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La question de la souveraineté chez Georg Jellinek

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par Ghislain BENHESSA
Université Robert Schuman - M2 Droit public fondamental 2008
  

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A. L'auto-limitation, un concept esquissé par Jehring et développé par Jellinek: le droit, un système de relations entre personnes juridiques

Comme nous l'avons déjà brièvement annoncé, Georg Jellinek reprend à son compte la théorie de l'auto-limitation, esquissée par le juriste Rudolf Jhering, afin de construire sa théorie. Or, en développant juridiquement le concept d'auto-limitation, le maître de Heidelberg s'inscrit volontairement en contradiction avec les théories absolutistes, notamment la doctrine de Thomas Hobbes.

Selon Hobbes, le souverain, car il n'est pas soumis à sa propre volonté, « ne peut donc s'obliger à soi-même ni à aucun particulier »129 . En prenant à contre -pied les doctrines absolutistes classiques, Jellinek tente de construire un modèle dans lequel le souverain est lui- même obligé par les normes qu'il impose aux individus placés sous son pouvoir de commandement.

Dans la mise en place de son système, Jellinek est influencé par les idées de Jehring, qui «caractérise certes le droit par la force », mais qui n'en fait «pas le but mais le moyen du droit ». « C'est dans l'affirmation d'une force subordonnée à la finalité sociale du droit et devenue force juste que s'inscrit, dans la théorie jheringienne de l'Etat, le principe de limitation de l'Etat par le droit [É] car l'ordre n'est véritablement garanti que là où l'Etat respecte celui qu'il a lui-même établi »130.

129 Thomas Hobbes, Du citoyen, Principes fondamentaux de la philosophie de l'Etat, dans Gérard Mairet, Le principe de souveraineté, Folio/Essais, 1997, 52

130 Jacky Hummel, Le constitutionnallisme allemand (1815-1918): le modèle allemand de la monarchie limitée, PUF, Collection Léviathan, 2002, 309-310

Selon Jhering, l'Etat doit respecter le droit dans la mesure où son intérêt lui intime de le faire. Si l'Etat décidait de s'affranchir des règles de droit qu'il a lui-même prescrites, il risquerait de créer le désordre social. Pour cette raison, Jhering affirme que « le droit» n'est rien d'autre que « la politique bien entendue de la force, non pas la politique du moment, la politique de la passion et de l'intérêt passager, mais la politique aux vues larges et lointaines, la politique de l'avenir et de la fin »131. L'auto-limitation se justifie par l'intérêt égoïste de l'Etat: ne pas respecter le droit engendrerait des conséquences bien plus néfastes pour lui que le seul fait de devoir respecter les normes.

Georg Jellinek, dans son raisonnement, part du postulat suivant: «tout droit n'est tel que parce qu'il lie non seulement les sujets mais le pouvoir politique lui-même »132. Et il poursuit, dans l 'Etat moderne et son droit, en citant directement l'initiateur de la doctrine de l'autolimitation, c'est-à-dire Jhering lui-même: «Le droit, dans le sens plein du mot, est donc la force de la loi, liant bilatéralement; c'est la subordination propre du pouvoir politique aux lois qu'il promulgue lui-même »133 . Selon Jellinek, «quand l'Etat édicte une loi, cette loi ne lie pas seulement les individus, mais elle oblige l'activité propre de l'Etat à l'observation juridique de ses règles. »134 . Or, il faut rappeler la vision du droit que possède Jellinek. Selon le maître de Heidelberg, tout droit es t un système de relations entre deux personnes : il ne peut être envisagé que de cette façon. De ce fait, l'Etat ne peut s'extirper de ce système de relations sans nier sa qualité d'Etat. L'Etat est une personne juridique ; or, toute personne doit être envisagée comme relation, non comme substance ou comme essence.

Or, comme le souligne Jean-Pierre Machelon, «le concept d'Etat [dans l'optique jellinékienne] est inséparable de celui d'organisation juridique. En reconnaissant les gouvernés comme sujets de droit, l'Etat cesse d'être une simple force exprimant un rapport de domination. Il se constitue en personne juridique et devient un pouvoir de droit; il crée un ordre juridique qu'il s'oblige unilatéralement à préserver, faute de quoi il renoncerait à son existence même »135 . Le fait même d'être une personne juridique entraîne l'obligation, pour

131 Rudolf Jhering, L'évolution du droit, dans Léon Duguit, La doctrine allemande de l'auto-limitation, RDP 1911, 161-190

132 Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, 130

133 Rudolf Jhering, Zweck im Recht, dans Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, II, 130-13 1

134 Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, II131

135 Jean-Pierre Machelon, Souveraineté et Etat de droit, dans Dominique Maillard Desgrées du Loû (dir.), Les évolutions de la souveraineté, Montchrestien, Collection Grands Colloques, 167

celle-ci, de respecter le droit et de respecter les autres personnes juridiques. L'Etat est lui- même une personne juridique et s'inscrit nécessairement dans une relation juridique vis-à-vis des personnes placées sous son gouvernement. Ainsi, à partir du moment où l'Etat est perçu comme une «simple» personne juridique, il devient impossible pour lui de s'extraire du système juridique qu'il a instauré.

Dans l 'Etat moderne et son droit, lorsque Jellinek traite de la question de la souveraineté, il exprime très clairement l'idée selon laquelle l'Etat, en usant du droit, en fixant un ordre juridique, se trouve aussi lié par cet ordre, autant que les individus placés sous son pouvoir de commandement. De plus, en citant nommément Rudolf Jhering, le Professeur de Heidelberg reconnaît sa dette vis-à-vis du théoricien allemand, «un des esprits à la fois les plus vigoureux et les plus souples et un des juristes les plus pénétrants de l'Allemagne dans la seconde moitié du 1 9ème siècle »136 , selon Léon Duguit.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry