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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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2.3. La télévision

2.3.1. Les restrictions établies par le CSA

La télévision, au regard de ses potentialités et de ses caractéristiques (consommation domestique, perçue comme gratuite malgré la redevance télévisuelle), permet de toucher un large public. Comme le rappelle Philippe Coulangeon, « La télévision constitue, dans l'ensemble du monde occidental et même au-delà, la principale activité de loisir culturel1. » En 2007, 97,4% des foyers étaient équipés en télévision, dont 42,6% possèdent plusieurs postes2. La multiplication des offres télévisuelles, avec le développement des fournisseurs d'accès à Internet, des bouquets satellite et de la télévision numérique terrestre (plus de 89% de la population métropolitaine y a accès) a encore accru la diversité de la programmation et a modifié les comportements des téléspectateurs. Grâce au développement de la télévision « à la carte », remplaçant la logique de flux continu des chaînes hertziennes, près de deux tiers des foyers français équipés en télévision accèdent désormais à 15 chaînes et plus3 (26% en 2005). Les téléspectateurs peuvent maîtriser leur écoute de la télévision, notamment avec la récente élaboration des modems et disques durs enregistreurs ; le téléspectateur passif qui faisait jusqu'alors office de stéréotype est bien en train de disparaître, du moins potentiellement. Cependant, le temps d'écoute de la télévision a peu progressé mais reste toujours très élevé : En 2007, chaque résident en France métropolitaine équipé d'au moins un téléviseur a regardé son poste émetteur en moyenne 3 heures et 27 minutes par jour. D'autre part, on remarque que la présence d'enfants influe sur l `équipement technologique des foyers, comme le montre une récente étude menée par Médiamétrie, dont les conclusions sont les suivantes : « Qu'il s'agisse de l'équipement télé, de la TNT, du câble, du satellite, de l'ADSL et surtout, beaucoup plus encore, du téléphone mobile, de l'ordinateur et de l'Internet haut débit, la proportion des foyers équipés est supérieure là où vivent des enfants de moins de 15 ans par rapport aux foyers sans enfant de cette tranche d'âge4. » Les enfants et les adolescents sont d'importants consommateurs d'appareils électroniques liés au son et à l'image, et passent beaucoup de temps devant la télévision, même si ce sont les plus de 50 ans qui détiennent le record d'audience. Or on remarque que la courbe d'audience des 4-14 ans est à peu près la même que celle de

1 Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2005 p. 12

2 Les chiffres clés de l'audiovisuel, CSA, Direction des études et de la prospective, 1er semestre 2008, p. 5

3 Idem, p. 6

4 Source : Médiamat (Sept 2006 - Juin 2007) sur www.audiencelemag.fr, publication du 24 avril 2008

l'audience télévisuelle des adultes, le pic du midi et celui du prime sont à quelques exceptions près les mêmes1. La même étude souligne le fait que la consommation télé des 4-14 ans est plus importante que la moyenne dans les foyers disposant d'une offre élargie. C'est en vertu de la place qu'occupe la télévision dans les loisirs des jeunes que des restrictions d'accès, qu'elles soient physiques (code parental, images cryptées,...) ou relevant simplement de l'avertissement, ont été mises en place. La liberté dont disposent les diffuseurs devait être restreinte par une responsabilité éthique, qui s'accorde avec la politique de protection de l'enfance déjà étudiée avec les interdictions émises par la commission de classification des oeuvres cinématographiques. Pour la télévision, c'est le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA, créé par le décret n° 89-518 du 26 juillet 1989) qui se charge d'établir et de faire respecter cette politique, d'abord à travers une surveillance continue des chaînes ainsi que par la mise en place de règles présidant à la diffusion des programmes audiovisuels et des oeuvres cinématographiques à la télévision.

En 1996, il a institué une signalétique uniformisée (mesure effective en 1998 ; avant cette date, les chaînes hertziennes disposaient de leurs propres pictogrammes) pour les chaînes hertziennes, Canal + et les chaînes câblées n'y étant soumises qu'à partir de 2000 et l'ensemble des programmes à partir de 2001. Cette signalétique se basait sur un code mêlant couleur et formes2. Or plusieurs rapports, et notamment celui remis au ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon par Blandine Kriegel en 2002, ont mis en évidence la nécessité de clarifier ces signes. De nouveaux pictogrammes ont ainsi été élaborés et appliqués, faisant apparaître clairement la catégorie d'âge minimale conseillée pour regarder le programme en question : -10, -12, -16, -18. Nous pouvons d'ores et déjà souligner que par rapport à la classification cinéma, une catégorie supplémentaire a été instituée, celle des films déconseillés aux moins de 10 ans, qui pourrait correspondre au Tous Public + Avertissement. En effet, la démarche du Conseil est différente de celle de la commission de classification en raison de l'accessibilité plus aisée des enfants au média télévisuel : « Ces classifications correspondent à une recommandation du Conseil qui encourage les chaînes à classer les films en catégorie III pour leur passage à la télévision si leur violence ou l'impact qu'ils peuvent avoir sur le jeune public le nécessite. La classification des films établie par le ministre de la Culture correspond en effet à une diffusion de ces films en salle. Programmés à la télévision, ils peuvent être vus par de jeunes enfants, sans démarche volontaire des familles. Il est

1 La consommation matinale est plus importante et celle de l'après-midi débute plus tôt, vers 16h au lieu de 18h30

2 Rond bleu : accord parental souhaitable ; triangle orange : accord parental indispensable ; carré rouge : interdit aux moins de 16 ans ; croix violette : interdit aux moins de 18 ans

donc important de renforcer la vigilance des adultes par la signalétique »1. Pour des films relevant en salles de la catégorie II ou III, le CSA respecte la plupart du temps les restrictions émises par le CNC lors de la délivrance du visa d'exploitation. Par exemple, Candyman et Candyman 2, diffusés sur M6 les 24/09 et 08/10 1998 à 22h402, dont les visas étaient respectivement assortis d'une interdiction aux moins de 16 ans et aux moins de 12 ans sont signalés en catégorie 4 (déconseillé aux moins de 16 ans) et 3 (déconseillé aux moins de 12 ans). Cependant parmi les films classés Tous Public lors de leur sortie en salles, un certain nombre se voit assortis d'un pictogramme -10 ans.3 Aussi un film ayant été interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en salles peut-il souvent se voir attribuer une restriction aux moins de 16 ans lors de sa diffusion télévisuelle, et en particulier lorsqu'il s'agit de films d'horreur, qui se voient régulièrement appliquer cette pratique. Ce durcissement de la signalétique est très souvent appliqué lorsqu'un avertissement accompagnait le visa d'exploitation d'un film4, comme l'affirme Anissa Zeghlache, responsable du pôle protection du jeune public et déontologie des programmes.5 Le CSA intervient régulièrement (sans dépasser les 40 interventions par an environ, ce qui n'est pas non plus quotidien) pour rappeler ces principes aux chaînes. Il a réitéré ces recommandations auprès de Canal + en début d'année 2008 à propos de deux films interdits en salles (La Peur au Ventre et Destination Finale 3) aux moins de 12 ans et accompagnés d'un avertissement que la chaîne avait diffusés avec une signalétique - 12 ans et pour lesquels le Conseil avait demandé une signalétique - 16 ans. Si la signalétique reprend globalement les critères retenus par la commission de classification lors du visionnage des films, elle en ajoute certains, comme le nombre de scènes violentes6 et le caractère gratuit ou indispensable au scénario. La commission française, s'attache moins à ces aspects isolés mais privilégie l'examen de l'ensemble du film. Aussi la télévision apparaît-elle comme un lieu plus sévère face aux images violentes, malgré les reproches d'associations de parents et des consommateurs. Rappelons simplement que la signalétique mise en place par le CSA n'a qu'un pouvoir de recommandation (les films restent déconseillés aux moins de -10, -12, -16 ou -18 ans), et qu'il est de la responsabilité des parents de veiller au respect de ces codes, sans qu'aucun organisme public ne puisse vérifier ni sanctionner l'audience des mineurs en deçà de ces seuils,

