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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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CHAPITRE 2 : IDENTIFICATION DE L'OBJET : UN CORPS éVOLUTI F DOTé

DE NOMBREUx TENTACULES

Que seraient ces caractéristiques sans leurs nombreux exemples qui parsèment l'histoire du cinéma de façon plus ou moins glorieuse ? A présent, il convient de saisir les grandes évolutions du genre, dont les ramifications n'ont cessé de se multiplier avec une rapidité croissante. En gardant à l'esprit les définitions précédemment élaborées, comment les films s'accommodent-ils de ces éléments ?

2.1. Le cinéma fantastique dans la première moitié du XXe siècle : l'horreur qui ne dit pas son nom

A la suite des saynètes* de Georges Meliès et de quelques films mettant en scène des effets spéciaux lumineux rudimentaires au tournant du XIXe et du XXe siècle, une vague de films fantastiques déferle sur l'Europe et les Etats-Unis dans les années 1920- 1930 et inaugure ainsi ce que les auteurs anglophones appellent le « horror boom ». Les premiers films fantastique/horreur s'inspirent des nouvelles sombres et surnaturelles d'Alan Edgar Poe, de Guy de Maupassant ou de Robert Walpole mais aussi -et surtout- des classiques de la littérature gothique anglo-saxonne. Des livres comme Frankenstein de Mary Shelley (1818), The Strange Case of Dr Jeckyll and Mr Hyde de Robert Louis Stevenson (1886), The Picture of Dorian Gray d'Oscar Wilde (1891) ou encore Dracula de Bram Stocker (1897) pour ne citer que les plus illustres, auront tous leurs échos au cinéma. En Allemagne, la vague expressionniste était déjà inaugurée depuis les années 1910-1915 avec des films comme Le Golem (1913) ou L'étudiant de Prague (1913), qui ouvrirent la voie à Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau. Ces thèmes étaient déjà également exploités dans des pièces de théâtre et de music-hall à succès jouées à Broadway, comme The Bat d'Avery Hopwood et Mary Roberts Rinehart données dans les années 1920. Cet engouement pour le fantastique et l'imaginaire, les horreurs lointaines et les monstres inhumains trouve ses racines dans le choc qu'a représenté la Première Guerre mondiale aux yeux des populations occidentales. Le succès remporté par ces films en Europe, qui a connu la guerre sur son territoire témoigne de la volonté de

replacer l'horreur dans le surnaturel et de fuir les massacres humains1. C'est sans doute ce besoin, augmenté des exigences du code Hays2, en vigueur aux Etats-Unis de 1934 à 1966, qui dicte l'absence de sang ou d'actes violents mis en scène dans la majorité des productions d'horreur de cette époque. Afin de préserver la morale des spectateurs, aucune acte de violence, de sexe ou de dissidence religieuse ne devait apparaître à l'écran, sous peine d'être poursuivi et, de toute manière, censuré. Mais « brutalisation des sociétés »3 qui s'en est suivie a tout de même eu son écho au cinéma, projetant les angoisses dans un imaginaire de tous les possibles, où la résolution des problèmes sociaux ou politiques trouve sa dimension symbolique simplifiée dans l'anéantissement du monstre (réel ou fantasmé, selon les fins dites fermées ou ouvertes, autorisant un retour éventuel). L'absence de censure aurait-elle eu pour effet de faire figurer plus de violence sur les écrans ? On peut en douter, car si la censure est certes une contrainte, elle est également le reflet d'une tendance de l'opinion, plus ou moins majoritaire. Ces préoccupations ressurgissent avec la Grande Dépression et les tensions dans les relations internationales qui font lentement glisser les Etats occidentaux vers une marche à la guerre inéluctable. Les films de cette époque traduisent les angoisses du temps, de façon métaphorique ou ludique (Le Dictateur de Charlie Chaplin), alors que le cinéma commence à recouvrir une dimension artistique réelle4. Rappelons que lors de leur sortie, les films d'horreur n'étaient pas qualifiés de la sorte : «Even the 1931 version of Dracula, starring Bela Lugosi as the Count and seen by many as inaugurating the 1930s US horror boom, was originally marketed as a morbid romance, a thriller and shocker but not as a horror film. In fact, the evidence suggests that the term «horror film» itself did not become widespread until later on in the 1930s.5

Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922)

1 En ce sens, l'oeuvre épique de Tolkien, The Lord of the Rings, est représentative de cette tendance

2 Code établi par le sénateur William Hays en 1930, appliqué à toute production cinématographique, dont l'observation est régie par la Motion Pictures Producers and Distributors Association (MPPDA).

3 Georges L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes, éd. Hachette, coll. Pluriel Histoire, 1997 (1e édition 1990)

4 C'est en 1937 que Jean Zay, alors secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts reconnaît le cinéma comme « 7e art »

5 Peter Hutchings, op. cit., p. 12

Sans nier l'origine littéraire de ces monstres et autres créatures infernales, beaucoup voient plutôt la vraie naissance de l'horreur dans l'exploitation systématique de ces thèmes par les studios américains, et en particulier Universal, une des majors du système hollywoodien, transformant l'entreprise en une véritable « usine de l'horreur »1. En effet, les studios vont produire des cycles entiers de films, mettant en scène les figures gothiques décrites précédemment, en faisant venir des réalisateurs et des acteurs étrangers, absorbant ainsi les talents en les valorisant commercialement à travers une industrie2. C'est à cette époque que Bela Lugosi et Boris Karloff intègrent le star-system et deviennent des symboles du développement du genre ; leurs personnages identifiant à eux-seuls les films dans lesquels ils apparaissaient, conférant à ceux-ci une valeur immédiate en dehors du scénario, constituant un argument d'autorité incontestable. C'est cette pratique très hollywoodienne qui a permis à Universal de produire et de vendre, pendant les années 1930 et 1940 des dizaines de films et leurs innombrables suites. Cette «sequelisation of horror»3, procédant d'une culture de la série, héritée des feuilletons journalistiques et radiophoniques, fit l'identité du studio. Celui-ci a donc façonné le genre à son image et a établi des normes, des codes tant esthétiques que commerciaux. Le principal étant de produire des suites pourvu que le public soit au rendez-vous, la fidélisation des personnages étant très importante pour pouvoir les faire renaître ou réapparaître dans des épisodes ultérieurs. Il semble que de cette culture découle également le développement de remakes, qui ne procèdent pas de la même logique que la suite mais s'en rapprochent par la volonté de relancer la machine cinématographique jusqu'à l'épuisement. En effet si les remakes sont souvent mal perçus par la critique ou par les fans, l'adaptation n'est-elle pas une des clés du renouveau artistique, au même titre que la création, notamment dans le spectacle vivant ? La relecture d'un film ayant quelques années peut s'enrichir de sa contemporanéité pour offrir au public une autre vision ; elle peut également être un hommage, comme l'est le Halloween de Rob Zombie (2007). Ce problème nous renvoie une fois de plus vers l'incessant débat qui parcourt le cinéma, avec d'un côté les tenants de l'art et de l'autre les défenseurs de l'industrie. Les suites et les remakes sont perçus comme des pures exploitations commerciales, comme le souligne Peter Hutchings: «This negative perception of sequel-heavy 1940s Universal horror is often intertwined with a prejudice against the sequel itself as a particular cinematic format, with the sequelisation process seeming to mark the moment where innovation ends and exploitation begins.»4

1 Idem p. 16 («horror factory»)

2 Cette pratique est toujours largement répandue au sein des studios américains d'aujourd'hui, proposant des budgets et des conditions de travail inégalables pour des jeunes réalisateurs ou scénaristes

3 Peter Hutchings, 2004, op. cit. p. 19

4 Idem, p. 20

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