de lui conférer une meilleure universalité.

En effet, la saisine de la Cour pénale internationale, soit par un Etat partie, soit par le Procureur de la Cour, suppose que soit Partie au Traité (article 12) les deux ou l'un seulement des deux Etats suivants :


- " l'Etat sur le territoire duquel le comportement en cause s'est produit ou, si le crime a été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef portant pavillon ou l'immatriculation de l'Etat en question " ;

-         ou " l'Etat dont la personne accusée de crime est un national ".

Il ressort de cet article 12§2 du statut que ces conditions restrictives ne sont pas nécessaires lorsque c'est le Conseil de sécurité qui est l'auteur de la saisine. Cela signifie donc, a contrario, que le Conseil peut saisir la Cour de crimes survenus sur le territoire d'un Etat non partie ou commis par les ressortissants d'un tel Etat. L'extension des compétences de la Cour en une telle occurrence est considérable, puisqu'elle exclurait tout risque d'impunité du ou des auteurs de crimes selon qu'ils auraient eu pour théâtre de leurs agissements, ou pour nationalité, respectivement celui ou celle d'un Etat qui aurait refusé la juridiction de la Cour pénale internationale.


            Au demeurant cette disposition est logique : si le Conseil de sécurité a agi, ou s'apprête à agir dans le cadre du chapitre VII de la charte, le recours à la Cour pénale accompagnera vraisemblablement une action de rétablissement ou de maintien de la paix engagée ou projetée. A cet égard, les compétences de la Cour s'apparenteraient davantage à celles reconnues aux tribunaux spéciaux ou ad hoc créés par voie résolutoire par le Conseil de sécurité -qui crée alors une obligation pour tous les Etats- pour juger les auteurs de crimes commis en Yougoslavie ou au Rwanda.

 

            La compétence de la Cour se limite aux crimes les plus graves du droit international. Cette compétence exclut d'autres violations des droits de l'homme qui ne constitueraient pas des crimes du droit international, même si la violation de ces droits obéit à une politique étatique. Les violations considérées comme ne constituant pas des crimes internationaux, relèveraient ainsi des mécanismes internationaux de contrôle et surveillance et du droit pénal interne des Etats.

 

            De surcroît, à prendre en compte les principes qui gouvernent la CPI, il y  a lieu de se demander si la CPI est une juridiction complémentaire ou subsidiaire.

 

            Le principe de complémentarité entre la CPI et les juridictions pénales nationales est consacrée dès le préambule (paragraphe 10) et réaffirmé à l'article 1er du statut de Rome. Dans un même souffle, les rédacteurs du statut affirment qu'il « est le devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux » [112] chaque Etat se vit ainsi confié le devoir - en même temps reconnaître le droit- de juger, par son système judiciaire national les responsables de ces crimes susceptibles de relever de la compétence de la Cour.

 

            La Cour tient donc un rôle explicitement complémentaire aux juridictions nationales, apparaissant comme un recours dans le cas, et seulement dans le cas où tel ou tel Etat faillirait, délibérément ou non, à  cette obligation de faire justice. En effet, elle ne pourra intervenir si une juridiction interne exerce sa compétence [113]. Elle devient un mécanisme de soutien aux juridictions nationales en difficulté, car elle ne peut intervenir que dans le cas de mauvaise volonté d'un Etat ou dans le cas d'incapacité en raison de l'effondrement ou  de l'indisponibilité de l'appareil judiciaire.

 

            Cette complémentarité est à comparer au principe de primauté reconnu aux deux tribunaux pénaux internationaux [ad hoc] qui leur permet de procéder au dessaisissement d'une juridiction nationale  à leur profit et auquel celle-ci ne pourrait s'opposer. Dans le cadre du statut de Rome, la souveraineté judiciaire de chaque Etat partie est donc reconnue, en même temps que son obligation à l'encontre du ou  des auteur(s) de crimes impliquant sa compétence juridictionnelle. Ce n'est qu'à défaut d'une telle action que pourrait alors intervenir la Cour. [114] 

 

            Cependant, le statut recèle trois limitations ponctuelles à la souveraineté étatique, ce qui est une bonne chose en apparence.

 

            La première limitation découle des règles de compétence de la Cour. Celle-ci peut  en effet s'estimer compétente, si un crime international a été commis sur le territoire d'un Etat partie ou  s'il l'a été par le ressortissant d'un Etat partie. Il se peut donc que le ressortissant d'un Etat non partie au statut ayant, par exemple, commis un crime de guerre sur le territoire d'un Etat partie soit admis devant la CPI. De sorte qu'un Etat qui n'a pas souscrit à la convention peut, à travers le sort judiciaire réservé à son ressortissant devant la CPI, être malgré tout lié par un texte sans qu'il ait, à aucun moment, accepté de  souscrire aux dispositifs et donné son consentement à être lié par le statut. Il va sans dire que cette limitation a été très déterminante dans le refus des Etats-Unis de voter pour le statut de Rome. Bien  plus, lorsqu'on observe la puissance des Etats anti-CPI dans le monde, il y a de bonnes raisons  d'exprimer des inquiétudes quant au fonctionnement efficace, mieux à la survie de cette institution.

 

            La seconde  limitation concerne l'exercice de la souveraineté judiciaire interne. Malgré la priorité reconnue aux juridictions nationales, un Etat a-t-il toute latitude pour exonérer éventuellement les coupables des crimes internationaux ? Il semble que non.

En effet, la combinaison des articles 17 et 20 du statut, relatifs respectivement au principe de complémentarité et au principe non bis in idem permet à la Cour de disposer d'une faculté d'appréciation de la recevabilité d'une affaire dont elle est saisie et qui aurait fait objet d'une décision nationale d'amnistie. Le principe de complémentarité pourrait s'appliquer si la Cour estimait que l'amnistie aurait été prononcée «  dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale ».

 

Mais remarquons que, non seulement il est difficile de déterminer le mobile qui a poussé un Etat à accorder l'amnistie, mais aussi la difficulté peut se situer dans le cadre du processus   de réconciliation nationale engagé par certains vers la voie de la démocratie      (cas de la République Démocratique du Congo). Or, sous prétexte de la poursuite de la réconciliation nationale, une impunité pure et simple risquerait d'être consacrée à l'égard des bénéficiaires de la mesure d'amnistie qui, pourtant, auraient commis des crimes devant faire l'objet de poursuites de la CPI.

 

            Mieux encore, ces situations sont laissées à l'appréciation du procureur. Il a la faculté de ne pas ouvrir une enquête « parce que poursuivre ne servirait pas les intérêts de la justice compte tenu de toutes les circonstances, y compris la gravité du crime et les intérêts des victimes [115]. L'idée en soi est certes bonne. Mais il est facile de se rendre compte que le procureur se voit ainsi confier un mandat beaucoup plus politique que judiciaire qui viserait à sauvegarder la mise en place de telles démarches de réconciliation qui peuvent être une étape indispensable à l'établissement de la démocratie [116]. Rien que cet exemple prouve que la CPI aura du mal à établir une ligne de démarcation entre la politique et le judiciaire. Ce qui serait du reste un handicap pour son fonctionnement efficace puisqu'elle risque de faire les frais des manipulations politiques.