1 La protection des mineurs et la déontologie des programmes à la télévision en 2004, CSA, Dossier d'actualité, publié le 16 décembre 2005

2 Voir étude Les programmes signalisés sur les chaînes hertziennes de 1996 à 2002, Protection de l'enfance et de l'adolescence, CSA - direction des programmes, décembre 2003, p. 56

3 ibidem ; voir également étude de la programmation TV du 17 février au 15 mars, annexe n°3 7, p.103

4 Voir programmation TV 17 février-15 mars, annexe n°37, p.104

5 Avec qui j'ai pu m'entretenir brièvement en février puis par mail à ce propos.

6 Cette technique est assimilable à la technique dite « du tas », pratiquée dans les commissions anglo- saxonnes. Son principe repose sur un seuil, qui une fois atteint déclenche automatiquement une certaine catégorie d'interdiction. Voir Laurent Jullier, op. cit. , p. 22-23

contrairement à l'accès de ceux-ci en salles qui peut l'être légalement. D'autre part, cette obligation de signalisation (qui s'applique à toute la durée du programme à partir de la catégorie III) se voit doublée de règles procédant aux horaires de diffusion des films signalisés1. Suivant ces prescriptions, et étant donné qu'un certain nombre de films d'horreur sont interdits aux moins de 12 ans et plus lors de leur sortie en salles, il semblerait dès lors assez surprenant de voir ce genre de films en prime time autrement que sur les chaînes câblées2.

Le contrôle du CSA s'effectue a posteriori, contrairement à celui de la commission de classification. Malgré ce contrôle ultérieur à la diffusion, les chaînes doivent donc respecter un certain nombre d'obligations, dont nous avons présenté les principales concernant la diffusion des films. En tant que média très réglementé, objet de puissants enjeux financiers quant aux audiences potentielles -on le vérifie avec les débats autour du projet de loi sur l'audiovisuel- la télévision, tout comme la production cinématographique, se voit imposer des contraintes de fond (contenu des images, propos, intérêt,...) et de forme (horaires et quotas de diffusion, signalétique,...). Le CSA répond à ces protestations en noyant ces obligations parmi d'autres, sans évoquer les particularités des réglementations3. Dès lors, comment les chaînes s'accommodent-elles de ces obligations au quotidien ? Présentent-elles un obstacle à la diffusion des films d'horreur ou n'ont-elles aucun effet discriminatoire ?

1 Voir http://www.csa.fr/infos/controle/television signaletique C.php reproduit en annexe n°43, p.138

2 Or Destination finale (2001) de James Wong, diffusé le lundi 18 octobre 2004 en prime time sur M6 a recueilli une audience composée principalement d'enfants et d'adolescents, tout comme Souviens-toi... l'été dernier (1998) de Jim Gillespie programmé le lundi 12 janvier 2004 sur la même chaîne aux mêmes

horaires : 109 200 enfants de 4 à 10 ans, 151 300 adolescents de 11 à 14 ans pour le premier ; 61 700 enfants de 4 à 10 ans et 128 000 adolescents de 11 à 14 ans (source CSA). Cela montre la limite de la prévention

3 « Le Conseil est conscient que ses recommandations peuvent avoir des effets contraignants : elles sont la contrepartie de la responsabilité sociale des auteurs de télévision qui ont la chance de s'adresser en même temps à des millions de téléspectateurs. Il semble cependant qu'elles soient loin d'être les seules à peser sur les auteurs et qu'elles ne soient pas par elles-mêmes susceptibles de produire une uniformisation des contenus » in La protection des mineurs et la déontologie des programmes à la télévision en 2004, op. cit.

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