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La construction d'une carrière de fan: étude de cas chez les fans de Mika

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par Christina Chiron
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Licence sociologie 2010
  

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CHIRON Christina L3 Sociologie

LA CONSTRUCTION D'UNE CARRIERE DE FAN:

ETUDE DE CAS CHEZ LES FANS DE MIKA

TER présenté pour la Licence 3 de Sociologie

Directeur de TER : Eric Macé

Université de Bordeaux

Département de sociologie

SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

PARTIE I/ La découverte 8

A) L'émerveillement 8

Point de départ: 8

Un artiste singulier: 11

B) Des raisons plus implicites 15

Une bulle d'air 15

Un lien avec la vie personnelle 16

PARTIE II/ Faire partie d'un groupe 19

A) La recherche d'un entre-soi 20

Les raisons d'inscription au forum 20

L'importance de la communauté des fans 22

Un groupe d'influence 24

Manifestations de la solidarité et de la solidité du groupe 25

B) Mais réduisant son individualité 26

Des tensions inévitables 26

Des stratégies de différenciation 28

PARTIE III/ Se dire fan: une identité à la fois affirmée et mitigée 33

A) Un statut que l'on affirme... 34

Un investissement plus important que la moyenne... 34

...mais des façons différentes de s'investir 38

B) Mais qui reste en partie mitigé: 40

Une étiquette difficile à décoller 40

Distanciation de la passion 43

CONCLUSION 49

BIBLIOGRAPHIE 51

ANNEXES 52

INTRODUCTION

Des larmes, des étreintes, une émotion palpable, une fillette encore à moitié endormie ne comprend pas tout ce qui lui arrive, mais elle est heureuse. Non, ce n'est pas encore le matin de Noël, d'ailleurs, des millions de personnes observent la scène... à travers leur écran de télévision. Et ce qui la rend si euphorique ne sont pas les cadeaux du Père-Noël, mais Lorie qui est allée la réveiller. Nous sommes dans l'émission « Star à domicile ». Faisant les beaux jours de TF1 au début des années 2000, le concept de l'émission est simple: une star se rend au domicile de son fan, mais, et tout l'intérêt est là, c'est une surprise! Bien sûr, les proches sont complices de la supercherie, et au moment où le fan s'y attend le moins, la star arrive et à ce moment, le fan voit son rêve se réaliser, il rencontre enfin son idole. Ici, les stéréotypes liés aux fans sont exacerbés, certes pour faire de l'audience, mais on y découvre les profils de fan correspondant le plus à notre imaginaire commun: des jeunes filles en fleurs ayant des posters de la star accrochés dans leur chambre du sol au plafond, le fan de Johnny Hallyday, ayant une collection lui étant consacré faisant deux fois son salon, etc.

Étymologiquement, le mot fan est emprunté au vocabulaire anglo-américain, issu par apocope de «fanatique». Ce dernier terme venant du latin fanum, "le temple", qui désigne quelqu'un qui s'estime inspiré par la divinité. Cette notion, qui faisait référence au religieux, est aujourd'hui, dans une société de moins en moins croyante, employé à tord et à travers pour désigner tout et n'importe quoi. Ainsi, faire le parallèle entre être fan aujourd'hui, et le religieux (et tout le vocabulaire qui y est associé: cultes, rituels,...) peut sembler facile, en avançant l'hypothèse que les Olympiens de nos nouvelles mythologies sont les stars, élevées au rang de divinité, mais qui communiquent avec le reste de la population à travers la culture de masse1(*). Certains s'y sont essayés2(*), mais nous verrons que les fans sont des individus rationnels, possédant une capacité de réflexion sur leur propre statut, les artistes ne représentant pas une sorte de Dieu quelconque. Ainsi, dans le cadre de cette recherche, ce rapprochement ne se révèlera pas pertinent.

Toute la difficulté fut de ne pas tomber dans ces principes trop simplistes, et d'éviter les raccourcis interprétatifs. Les médias viennent cependant renforcer ces pré-notions sur les fans en les véhiculant, depuis les premières groupies de Claude François, jusqu'à aujourd'hui avec les jeunes fans du film « Twilight ». Les articles dans les journaux, à la télévision, les documentaires, stigmatisent d'autant plus ces individus qu'ils n'y paraissent que lors de leurs dérives (l'un des exemples les plus significatifs étant l'assassinat de John Lennon). De même, nos sociétés actuelles, individualistes, renvoient à la responsabilité des individus, au fait d'être adulte, et cela semble en opposition avec la définition selon le sens commun du mot fan. Personnes aliénées et quelque part infantiles, consommateurs manipulés par l'industrie du star-system, dépourvues de personnalité propre, s'identifiant et imitant l'idole auquel elles sont entièrement vouées: même si l'image est exagérée, cette représentation des fans est loin d'être glorieuse3(*).

A travers ma recherche, je n'ai pas voulu démontrer que ce type de personnes n'existait pas, mais que lorsque l'on parle de fans, on ne peut pas désigner un seul type de fans: il n'existe pas un, mais des fans. Mon propos est ainsi d'étudier les carrières de fans, de façon à voir les étapes que pouvaient traverser les fans dans cette carrière, les points qui pouvaient être communs à tous, sans me réduire pour autant à définir un seul idéal-type de carrière. En effet, comme nous le verrons dans le développement de cette analyse, chacune des personnes interrogées a vécu de façon différente son expérience de fan, et les raisons qui les ont poussées à devenir fans sont, dans une certaine mesure personnelles. L'objet de cette recherche peut apparaître simpliste ou amusante. Pourtant, nous avons tous été fan de quelque chose, l'important n'est pas de savoir de quoi, mais plutôt de se dire qu'à un moment donné, nous nous sommes définis comme des « fans ». Il semble ainsi exister une tendance universelle à avoir une passion, à s'y retrouver mais aussi à la partager. D'ailleurs, lorsque des individus font connaissance, ne parlent-ils pas de leurs passions respectives?

Par ailleurs, j'ai souhaité étudier en particulier les fans de Mika pour plusieurs raisons. Du fait que je me définisse moi-même comme tel, et étant déjà impliquée dans un forum de fans4(*), mon travail de terrain était grandement facilité, puisque étant reconnue comme fan, je n'ai pas eu à me heurter à une certaine méfiance. De plus, le fait que ce travail de recherche soit effectué dans le cadre de mes études m'a permis d'obtenir des réponses favorables. Mais au-delà de ces raisons purement « techniques », cela m'a paru intéressant d'effectuer une réflexion personnelle quant à mon propre statut de fan.

Ainsi, la question de départ à laquelle j'ai cherché à répondre a été la suivante: Quelles sont les différentes étapes de la carrière d'un fan de Mika?

A travers cette question, j'ai voulu analyser le processus qui amène les fans à se considérer et à agir comme tel. De plus, j'ai pu approfondir ma réflexion, et en dégager une problématique: Comment se comportent les fans de Mika, quelles sont leurs motivations? Qu'est ce que fait Mika aux fans, et comment intervient-il dans leur vie quotidienne?

Un certain nombre d'hypothèses sont venues compléter ces interrogations:

û Être fan n'est pas quelque chose que l'on porte en soi, qui serait inné, et qui ferait que l'on saurait exactement comment se comporter. Être fan, c'est d'abord un processus, une construction, un apprentissage.

û On ne peut analyser les fans comme un groupe homogène, ayant les mêmes pratiques, et aimant de la même façon. Il existerait une expérience subjective à chacun.

û La rationalité des fans transparaît à travers la réflexion qu'ils se font de leur statut et de leur comportement, et les stratégies de présentation de soi utilisées.

En étudiant les carrières de fan, j'ai mobilisé un certain nombre de concepts, et je me suis appuyée sur les analyses de différents auteurs. La notion de carrière, au centre de notre analyse, a été étudiée par Howard Becker5(*), où il reprend la définition de Hughes: « dans sa dimension objective, une carrière se compose d'une série de statuts et d'emplois clairement définis, de suites typiques de positions, de réalisations, de responsabilités et même d'aventures. Dans sa dimension subjective, une carrière est faite des changements dans la perspective selon laquelle la personne perçoit son existence comme une totalité et interprète la signification de ses diverses caractéristiques et actions, ainsi que tout ce qui lui arrive6(*) ». D'ailleurs, Philippe Le Guern7(*) précise qu'être fan ne va pas de soi, et suppose un apprentissage constant à travers les sites d'informations par exemple, mais aussi par la fréquentation d'autres fans.

Le mot fan n'ayant pas de définition sociologique, il pourrait être défini de façon presque tautologique, comme étant un individu qui se pense comme tel, consacrerait plus de temps personnel, et consommerait davantage envers l'objet aimé, par rapport à des individus qui simplement apprécieraient. De même, à travers la vision péjorative des individus envers les fans, je serais amenée à voir dans certains cas l'activité du fan comme activité déviante, la définissant ainsi comme une propriété non du comportement lui-même, mais de l'interaction entre la personne qui commet l'acte et celles qui réagissent à cet acte8(*).

Par ailleurs, mon analyse porte aussi sur la notion d'identité, qui « repose sur la différence et l'appartenance commune, parce qu'elle sollicite deux pôles convergents ou parfois opposés que sont l'identité revendiquée (pour soi) et l'identité attribuée (pour autrui) »9(*). Nous verrons ainsi qu'être fan, n'est pas toujours évident à assumer, et relève d'une utilisation de cette identité variable, en fonction de ce que l'on cherche à montrer, ou au contraire à dissimuler. Christian Le Bart10(*), de même, illustrera de nombreuses fois mon propos, lui même ayant analysé les fans des Beatles.

L'enquête:

Afin de rendre compte de ces réflexions, et de pouvoir en tirer des conclusions, j'ai procédé de deux manières, l'une formant davantage la base de ce TER. Tout d'abord, j'ai observé un forum de fans11(*), afin de connaître le public, du fait que l'inscription à un forum soit une étape importante dans le processus amenant à devenir fan.

La technique d'enquête utilisée pour ma recherche a été l'entretien, où, à partir du forum observé, j'ai effectué des entretiens compréhensifs auprès de sept femmes, âgées entre 20 et 42 ans12(*), dont les variables qui se sont révélées les plus utiles furent la situation familiale et professionnelle, ainsi que l'âge (les deux étant indirectement en lien). .

L'entretien compréhensif a pour objectif principal « la production de théories [...]: une articulation aussi fine que possible entre données et hypothèses d'autant plus créatrice qu'elle est enracinée dans les faits »13(*). De même, cette méthode permet une implication plus grande de l'enquêteur, permettant ainsi à la personne interrogée de s'engager plus fortement durant l'échange.

Ces entretiens ont été réalisés à partir d'un guide d'entretien, où j'avais dégagé trois thèmes principaux, suivi de sous-thèmes. De plus, parmi ces différents thèmes, et afin de me guider davantage, je les ai explicités à l'aide de quelques questions introductrices14(*). Tous ces entretiens ont été effectués sur Internet du fait de la distance géographique, par le biais d'MSN Messenger et de facebook.

Une fois les entretiens effectués, j'ai procédé à une analyse de contenu, où je les ai regroupés à partir de leurs points communs. Grâce à cette méthode, j'ai ainsi pu voir se distinguer plusieurs thèmes, où certaines réponses se recoupaient. De même, cela m'a permis de voir les contradictions d'une même personne, mais aussi les distinctions possibles entre chaque entretien. Ainsi, avant de commencer la rédaction du TER, j'ai pu faire quelques interprétations préalables au vu de ces premier résultats.

Nous verrons ainsi dans cette recherche que ces personnes ne sont pas devenues fans de Mika par hasard. Bien souvent, la musique a été en lien avec leur vie personnelle, l'une venant contraster l'autre, du fait de l'originalité des mélodies, venant rompre avec les autres artistes. Mika va ainsi prendre une plus grande importance (même si nous le verrons, cela n'a pas toujours été le cas) du fait de sa singularité, et va se démarquer des autres. Il semblera ainsi qu'être fan soit lié au fait de privilégier un artiste vis-à-vis des autres. Cela constituerait le point de départ de la carrière du fan, mais nous verrons que le réel marqueur de celle-ci, et qui fera que le fan prendra conscience de son statut, est la rencontre avec les autres fans. Comme le précise Christian Le Bart, le fan va découvrir que « son petit monde est aussi peuplé qu'un autre15(*) ». Il va ainsi créer des liens avec des semblables, et va affirmer davantage son statut du fait que les interactions vont normaliser son comportement, cristallisant ainsi son identité. Néanmoins, si ce statut est assumé dans cette sphère, nous verrons qu'affirmer être fan n'est pas toujours évident, et demande un travail de présentation de soi afin de ne pas paraître déviant aux yeux d'autrui.

C'est ainsi que dans un premier temps, nous étudierons le contexte dans lequel les fans ont découvert Mika, mais aussi que le fait de devenir fan a un lien avec la singularité donnée à l'artiste en comparaison des autres. Puis, nous verrons que ce qui marquera une étape importante de la carrière du fan de Mika est l'inscription au forum de fans, puisqu'elle permet la rencontre entre semblables, et donc de ce fait une implication plus grande en tant que fan. Nous verrons d'ailleurs que l'amitié qui se nouera entre les fans sera tout aussi importante que Mika lui-même dans la continuité de la carrière. Enfin, la dernière partie consistera a montrer que si les fans ont conscience de leur statut et l'assument, la confrontation avec la réalité quotidienne n'est pas toujours en adéquation avec la passion, et entraîne des difficultés à s'affirmer en tant que fan auprès d'autrui.

* 1 Voir ici l'ouvrage d'Edgar Morin (1962), L'esprit du temps, Paris, Armand Colin.

* 2 C'est le cas dans de nombreux ouvrages de Gabriel Segré (voir bibliographie), portant notamment sur les fans d'Elvis Presley, où il propose une «recomposition du religieux», à travers une analogie entre le culte à Elvis, et les cultes religieux.

* 3 Cette image du fan en quête d'identité, car n'ayant pas une vie stable, et vu comme un déséquilibré, est souvent reprise dans les films et ouvrages.

* 4 Faire partie de ce forum, et donc y participer régulièrement durant mon temps libre, m'a fait indirectement faire de l'observation participante pour mon TER, puisque j'ai plusieurs fois eu l'occasion de confirmer sur ce site internet ce qui a été dit dans les entretiens.

* 5 Becker Howard (1985), Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Éditions A.- M Métailié

* 6 Becker (1985), op. Cit., p. 126.

* 7 Le Guern Philippe (2002), "En être ou pas : Le fan-club de la série Le Prisonnier. Une enquête par observation", dans Le Guern Philippe (dir.), Les cultes médiatiques. Culture fan et oeuvres cultes, Presses Universitaires de Rennes, (177-215)

* 8 Howard Becker fait une analyse plus précise du concept de déviance, et de la création sociale de la déviance dans son ouvrage Outsiders (1985).

* 9 Le Guern P., « No matter what they do, they can never let you down...» Entre esthétique et politique : sociologie

des fans, un bilan critique, Réseaux 2009/1, N° 153, (19-54), p.24.

* 10 Le Bart Christian (2000), Les fans des Beatles. Sociologie d'une passion, Presses universitaires de Rennes.

* 11 Http://mikawebsiteforum.com

* 12 Voir présentation des personnes interrogées en annexe.

* 13 Kaufmann Jean-Claude (2007), L'enquête et ses méthodes. L'entretien compréhensif, Paris, Armand Colin, p. 11.

* 14 Voir annexe: guide d'entretien

* 15 Le Bart (2000), op. Cit., p. 114

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