WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

( Télécharger le fichier original )
par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

précédent sommaire suivant

1.4. Codes ou accessoires ?

1.4.1. La violence et l'incarnation du mal

Il est communément admis que les films d'horreur traitent des crimes, perpétrés par des humains ou des êtres surnaturels, dans une attitude destructrice et cruelle qui relève souvent de la folie, du moins de l'incompréhensible. L'horreur qui en découle émane de l'impossibilité supposée de l'homme à réaliser de tels actes, dépourvus de compassion, sous une emprise «diabolique». C'est cette dimension d'incompréhension, de difficulté à trouver une explication rationnelle -que l'on peut également remarquer lors des crimes relatés dans les faits divers médiatiques-2 qui fonde le sentiment horrifique. Les crimes les plus abominables sont souvent relégués dans la sphère de l'irrationnel, afin d'éviter toute confrontation. Aussi les films d'horreur exploitent-ils cette peur, en incarnant

1 voir dossier de presse Ils (disponible sur www.studiocanal-distribution.com)

2 Les voisins témoignant de la gentillesse de leur voisin, qui s'avérait en réalité être un pédophile, comme dans l'affaire d'Outreau ; l'incrédulité de la famille face à un conjoint violeur, comme l'a récemment démontrée la découverte des enfants de Joseph Fritzl.

le Mal en la personne du tueur en série, du meurtrier fou ou de la créature destructrice tout en faisant surgir sa nature inhumaine -ne pouvant appartenir à ce monde- donc fantastique. Cependant, il semble que l'évolution du genre (qui sera abordée plus loin) montre l'éloignement de cette caractéristique au profit d'une horreur toujours plus humaine, inspirée par la réalité, non dépourvue de massacres hebdomadaires. La perte du registre fantastique au sein des films d'horreur contemporains illustre probablement une certaine désillusion par rapport aux potentialités horrifiques du monde réel. Le besoin d'évasion n'est plus le centre des préoccupations, comme cela fut à l'oeuvre dans les westerns ou dans le fantastique des années 1980 qui figuraient l'altérité de manière caricaturale. Nul besoin aujourd'hui d'invoquer démons et autres créatures infernales pour provoquer l'angoisse.

D'autres genres cinématographiques traitent de la violence mise en scène de façon cruelle et incompréhensible : les films de guerre et d'action, les films policiers et a fortiori les thrillers ou encore les films historiques sur la Shoah. Les films d'Antonioni peuvent figurer une très grande violence et exprimer la douleur humaine d'une façon qui puisse paraître insupportable à certains spectateurs, sans pour autant relever de l'horreur. Beaucoup de discussions afférant à une éthique du cinéma, notamment à propos du film Kapo de Gillo Pontecorvo (1960) ont tenté de mettre des barrières à la violence cinématographique et d'instiller une morale au cadrage de certaines images. Peut-on tout montrer ? Y'a-t-il des crimes tellement abominables et inqualifiables qu'on ne peut en tirer une esthétique ? La célèbre réaction de Jean-Luc Godard à propos d'une scène extraite du film de Pontecorvo1 montre que certains pensaient au sein de l'intelligentsia du 7e art que celui-ci, pourtant lieu d'expression, devait toutefois respecter certaines lois humaines et en premier celle de la dignité de la personne, protégée par les lois de la République2 et par les traités internationaux. Or l'espace de liberté que représente l'art, avec sa puissance créatrice et subversive, sa volonté de contourner la législation humaine, arbitraire et politique, n'est-il pas le lieu de la transgression de tous les interdits ? Pas lorsque celui-ci a des implications dans l'espace public, affirme la commission de classification, à l'instar du cinéma, projeté dans des salles et diffusé à la télévision. Si le film d'horreur n'est pas uniquement réductible à la violence qu'il met en scène, celle-ci en reste toutefois un élément central pour de nombreux auteurs, parmi lesquels Isabel Cristina Pinedo, qui en fait une des clés de la compréhension du genre3.

1 Il aurait alors déclaré : « le travelling est une affaire de morale »

2 L'Amendement Jolibois (art 227-24 du code pénal modifié par ordonnance n°2000-916 du 19septembre 2000) marque l'institutionnalisation en 1993 de la notion de « dignité humaine » dans la législation française

3 In Recrational Terror, Women and the pleasures of Horror Film Viewing, Albany, State University of New York Press, 1997, p. 17

précédent sommaire suivant







Cactus Bungalow - Bar Restaurant on the beach @ Koh Samui