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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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3.3. Les enjeux économiques du secteur : problèmes et solutions

3.3.1. L'autocensure dictée par le financement des chaînes de télévision

L'arrivée massive des chaînes de télévision dans le financement du cinéma au milieu des années 1980 a contribué à dicter des nouveaux impératifs au 7e art. Par les préachats et les coproductions, qui s'évaluent aujourd'hui à près de 30% du budget d'un film français, la télévision dicte sa volonté. Certains, comme l'économiste du cinéma Claude Forest, vont même jusqu'à dire que le cinéma français ne produit aujourd'hui que des téléfilms, étant tous destinés à une exploitation ultérieure sur le petit écran. Or l'attribution d'interdictions, qui frappe souvent le cinéma d'horreur, restreint les potentialités de toucher tous les publics, comme le souhaite la télévision, engagée dans une course à l'audience effrénée entre chaînes privées et publiques. La moindre diffusion représente un manque à gagner certain et la frilosité semble en général l'emporter. Cependant le marché porteur que représentent aujourd'hui les films d'horreur peut attirer les investisseurs, malgré les problèmes de diffusions suscités par les restrictions éventuelles. « En France, le film d'horreur est encore considéré par les producteurs comme quelque chose de non viable car non diffusé en prime time. Pourtant, étrangement, on n'a eu aucun problème pour faire le film (...) Les producteurs ont tout de suite eu envie d'investir dans A l'intérieur, on a eu beaucoup de chance... Ce n'est pas

1 in Laurent Jullier, op. cit. p.80-81

2 Idem, p. 30

souvent que les boîtes de production prennent de tels risques »1. Cependant l'autocensure reste une composante importante de la production des films d'horreur destinés à une exploitation commerciale de grande envergure. En effet « en France, ces films ne trouvent pas à se financer. Leur contenu est trop violent pour que les chaînes hertziennes s'y intéressent »2 . Utilisée pendant longtemps pour contourner la censure, elle est encore aujourd'hui toujours pratiquée afin d'atteindre potentiellement une diffusion plus importante, notamment par le média télévisuel, qui est très réglementé en France. En effet le souci de rentabilité, présent dans toute activité économique et a fortiori dans l'industrie cinématographique dicte la retenue à des réalisateurs qui se montreraient enclins à faire jaillir trop de sang sur les écrans. Ils redoutent les foudres de la classification et les réticences de certains producteurs -et aussi des chaînes de télévision- à financer des films pouvant comporter des scènes de violence explicite. Philippe Ross rappelle l'existence de ce phénomène dans les années 1970 : "Les grandes compagnies préfèrent censurer elles-mêmes leurs films plutôt que de risquer l'X fatal qui les reléguerait dans le ghetto infamant des salles pornos, tandis que les petites producteurs indépendants sortent leurs produits sans passer par la sacro-sainte commission de contrôle, en courant le risque d'une distribution commerciale aléatoire3". Ces deux attitudes, bien que représentatives d'une époque où la censure était encore prégnante, ont encore cours aujourd'hui, alors que la classification des films est réputée destinée à informer et protéger les mineurs des images violentes. Pierre Chaintreuil et Hervé Le Coupannec, secrétaires de la commission de classification auprès du CNC attestent de ce comportement chez certains réalisateurs, qui les appellent pour leur demander si telle ou telle scène ne serait pas susceptible de leur valoir un avertissement ou une interdiction aux moins de 12 ans.

Pour contourner à cette barrière constituée par une classification élevée, certains, à la suite du Club du Vendredi 13 mené par la Fabrique de Films, voudraient en modifier le barème : « Une solution pourrait être de nous référer au système actuellement appliqué en Espagne, qui grâce à la mise en place d'un avertissement ciblé, responsabilise le spectateur face au film qu'il va voir et permet d'éviter les problèmes de contrôles d'identité. Adoucir la censure en salles permettrait également de lutter contre la piraterie qui fait des ravages "économiques" dans le film de genre, notamment chez les 12-16 ans »4. Il semble que cette idée ne fasse que déplacer le problème en occultant le

1 Interview J. Maury et A. Bustillo, op. cit.

2 Article Emergence de l'horreur à la française, par Isabelle Régnier et Jean-François Rauger, Le Monde, 13.06.2007, annexe n°8, p.24

3 Philippe Ross, op. cit. p. 116

4 Voir le site www.leclubduvendredi13.com/propositions

principal, c'est-à-dire en minimisant la nécessité de la classification pour les jeunes spectateurs. Or il en va de la responsabilité et de la crédibilité de ce genre de cinéma ; comment le défendre si les acteurs de ce milieu -des adultes responsables- ne tiennent pas compte des normes en vigueur pour la protection du jeune public ? Voudraient-ils que des films gores soient visibles par leurs enfants simplement parce que le cinéma de genre français a besoin d'un coup de pouce ?1 Toute modification du système de classification ne changerait rien au contenu ; un moins de 18 ans reclassé en moins de 16 ans aurait la même charge émotionnelle dans une classification tronquée. Peut-être faudrait-il que les interdictions ne soient pas édictées au moment du visa mais juste avant la sortie du film en salles. Cela permettrait de court-circuiter les réticences potentielles en cassant la subordination des préachats à l'obtention d'un visa acceptable. D'autres voyaient dans le financement des chaînes hertziennes généralistes un enjeu de taille pour sauver ce cinéma, mais celles-ci ne semblent pas prêtes à franchir le pas, même pour des diffusions en deuxième partie de soirée2.

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