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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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3.3.2. L'accès aux aides publiques

En théorie, il n'y a pas de discrimination a priori au moment du financement des films. Les critères de soutien sont indépendants du scénario mais les commissions attribuant ces aides statuent sur lecture du scénario, du devis et du plan de financement. Les éventuelles interdictions, l'absence de consensualisme, les exigences des investisseurs -et en premier lieu celles des chaînes de télévision- ne peuvent que porter préjudice au financement de ce genre de films. Jean-François Rauger s'en fait l'écho : « il [le contenu des films] les disqualifie aussi, le plus souvent, auprès des guichets institutionnels, telles l'avance sur recettes ou les aides régionales »3. Les films d'horreur semblent donc en quelque sorte échapper au circuit économique généré par les différentes aides financières publiques. Qu'en est-il au niveau des chiffres ? En regardant les rapports du CNC sur la production cinématographique depuis 5 ans, on se rend compte que les films fantastique/horreur bénéficient en effet peu des aides4. Sur les treize films identifiés dans cette catégorie ayant obtenu l'agrément du CNC depuis 2003, seulement trois ont bénéficié du soutien des SOFICA (alors que sur la même période, plus de 360 films en ont obtenu le soutien de ce type de fonds bancaires) alors qu'ils

1 D'autre part, le fort accent porté sur la rentabilité en fait frémir plus d'un, le manque à gagner prenant souvent le pas sur l'engagement artistique dans ce type de discours.

2 d'autant plus que la réforme de l'audiovisuel public -censée les dégager de la servitude des résultats d'audience liés à la publicité- n'ira sans doute pas dans le sens d'une plus grande représentativité de l'horreur sur les chaînes publiques.

3 Article Emergence de l'horreur à la française, op. cit., annexe n°8, p.24

4 Voir liste des films en annexe n°41, p.126

présentent des budgets plutôt moyens1. Cela est remarquable dans le sens où les SOFICA se positionnent essentiellement sur des films à budget élevé, le retour sur investissement étant primordial dans ce genre de fonds. En ce qui concerne les aides publiques, le crédit d'impôt2 est l'aide la plus dispensée pour ce genre de films : quatre films sur treize en ont bénéficié depuis 2003. Cette mesure, récompensant la localisation des dépenses en France, est destinée à soutenir la filière cinématographique française et à favoriser les retombées économiques territoriales3. En revanche, un seul film a pu obtenir des aides régionales ; qui sont en très nette augmentation depuis le début de la décentralisation. En revanche, il est à noter qu'aucune aide sélective n'a été sollicitée ni attribuée, celles-ci subissant pourtant une hausse colossale depuis 20 ans.4 En effet, rappelons que ce type d'aides est accordé sur lecture du scénario, et que, malgré les affirmations du CNC sur l'objectivité supposée des membres des différentes commissions d'attribution, des critères (comme l'apport du film pour l'histoire du cinéma par exemple) peuvent être considérés de façon aléatoire en fonction de la vision de chacun. Des aides comme l'aide à l'écriture ou au développement sont dispensées au cas par cas ; il n'y a pas de conditions spécifiques à remplir au préalable, hormis les conditions de nationalité.

Ils de Xavier Palud et David Moreau (2005)

1 Compris entre 2,42 millions d'euros pour A l'Intérieur et 6,82 millions d'euros pour Dante 01

2 Pouvant être sollicité par le producteur sur 20% des dépenses éligibles réalisées en France

3 D'autre part la création d'un crédit d'impôt international récemment évoquée et depuis longtemps demandée par les professionnels permettrait d'attirer sur le territoire français un nombre plus important de productions et coproductions internationales. Si ces deux logiques peuvent paraître paradoxales (favoriser l'enracinement français et attirer les investissements), il semble que ce soit la clé d'une certaine vitalité.

4 Evolution financière des soutiens à la production cinématographique, CNC, décembre 2007

Il semble donc que les films d'horreur se prêtent peu aux aides publiques, compte- tenu de la mise en place de dispositifs différenciés d'interdictions aux mineurs pour ce genre de cinéma. D'autre part, si nous avons exposé les différences entre les catégories de classification et le classement X, la politique fiscale afférant aux spectacles vivants interdits aux moins de 16 ans ou aux films classés X révèle une volonté ouverte de ne pas soutenir les oeuvres pouvant porter atteinte à la sensibilité des mineurs. Les apports personnels du ou des producteur(s) s'avèrent dès lors essentiels dans ce genre de productions, ainsi que les préachats des chaînes de télévision, quasiment monopolisés par Canal + et Ciné Cinéma. Depuis sa création, Canal+ a toujours soutenu le cinéma français, en préachetant ou en coproduisant de très nombreux films français. Même si elle est par ailleurs soumise à des obligations de production1, rien ne force le groupe à investir dans ce type de cinéma. Il semble que ce soit la volonté de proposer une offre diversifiées qui dicte cette pratique. Si cette politique d'investissements élevée a toujours cours aujourd'hui, on remarque cependant un léger changement à partir des années 2000 ; en effet Canal+ investit plus d'argent mais sur moins d'oeuvres2. Une volonté particulière de promouvoir les films d'horreur en leur donnant une visibilité supplémentaire fut toutefois amorcée par Manuel Alduy, directeur des achats chez Canal+, qui misa dans un créneau intitulé « French Frayeur », visant à dégager une case d'achats spéciale pour ce genreci3. Il y a donc des professionnels qui se mobilisent pour faire émerger un type de cinéma qui a du mal à se faire sa place en France.

Malgré de nombreuses propositions, la solution miracle pour favoriser l'émergence d'un marché typiquement français de l'horreur n'est pas encore trouvée. L'enracinement de ce genre de films dans la production cinématographique est encore très récent. Après des dizaines d'années de silence, le cinéma de genre renaît bruyamment, confronté à des classifications élevées qui sèment d'embûches son parcours économique. Mais le débat ne fait que commencer, son apparition au grand jour lui ayant donné l'occasion de se faire entendre au-delà des cercles d'initiés pour qui le problème était déjà connu et dont la défense était assurée au-delà des critères esthétiques.

1 Fixées en 2001 (modifiées en 2004) elles s'évaluent à 12% des ressources annuelles de l'exercice en cours dans des films européens et 9% dans des oeuvres françaises, avec une part réservée aux films dont le budget est inférieur à 4 millions d'euros. Cela peut sembler beaucoup au regard des 3,2% et 2,5% d'investissement des chaînes en clair (qui diffusent plus de 52 longs-métrages par an ou plus de 104 diffusions et rediffusions de celles-ci), mais ces règles entérinent plus une pratique existante qu'elles n'expriment une contrainte.

2 Source CNC

3 Article Emergence de l'horreur à la française, par Jean-François Rauger et Isabelle Regnier, Le Monde du 13/06/07, annexe n°8, p.24

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