 

            La troisième limitation à la souveraineté des Etats intervient dans le cadre de la saisine de la Cour par le Conseil de Sécurité.

 

            La CPI a besoin, comme les tribunaux ad hoc, de la coopération des Etats pour fonctionner et ce, particulièrement en matière d'arrestation, de remise des personnes poursuivies, d'obtention d'informations et de témoignages [117]. Or, nous savons que la CPI ne dispose pas de force de police lui permettant une totale autonomie dans ses fonctions. C'est pourquoi le statut consacre un chapitre à cette nécessaire coopération des Etats [118] devant être incluse dans les législations nationales [119]. Il risque cependant d'être difficile de faire coopérer un Etat ayant été déclaré incompétent, incapable ou de mauvaise foi par la Cour. Par exemple, les Etats visés pourront tenter de mettre en échec la justice internationale en créant leurs propres procédures servant à exonérer leurs ressortissants menacés de poursuites devant la Cour. Comble du ridicule, c'est que certains Etats déploient visiblement leur force pour barrer la route à la CPI. C'est le cas des Etats-Unis qui ont signé avec certains Etats des accords bilatéraux « d'impunité »ou encore la proposition, par la France, de  l'article 124 du statut de Rome qui  dispose :

« nonobstant les dispositions de l'article 12 , paragraphe 1, un Etat qui  devient partie au présent statut peut déclarer que pour une période de sept ans à compter de l'entrée en vigueur du statut à son égard, il n'accepte pas la compétence de la Cour en ce qui concerne la catégorie de crimes visés à l'article 8 lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Ce qui équivaudrait à notre sens, à la consécration de l'impunité pendant sept ans.

            Il est certes vrai que le statut de Rome prévoit que le défaut de coopération des Etats sera référé par la Cour à l'assemblée des Etats parties [120]. Le statut est par contre silencieux sur les mesures qui peuvent être prises pour un refus de coopération. Cette coopération semble n'être qu'une obligation formelle, car aucune véritable sanction n'est prévue pour contrer un refus éventuel opposé par un Etat à une demande de la CPI.

 

            Un  Etat réticent à coopérer avec la Cour, en dépit de l'obligation qui lui est faite par le statut a-t-il beaucoup à craindre d'une prise d'actes de ce refus par la Cour et de sa transmission par celle-ci à l'assemblée des Etats parties ? Puisque les compétences étatiques sont le droit commun et que la Cour a un vital besoin de la coopération des Etats pour son fonctionnement, il nous semble qu'elle devrait être qualifiée de subsidiaire et non de complémentaire. Ce qui   diminue sa crédibilité, sinon son efficacité.

 

Paragraphe II. Possibilités offertes à la Cour pour sa juridiction

 

            Quoique poursuivant des objectifs universels dans la répression des crimes internationaux, la CPI demeure malgré tout incompétente à l'égard de plusieurs crimes qui jusqu'aujourd'hui demeurent impunis alors qu'ils méritent pourtant d'être poursuivis.

 

            Toutefois, quoiqu'étant complémentaire des tribunaux nationaux, la Cour pénale internationale ne permettra pas  que les Etats parties restent sans punir les responsables des crimes internationaux, le Statut de la Cour lui conférant un pouvoir de contrôle sur l'action des tribunaux nationaux. Ainsi, le principe "nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes crimes " subit une exception importante lorsque la Cour pénale constate :

 

a.   que le procès entamé par un tribunal national avait pour objectif de soustraire l'accusé de crimes de droit international de toute responsabilité pénale, c'est-à-dire, lorsqu'un tribunal national cherche à consacrer une impunité judiciaire,

 

b.   lorsque le procès n'avait pas été conduit avec impartialité.

Si une telle juridiction internationale a été créée par les Etats, ce n'était simplement pas à cause de leur bonne volonté visant à mettre en place des règles objectives de droit international qui leur seraient imposables. Si la Cour a été créée c'est grâce à la lutte tenace du mouvement des citoyens, à la lutte des victimes ainsi qu'à l'action de plusieurs ONGs, réclamant en forme permanente la punition des responsables des crimes de droit international.

 

Il est important de tenir également compte du contexte international dans lequel la Cour est créée. Le processus dit de mondialisation est également accompagné d'une dégradation générale dans le domaine du respect des droits de l'homme et des droits humains économiques et sociaux, des guerres d'agression, de sanglants conflits internes. Et des crimes internationaux continuent d'être commis. L'impunité en réalité a atteint la limite de ce qui est tolérable et supportable. Comme l'a remarqué Monique Chemillier-Gendreau, dans ce contexte de mondialisation, la demande de droit devient intense [121].

 

La Cour est donc destinée à combler les lacunes et les insuffisances du droit international et du droit interne. Le préambule de son Statut remarque particulièrement que sa création a pour objectif de mettre un point final à l'impunité à travers la punition des responsables des violations graves du droit international.

Prima facie, tous les défenseurs des droits de l'homme et d'autres mouvements de citoyens qui ont lutté et qui continuent à lutter contre l'impunité dans toutes ses formes ne sauraient que s'en réjouir. Comme il a été indiqué ci-dessus, la nouvelle Cour Pénale Internationale vient combler, sur le plan juridique, un vide sur le plan institutionnel pénal : elle est un organe permanent, composé par des juges indépendants des Etats et chargé d'appliquer le droit international. Ainsi, la Cour disposerait de l'indépendance et de l'autonomie nécessaire afin d'exercer pleinement sa juridiction sur les délits prévus par son Statut.

 

            En ce qui concerne son caractère permanent, il s'agit là d'une différence de fond avec tous les autres tribunaux qui l'ont précédé, notamment ceux de Nuremberg et Tokyo, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (d'ailleurs le premier tribunal mis en place pour juger les responsables des crimes commis dans un pays du tiers monde) et le Tribunal Pénal pour l'ex- Yougoslavie [122], tous ad hoc.

            En marge de plusieurs défaillances que regorge le statut de Rome, des dangers réels guettent la CPI. C'est le cas des attitudes négatives de certains pays à son égard. Pour illustrer cette affirmation, nous nous proposons d'analyser la position américaine quant à ce.

 

SECTION II.    ANALYSE CRITIQUE DE LA POSITION

AMERICAINE CONTRE LA CPI

 

Depuis le 17 juillet 1998, date à laquelle les Etats-Unis ont voté contre le Statut créant la première Cour pénale internationale (CPI) permanente, ces derniers ont réussi à construire un arsenal juridique et politique complexe visant à garantir que jamais leurs nationaux ne seraient poursuivis ou jugés par la CPI.


Paragraphe I. Le gouvernement américain dit craindre des plaintes sans

fondement et teintées d'arrière-pensées politiques dirigées contre ses

nationaux

 

Faut-il rappeler que la CPI n'a pas de compétence rétroactive et ne pourra ainsi connaître que des crimes commis après son entrée en vigueur à savoir, le 1er juillet 2002 ?

Comment ne pas concevoir les démarches américaines comme des tentatives de donner « carte blanche » aux dirigeants, militaires et civils américains impliqués dans le contre terrorisme et autres opérations militaires sur des théâtres extérieurs, en leur octroyant une garantie - en amont - que tout " débordement " ou " dommage collatéral " sera couvert par une immunité absolue empêchant toute poursuite pénale ailleurs que devant des juridictions américaines.

 

Faut-il rappeler également que la CPI sera gouvernée par le principe de complémentarité qui confère aux juridictions nationales la primauté de poursuite et de jugement des crimes relevant de la compétence de la Cour à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre ?

           

Le principe de complémentarité de la CPI avec les juridictions nationales met les Etats-Unis à l'abri d'un jugement des criminels américains par la CPI. La Cour est compétente uniquement lorsque les Etats refusent ou sont incapables de traduire les criminels en justice, lorsque l'ordre judiciaire est défaillant. En effet, en vertu de l'article 17 relatif à la recevabilité, une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque « l'affaire fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce, à moins que cet Etat n'ait pas la volonté ou soit dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites » ou encore si, « l'affaire a fait l'objet d'une enquête de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce et que cet Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l'effet du manque de volonté ou de l'incapacité de l'Etat de mener véritablement à bien des poursuites ».

 

Il n'est donc pas nécessaire pour l'Etat qui veut soustraire ses nationaux au risque de les voir comparaître devant la Cour pour les crimes de la compétence de la CPI, d'entrer dans des accords bilatéraux sur le fondement de l'article 98 du Statut. Il lui suffit, chaque fois qu'un de ses nationaux fait l'objet d'une telle plainte, de le faire comparaître devant son propre système judiciaire, et la CPI, constatant, soit qu'une enquête ou des poursuites sont en cours, soit qu'après enquête, une décision de ne pas poursuivre a été prise ou enfin qu'un jugement est déjà intervenu, déclarera, appliquant le principe de complémentarité, que l'affaire est irrecevable devant elle.

 

De plus, le Statut, contient précisément des garanties efficaces contre les plaintes abusives. Il s'agit notamment :

-  de la Chambre préliminaire qui " assume dès la phase de l'instruction le contrôle des actes du Procureur ". La Chambre préliminaire doit obligatoirement donner son autorisation préalable à l'ouverture d'une procédure à l'initiative du procureur, elle contrôle le recueil des preuves par le Procureur et elle contrôle le respect des garanties reconnues par le Statut aux personnes arrêtées ;

-   des mesures de protection des informations relevant de la sécurité nationale des Etats ;
-  des mesures générales de protection des témoins permettant notamment d'assurer la confidentialité de certains témoignages et qui peuvent s'appliquer aux témoins particuliers que sont les personnels des opérations de maintien de la paix ;

-   des garanties judiciaires dont bénéficient les suspects et les accusés à tous les stades de la procédure ;

-    de la procédure prévue pour l'examen par la Cour de la recevabilité des plaintes.

Dans ce contexte, comment ne pas mettre en doute la volonté américaine affichée de poursuivre, en tout état de cause, les nationaux américains devant leurs propres tribunaux ?

 

Faut-il enfin rappeler que le statut de Rome vise à s'appliquer à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ?

 

L'article 27 du Statut prévoit qu'aucune immunité ne sera reconnue et cela même pour les chefs d'Etat ou de gouvernements. En conséquence, une quelconque exonération à la compétence de la Cour apparaîtrait en contradiction totale avec le texte et l'esprit du Statut.


Paragraphe II.  Un arsenal juridique complexe visant l'impunité des

nationaux américains

 

Analysé dans sa globalité, cet arsenal ne saurait être distingué des moyens mis en oeuvre par les Américains pour lutter contre le terrorisme. Ces démarches s'effectuent parallèlement sur le plan de la politique intérieure, la diplomatie internationale et bilatérale :

- La loi ASPA, initiée sous l'administration Clinton par les conservateurs du Sénat américain, va dessiner les contours de cet objectif en affirmant le refus des Etats-Unis de coopérer avec la CPI. Critiquant les fondements juridiques de la Cour, la loi fait fi du droit international et rend compte de l'unilatéralisme américain sur la scène internationale en tentant d'imposer aux Etats son point de vue sur la Cour par l'utilisation de moyens de pressions qui dérivent de la supériorité économique, politique et militaire des Etats-Unis(A).

-  En marge de leur position prise sur le plan de la politique intérieure, les Etats-Unis continuent leur travail de sape de la compétence de la Cour dans le cadre de la diplomatie internationale. Ayant échoué dans leur tentative de négocier une justice pénale internationale " acceptable " lors des sessions de la Commission préparatoire pour la CPI, les Etats-Unis utilisent le Conseil de Sécurité pour assurer un contrôle politique de la compétence de la Cour. Malgré la forte mobilisation des Etats et des ONGs contre les positions américaines, le contenu de la résolution 1422 reste préoccupant offrant une immunité totale illimitée devant la CPI aux personnels ou responsables d'opérations de maintien de la paix des Nations Unies, nationaux des Etats Non Parties à la Cour (B).


- La pression américaine s'exerce également au cas par cas avec les Etats. Les Etats-Unis tentent de manoeuvrer par le biais d'accords bilatéraux fondés fallacieusement sur l'article 98 du Statut de Rome pour empêcher toute remise à la Cour d'un ressortissant américain(C). [123]


A. L'American Service Members' Protection Act (ASPA) ou la doctrine américaine

contre la CPI

 

La loi "American Service Members' Protection Act" (ASPA) constitue la doctrine publique des Etats-Unis vis-à-vis de la CPI. Rappelant en préambule les raisons de leur opposition à la Cour, elle insiste à tort sur le fait qu' " un traité international ne peut créer des obligations envers un Etat Non Partie " et par conséquent, " les Etats-Unis refusent toute compétence de la Cour sur leurs nationaux ".

 

En substance, cette loi, présentée pour la première fois le 8 mai 2001 devant la Chambre par le républicain M. Delay et signée par le Président Bush le 2 août 2002 :

1) Interdit toute coopération américaine avec la CPI (Section 2004) :

Cette interdiction générale de coopération avec la Cour s'applique aux tribunaux américains, aux gouvernements locaux et au gouvernement fédéral. Elle comprend l'interdiction de transférer vers la Cour toute personne, citoyen américain ou étranger résident aux Etats-Unis, présente sur le territoire ; l'interdiction de toute enquête de la Cour sur le territoire des Etats-Unis ; l'interdiction d'affecter des fonds du gouvernement américain aux arrestations, détentions, extraditions ou à la poursuite d'un citoyen américain ou d'un étranger résidant de façon permanente aux Etats-Unis par la Cour ; l'interdiction de procéder sur le territoire des Etats Unis à toute mesure d'instruction liée à une demande préliminaire, une enquête, une poursuite ou toute autre procédure de la Cour.

2) Empêche le transfert à la Cour de documents relevant de la sécurité nationale (Section 2006)

3) Interdit toute assistance militaire avec la plupart des États ayant ratifié le Statut de Rome (Section 2007) :

Le principe général de cet article dispose que, un an après l'entrée en vigueur de la Cour, aucune assistance militaire américaine ne sera fournie à un Etat Partie à la CPI. Cependant la loi prévoit que certains Etats peuvent être exemptés conformément à l'intérêt national américain. Ainsi, la clause de non-assistance n'est pas applicable aux Etats membres de l'OTAN, aux alliés essentiels bien que non-membres de l'OTAN (y compris Australie, Egypte, Israël, Japon, Jordanie, Argentine, République de Corée, Nouvelle Zélande) ainsi que Taïwan. De même, le Président peut revoir l'interdiction si l'Etat en question a passé un accord avec les Etats-Unis conformément à l'article 98 du Statut qui interdirait explicitement la remise d'un américain à la CPI.

4) Restreint la participation américaine à certaines opérations de maintien de la paix de l'ONU (Section 2005) :

Il est prévu que le président utilise la voix et le vote américain au sein du Conseil de sécurité pour garantir que toutes les résolutions prise dans le cadre du chapitre VI ou VII de la Charte des Nations Unies autorisant respectivement la mise en oeuvre d'opérations de maintien de la paix et d'opération de rétablissement de la paix prévoient une exemption permanente pour les membres des forces armées américaines d'une poursuite pénale devant la CPI pour les actions prises en connexion avec l'opération. La participation des forces armées américaines ne serait admise que si elle se déroule sur le territoire d'un Etat non partie au Statut. Le Président des Etats-Unis peut permettre la participation des troupes américaines à de telles opérations si l'une des trois conditions suivantes est respectée : le Conseil de Sécurité garantit par résolution l'immunité des forces armées américaines ; la CPI ne peut exercer sa compétence sur le territoire des opérations militaires ou s'il existe un accord du type " Article 98 " entre les Etats-Unis et le pays où se déroule les opérations militaires ; l'intérêt national justifie une telle opération.

5) Soumission de rapports au Congrès :

Prévoit que le Président devrait fournir au Congrès un rapport détaillant chaque alliance militaire dont les Etats Unis font partie en précisant à quel degré les membres des forces armées américaines pourraient, dans le contexte d'une opération militaire dirigée par cette alliance, être placées sous le contrôle opérationnel d'officiers étrangers soumis à la compétence de la CPI en tant que nationaux d'un Etat partie à la Cour et en évaluer le risque pour les forces armées américaines (Section 2009).

 

6) ASPA ou « Hague Invasion Act »

Autorise le Président à utiliser " tous les moyens nécessaires et appropriés " pour libérer un citoyen américain détenu par la CPI, d'où le surnom de " Hague Invasion Act " (Section 2008).

Pendant l'été 2001 et jusqu'aux évènements du 11 septembre 2001, les parlementaires à l'origine de la loi décident de lier l'autorisation du Sénat sur le paiement des arriérés américains à l'ONU à la loi anti-CPI. Le 13 septembre, deux jours après les attaques terroristes sur New York et Washington, le député Tom DeLay décide finalement de renoncer à s'opposer au paiement des arriérés dû par les Etats-Unis et les députés acceptent donc le paiement sans le conditionner à l'adoption de la loi Helms-Delay [124].

 

Le 10 septembre, la loi anti-CPI est révisée pour inclure des prérogatives présidentielles permettant de lever certaines des interdictions prévues par la loi ASPA.

Le 25 septembre, une lettre du Département d'Etat informe Jesse Helms du soutien du gouvernement à la loi révisée.

Le 28 novembre le sénateur républicain Henry Hyde fait passer en dernière minute un amendement à la loi de finance 2002 pour la Défense qui interdit toute coopération avec la CPI. [125] Après de nombreux amendements, la version finale de la loi inclue une grande autorité de dispense du Président, et insiste sur le fait qu'aucune de ses dispositions ne peut interférer avec l'autorité constitutionnelle du Président de décider de la politique étrangère.

Enfin, un dernier amendement à la loi (" Amendement Dodd ", Section 2015) permet aux Etats-Unis de coopérer aux efforts internationaux, y compris avec la CPI, pour mener devant la justice des ressortissants étrangers accusés de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité tels que Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, Ben Laden ou autres membres d'Al Quaida ou de Jihad islamique. Remarquons seulement qu'entre immunité pour leurs ressortissants et lutte anti-terroriste, l'intérêt national " permet toutes les contradictions [126].

Le 2 août 2002, George W. Bush a signé l'ensemble de lois constituant l'ASPA. Cette dernière est donc devenue une loi américaine [127].

 

La doctrine américaine vis-à-vis de la Cour est donc inscrite dans le droit interne. Mais les Etats-Unis doivent aussi s'assurer qu'aucun de leurs nationaux, civil, diplomate ou militaire, se trouvant en dehors du territoire américain, ne pourra être " inquiété " par la Cour. C'est pourquoi, la négociation d'une résolution au sein du Conseil de Sécurité pour limiter la compétence de la CPI à leur égard et l'établissement d'accords bilatéraux pour éviter toute remise à la Cour de ressortissants américains viennent compléter l'ASPA sur le plan international.


B - La résolution 1422 du Conseil de Sécurité

 

La Résolution 1422 adoptée par le Conseil de Sécurité à sa 4572ème séance, le 12 juillet 2002 dispose:

" Le Conseil de Sécurité,

Prenant acte de l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de la Cour pénale internationale, fait à Rome le 17 juillet 1998 (le Statut de Rome), soulignant l'importance que revêtent les opérations de maintien de la paix des Nations Unies pour la paix et la sécurité internationales ; Notant que tous les Etats ne sont pas parties au Statut de Rome ; Notant que les Etats parties au statut de Rome ont choisi d'accepter la compétence de la Cour conformément au tatut et en particulier au principe de complémentarité ; Notant que les Etats qui ne sont pas parties au statut de Rome continueront de s'acquitter de leurs responsabilités devant leurs juridictions nationales en ce qui concerne les crimes internationaux ; Considérant que les opérations établies ou autorisées par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies ont pour mission de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales; Considérant en outre qu'il est dans l'intérêt de la paix et de la sécurité internationales de faire en sorte que les Etats Membres soient en mesure de concourir aux opérations décidées ou autorisées par le Conseil de sécurité ; Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ;

 

1. Demande, conformément à l'article 16 du Statut de Rome, que, s'il survenait une affaire concernant des responsables ou des personnels en activité ou d'anciens responsables ou des personnels d'un Etat contributeur qui n'est pas partie au Statut de Rome à raison d'actes ou d'omissions liés à des opérations établies ou autorisées par l'Organisation des Nations Unies, la Cour pénale internationale, pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet 2002, n'engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement ;


2. Exprime l'intention de renouveler, dans les mêmes conditions, aussi longtemps que cela sera nécessaire la demande visée au paragraphe 1, le 1er juillet de chaque année, pour une nouvelle période de 12 mois ;


3. Décide que les Etats Membres ne prendront aucune mesure qui ne soit pas conforme à la demande visée au paragraphe 1 et à leurs obligations internationales ;


4. Décide de rester saisi de la question. "

 

Le combat mené par les Etats-Unis contre la CPI au sein du Conseil de Sécurité ne demande plus à être démontré.

 

Depuis la mi-juin 2002, Washington tentait d'introduire auprès du Conseil de Sécurité des dispositions visant à exclure de la compétence de la CPI tout personnel ressortissant d'un Etat non partie au Statut engagé dans des opérations de maintien de la paix de Nations Unies et, au premier chef, les nationaux américains. Pour faire face à l'opacité des procédures du Conseil de sécurité, le Canada a, à trois reprises, demandé que soit organisée une séance ouverte. Après avoir essuyé deux refus, cette session s'est finalement tenue le 10 juillet 2002.

 

Bien que la majorité des Etats se soit auparavant prononcée contre la proposition américaine et contre la possibilité pour le Conseil de Sécurité de rouvrir le Statut de la CPI, les Etats ont voté le 12 juillet 2002 une résolution qui se veut un compromis. Qualifiée de " compromis historique " ou de " victoire " par certains, cette résolution aboutit en réalité à la banalisation d'une justice à la carte et à octroyer l'immunité absolue pendant une période de un an pour les ressortissants d'Etats non parties au Statut dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. De plus, cette décision est renouvelable chaque année au 1er juillet, date anniversaire de la création de la CPI.

 

Ainsi, la résolution 1422 altère la compétence de la Cour en se portant en violation de l'article 16 du Statut de Rome qui permet au Conseil de Sécurité de surseoir à une enquête ou à la poursuite d'une personne mais ce, au cas par cas et de façon limitée. En outre, cette résolution ouvre dangereusement la porte à d'autres modifications de conventions internationales par une décision politique du Conseil de Sécurité.

Soit dit en passant, la résolution 1422 du Conseil de sécurité a été commentée et condamnée par plusieurs institutions, tant au niveau international qu'au niveau européen.

Ainsi, la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme du Conseil Economique et Social des Nations Unis a adopté la résolution 2002/4 le 13 août 2002 dans laquelle elle a déclaré déplorer « vivement l'immunité de principe accordée en vertu de la résolution 1422 (2002) du 12 juillet 2002 du Conseil de sécurité aux ressortissants d'États parties ou non au Statut, qui participent à des opérations décidées ou autorisées par le Conseil de sécurité, en vue de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales ».

 

De même, la résolution 1422 a été condamnée par le Parlement européen dans une résolution datée du 26 septembre 2002 (résolution (2002)0449) en ces termes:

« Le Parlement européen, [...]

C. Regrettant la résolution 1422 du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée le 12 juillet 2002 sur les actions lancées ou autorisées par les Nations unies, aux termes de laquelle la CPI ne doit pas effectuer d'enquêtes ou de poursuites concernant des actes ou des omissions commis par des fonctionnaires actuels ou anciens ou du personnel d'un Etat contributif qui ne serait pas partie prenante au statut de Rome pendant la période d'un an commençant le 1er juillet 2002 et pouvant être renouvelée chaque premier juillet pour une période supplémentaire de 12 mois [...]


1. souligne qu'aucun accord d'immunité ne doit permettre de laisser impunie une personne accusée de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de génocide ... ».

Pourtant, les Etats-Unis sont allés plus loin encore dans leur entreprise de destruction de la CPI en instrumentalisant l'article 98 du Statut de Rome.

 

C. L'instrumentalisation de l'article 98 du statut de Rome par les Etats-Unis

 

1. Le mécanisme juridique de l'article 98.

L'article 98 du Statut de Rome dispose que :

" 1. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise ou d'assistance qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des États ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un État tiers, à moins d'obtenir au préalable la coopération de cet État tiers en vue de la levée de l'immunité.


2. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels le consentement de l'État d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet État, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l'État d'envoi pour qu'il consente à la remise. "

 

L'article 98 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) porte sur les conflits d'obligation concernant le régime de coopération du Statut. Des tensions peuvent surgir, par exemple, lorsqu'un Etat partie au Statut est contraint, par une demande de la Cour, d'arrêter une personne, mais ne peut obtempérer sans violer une autre obligation de droit international, comme, par exemple, le respect de l'immunité de cette personne. De fait, lorsqu'il est établi qu'une norme de droit international existante rend illégal le fait qu'un pays se conforme à la demande de coopération de la Cour, cette dernière, a priori, n'émettra pas la demande.

 

Mais, si un Etat lève ses immunités, une demande de coopération de la Cour ne placera plus l'Etat en question dans une position d'illégalité si celui-ci obtempère à la demande. Le paragraphe 1 de l'article 98 prévoit en effet que la Cour peut entrer en négociations avec un Etat tiers en vue d'obtenir un renoncement de ses droits. Il ne revient pas à l'Etat de décider si sa mise en conformité avec la demande de coopération constitue une violation d'une autre norme de droit international, mais à la Cour. Cependant, conformément à la Règle 195 (1) du Règlement de Procédure et de Preuve, un Etat peut informer la Cour qu'il constate un problème dans le cadre de l'article 98 et soumettre les informations nécessaires. Tout Etat tiers impliqué peut aussi soumettre des informations. Ainsi, la Cour disposera d'une base factuelle appropriée pour trancher .

En clair, alors qu'un Etat Partie pourrait avoir l'obligation de remettre à la Cour un ressortissant américain, ce dernier sera par ces accords transféré devant les juridictions américaines. Ces accords altèrent donc la compétence de la Cour.

L'article 98 du Statut de Rome ne devait empêcher la CPI d'exiger la coopération ou la remise que dans des circonstances rares et circonscrites.


2. L'instrumentalisation américaine de l'article 98 du Statut

 

Depuis la fin juillet 2002, les Etats-Unis ont approché de nombreux pays européens, latino-américains, du Sud-Est asiatique et océaniens, ainsi qu'Israël, dans le but de signer avec ces Etats des accords bilatéraux garantissant le non transfert des ressortissants américains devant la CPI, estimant qu'ils peuvent être la cible de procès à motivation politique réclamés par des pays " hostiles ". Au total, environ 180 démarches auraient été entreprises.
           

Dans ce contexte, le Secrétaire d'Etat américain Colin Powell a écrit personnellement aux gouvernements européens le 16 août 2002 pour les presser de signer de tels accords « le plus tôt possible »,  sans attendre que l'Union Européenne n'ait finalisé sa position officielle. Washington s'est par ailleurs plaint que la Commission européenne eut demandé aux pays candidats à l'adhésion à l'Union Européenne (UE) de ne pas signer d'accords de dérogation tant que les Quinze n'auraient pas finalisé leur position quant à ce. Jusque février 2003 , dix-sept Etats, l'Ouzbékistan, la République dominicaine, la Mauritanie, le Timor Oriental, Israël, les Iles Marshall, Palau, la Roumanie, le Tadjikistan et le Honduras, Micronésie, Gambie, El Salvador, Sri lanka, Inde et Népal avaient déjà signé officiellement des accords avec les Etats-Unis dans le cadre de l'article 98. Il est extrêmement difficile de contrôler de tels accords qui se concluent le plus généralement dans le silence [128].

Voici un modèle d'accords bilatéraux de type " article 98 " :[...]

« 2. Les ressortissants d'un Parti au présent Traité présents sur le territoire de l'autre Etat Parti, ne doivent pas, en l'absence du consentement exprès de la première Partie :
a) être transférés à la CPI.

b) être transférés à une autre entité ou à un Pays tiers, dans le but d'être transférés devant la CPI.
3. Lorsque les Etats-Unis extradent, remettent ou transfèrent une personne ressortissant de l'autre Partie à l'accord vers un pays tiers, les Etats-Unis s'engagent à ne pas accepter la remise ou le transfert de cette personne à la Cour pénale internationale par le pays tiers, sauf en cas de consentement exprès du Gouvernement de X.

4. Lorsque le Gouvernement de X extrade, remet ou transfère une personne ressortissant des Etats-Unis d'Amérique vers un pays tiers, le Gouvernement de X s'engage à ne pas accepter la remise ou le transfert de cette personne à la Cour pénale internationale par un pays tiers, sauf en cas de consentement exprès du Gouvernement des Etats-Unis. »

Un paragraphe additionnel est inclus dans les accords pour les pays qui ne sont pas parties au ou signataires du Statut de Rome.

 

Par ailleurs, « Chaque Partie accepte, sous réserve de ses obligations juridiques internationales, de ne délibérément faciliter, consentir à ou coopérer aux efforts de toute partie ou tout Etat tiers d'extrader, remettre ou transférer une personne ressortissant de l'autre Partie à l'accord à la Cour pénale internationale. » [129].

 

Tous les experts juridiques gouvernementaux, académiques ou non gouvernementaux, consultés à ce jour par la Coalition internationale des ONG pour la CPI [130] s'accordent pour dire que les accords bilatéraux recherchés, exemptant spécifiquement les ressortissants américains de la compétence de la Cour sur la base de l'article 98 paragraphe 2 du Statut de Rome, ne sont pas permis par cet article.

La ratification d'un tel accord placerait les Etats dans une situation de violation du droit international et les Etats Parties en contravention avec leurs obligations vis-à-vis du Statut de Rome.

 

Selon l'article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, lorsqu'une interprétation spécifique conduirait " à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable ".

 

Les accords conclus dans le sens de l'interprétation américaine de l'article 98 (2) conduiraient à un tel résultat absurde et déraisonnable, en permettant à des Etats non parties de violer le principe fondamental du Statut de Rome selon lequel quiconque - quelle que soit sa nationalité - commet un crime de génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre sur le territoire d'un Etat partie, est soumis à la compétence de la CPI. L'objectif général et la raison d'être du Statut de Rome sont de faire en sorte que les responsables des crimes les plus graves soient amenés devant la justice dans tous les cas, en premier lieu par les Etats, mais en dernier recours par la CPI. Ainsi, tout accord qui empêche la CPI d'exercer sa fonction complémentaire d'agir lorsqu'un Etat n'a pas la capacité ou la volonté de le faire, fait échec à l'objet et à la raison d'être du Statut. La Convention de Vienne sur le droit des traités vient renforcer la conclusion que l'approche américaine sur l'article 98 est déraisonnable, en stipulant qu' " un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but " [131].

 

De plus, les dispositions de l'article 98 (2) ne permettent pas le type d'accord en faveur desquels les Etats-Unis font pression. En effet, les accords " article 98 " proposés par les Etats-Unis cherchent à empêcher la remise à la Cour plutôt qu'à permettre le retour de personnes aux Etats-Unis. De fait, ces propositions cherchent à amender les termes du traité en effaçant effectivement le concept clé d' " Etat d'envoi " de l'article 98 (2). De plus, les propositions américaines tendent à nier à l'Etat d'origine de la remise son pouvoir de consentement.

 

Les Etats qui envisagent un accord dans le cadre de l'article 98 qui n'exempterait que les ressortissants américains et non leurs propres ressortissants, comme dans le cas de la Roumanie, ne s'en trouvent pas moins dans une situation de violation de leurs obligations internationales .

Les accords conclus dans le cadre de l'article 98 ont un effet destructeur à la fois sur le processus global de ratification du Statut de Rome et sur le droit international de manière générale. Ils s'inscrivent en totale contradiction avec celui-ci.

 

Cette instrumentalisation n'a pas manqué de susciter des vives réactions de par le monde. Elle  a été dénoncée par diverses institutions au niveau européen.

Le 25 septembre 2002, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a exprimé ses inquiétudes quant aux accords d'immunité américains:

«[...] 9. En outre, l'Assemblée est profondément préoccupée par les efforts déployés par certains Etats pour saper l'intégrité du traité de la CPI et notamment pour conclure des accords bilatéraux visant à soustraire leurs responsables, leur personnel militaire et leurs ressortissants à la juridiction de la Cour (« accords d'immunité »).

10. L'Assemblée considère que ces « accords d'immunité » ne sont pas acceptables en vertu du droit international régissant les traités, notamment la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui stipule que les Etats doivent s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but.

11. L'assemblée rappelle que les Etats parties au Statut de Rome ont l'obligation générale de coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence (article 86) et que le Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle (article 27). Elle estime que les « accords d'immunité » ne sont pas compatibles avec ces dispositions.» [132].

 

Condamnant ainsi les accords d'immunité conclus avec les Etats-Unis, l'Assemblée a appelé les pays membres et observateurs du Conseil de l'Europe à ne pas ratifier les accords bilatéraux en  poursuivant:

« [...]14. En conséquence, l'Assemblée demande : [...]

iii. à tous les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe :[...]
c. de refuser de conclure des «accords d'immunité» bilatéraux qui compromettraient ou limiteraient de quelque manière que ce soit leur coopération avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence... »

Le 26 septembre 2002, le Parlement européen condamnait également les accords conclus avec les Etats-Unis en affirmant sans ambiguïté:

« Le Parlement européen, [...]

3. croit fermement que les Etats parties à la CPI et les Etats signataires ont, selon le droit international, l'obligation de ne pas contrarier l'objectif du Statut de Rome [...] et que les Etats parties doivent coopérer pleinement avec la Cour en vertu de l'article 86 du statut de Rome, les empêchant ainsi de souscrire des accords d'immunité qui permettent à certains citoyens d'échapper à la juridiction des Etats ou de la Cour pénale internationale, de porter atteinte à l'efficacité de la CPI et de nuire à son rôle de juridiction complétant la juridiction des Etats et de pièce maîtresse de la sécurité collective globale... » [133].

Cependant, le 30 septembre 2002, le Conseil de l'Union Européenne a adopté une position commune sur cette question et n'a pas rejeté fermement de tels accords.               Le Conseil a en effet dégagé des principes directeurs « relatifs aux arrangements entre un Etat partie au Statut de Rome de la CPI et les Etats-Unis concernant les conditions de remise d'une personne à la Cour ». Loin de condamner de tels accords, les principes dégagés par l'Union Européenne (UE), censés préserver l'intégrité du Statut et garantir le respect des obligations incombant aux Etats membres, consacrent en fait la légalité des accords d'immunité [134].

 

            Il sied de faire remarquer que seul contre tous, les Etats-Unis sont loin de perdre le combat contre la CPI. S'il est d'une évidence irréfutable qu'ils sont la plus grande puissance mondialement reconnue, nous pensons qu'il faut avoir le courage d'avouer qu'il y a là de bonnes raisons de s'inquiéter sur la viabilité de la CPI ou tout au moins son bon fonctionnement ; car on le voit bien la CPI ne cesse de subir la forte opposition des Etats-Unis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION GENERALE

 

            En résumé, cette étude qui a porté sur l'analyse critique des règles de compétence de la CPI  a été scindée en trois principaux chapitres.

 

            Le premier chapitre intitulé « aperçu historique de la justice pénale internationale » a fait un survol succinct sur les principales juridictions internationales de répression qui ont déjà existé. Ainsi donc, ses quatre sections ont  traité, tour à tour, des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo (section 1), de la cour internationale de justice   (section 2), du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (section 3) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (section 4).

 

            Le deuxième chapitre s'est, quant à lui, penché sur l'analyse des règles de compétence de la CPI. Comme le premier chapitre, le deuxième a aussi été subdivisé en quatre sections qui ont respectivement porté sur l'étude des compétences temporelle et personnelle (section 1), de la compétence territoriale (section 2), de la compétence matérielle (section 3) et de la compétence ex-officio du procureur (section 4).

Rappelons que c'est dans ce chapitre que l'on a évoqué la problématique du principe de complémentarité en vue de critique.

 

            En définitive, le troisième chapitre intitulé  « les compétences de la CPI à l'épreuve de la théorie et de la pratique » s'est orienté sur l'analyse des dangers qui guettent la CPI quant à son fonctionnement, mieux à sa viabilité.

Pour ce faire, en deux sections il a été analysé les considérations théoriques (section 1) et critiqué la position américaine contre la CPI (section 2).

 

            Le moins que l'on puisse dire à l'issue de cette étude, c'est que le statut de Rome a créé une juridiction pénale internationale permanente : la CPI.

 

            Mais au regard des difficultés auxquelles elle est appelée à faire face, il y a lieu de remettre en cause sa viabilité ou tout au moins son fonctionnement efficace. Ceci est d'autant plus vrai que pour faciliter l'adhésion au traité de Rome, la CPI n'exercera sa juridiction qu'à l'égard des crimes commis postérieurement à l'entrée en vigueur de son statut [135].

 

            De ce fait, il est facile de constater que plusieurs crimes pourtant définis par le statut de Rome vont échapper à la juridiction de la CPI pour la simple raison qu'ils ont été commis avant le 1er juillet 2002, date de l'entrée en vigueur du statut de Rome. De ce point de vue, nous pensons que la création des tribunaux pénaux ad hoc à l'instar du TPIY et du TPIR reste nécessaire pour pallier à cette défaillance de la non rétroactivité dont souffre la CPI.

 

            Aussi, le domaine de compétence ratione materiae de la Cour  est directement relié au maintien de la paix et de la sécurité internationales. La compétence est minimale et restreinte à un noyau dur des crimes internationaux [136]. A ce niveau, il est souhaitable que lors de la prochaine conférence de révision, les Etats parties au traité conviennent sur l'inclusion d'autres crimes abominables comme l'anthropophagie, par exemple, dans le champ des crimes internationaux. Ceci pour permettre de circonscrire le mieux possible  tous les crimes qui choquent la morale universelle.

 

            Plus, la compétence de la Cour étant encore jusque là suspendue en ce qui concerne l'agression, il s'avère plus qu'urgent que les Etats s'entendent sur la définition de ce crime en vue de donner plus de crédit à cette jeune juridiction.

 

            Mieux, autant dire que les craintes exprimées par certains pays, notamment les Etats-Unis quant à la compétence ex-officio du procureur de la CPI ne trouvent pas leur justification puisque, même s'il peut ouvrir une enquête de sa propre initiative, ledit procureur doit être autorisé par la chambre préliminaire. Ce contrôle de la chambre préliminaire est une garantie et non la moindre pour les Etats qui redoutent les compétences du procureur, sous prétexte qu'elles seraient sujettes à des manipulations politiques contre leurs ressortissants ; toujours est-il que le Conseil de Sécurité de l'ONU se voit reconnaître un droit de saisine fondé sur le chapitre VII (paix et sécurité internationales) et ce, sans l'obligation de coopération générale demandée aux Etats parties [137]. Qu'arrivera-t-il lorsque certains membres du Conseil de Sécurité décideront de s'opposer à la saisine ? Certaines difficultés sont à prévoir étant donné que deux membres importants du Conseil de Sécurité (les Etats-Unis et la Chine) refusent d'adhérer au traité et, par le fait même, de reconnaître la CPI. Plus aberrant encore, c'est que les Etats-Unis ont même lancé une guerre contre la CPI visiblement en vue de l'handicaper.

 

            Pour ces motifs et bien d'autres encore que nous avons analysés tout au long de cette étude, nous estimons qu'il n'est pas dénué de sens d'affirmer que la CPI a, d'entrée de jeu, une compétence affaiblie et soumise et dont la complémentarité avec les juridictions nationales ressemble à une subsidiarité.

 

            Ceci mêlé à cela nous pousse à douter du bon fonctionnement de la CPI, voire de sa viabilité.

 

Il convient cependant de reconnaître que la communauté internationale doit se féliciter de l'adoption à Rome le 17 juillet 1998, à l'issue de la Conférence diplomatique, du statut d'une Cour Pénale Internationale (CPI). C'est l'aboutissement d'un long processus qui a commencé avec le tribunal spécial pour juger l'Empereur Guillaume II après la première guerre mondiale, prévu par le traité de Versailles mais qui n'a jamais vu le jour, en passant par le Tribunal de Nuremberg puis celui de Tokyo après la deuxième guerre mondiale pour aboutir à la création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et celui pour le Rwanda.

 

Près d'un siècle donc, marqué par deux conflits internationaux et de nombreux conflits régionaux et locaux ou des guerres civiles qui ont tellement choqué la conscience humaine, s'est écoulé pour que le monde se rende compte qu'il est devenu impossible de continuer à accepter l'impunité.

 

Toutefois, comme on le sait, l'adoption de ce statut a été très difficile et des compromis ont dû être faits, des points ont été laissés en suspens. L'alternative qui s'offrait était soit un statut faible acceptable par le plus grand nombre d'Etats soit un statut fort, acceptable par peu d'États. Le texte adopté est le résultat d'un compromis et laisse ouvert un certain nombre de questions. Aussi une Commission préparatoire a été chargée de compléter pour le 30 juin 2000, les tâches techniques restées en suspens et d'élaborer les règles de procédure et de preuve de la Cour et une Conférence de révision doit avoir lieu sept ans après l'entrée en vigueur du statut.   Néanmoins, le statut de Rome est un texte nécessaire. Après les précédents de Nuremberg et de Tokyo, la création récente de deux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda a constitué un nouveau signal fort adressé par la communauté internationale à ceux qui entendaient perpétrer les crimes les plus graves en se prévalant d'alibis fussent-ils ethniques, hégémoniques ou politiques dans le cadre des systèmes dictatoriaux qui les plaçaient en marge des valeurs fondatrices de la société internationale.   Somme toutes, nous pouvons affirmer sans ambages que la création de la CPI ne mettra sans doute pas, à elle seule, un terme à ces tragédies humaines dont l'actualité témoigne à quel point leur prévention est difficile. Elle pourra cependant démontrer  une volonté partagée de mettre fin à l'impunité choquante de leurs auteurs ; pour cette seule raison, le statut de Rome constitue un progrès important dans la quête d'une affirmation plus soutenue du « plus jamais ça ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

I.                  OUVRAGES

 

-         ALIOUNE TINE,  La Cour Pénale Internationale : l'Afrique face au défi de l'impunité, Dakar-Yoff, éd. Raddho,  2000

-         ANDRE GUICHAOUA, Les crises politiques au Burundi et au Rwanda (1993/1994), Lille, Université des Sciences et Technologie, 1995

-         EGEUNE NTAGANDA, « De la paix collective à la justice répressive », in De la paix à la justice, Cahier du centre de gestion des conflits, n°6, Butare, 2002

-         MARIE DUPUY P., Droit international public, Paris, Dalloz, 1998

-         NGUYEN QUOC  DINH  et ALAIN PELLET,  Droit international public, Paris, LGDJ, 1999

-         SERGE SUR, « Vers une Cour Pénale Internationale », in  La convention de Rome entre les ONGs et le Conseil de Sécurité., 1 R.G.D.I.,  1999

-         YVES TERNON, L'État criminel -- Les génocides au XXe Siècle, Paris,  éd. le Seuil, 1995

 

 

II.               REVUES

 

-         LAITY KAMA, « Le Tribunal pénal international pour le Rwanda et la répression des crimes de   guerre », in Les Nations Unies et le droit international humanitaire, Actes du Colloque international à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'ONU, Paris, éd. Pedone, 1996

-         MUTOY MUBIALA, « Le Tribunal international pour le Rwanda »,  in Revue générale de droit international public, (s.l), vol. 99, 1995

-         BADINTER ROBERT, Projet de loi constitutionnelle relatif à la cour pénale internationale (n°318/1998-99) Paris, Sénat  Conventions de Genève de 1949

-         MONIQUE CHEMILLIER-GENDREAU , " L'ordre juridique international une chimère ? ", in  Le Monde Diplomatique, juillet 1999

-         Pascal KAMBALE, « attaques des Etats-Unis contre la Cour Pénale Internationale : l'Afrique doit consolider sa résistance», in Moniteur de la Cour  Pénale Internationale, New York, 23ème édition, février 2003

-         Journal « Le Monde » du 04 août 1998

 

 

III.           RAPPORTS, RESOLUTIONS ET STATUTS

 

-         BRANA PIERRE, Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale (n°2141/ 15 février 2000), Paris, Assemblée nationale

-         Charte des Nations Unies

-         Convention de Vienne sur le droit de traité

-         Conventions de Genève de 1949

-         La loi American Service Members' Protection Act

-         La résolution dans la Revue générale de droit international public, vol. 98, 1994

-         Pacte de la Société Des Nations

-         Rapport de la commission de droit international sur les travaux  de sa quarante-sixième session sur le projet de statut d'une cour criminelle internationale, Assemblée générale, 1er septembre 1994, Doc. Off., A/49/355

-         Rapport du secrétaire général au Conseil de sécurité, S/1995/134 du 13 janvier 1995

-         Résolution  3414 du 14 décembre 1974

-         Résolution 1422 du Conseil de sécurité du 12 juillet 2002

-         Résolution du parlement européen 0449 du 26 septembre 2002

-         Série Livres bleus des Nations Unies, volume VII "Les Nations Unies et les droits de l'homme, 1945-1995", Numéro de vente: F.95.I.21

-         Statut de la Cour pénale internationale

-         Statut de Rome

-         Statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg 

-         Statut du Tribunal Militaire International de Tokyo

-         Statut du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

-         Statut du Tribunal pour le Rwanda

 

 

IV.            SITES- INTERNET

 

-         http://www.diplomatie judiciare.com/DJ/Statuttpir.html

-         http://www.diplomatiejudiciaire.com/CPI/CPI.htm

-         http://www.diplomatiejudiciaire.com/DJ/Londres3.html

-         http://www.iccnow.org/documents/otherissuesimpunityagreem.html

-         http://www.iccnow.org/html/pressjuly1francais.pdf

-         http://www.ictr.org/wwwroot/FRENCH/basicdocs/statute_f.htm

-         http://www.itlos.org/

-         http://www.la-croix.com/

-         http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/kosovo/uck

-         http://www.senat.fr/rap/I98-318/I98-3181.html#toc23

-         http://www.un.org/french/aboutun/charte6.htm

-         http://www.un.org/french/aboutun/statut.htm

-         http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm

-         http://www.un.org/ictr/

-         http://www.un.org/icty/

-         http://www.un.org/icty/basic/statut/statute_con-f.htm

-         http://www.un.org/law/icc/

-         http://www.un.org/law/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf

-         http://www.un.org/law/icc/statute/french/rome_statute/f/.pdf

-         http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/11_fr.htm

-         http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/p_genoci_fr.htm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIERES

 

EPIGRAPHE.................................................................................................I

DEDICACE..............................................................................................II

REMERCIEMENTS................................................................................................................III

SIGLES ET ABREVIATIONS......................................................................IV

 

INTRODUCTION GENERALE......................................................................1

I.                    ETAT DE LA QUESTION.....................................................................1

II.                 PROBLEMATIQUE...........................................................................3

III.               HYPOTHESE......................................................................................6

IV.              INTERET DU SUJET.............................................................................7

V.                 METHODOLOGIE DU TRAVAIL.............................................................8

VI.              DELIMITATION DU SUJET................................................................8

VII.            SUBDIVISION SOMMAIRE DU TRAVAIL.............................................9

 

CHAPITRE I. APERCU HISTORIQUE DE LA JUSTICE PENALE  

INTERNATIONALE...............................................................10

SECTION I.  LE TRIBUNAL MILITAIRE DE NUREMBERG  ET LE

          TRIBUNAL MILITAIRE  DE TOKYO..................................14

Paragraphe I. Compétence temporelle.............................................15

Paragraphe II. Compétence territoriale............................................15

Paragraphe III. Compétence matérielle............................................15

Paragraphe IV.  Appréciation critique.............................................17

SECTION III. LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE........................21

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire