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La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples: le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

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par Providence NGOY Walupakah
Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit/ Option: droit public 2007
  

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Section 1ère : Des limites Juridiques et/ou institutionnelles à

la protection des droits de l'homme en Afrique

D'après une certaine opinion assez répandue, il est admis que la mise en oeuvre de la protection, au sens large incluant le respect, le contrôle du respect et la répression des violations est le point faible bien connu du droit international. Pour cette même opinion, et à tout point de vue la nôtre aussi, cette mise en oeuvre paraît encore plus difficile en droit international des droits de l'homme car cette branche poursuit la protection de l'individu contre l'Etat, rapport par nature inégalitaire au demeurant.

Il est avéré que la première catégorie des limites juridiques ici, il s'agit de celles normatives et celles institutionnelles peuvent être retrouvée dans les lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (A), dans les faiblesses de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (B). Et enfin dans la volonté de l'U.A de fusionner la Cour africaine avec la Cour de Justice africaine (C). Ces limites sont celles propres à tout le système africain de protection et promotion des droits de l'homme, en général.

§1. Les limites propres au système africain

A. Les lacunes de la Charte africaine des droits de

l'homme et des peuples131(*)

L'une des particularités de la Charte et la paradoxale, on le sait, c'est d'avoir consacré les devoirs de l'individu aux côtés de ses droits. Cette singularité inhabituelle suscite, chez les doctrinaires, un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes.

En effet, l'on pourrait d'entrer de jeu, congrûment se demander comment les rédacteurs de la Charte avaient pu concevoir assurer la cohabitation et la compatibilité des concepts vraisemblablement antinomiques. En d'autres mots, en consacrant les devoirs de l'individu, les rédacteurs ne reprennent-ils pas d'une main ce qu'ils donnent de l'autre à la personne humaine en Afrique ? Et comme le dit si joliment Noël ILUNGA, les droits de l'individu ne risquent-ils pas d'être sacrifiés sur l'autel des droits des peuples ?

Une autre particularité lacunaire de la Charte, et non pas la moindre aussi, est l'absence en son sein d'une clause de dérogation. En fait, à la différence de plusieurs autres instruments juridiques internationaux des droits de l'homme, la Charte ne prévoit pas une clause générale de dérogation qui permet aux Etats, en cas de situation d'urgence nationale ou de circonstance exceptionnelle, de suspendre momentanément l'application de certains droits fondamentaux. Ainsi donc « la Charte africaine ne contient pas de clause d'exception et n'autorise donc aucune dérogation aux droits qu'elle énonce ».(132(*))

A dire vrai, bien que potentielle, cette lacune est préjudiciable en ce sens qu'elle permet aux Etats africains d'invoquer à tout moment cette situation d'urgence, sans qu'elle soit fondée sur une base légale, pour justifier les restrictions et autres violations des droits de l'homme.

Bien plus, quoique cette clause fasse objet de controverses, l'on imagine que si elle aurait été prévue, certains droits seraient protégés et partant, elle permettrait de savoir les limites de la circonstance exceptionnelle ou celle de d'urgence nationale.

Sous un autre registre, le principe de confidentialité de la procédure de la Commission, tel que prévu par la Charte, consacre la main mise de la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements sur le fonctionnement de la Commission. L'article 59 de la Charte prévoit que toutes les mesures prises par la Commission concernant l'examen de diverses communications resteront confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements en décidera autrement. Le rapport y relatif est publié par le Président de la Commission sur décision de la conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement. Pareille disposition « tend à garder la Commission hors de la portée du citoyen ordinaire et à noyer l'importance de son rôle ». D'après Bénoît S. Ngom, par cette disposition, la Charte reconnaît aux chefs d'Etats et de gouvernements » la faculté d'enterrer à jamais les résultats des investigations de la Commission des droits de l'homme et des peuples ».

Il se pourrait qu'il soit vérifiable que les tares de la Charte aient affecté même le mécanisme de sauvegarde qu'elle a institué. Ainsi, plusieurs sont les faiblesses qu'affiche la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elles méritent dès lors que l'on s'y attarde.

