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La dignité de l'enfant

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par Pierre Leon André DIENG
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maà®trise en Droit 2003
  

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Paragraphe 2 - Le statut particulier retenu pour l'enfant

Le statut de l'enfant renvoie, pour l'essentiel, au droit à la filiation (A) et au droit successoral (B).

A - Le droit à la filiation

La filiation, prévue aux articles 192, 194 et 211 CF, est souvent associée à l'idée du lien biologique (1). Mais le droit ne reçoit pas exclusivement le lien du sang : la filiation juridique peut également être artificielle avec le système de l'adoption. Toutefois, est apparu ce que le droit désigne sous l'expression d'assistance technique médicale à la procréation. Cette voie permet de donner la vie à des enfants par le recours à l'insémination artificielle ou à la fécondation in vitro (2).

1 - La filiation biologique de l'enfant

La filiation, fondée sur le lien du sang, est celle qui unit un enfant à son auteur biologique qu'il s'agit du père ou de la mère. On oppose traditionnellement la filiation légitime (a) à la filiation naturelle (b).

a °) La filiation légitime

La filiation légitime rattache juridiquement l'enfant à ses père et mère qui sont dans les liens du mariage. C'est en rattachant l'enfant à ses concepteurs que le code de la famille consacre la famille biologique.

La désignation de la mère établit la filiation de l'enfant à la date indiquée de l'accouchement laquelle permet de déduire de sa maternité, d'où la formule : «  mater semper certa est » (art. 190CF).

L'indication du nom du mari de la mère vaut également établissement du lien de filiation paternelle, c'est-à-dire qu'elle établit que l'enfant dont la naissance a été déclarée et a fait l'objet d'un acte de naissance a pour père cet homme. Il s'agit là de l'application de la présomption de paternité légitime énoncée sous forme originaire : « pater is est, quem nuptiae demonstrant », c'est-à-dire que « le père est celui que le mariage désigne ».

Le mariage emporte les devoirs de communauté de vie (entretenir des relations sexuelles) et de fidélité (réserver des rapports charnels exclusifs qu'au conjoint).

Partant, un enfant né pendant le mariage est présumé né des oeuvres de la femme à partir de la présomption légale relative à la durée de la gestation. Cette présomption de paternité est consacrée par les articles 191 et 192 du code de la famille.

Selon l'art. 191 CF, l'enfant né 180 jours après la célébration du mariage ou 300 jours après la dissolution du lien est présumé issu des oeuvres du mari et conçu pendant le mariage.

La jurisprudence française a tranché la question dans le célèbre arrêt Degas 2(*). Selon cet arrêt, l'enfant conçu avant le mariage mais né dans le mariage n'est pas seulement légitimé par le mariage mais également légitime depuis son origine, ab ovo, c'est-à-dire que l'enfant né avant le 180e jour du mariage est légitime et réputé l'avoir été dès sa conception (art. 192 CF).

Aux termes de l'art. 399 alinéa 3 qui renvoie à l'art. 1er alinéa 3 CF, « la date de la conception d'un enfant est fixée légalement et de façon irréfragable entre le 180e et le 300e jour précédent sa naissance ». Cette présomption irréfragable de la gestation est un triomphe de la protection de l'enfant qui n'a pas à démontrer sa filiation qui a duré plus de 300 jours ou moins de 180 jours. La preuve contraire à la présomption irréfragable de paternité est irrecevable. Cette présomption de faveur ( in favorem) est étendue également à l'art. 192 CF pour le cas des enfants conçus avant le mariage.

La conséquence de cette extension, c'est de faire bénéficier à ces enfants la légitimité d'origine à laquelle ils restent couverts. Ce qui donne à penser que la légitimité de ces enfants est forte et dont l'inexistence doit être établie pour anéantir la présomption.

Néanmoins, l'art. 192 alinéa 2 CF prévoit deux cas d'exclusion de la présomption de paternité. En premier lieu, la durée maximale de la grossesse est de 300 jours et c'est dans cette durée que l'enfant peut être couvert par la légitimité. S'il naît plus de 300 jours après la dissolution du mariage ou en cas d'absence (art. 16 CF et s.), il est normal et logique d'exclure son attachement à ce mariage.

En second lieu, cet alinéa exclut également la présomption de paternité lorsque l'enfant naît plus de 300 jours à la suite d'une procédure de divorce ou de séparation de corps. Le devoir de cohabitation étant suspendu, l'enfant ne peut avoir été conçu par le mari de sa mère sauf hypothèse de réunion de fait ( art. 192 alinéa 2 in fine).

Un troisième cas d'exclusion peut être tiré de la combinaison des articles 193 alinéa 1er in fine et 112 alinéa 2 CF. C'est l'hypothèse de la nécessité d'observer les délais de viduité pour éviter toute confusion de paternité au sujet d'un enfant à compter du relâchement du lien marital. Il est donc interdit à la femme de se remarier avant l'expiration des délais. L'accouchement intervenu après la cessation de l'union conjugale et survenu après cet événement ne peut être rattaché au mariage dissout.

A côté de la présomption de légitimité, la possession d'état prévue à l'article 200 CF est le second mode de preuve de la filiation légitime qui permet à l'enfant d'établir sa filiation sans recourir à la justice. La possession d'état ne joue qu'un rôle probatoire. Et pour ce faire, il faut produire l'acte de mariage du père prétendu. Cette exigence de l'acte de mariage vise à limiter l'emploi de la possession d'état qu'à la seule filiation paternelle légitime, en l'absence duquel l'enfant ne pourrait prétendre avoir en la possession d'état le statut d'enfant légitime.

Il peut survenir une contestation de la paternité dans le mariage. Les articles 203 et suivants du code de la famille réglementent le désaveu en paternité, l'action en contestation de légitimité. Le père présumé peut écarter sa paternité en justifiant le défaut d'impossibilité physique de cohabiter pendant la période de conception de l'enfant (maladie, voyage, impuissance, accident, etc.). Il n'en reste pas moins que l'enfant désavoué demeure l'enfant de sa mère et sa protection est accrue par des moyens de neutralisation de l'action en désaveu de paternité par des fins de non recevoir ( art. 192 CF). Quid maintenant de la filiation naturelle.

b°) La filiation naturelle

La filiation naturelle est légalement établie par la reconnaissance volontaire, par la possession d'état ou par l'effet d'un jugement. De plus, un sort particulier a toujours été réservé aux enfants dont la naissance se situe hors mariage de leurs parents.

En l'absence du lien conjugal entre ceux qui conçoivent un enfant, le lien de filiation s'établit séparément à l'égard de l'un et de l'autre. Unis seulement de fait, chacun des deux parents aura, en parallèle, un lien juridique avec l'enfant. C'est en ce sens que la filiation naturelle donne une préséance à l'enfant qui n'est plus ce bâtard que l'on cache.

La filiation naturelle ne concerne que les modes de preuve de la paternité naturelle puisque l'action en recherche de maternité est de moindre importance. En effet, la recherche judiciaire de maternité qui postule que l'enfant n'a pas été reconnu par sa mère et qu'il est dépourvu de possession d'état à son égard, devrait concerner que celui qui a été abandonné par elle à sa naissance.

A ce propos, la loi française du 8 janvier 1993 a introduit une fin de non recevoir particulière à la recherche de maternité naturelle. La femme qui accouche peut demander que le secret de son identité soit préservé (art. 341-1 du code civil français).

Si l'accouchement « sous X » n'est pas une nouveauté, cette possibilité de secret étant déjà prévue dans le code français de la famille (art. 47), il n'emportait pas jusque-là interdiction d'exercer une action en recherche de maternité ; tout au plus, il la rendait plus difficile en fait. Ce droit au secret de la femme qui accouche est désormais absolu à l'encontre de l'enfant, même si ce dernier détient en sa possession des informations susceptibles d'éclairer le juge sur l'identité de celle qui l'a mis au monde ; l'accès au lien de filiation lui est fermé. Mais la mère peut revenir sur sa décision d'anonymat à la condition que l'enfant n'ait été, entretemps, placé en vue d'une adoption. On bafoue, par cette règle manifestement le droit de l'enfant à connaître ses origines. On peut même se poser la question de savoir quelle utilité morale y a t-il pour une femme de porter 9 mois un enfant sinon que de l'abandonner par la suite ?

D'un autre côté, cette règle viole la conformité de plusieurs normes internationales. Au Sénégal, on n'est pas arrivé à ce stade de mépris manifeste du droit de l'enfant à connaître sa mère naturelle.

Seule la recherche judiciaire de la filiation paternelle est interdite (art. 196 CF)). Toutefois, le législateur sénégalais, soucieux de fonder la parenté sur le lien de sang, a consacré la filiation naturelle dans les articles 193 CF (reconnaissance volontaire) et 211 CF (reconnaissance judiciaire) dont la teneur suit : « lorsqu'il n'est pas présumé issu du mari de sa mère, l'enfant peut être reconnu par son père » (art. 193 alinéa 1er CF). L'article 211 CF stipule pour sa part :  « Nonobstant l'interdiction édictée par l'art. 196 CF, l'enfant pourra établir sa filiation paternelle, si le prétendu père a procédé ou fait procéder à son baptême ou lui a donné un prénom... ». Comme on peut le remarquer, ces textes réaffirment le droit à la filiation naturelle, c'est-à-dire l'enfant dont la conception ne se place pas à une période où ses parents étaient mariés (art. 219 CF).

L'article 193 CF n'intéresse que tous les enfants naturels qu'ils soient naturels, simples ou adultères et rattache ceux-ci, au moyen de la reconnaissance volontaire par leur père, à celui-ci. Cette belle unanimité tranche à l'opposé du

Droit musulman pour lequel seule la reconnaissance de la filiation des enfants légitimes est concevable.

Ce droit ignore pudiquement les enfants naturels, reconnus ou non, pour lesquels il estime que leur existence serait de nature à troubler les consciences religieuses les plus affinées. Il s'ensuit que la légitimation n'existe pas dans le droit musulman. De même, l'a ction en recherche de paternité ou de maternité qui établirait, de façon judiciaire, donc forcée, une filiation quelconque, n'est pas recevable. Ainsi, l'enfant né ou conçu avant le mariage de ses auteurs serait un « sous-produit » de rapports socialement condamnables.

Toutefois, le droit musulman et le droit commun de la famille se retrouvent autour de l'article 195 CF pour interdire l'établissement de la filiation lorsque l'enfant est le fruit d'un inceste. Le code français penche également dans cette voie (art. 334-10 c.civ.fr.). A l'égard de cet enfant, fruit de l'inceste, le législateur impose une filiation unilinéaire. Il s'agit pour le législateur sénégalais de ne pas transiger sur certains principes moraux essentiels qui constituent la base de toutes les civilisations. Il est inéluctable que l'enfant pourrait souffrir non pas de l'incognito de son origine incestueuse mais de la publicité malheureuse qui pourrait le suivre toute sa vie durant. Il est à noter, tout de même, que l'art. 195 CF relativise la prohibition qui n'est ni absolue, ni définitive dans le cas où l'empêchement à mariage, cause de l'inceste, venait à être levé (art. 110 alinéa 3 CF).

On peut même relever que si l'inceste émane d'un père sur sa fille, l'imposition de la filiation unilinéaire est une hypocrisie dans la mesure où la fille porte déjà le nom patronymique de son père et forcément l'enfant incestueux portera aussi le même nom. Est-il alors besoin de cacher à l'enfant sa véritable origine et de lui faire injure de l'insertion de la mention ·père inconnu· sur son état civil ?

Mieux vaut la mention du père indélicat en passant sous silence la véritable nature des liens dans l'acte ; ceci pour préserver pour la vie en société l'enfant qui pourrait souffrir de voir son extrait tomber entre n'importe quelle main (carrière politique, concours administratifs, examens, avancements, promotion professionnelle, etc.). Mieux vaut travestir la vérité en faisant croire que pour des raisons de considération de l'enfant on a préféré lui donné le nom de son grand-père pour sauver les apparences. C'est une forme de justice que l'on doit à cet enfant qui n'est pas responsable de cette situation, même si cette vérité est opaque ou teintée. Le législateur semble l'avoir effleuré et semble être en avance même s'il l'a compris autrement et n'a pas, plus ou moins, le même objectif.

Quoiqu'il en soit la prohibition demeure une atteinte, certes nécessaire et inévitable, à la filiation de l'enfant, voire de sa dignité. En Afrique, seul le législateur gabonais ne prohibe pas l'établissement de la filiation adultérine et incestueuse en procédant à son assimilation au régime juridique de la filiation naturelle simple (art. 452 et s. c.civ. gabonais).

Enfin, le législateur sénégalais a aménagé à l'article 194 CF la légitimation.

Cette institution confère à un enfant naturel la condition qui est faite à ceux qui sont conçus ou nés dans le mariage. Son but est la transformation de la situation

Juridique de ceux qui sont nés hors mariage. Le texte vise indifféremment la légitimation par le mariage et la légitimation post nuptias. En les consacrant dans un même texte, le législateur semble n'opérer aucune distinction entre les deux. La filiation juridique n'est pas seulement liée au principe de la filiation par le sang. Le législateur sénégalais soumet également l'enfant à une réglementation relative au régime de la filiation artificielle.

2 - La filiation artificielle de l'enfant

Le droit désigne sous cette expression le régime de l'adoption (a) et le système d'assistance médicale à la procréation (b).

a°) Le régime de l'adoption

C'est le moyen pour établir un lien de filiation juridique sans aucun rapport avec la réalité biologique. Elle résulte nécessairement d'un jugement prononcé par l'autorité judiciaire. Elle peut être prononcée au bénéfice d'un célibataire ou d'un couple marié. En droit sénégalais, il existe deux sortes d'adoption :

- l'adoption plénière exige des conditions tenant à la rupture de tous les

liens entre l'enfant et sa famille d'origine (s'il en a : le cas de l'enfant trouvé abandonné) et l'assimile totalement à un enfant légitime. Aux termes de la loi, le législateur requiert d'abord une différence d'âge suffisante des parents adoptifs et de l'adopté.

Ainsi, l'adoption plénière peut être demandée conjointement après 5 ans de mariage par les deux époux non séparés de corps dont l'un au moins est âgé de 30 ans révolus.

Si la personne est non mariée, la loi exige d'elle qu'elle ait plus de 35 ans. Ces exigences relatives à l'âge minimum de l'adoptant disparaissent lorsque l'adoption est faite par un époux en ce qui concerne les enfants de son conjoint.

Ensuite, l'adoptant doit avoir 15 ans de plus que l'enfant qu'il se propose d'adopter. Si ce dernier est l'enfant de son conjoint, la différence d'âge est réduite à 10 ans.

En outre au jour de la requête à fins d'adoption, l'adoptant ne doit avoir ni enfant ni descendants légitimes. L'existence d'un enfant déjà adopté ne constitue pas un obstacle à une autre adoption. Sur ces deux dernières règles, il faut relever l'inconséquence du législateur qui, d'une part, refuse toute adoption par le seul fait de l'existence d'un enfant (naturel ou légitime) et, d'autre part, accepte une nouvelle adoption qui demeure dans la mesure du possible à la suite d'une précédente. L'impair du législateur est, pour le moins, injustifié d'autant qu'il prive certains enfants sans attache familiale d'une possibilité offerte par un couple marié (peut-être bien assis financièrement) qui a déjà un ou des enfants.

Par ailleurs, le consentement de la famille d'origine ou du conseil de famille est requis. Tout aussi est exigé le consentement personnel de l'adopté lorsqu'il est âgé de plus de 15 ans révolus. Aux termes de l'article 227 CF, plusieurs personnes ne peuvent à la fois adopter un même enfant si ce n'est un couple marié. Néanmoins, le décès de l'adoptant ou des deux adoptants autorise qu'une nouvelle adoption puisse être prononcée.

L'adoption plénière confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine. L'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang. Ce principe connaît, toutefois, deux exceptions :

· la première concerne les prohibitions au mariage qui sont

maintenus ;

· La seconde ne joue qu'en cas d'adoption de l'enfant du conjoint. Cette adoption laisse subsister la filiation d'origine de l'enfant à l'égard du conjoint et de sa famille. L'adopté acquiert le nom de l'adoptant (celui du mari en cas d'adoption par des époux). L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant légitime. Enfin, l'adoption plénière, selon l'article 243 CF, est irrévocable à compter du jour où la décision de la juridiction compétente est passée en force de chose jugée. Il en résulte que, sous réserve de la tierce opposition, elle ne pourra être remise en question.

- la deuxième et dernière forme d'adoption est l'adoption simple ou

limitée. Elle entraîne une adjonction d'une filiation adoptive à la filiation

d'origine, adjonction qui peut éventuellement être remise en cause. La

filiation d'origine est maintenue : l'adopté conserve dans cette famille

tous ses droits, notamment ses droits héréditaires. Les empêchements à

mariage demeurent. Le lien de parenté résultant de l'adoption s'étend aux

enfants de l'adopté. Contrairement à l'adoption plénière, l'adoption

limitée de l'enfant peut être révoquée. La limite tient également à ce que

ni l'adopté ni ses descendants n'acquièrent la qualité d'héritiers

réservataires à l'égard des ascendants de l'adoptant. Cela signifie que les

aïeux de l'adoptant peuvent déshériter l'adopté et ses descendants. Par

ailleurs, l'adoption simple est permise sans condition d'âge de l'adopté.

Cependant si ce dernier est âgé de plus de 15 ans, il doit consentir

personnellement à l'adoption.

Cette adoption pourra être remplacée par une adoption plénière. Elle peut

faire l'objet d'un prononcé de révocation qui suppose qu'il soit justifié de

motifs graves, ce qu'apprécie souverainement le tribunal. Le jugement de

révocation doit être motivé et sera transcrit en marge de l'acte de

naissance de l'intéressé. La demande aux fins de révocation peut être

formée par l'adoptant ou l'adopté (si l'adopté a plus de 15 ans) ou par le

ministère public, ses père ou mère par le sang ou un parent d'origine (si

l'adopté a moins de 15 ans). Les effets qui s'attachent à la révocation de

l'adoption simple se limitent à la perte du droit d'user du nom de

l'adoptant, de la cessation du droit alimentaire, des droits successoraux,

de l'effacement des liens avec la famille adoptive et de l'autorité

parentale. Toutefois, cette révocation ne rétroagit pas aux effets passés et

acquis (succession liquidée). On peut se poser la question de l'utilité de

cette adoption face à l'aléa d'une révocation. Pis encore, si les ayant-

droits légitimes de l'adoptant recueillent seuls sa succession, l'intérêt de

l'adopté est nullement pris en considération.

Apprécions maintenant la dignité de l'enfant à l'aune de la filiation par la procréation médicalement assistée.

b°) Le régime de la procréation médicalement assistée

Le Sénégal connaît une pratique timorée de cette forme de filiation aux travers de l'insémination artificielle (dite fécondation in vivo) et de la fécondation in vitro, à l'exclusion de la gestation pour autrui ( maternité des mères porteuses et participation sexuelle masculine du tiers donneur) 3(*). Par la suite, la réflexion, la réflexion est juste ramenée à la situation de l'enfant en France où elle existe depuis plusieurs dizaines d'années, depuis les lois dites « bioéthiques » (lois n° 94-653 et n° 94-654 du 29 juillet 1994). Les conditions sont fixées par le code de santé publique (art. L. 152-1 et s.) et ses effets sont déterminés par le code civil français (art. 311-19 et 20).

Les pratiques cliniques et biologiques procèdent de la conception in vitro, du transfert d'embryons et de l'insémination artificielle. Le but est de permettre la procréation en dehors du processus naturel. Le législateur français l'autorise pour remédier à une infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou pour éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité. La loi écarte les célibataires, les couples homosexuels, les demandes d'assistance médicale post mortem, celles présentées par des personnes jugées trop âgées ou impotentes (ménopause, vieillesse), contrairement aux pays anglo-saxons comme les Etats-Unis et l'Angleterre.

