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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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1.4.3. Les échos historiques, sociaux et esthétiques

De telles implications latentes, touchant au contexte social et politique d'émergence et de réception des films, peuvent être plus clairement décelables au sein de certaines productions. S'il ne faut pas éxagérer ces résonnances, comme le préconise Peter Hutchings, en tentant d'en voir dans tous les longs-métrages d'horreur, celles-ci ne sont pas inexistantes et sont parfois facilement identifiables. Partant d'une volonté de provoquer des émotions fortes, par des moyens qui peuvent choquer, les films revêtent une forte dimension subversive, tout comme son public, comme nous le verrons plus tard. Dans cette démarche, ils tendent à mettre en lumière les problèmes récurrents dans la société et à interroger les limites de son évolution, tout en exploitant des peurs à la fois anciennes (monstres et créatures nocturnes) et contemporaines (tueur en série). La dimension fantastique, d'abord du cinéma en lui-même mais surtout au sein des films d'horreur, permet une distanciation supplémentaire, qui, sous-couvert d'une intrigue et d'un univers différent en dehors ou au sein du monde réel, peut faire émerger les contradictions de ce dernier. C'est ce que soulignait parfaitement le réalisateur des Révoltés de l'an 2000, Narciso Ibáñez Serrador, qui pointait du doigt dans son film le régime dictatorial que vivait l'Espagne dans les années 1970. Le fantastique permet de faire passer des messages forts sous couvert de l'irréel. Sans faire une liste des particularités contextuelles des films d'horreur, nous pouvons affirmer qu'elles dictent, à chaque époque, une esthétique propre : subtile, tournée vers l'épouvante après les deux

1 De plus, mentionnons que l'incitation à la violence, comme l'incitation à la haine raciale, sont des délits passibles d'amendes élevées.

2 A ce titre, le débat suscité au printemps 2008 par le clip du groupe français de musique électronique Justice, Stress, est révélateur. Réalisé par Romain Gavras et son équipe de Kourtrajmé, il y montrait une bande de jeunes, cagoulés, arborant le signe du groupe, se permettant une multitude d'actes délictueux.

conflits mondiaux ; violente et apocalyptique dans les années 1960 ; fantastique dans les années 1970 avec la conquête spatiale ; mettant en scène la folie et les désordres mentaux dans les années 1980 ; très axée sur la torture à outrance aujourd'hui. Certains tendent en effet à mettre en évidence les contradictions de la société, comme l'a bien montré Peter Hutchings, à travers la représentation de la paupérisation de la classe ouvrière visible dans Frankenstein ou encore Massacre à la Tronçonneuse1.

Ce sont ces implications contextuelles qui font apparaître des genres différents à l'intérieur d'aires géographiques bien définies, se nourrissant de l'esthétique cinématographique déjà développée. Adam Lowenstein, dans son essai Shocking Representation2, définit ce terreau d'émergence comme un « moment allégorique », qu'il caractérise ainsi : «the allegorical moment can be discribed as a shocking collision of film, spectator and history where registers of bodily space and historical time are disrupted, confronted and intertwined (...) It's a complex process of embodiment, where film, spectator and history compete and collaborate to produce forms of knowing not easily described by conventional delimitations of bodily space and historical time». C'est en ce sens qu'il peut y avoir un cinéma de genre japonais, oscillant entre le gore des films de sabre (chambara) et la suggestion des histoires de fantômes vengeurs (kaidan). A ce titre, le cinéma fantastique espagnol, florissant actuellement avec des réalisateurs comme Jaume Balaguero (La Secte sans Nom, Fragile, [Rec]), est un bon exemple de l'inlfuence partagée du cinéma américain mêlée aux classiques du cinéma espagnol. Cette différenciation par rapport au style états-unien, à travers une conception propre du genre façonnée par un cinéma national, était justement soulignée par Juan Antonio Bayona, réalisateur de L'Orphelinat, qui expliquait3 que son film était à la fois un film d'horreur et un drame psychologique. D'autre part, cet enracinement dans une culture nationale spécifique peut contribuer à expliquer une réception différenciée selon les pays.4

Le cinéma d'horreur, souvent défini par la peur qu'il suscite, apparaît comme un genre qui recèle de nombreuses caractéristiques, exportables, dont la liste n'est pas exhaustive, sans cesse renouvelée par ses immenses potentialités. Mais comment se traduisent ces codes à travers l'histoire du genre ? Quelles sont les évolutions qu'ils ont subies et cela a-t-il contribué à remodeler quelque peu cette approche ?

1 Peter Hutchings, op. cit. p. 102

2 Adam Lowenstein, Shocking Representation, Historical trauma, National Cinema and the Modern horror Film, Columbia University Press, 2005, p. 7

3 Magazine Tracks, diffusé sur Arte le 07/03/08

4 L'Orphelinat n'a ainsi touché que 200 000 spectateurs en France, alors qu'en Espagne il s'est avéré être le 2e plus gros démarrage de tous les temps

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