B. Les faiblesses de la Commission africaine des droits de

l'homme et des peuples

La Commission africaine, au-delà de ses mérites, est en proie à un certain nombre des faiblesses et déficiences qui amenuisent son rendement. L'on peut indiquer, à maints égards, la dépendance de la Commission à la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, les faiblesses de sa compétence et de ses moyens d'action ainsi que les obstacles d'ordre procédural et matériel.

En effet, il est juridiquement prouvée que, dans l'accomplissement de sa mission, la Commission est tenue en état par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, de l'Union africaine, s'il faut considérer les pouvoirs exorbitants reconnus à cette structure par la Charte.

Il en est ainsi en matière d'élection des membres de la Commission, du caractère confidentiel des décisions de la Commission, de son budget et, par-dessus-le-marché, de la suite à réserver aux rapports de la Commission.

Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Conférence vient ainsi limiter les pouvoirs de la Commission. Fonctionnant dans un environnement chargé d'une telle contrainte dont la pesanteur est imprimée par la pression de la Conférence, la Commission ne peut disposer que des pouvoirs limités, si non nuls, pour sanctionner les violations des droits de l'homme perpétrées par les Etats.

Principalement créée dans l'optique de régler les conflits à l'amiable dans un souci dans un souci de sauvegarde de la souveraineté de chaque Etat partie, la Commission peine à condamner les Etats pour les violations des droits de l'homme, même les plus avérées.(133(*))

Ceci est inquiétant dans la mesure où sa compétence n'est que consultative. Il s'en suit qu'elle se contente de formuler des recommandations dépourvues de toute force exécutoire et, donc, sans effet sur les auteurs des violations des droits humains.

Et tout état de cause, l'inefficacité de la Commission s'explique par la faiblesse du cadre institutionnel et décisionnel qui caractérise le droit international africain dans son ensemble.

Une autre faiblesse de la Commission est à relever sur le plan de la procédure. Il convient d'affirmer que l'intérêt porté pour l'examen des communications par la Commission est relatif. En fait, le délai d'examen des communications est très variable, souvent trop long, entre deux (2) et huit (8) ans. Les Commissaires tentent toujours de privilégier les règlements à l'amiable au détriment de l'efficacité judiciaire, malgré l'urgence des cas qui leur sont présentés. Les délais sont aussi prolongés par le laps de temps accordé entre la réception de la Communication et la décision d'admissibilité, la jonction des communications portant sur un même pays, l'absence de priorité dans l'examen des communication et la décision d'admissibilité, la jonction des communications portant sur un même pas, l'absence de priorité dans l'examen des communications, une procédure imprécise, des sessions écourtées, des retards dans l'exécution des missions d'information et la finalisation des rapports.

Plus encore, aux problèmes de procédure s'ajoutent, de l'aveu même de la Commission, le manque de ressources humaines, financières et matérielles, du fait d'un budget inadéquat. La Commission éprouve d'énormes difficultés pour mettre en place des missions d'enquêtes et de remplir efficacement plusieurs autres tâches. Elle est, en outre, paralysée par le manque du personnel à son secrétariat.

Plus loin, en parlant du statut des juges de la Cour africaine, nous avions évoqué la question des incompatibilités en précisant que la fonction de juge ne peut être tenue concurremment avec une autre dans le but d'assurer l'indépendance de la fonction. A l'opposé, la Commission n'est pas dotée en son sein, d'une ou des clauses d'incompatibilités des fonctions à l'encontre de ses membres. Certains auteurs dont Ouguergouz, ont tenté de trouver une justification pratique à ce silence de la Charte. Pour lui, à vrai dire, prévoir une incompatibilité aurait considérablement réduit le champ de recrutement des candidats dans les pays supposés pauvres en cadres.

A tout point de vue, cet état de chose incite un pessimisme au sujet de la crédibilité des commissaires ainsi que de leur indépendance à l'égard de leurs pays d'origine.

Plus loin encore, il nous semple aussi que le travail de la Commission dans la protection des droits de la Charte manque de réelle visibilité. Les bulletins et revues de la Commission dans lesquels sont répertoriés les résolutions, déclarations et décisions, paraissent très irrégulièrement et sont peu diffusés.

Quant au site Internet de la Commission, il est rarement mis à jour. Et les rapports des différentes missions sont peu rendus publics ou le sont que tardivement.

Bien plus, la Commission est inconnue du plus de la moitié de gens qu'elle est censée servir, et même ceux qui la connaissent l'approchent avec scepticisme, certainement à cause de la nature discrète de son travail. Ce déficit de communication n'est pas de nature à permettre à la Commission de remplir efficacement sa mission.

Enfin, ces faiblesses et déficiences dans l'accomplissement du mandat de la Commission s'expliquent par une absence de capacité et de volonté à remplir pleinement son rôle. Il se comprend donc sans peine que même si les décisions de la Commission concernant les communications sont intéressantes et progressistes en matière de protection des droits de l'homme, leurs effets sont nuls car en générale, les décisions de la Commission sont inappliquées par les Etats condamnés, notamment par manque de volonté politique. Ni la Charte, ni la Commission ne prévoit les moyens de recours assortis des garanties effectives, moins encore des mécanismes chargés d'encourager des Etats à appliquer des décisions rendues par la Commission et contrôler le suivi.

En définitive, c'est pour pallier la plupart de ces faiblesses, et de tant d'autres que l'idée de la création d'une Cour africaine des droits de l'homme a été relancé et concrétisée. Malheureusement, comme il fallait s'y attendre s'y attendre, et avant même qu'elle n'ait eu l'occasion de connaître de sa première affaire, les voix se sont levées pour évoquer certaines limites et obstacles à son efficacité. Il en est ainsi donc de sa fusion avec la Cour de Justice de l'Union Africaine.

C. La fusion de la Cour africaine avec la Cour de Justice

de l'Union

Nous l'avions dit un peu plus haut, la Cour africaine n'est pas la seule instance juridictionnelle régionale africaine.

En effet, une Cour de Justice (CJ) a été prévue à l'article 5 de l'Acte Constitutif de l'U.A. en tant que « organe judiciaire principal de l'Union ». En parlant de cette Cour, nous avions souligné que le mandat et le fonctionnement de cette Cour de Justice sont régis par le Protocole adopté le 11 juillet 2003 par les Chefs d'Etat et de gouvernement.

Ensuite pour ce qui concerne sa compétence. Cette Cour de Justice règle les différends relatifs à l'interprétation et à l'application de l'Acte Constitutif de l'Union africaine, des traités de l'U.A et des décisions prises par les organes de l'U.A.

Un peu plus loin dans l'analyse de la C.J, nous avions dit que certaines dispositions de l'Acte Constitutif font explicitement référence aux droits de l'homme, notamment son article 3.h qui attribue entre autre comme objectif aux Etats membres de l'U.A. «  la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples et des autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme ». Egalement, la Cour de Justice pourrait sur ce fondement être appelée à statuer sur l'inapplication de cet objectif par un Etat membre. Il est vrai que cette dualité de juridiction peut poser des difficultés, notamment des interprétations et jugements différents sur un même point de droit. Ce qui créerait des confusions et entretiendrait certains flous juridiques. De ces constatations, est alors née l'idée de fusionner les deux cours. De même, des juristes ont appuyé cette position lors des réunions préparatoires au Protocole de la CJ en avril et juin 2003, en discutant de l'article 56(2) sur les chambres spéciales. En fin de compte, le Conseil exécutif de l'U.A a décidé de conserver deux cours distinctes compte tenu de leurs mandats particuliers.

Par ailleurs, malgré cet arbitrage, les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA ont pris, en juillet 2004, la décision de « fusionner la Cour africaine et la Cour de Justice en une seule Cour »

Ceci n'a pas été à l'abri des critiques jadis formulées à l'encontre de la situation de la dualité de Cours. L'on peut estimer que si l'on admet d'une part que la décision de fusion peut être expliquée pour des motifs de simplicité institutionnelle et de restrictions financières, l'on considère d'autre part qu'elle est préjudiciable non seulement à la mise en place effective de la Cour africaine mais aussi aux intérêts des victimes.

En effet, rien qu'à ne regarder les structures prévues pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour africaine, pour se convaincre qu'elles répondent à la « compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des Droits de l'homme et des Peuples ».

Une autre illustration est tirée de la possibilité que la Cour donne aux individus et aux ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine de contester directement devant elle la violation des droits de l'homme par un Etat sans omettre la place importante que la Cour réserve à la participation, protection, représentation et réparation des victimes. Retenons à cette occasion que toutes ces dispositions ne sont pourtant pas prévues dans le Protocole sur la Cour de Justice.

Alors, une fusion pure et simple ne supposerait-elle donc pas la rédaction d'un nouveau texte (Protocole) pour cette nouvelle juridiction  de fusion? Nous répondrons sans fausse modestie, par l'affirmative en renchérissant qu'au-delà d'un nouveau Protocole il irait sans dire qu'on devrait faire appel à un nouvel engagement des Etats africains à se soumettre à la nouvelle juridiction. Or, il nous semble que ces derniers ne sont pas toujours pas d'humeur à céder une portion de leur souveraineté, fût-ce-t-elle minime. De toute évidence, il sied de relever aussi que la fusion pourrait également retarder la mise en place de la Cour africaine puisque la Cour de Justice n'a pas toujours obtenu le nombre de ratifications suffisantes à son fonctionnement réel.

Somme toute, nous nous rangeons du côté de l'opinion de la FIDH qui considère que la particularité des droits de l'homme exige que toutes les affaires fondées sur leur violation doivent rester de la compétence première de la Cour africaine, spécialement habilitée à les trancher. Si la décision de fusion administrative peut se comprendre pour le siège des deux cours, la Cour africaine doit rester une instance juridictionnelle à part entière, indépendante de la Cour de Justice, aux attributions spécifiques.(134(*))

En définitive, cette fusion, obstacle à l'efficacité de la Cour africaine vient se greffer aux insuffisances réelles ou, supposées, objet de critiques formulées à l'endroit de la Cour africaine.

§2. Les déficiences structurelles de la Cour africaine des

droits de l'homme et des peuples

« Les droits de l'homme civils et politiques, et plus encore économique, sociaux et culturels sont conditionnés, dans chaque pays, par les rapports de forces dans le monde. Certes, l'individu y est de moins en moins en exil, en raison de la reconnaissance progressive des instruments internationaux protecteurs de droits de l'homme ».(135(*)) en l'occurrence, in specie, la Cour africaine.

Or la grande interrogation, au sujet de cette dernière, reste celle de savoir si elle porte en elle la masse critique d'un mécanisme qui puisse assurer, de manière réellement efficace, la mise en oeuvre de la protection des droits de l'homme à l'échelle continentale.

S'il est vrai qu'il convient de se garder d'y réserver une réponse hâtive, il est aussi avéré que la Cour, dans sa configuration actuelle, n'est pas exempte de critiques. Ces dernières se conçoivent en termes de déficiences ou insuffisances liées à la structure de la Cour ou à certains de ses éléments.

Il s'agit en premier lieu de déficiences liées à la composition de la Cour.

A. De la composition de la Cour

Le Protocole relatif à la création de la Cour a retenu que le droit de présenter les conditions juge est réservé aux seuls Etats parties au Protocole alors les juges sont élus par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, dans son ensemble.

Conséquemment, les Chefs d'Etats et de gouvernement des Etats tiers au Protocole participent à l'élection des juges d'une Cour dont il n'ont pas ratifié le traité créateur, c'est-à-dire, une Cour dont ils n'ont pas voulu l'existence et dont la juridiction ne leur sera pas opposable. Inversément, comment digérer le refus opposé aux Etats non parties au Protocole de à pouvoir présenter des candidats alors que leurs dirigeants participent à l'élection des juges ? (136(*))

Nous estimons que, dans ces conditions, l'article 12 du Protocole ferme la porte à d'autres compétences africaines ressortissant des Etats non parties au Protocole. A quelque point d'opinion, cette observation peut manquer de pertinence dans la mesure où les 11 premiers juges de la Cour ont déjà été élus. Néanmoins, elle a le mérite de poser le problème, pour une perspective futuriste.

Ensuite des inquiétudes surgissent sur des compétences que la Cour exercent concurremment avec la Commission.

B. Une compétence concurrente entre la Cour et la Commission

Dans le cadre du mécanisme tel que prévu par la Charte et complété par le Protocole, le problème qui risque de surgir en matière consultative est l'attribution concurrente de cette compétence à la Commission et à la Cour. Les deux organes pourraient, en exerçant cette compétence, aboutir à des interprétations contradictoires. Mais comme la Cour est censée compléter la Commission et que la compétence de cette dernière est essentiellement consultative, il eut fallu, nous semble-t-il, la lui laisser. Ce faisant, la Cour ne garderait pour elle que la fonction contentieuse.

En cette dernière, nous l'avions vu, contrairement aux Etats, et à la Commission ainsi qu'aux organisations intergouvernementales, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission en peuvent pas saisir directement la Cour en se fondant sur une violation imputable à l'Etat sans que ce dernier ne se soit engagé au terme d'une clause facultative acceptant la compétence de la Cour pour recevoir de telles requêtes. Une autre déficience qui trouve son origine dans cette clause facultative mérite une attention soutenue.

C. Une limite qui se fonde sur la clause facultative d'acceptation de la compétence de la Cour

En matière contentieuse, nous considérons que la clause facultative que les Etats concernés en cas d'un recours individuel doivent faire, est de nature à paralyser l'exercice de ce droit reconnu aux individus. En effet, pour la recevabilité d'une requête individuelle ou celle émanant d'une ONG dotée du statut d'observateur, il faut, préalablement, que l'Etat mis en cause fasse une déclaration par laquelle il reconnaît à la Cour cette compétence.

Il est impensable d'imaginer, à juste titre, que les Etats devraient se livrer, avec faste et enthousiasme, à cette formalité de procédure.

Et pour en avoir le coeur net, à ce jour, seuls le Burkina Faso,le Mali, la Gambie et le Sénégal l'ont fait. Outre la clause facultative, plusieurs autres conditions « drastiques » imposées aux requêtes individuelles et des ONG par l'article 56 de la Charte allongent la liste des incohérences qui pourraient relativiser les résultats escomptés.

D. L'Insuffisance fondée sur l'exécution volontaire des arrêts de la Cour

Cette insuffisance est rangée parmi les déficiences les plus criantes dont souffre la Cour africaine. En effet, nous ne le dirons jamais assez, l'effectivité de la mission d'une juridiction s'apprécie à travers le respect et la mise en exécution de ses décisions.

Or, malgré les vertus charismatiques des dispositions des articles 29 et 30 du Protocole, aux termes desquels les Etats parties s'engagent à exécuter les arrêts rendus par la Cour et que le suivi de l'exécution de ceux-ci revient au Conseil des Ministres, et après analyse combinée des dispositions de deux articles précités, il ressort que l'exécution des arrêts de la Cour est essentiellement volontaire. Il est pourtant vrai que la Cour adresse à la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements un rapport annuel de ses activités, dans lequel rapport elle mentionne, à l'instar des deux autres Cours régionales, les cas d'inexécution de ses décisions. Mais que faire, quelle contrainte exercée à l'endroit d'un Etat  «  Récalcitrant » qui refuse de s'exécuter ? A cette question, les tenants de la théorie volontariste semblent prendre le dessus lorsqu'ils affirment sans peur d'être contredits que la société internationale et le droit international sont des donnés substantiellement relevant du consentement du « sujet-majeur par excellence » du droit des gens à savoir les Etats. Cet état de chose est considéré comme un effet logique de la bribe de phrase tirée du célèbre arrêt rendu dans l'affaire du Lotus selon laquelle les Etats « étant les seuls maîtres des normes dont ils sont auteurs, ils en apprécient eux-mêmes la signification et la portée. Ils sont ainsi les interprètes des obligations auxquelles eux-mêmes comme les autres partenaires et les autres sujets se sont soumis ».

Or, pour une certaine catégorie des droits de l'homme, particulièrement les droits civils et politiques faisant partie du jus cogens, le Protocole aurait dû prévoir un mécanisme sanctionnateur à l'encontre des Etats qui ne respecteraient pas l'engagement prévu à l'article 30. S'il en allait autrement, les arrêts de la Cour courent le risque d'être de simples constatation ou des purs voeux pieux.

Bien aussi, l'on ne saurait concevoir une justice juste sans voies de recours.

E. Le silence du Protocole sur la question des voies de recours

Il est à déplorer le silence que le Protocole instituant la Cour a affiché au sujet de la question des voies de recours.

Au vrai, la justice humaine n'étant pas à l'abri de certaines erreurs, l'indépendance des juges étant déjà sujette à caution, et face à tous les aléas dont nous avions parlé haut et que nous évoquerons un peu plus bas, lesquels aléas entourent la problématique de la protection des droits de l'homme en Afrique, il aurait été prudent de prévoir une soupape de sûreté en prévoyant un second degré au sein de cette instance.

Ni les besoins de la célérité, ni l'insuffisance des moyens financiers moins encore, ni les impératifs d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués pour justifier l'absence des voies de recours, garantie d'une justice efficace. (137(*)) Nous pensons que l'exemple de la Cour européenne en cette matière est très édifiante.

Il est vrai que la Cour africaine, à l'article 28 (3) du Protocole peut réviser son arrêt en cas de survenance des preuves dont elle n'avait pas connaissance au moment de sa décision. Toutefois, comme l'on peut s'en rendre compte, cette exception n'est pas, à proprement parler, une voie de recours.

Et en l'absence de toutes ces insuffisances, le manque de ressources financières reste une déficience de taille pour les institutions africaines en général et pour la Cour africaine en particulier.

F. L'absence ou le manque de ressources financières

adéquates.

Il faut dire que le manque des moyens financiers demeure, à tout jamais, le droit commun et la boîte de Pandore de toutes les institutions internationales africaines. Concernant particulièrement la Cour, son budget, les émoluments et les indemnités des juges, y compris les dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l'Union africaine.

Il est donc clair que cette disposition livre l'organisation, le fonctionnement ainsi que le rendement de la Cour en pâturage aux éternels aléas financiers de l'Union africaine.

Nous estimons qu'il faudrait que la Cour ait un budget autonome qui sera supporté principalement par les Etats parties au Protocole. Ceci pourrait éviter à la Cour le naufrage annoncé par les afro-pessimistes.(138(*))

Pour avoir milité en faveur de la création de la Cour et accepté sa juridiction, les Etats parties au Protocole visent, c'est le cas de le dire, l'effectivité de cette instance judiciaire. Ainsi, l'intérêt qu'ils portent pour la Cour devrait les inciter à lui doter d'un budget conséquent pour lui permettre de fonctionner effectivement, efficacement et de façon autonome.

Les limites à l'effectivité de la protection des droits de l'homme en Afrique ne concernent pas que les instruments juridiques et leurs mécanismes de sauvegarde et de mise en oeuvre.

Nous les avions qualifiés de limites juridiques et institutionnelles. A celles-ci s'ajoutent d'autres, plus générales, liées à la fois à la situation interne des Etats africains et à l'environnement international inter africain. Ce sont celles qui reçoivent la dénomination de « politiques et conjoncturelles ».

Section 2ème : Des limites politiques et conjoncturelles à l'efficacité de la protection des droits de l'homme en Afrique

Les limites juridiques ou juridictionnelles ont sans nul doute aussi une incidence majeure sur l'action de la Cour. Il s'agit tout d'abord du manque de volonté politique affiché par les Etats africains.

§1. Le manque de volonté politique des Etats africains

réfractaires à la question des droits de l'homme

Les Etats africains, d'une manière générale, accusent sur moult plans un dysfonctionnement relativement inquiétant. En plus, les relations internationales africaines ne sont pas toujours harmonieuses. De cet état des choses découlent plusieurs autres obstacles au rayonnement de la protection des droits humains en Afrique.

Comme premier élément, il s'agit bel et bien de la nature des régimes politiques des pays africains. En effet, cette dernière dans la plupart des pays d'Afrique, elle-même tributaire des modes d'accession au pouvoir, est une entrave à la protection et la promotion des droits de l'homme sur le plan continental. Il est vain et malaisé, en effet, d'imaginer que les Etats à régimes autoritaires caractérisés par un déficit démocratique et par des violations régulières des droits de l'homme seront enclins à oeuvrer en faveur de la protection de ces mêmes droits au niveau africain, par exemple, en souscrivant à la clause facultative, en s'acquittant régulièrement des contributions financières, en adoptant les mesures législatives internes exigées par les instruments internationaux des droits de l'homme et, par-dessus tout, en exécutant de bonne foi les recommandations, les décisions et les arrêts des instances judiciaires africaines.

A cela s'ajoute bien aussi la conception « africaniste » de souveraineté qui, il convient de le dire, est souvent éronnée.

§2. « Une fameuse conception de souveraineté » en

Afrique

A l'autre côté de l'absence de volonté politique, apparaît la notion de souveraineté. Conjointement avec le manque le volonté politique, les ambitions démesurées des certains dirigeants, la souveraineté servira toujours « de prétexte à certains régimes particulièrement réfractaires à la question des droits de l'homme pour rejeter toute idée de mise en oeuvre d'un mécanisme régional africain de protection des droits de l'homme. A ce sujet, l'appartenance des droits de l'homme au jus cogens, le droit de l'Union à intervenir dans les Etats membres, la primauté du droit international sur le droit interne deviennent illusoires face à l'alibi de souveraineté ». (139(*))

L'usage abusif de la notion de souveraineté au plan interne influe sur l'extérieur. En effet, il engendre les rivalités, des conflits de leadership et ainsi donc le caractère conflictuel dont les relations entre Etats sont revêtues peuvent, logiquement, avoir des répercussions sur les mécanismes de protection des droits de l'homme. Le Professeur Ntumba Luaba prédisait, en commentant la Charte en 1982, au fait bien avant son entrée en vigueur, que le droit de recours ouvert aux Etats sera rarement utilisé car d'une part, les liens d'amitié et d'intérêt unissant certains Etats pourraient en constituer une entrave, d'autre part, l'inimitié existant entre deux Etats pourrait faire croire à de la propagande hostile. Les agressions et les luttes que les Etats africains se livrent entre eux ne présagent pas une volonté de s'unir pour une protection efficace des droits de l'homme en Afrique.

En définitive, si donc le nombre des limites à l'effectivité des droits de l'homme en Afrique est important, leur nature fait penser incontestablement à l'ampleur des défis à relever et à des éventuelles suggestions à formuler pour un contrôle des droits de l'homme plus efficace par la Cour.

* 131 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd..

* 132 Amesty International, Pour des procès équitables, EFAI, Paris, 2001, p. 160

* 133 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 134 SIDIKI KABA, Op. Cit, sl, sd.

* 135 Robert CHARTIN et Jean-Jacques SUEUR, Droits de l'homme et libertés de la personne, 4e éd., Litec, Paris, 2002, p. 7

* 136 SIDIKI KABA, Op.Cit. sl, sd.

* 137 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit. sl, sd.

* 138 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 139 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

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