Malgré la panoplie des mesures préventives, la procréation médicalement assistée (PMA) fait souvent le lit de comportements égoïstes, illicites, irresponsables. Les bouleversements s'opèrent par des travaux scientifiques (scientisme) en violation des lois de la nature. L'exemple le plus médiatisé est le clonage. Il consiste à prélever des cellules et tissus humains et à reproduire la même personne comme une jumelle identique. Un clone est une population d'individus génétiquement identiques. L'impact du phénomène du clonage touche l'essence même de l'humanité, de la morale et de la dignité de la personne en général et de l'embryon en particulier. A cette fin, il ne serait que plus étonnant de constater un jour que l'embryon soit breveté. De plus en plus, on ne s'offusque plus de pratiques commerciales et industrielles, de chosification de l'insémination artificielle ou de fécondation in vitro.

On se méprend également des conséquences d'insertion sociale des enfants qui sont les « produits » de ces «travaux scientifiques ». Hitler n'avait-il pas voulu créer une race aryenne de super-allemands ? Cette idée de faire miroiter l'immortalité pousse d'aucuns à mépriser l'innocence de l'enfant « cloné » pour les besoins du progrès de la recherche.

Il peut également arriver qu'un enfant né à la suite de cette forme de procréation fasse l'objet de contentieux pour sa garde malgré les mesures d'anonymat entre le donneur(ou porteur) et le couple infertile ou encore qu'au bout de la chaîne, il y ait désistement du couple ou du père-candidat qui ne veut plus lui accorder sa filiation. En pareille situation, la loi française prévoit d'engager judiciairement la paternité du « père » récalcitrant ou la responsabilité de la « mère » qui projetait l'adoption ou encore la mère porteuse qui veut garder l'enfant.

Le Sénégal n'est pas encore profondément ancrée dans cette situation « scientifique » et il serait préférable qu'il ne franchisse jamais ces travers puisque les enfants à adopter existent. Au Sénégal donc la filiation de l'enfant est consolidée par une législation, somme toute, acceptable que confortent les règles qui gouvernent l'intérêt de l'enfant et la gestion de son patrimoine.

B - L'intérêt de l'enfant et la gestion de son patrimoine successoral

La situation de l'enfant est dominée par l'idée des incapacités d'exercice destinées à la protection de son gouvernement (1) et à la gestion de son patrimoine successoral (2).

1 - L'intérêt protecteur du gouvernement de l'enfant

Le gouvernement de l'enfant correspond à la puissance paternelle, à son administration légale et à la tutelle.

Tout enfant, qu'il soit placé sous un système quelconque de gouvernement, doit évidemment être protégé contre son immaturité : son statut d'incapacité générale rend les engagements qu'il prend nuls. Au Sénégal, l'enfant est donc protégé quant, à sa personne, par les règles de la puissance paternelle qui doit être exercée dans son intérêt (art. 283 CF). Le code de la famille réglemente la situation de dépendance de l'enfant (articles 276 à 339 CF).

L'incapacité du mineur emporte inaptitude à exercer seul toute activité, c'est-à-dire qu'elle l'empêche de prendre des décisions concernant sa personne. Il ne peut contracter valablement des actes de la vie courante ou agir en justice ; et ses représentants ne sont pas tenus de le consulter sur ces points. La nullité des actes juridiques accomplis par un enfant couvert par le régime d'incapacité est une mesure de protection nécessaire. Dans le cadre de la famille légitime unie, la puissance paternelle appartient aux deux époux même si c'est le père qui normalement l'exerce (art. 277 CF). Mais la mère, nous le savons, peut tout aussi l'exercer dans les hypothèses visées à l'article 277 alinéas 3 et 4 CF.

