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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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3.2.2. ...à la classification

Le décret 90-174 du 23 février 19902 fait évoluer ces critères et dicte le statut, la mission et la composition de la commission de classification des oeuvres cinématographiques, rattachée au Centre National de la Cinématographie3. Son objectif consiste principalement en la protection des mineurs et l'information du public vis-à-vis du contenu d'un film, en gardant le principe d'un avis a priori, le seul encore en vigueur dans les industries culturelles et a fortiori dans tous les secteurs économiques. Cet avis consultatif peut prendre la forme d'une autorisation dite tous publics (de catégorie I : TP ou TP+Avertissement) ou d'une restriction d'accès (catégories II à IV : interdiction aux moins de 12 ans, aux moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans, assorties ou non d'un avertissement), adossée au visa d'exploitation du film qui doit être validé ensuite par le Ministère de la Culture - celui-ci conservant son droit d'aller à l'encontre de cette proposition. Pour chaque type de restriction, et notamment celle de catégorie III (interdiction aux moins de 16 ans) et IV (interdiction aux moins de 18 ans), l'accès des salles aux mineurs en dessous de la limite établie doit être empêchée, l'exploitant s'exposant à des sanctions civiles et pénales en cas de non-respect de ces dispositions. Rappelons avant toute chose que le système français est souvent jugé comme un des plus laxistes dans les réunions des commissions de classifications internationales, beaucoup de pays fonctionnant selon le paradoxe du tas (à partir d'un certain quota de meurtres, de sang ou d'insultes) et prenant en compte d'autres critères (comme le

1 Voir entretien avec les secrétaires de la commission de classification, mené le 13 février, annexe n°8, p.38

2 Annexe n°39, p.115

3 Pour les modalités de prise de décision et la composition de la commission, voir les rapports annuels d'activité de la commission, disponibles auprès du CNC ou brochure en annexe n°34, p. 93

langage ou le montage) pour renforcer le classement des films et l'élaboration des interdictions. La commission française dont l'un des avantages est de prendre en compte l'ensemble du propos déroulé dans le film, est cependant l'objet de nombreuses critiques, notamment à cause de son système d'interdiction (les commissions anglo-saxonnes tablent sur l'accompagnement des mineurs, ils n'en interdisent pas l'accès).

Un dispositif législatif spécifique a en outre vu le jour par le décret 2001-618 du 12 juillet 2001 qui modifie le décret de 1990 en y insérant l'article 3-1. Il a été mis en place à la sortie du film Baise-Moi de Virginie Despentes, pour lequel des règles renforcées ont été mises en place. Le problème posé par la classification de ce film, ne rentrant pas dans les critères classiques du film pornographique classé X, a notamment motivé le rétablissement de l'interdiction aux moins de 18 ans, qui avait été transformée en moins de 16 ans en 1990. A ce jour, depuis cette modification législative, sept films en ont fait l'objet ; quatre l'ont été pour « scènes de sexe explicite »1 et trois pour « violence extrême ». Le premier à en être frappé fut le troisième volet de la saga Saw, réalisé par Daren Lynn Bousman. A l `automne 2007, un autre film de genre est depuis venu s'ajouter à cette liste : Quand l'embryon part braconner, un film japonais du réalisateur Kôji Wakamatsu, produit en 1966 que le distributeur Zootrope a décidé de sortir en salles. La polémique sur cette fameuse interdiction s'est vue relancée au début de l'été 2008 à propos de Martyrs de Pascal Laugier (se voulant être à la fois un film d'horreur et un film d'auteur), dont le passage en commission en a résulté l'application de la catégorie IV, provoquant de nombreuses réactions et donnant même lieu à une manifestation initiée par le Club du Vendredi 13, association de réalisateurs, producteurs et distributeurs désireux de soutenir le cinéma de genre français2. Deux films d'horreur (même si le film de Wakamatsu peut plus être qualifié de film de genre que d'horreur au sens strict) figurent donc au nombre de ces longs-métrages uniquement visibles par des adultes. Ces décisions ont surpris et ému les professionnels, notamment en raison de la précision des critères (scènes de sexe non simulées ou d'une très grande violence), qui se sont inquiétés d'un retour de la censure, dénoncé par de nombreuses associations professionnelles à travers des communiqués3. Ces affaires de classification ont donné l'occasion aux professionnels et aux amateurs de faire entendre leur opposition et a permis au problème du cinéma de genre d'émerger dans les médias grand public. La Société des Réalisateurs Français (SRF) a ainsi exigé des seconds visionnages, avec

1 Il s'agit de Baise-Moi de Virginie Despentes, 9 songs de Michael Winterbottom, Ken Park de Larry Clarck et Polissons et Galipettes de Michel Reilhac.

2 Le 2 juillet 2008, après un second visionnage, la commission de classification a rectifié son premier avis en abaissant l'interdiction à moins de 16 ans assortie d'un avertissement.

3 Communiqué de presse SRF Saw III et Martyrs, annexes n°44, 44 bis et 44ter, p.135-137

ou sans succès (rectification pour Martyrs mais pas pour Saw III). En effet, pour des raisons économiques, une interdiction aux moins de 18 ans, au regard des règles du CNC et du CSA, restreint l'exploitation en salles et rend quasiment impossible la diffusion télévisée : « L'interdiction aux moins de 18 ans est une forme de censure qui ne dit pas son nom. Son application paraît floue et arbitraire1 ». Si les enjeux sont importants, parler de censure paraît quelque peu exagéré, aucun film n'ayant été totalement interdit ou censuré au sens propre (c'est-à-dire coupé) depuis plus de 20 ans. Malgré les conséquences, les mots de la SRF semblent un peu déplacés lorsqu'elle parle de « l'irresponsabilité de la Commission » ou de « mesures arbitraires2 ». A ceux qui parlent d'un retour de la censure, rappelons les résultats de la saison cinématographique 1974- 1975 : sur 607 films diffusés sur les écrans français, 162 se virent attribués une interdiction aux moins de 18 ans, dont 145 pour scènes de sexe et 17 pour excès de violence.3 D'autant plus « qu'à cette époque, l'atmosphère malsaine suffisait à voir tomber l'I-18 ans : des loulous de banlieue qui se bagarrent dans La Rage au poing, des marginaux qui se droguent dans Fender l'Indien, des malades mentaux dans Asylum,(...) ».

Martyrs de Pascal Laugier (2007)

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