En cas de divorce ou de séparation de corps, il n'y a plus de préférence pour le père ; le juge tient, exclusivement, compte de l'intérêt de l'enfant, de « son plus grand avantage » dit le texte. Ainsi donc, la puissance paternelle peut être assurée par le père ou la mère ou une tierce personne (art.278 CF). En cas de décès, c'est toujours l'intérêt de l'enfant qui doit guider le juge s'il décide de confier l'enfant à une personne autre que le conjoint survivant (art. 279 alinéas 1 et 2 CF).

Dans le cadre de la famille naturelle ou adoptive, les principes sont semblables. L'enfant est assimilé à un enfant légitime si sa filiation est établie à l'égard de ses parents ; dans l'hypothèse où la filiation paternelle ne serait établie que postérieurement à la filiation maternelle, seul l'intérêt de l'enfant peut justifier le transfert de la puissance paternelle de la mère au père (art. 281 alinéa 2 CF).

Quant au tuteur qui exercerait la puissance paternelle (art.280 CF), il est censé avoir été choisi parce qu'il est le plus capable de s'occuper de l'enfant, d'assurer la défense de ses intérêts.

Les parents n'ont pas que des droits sur leur enfant, ils ont également et surtout des devoirs à leur égard. L'article 283 CF énonce avec force que l'usage des droits de puissance paternelle n'est concevable que dans l'intérêt de l'enfant ; de même l'article 286 alinéa 2 CF impose que les attributs de la puissance paternelle doivent concourir à ce que les revenus des biens de l'enfant soient exclusivement consacrés à son entretien et à son éducation. Dans le but de veiller à bon droit à l'exécution de la puissance paternelle, il est reconnu au juge un droit de contrôle prévu à l'article 287 CF. Ce contrôle oblige tout parent à déférer à toutes les décisions prises à l'égard de l'enfant. Ce contrôle est complété sur le plan pénal par l'article 593 CPP qui autorise le magistrat instructeur ou le Président de la juridiction, en cas d'infractions commises sur l'enfant ou s'il est en danger moral ou matériel, à le confier provisoirement à un parent ou à une personne ou à une institution qu'il désigne.

C'est le prélude à une mesure d'assistance éducative lorsque la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant sont compromises. Ces mesures sont complétées par la possibilité de prononcer la déchéance de la puissance paternelle (art. 296 à 299 CF) et de la déléguer soit volontairement (art. 289 à 292 CF) soit judiciairement en cas d'abandon de l'enfant (art. 294 alinéa 4 CF).

La gestion du patrimoine économique et successoral de l'obéit également à cette même dynamique d'assurer un avenir digne et décent à l'enfant.

2 - La gestion du patrimoine économique et successoral de l'enfant

L'enfant ne gère pas par lui-même son patrimoine. Il est protégé quant à ses biens. Frappé, en effet, d'une incapacité d'exercice de protection générale (art. 660 CF), il a un représentant légal que l'on appelle administrateur légal. C'est le père qui a cette qualité ou la mère si ce dernier est décédé ou fait défaut. Si les deux parents sont décédés ou font défaut, il faut les remplacer et l'enfant sera mis, au plan juridique, sous tutelle (art. 305 et s. CF).

Il revient alors au tuteur de le représenter dans tous les actes de la vie civile (art. 328 CF). Cette tutelle intéresse à la fois le gouvernement et l'administration des biens de l'enfant. Cette tutelle est placée sous l'autorité du juge des tutelles qui surveille et contrôle les activités de celui-ci (art. 301 et 307 CF).

Dans le cadre du régime des successions, le législateur sénégalais a introduit un véritable dualisme pour la dévolution successorale, pour l'attribution des biens et pour la répartition des héritiers. On distingue, à ce propos, le régime des successions de droit musulman et le régime des successions de droit moderne (encore appelé successions de droit commun).

Signalons au passage que le code de la famille n'a pas consacré la conception successorale traditionnelle. De plus à défaut d'héritier situé et identifié, la succession est recueillie par l'Etat en vertu de son droit de préemption régalien.

Ceci dit on peut retenir, en ce qui concerne les règles successorales de droit commun applicables à l'enfant, que pour recueillir une succession il faut d'abord avoir une vocation héréditaire, c'est-à-dire être appelé par la loi selon qu'on est enfant légitime, enfant naturel, enfant adopté ou enfant légataire. C'est une condition essentielle et première qui profite à l'enfant que s'il a une existence de successible, c'est-à-dire une existence réelle de présence au moment de l'ouverture de la succession. L'article 399 alinéa 1er CF exige, pour prétendre à la succession, une existence certaine. La condition d'existence de l'enfant successible soulève une difficulté en ce qui concerne l'enfant simplement conçu. On admet à ce sujet qu'il n'est pas nécessaire d'être déjà né. Un enfant simplement conçu peut recueillir une succession. Le législateur sénégalais considère à cet égard l'enfant comme ayant une existence juridique propre dès l'instant de la conception (art. 399 alinéa 1er CF). Cependant pour que l'enfant simplement conçu hérite, il faut qu'il naisse vivant au moment du décès (l'enfant mort-né n'hérite pas) et il n'est pas nécessaire qu'il naisse viable.

En plus de la condition d'existence, le législateur exige que l'enfant ait la capacité à succéder. Précisément, l'enfant accepté (naturel ou adopté) et l'enfant légitime ont la capacité de succéder qui est une capacité de jouissance, c'est-à-dire de recueillir une succession.

Toutefois, ils sont frappés par l'incapacité générale d'exercice et ne peuvent recueillir que par l'entremise de leur administrateur légal.

Le principe dans les successions de droit commun, c'est que tous les enfants légitimes succèdent à leur parent de façon égalitaire (art. 520 à 522 CF). Les enfants naturels ou adoptés jouissent des mêmes droits suivant l'article 533 CF qui dispose que les enfants naturels « sont appelés à la succession de leur père et mère dans les mêmes conditions que les enfants naturels ». L'article 250 CF est lui applicable à l'enfant adopté. Ainsi comme en droit français (art. 757 c.civ. fr.), l'enfant naturel ou adopté est, en principe, assimilé à l'enfant légitime en matière successorale. Par ailleurs, il n' y a aucun privilège de masculinité. En effet, le droit commun ne tient aucun compte du sexe des héritiers pour déterminer leur vocation successorale et leur part héréditaire ; à égalité de degré, qu'ils soient garçons ou filles, les héritiers ont une égalité absolue de droits. Il n' y a pas non plus de privilège de droit d'aînesse. De même, la représentation joue autant pour l'enfant naturel ou adopté que pour l'enfant légitime (art. 535 alinéa 2 CF).

Cependant des nuances sont apportées aux conditions de successibilité par le droit musulman qui conçoit mal la reconnaissance d'un enfant naturel a fortiori qu'il puisse hériter. Le sort des enfants adultérins et incestueux est plus péniblement scellé.

Il s'ensuit que la légitimation n'existe pas dans ce droit, encore moins l'action en recherche de paternité ou de maternité, l'action judiciaire. Les règles de dévolution des successions de droit musulman exclut l'enfant naturel de la succession paternelle et, pour cause, il ne peut pas y avoir de lien juridique entre le père et l'enfant considéré par ce droit comme illégitime. Un homme ne peut pas reconnaître pour sien un enfant naturel tandis qu'il existe toujours un lien, dès l'accouchement, entre l'enfant et la mère, que l'enfant soit légitime ou non.

En outre, le droit musulman a vocation à privilégier les héritiers de sexe masculin qui recueillent toute la totalité de la succession. Ils ont une égalité absolue de droits entre héritiers mâles. Sur cette base, le droit sénégalais des successions musulmanes a fait à l'héritier mâle une situation prépondérante par rapport à celle de l'héritier de sexe féminin (art. 637 CF).

L'épanouissement de l'enfant suppose que lui soit concédé des moyens de participer personnellement à l'orientation de sa vie. Par là, on reconnaît à l'enfant une conscience participative.

* 2 civ. 8 janvier 1930-DP 1930. 51. note G.P. ; S. 1930. 1. 257. note Gény.

* 3 Dossier du Journal quotidien national sénégalais « Le Soleil » du 7 janvier 1993 de Jean PIRES sur la Procréation Médicalement Assistée au Sénégal.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery