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Les enjeux de la transmission dans la prise en charge de l'enfant en CMP: la construction de sens

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par Camille PATRY
Université Paris Descartes, Institut Henri Piéron  - Master 2 pro psychopathologie et psychologie clinique 2010
  

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B/ La transmission du « savoir » professionnel : l'exemple des bilans psychologiques :

La situation de l'examen psychologique m'apparait être paradigmatique des effets que l'on peut attendre de la transmission de la compréhension de la problématique sur l'élaboration des sujets. Qui plus est, ayant réalisé plusieurs bilans psychologiques durant mon stage, c'est une expérience que j'ai pu pratiquer directement.

En fait, j'ai eu l'occasion de constater que certains parents ne sont pas prêts à élaborer sur leurs propres perceptions et les retentissements de celles-ci sur leurs enfants. Il me semble que les tests peuvent alors constituer une médiation intéressante pour l'ouverture des réflexions à condition que les transmissions auxquelles ils donnent lieu soient raisonnées. Il y a des familles qui ont du mal à entrevoir le sens d'un travail psychologique ; nous sommes alors face à des entretiens très factuels au sein desquels il est difficile de faire ressortir la dynamique. Ce sont généralement des parents qui perçoivent la prise en charge de leur enfant dans une visée éducative ou rééducative. Dans ce contexte, le pragmatisme des bilans est généralement bien accueilli et peut permettre de créer une alliance qui a du mal à se déployer. Cependant, il ne s'agit pas de répondre de manière plaquée à la demande (qui s'apparente parfois même à une commande) des parents, mais d'utiliser cet outil pour essayer de faire émerger un autre type de demande, d'où l'importance de prendre le temps d'introduire une telle démarche. Roman (2007) déclare qu'il convient de dégager l'enfant de la place qui peut lui être assigné dans le discours parental.

Cas clinique 4 : La mère de Kilian prend rendez-vous au CMP dans l'optique précise d'effectuer un bilan psychomoteur et de poursuivre un suivi orthophonique qui se faisait jusqu'à présent en libéral. Kilian présente des difficultés scolaires et sa mère le trouve peu tonique. Depuis plus d'un an qu'il est pris en charge au CMP, il bénéficie d'un suivi orthophonique en raison d'un défaut d'attention et de difficultés de compréhension qui ont été mises à jour par le bilan orthophonique, mais démontrant qu'il n'y avait pas de défaillances spécifiques. La consultante ayant effectivement observé une apparence hypotonique chez Kilian à également demandé un bilan psychomoteur. De ce dernier, la psychomotricienne insiste surtout sur les aspects de tristesse et de dévalorisation que sur de réels troubles. La consultante me demande de réaliser un bilan psychologique avec Kilian afin d'approfondir la compréhension de son organisation psychique. Elle me précise qu'elle se questionne sur l'implication de la dynamique affective sur son fonctionnement cognitif. Elle me fait également part de sa difficulté à travailler la dynamique familial en consultation, qui, pourtant, mériterait d'être explorée. La mère de Kilian a pu dire qu'elle avait donné naissance à deux enfants mort-nés avant Kilian ; de ce fait la grossesse de celui-ci a été très surveillée dans une atmosphère probablement chargée d'angoisse. Toutefois, elle ne peut creuser cela en consultation. En miroir, de sa mère, Kilian parait peu accessible en consultation. La proposition de bilan psychologique est bien acceptée par la mère et son fils. La consultante et moi-même leur présentons le bilan comme une aide pour réfléchir ensemble sur la manière d'être de Kilian ; nous reprenons la signification clinique des résultats qui seront appréhendés autrement que comme une simple mesure chiffrée.

N'ayant pas encore effectué l'entretien de restitution de ce bilan, ma réflexion concernant ce cas est peut-être illusoire. Cependant, j'ose espérer que la démarche dans laquelle s'inscrit ce bilan et la façon dont il a été présenté aient un effet mobilisateur sur l'élaboration de la position subjective dans laquelle se trouve Kilian. Il me semble en tout cas que nous avons essayé d'ouvrir l'espace entre les deux démarches décrites par Lam, Deconinck et Cailliau (2007) : « la démarche linéaire classique de type médicale : analyse-diagnostic-prescription ; et la démarche de type circulaire, participative, intégrant les aspects subjectifs et interactifs de la relation et du fonctionnement propre »13(*). Ces auteurs évoquent l'aspect dynamique et potentiellement mobilisateur de la situation de bilan. Ils citent ainsi plusieurs processus que le bilan peut amorcer, comme le début d'une réappropriation du champ de pensée, des bénéfices narcissiques liés à la considération positive pour l'enfant, des bénéfices cognitifs liés aux prises de conscience métacognitives, et des bénéfices relationnels engendrés, entre autres, par une meilleure démarcation des zones où se joue la problématique.

En fait, nous le voyons, c'est surtout dans le contenu de la restitution du bilan et ce que l'on transmet dans ce cadre que se placent les possibilités d'une transformation. Evoquant ce moment, Vibert, Morel et Flaig (2007) mentionnent qu'il doit avoir pour but de favoriser la rencontre du sujet avec son monde interne « à la manière dont la médiation thérapeutique le permet », et qu'il peut être l'occasion d'une « amorce d'insight ». En ce sens, l'utilisation du bilan psychologique permet de rendre compte du fonctionnement psychique de l'enfant en s'appuyant sur les exemples concrets de ses productions, initiant une expérience partagée entre le clinicien et lui qui dépasse la transmission d'un savoir unilatéral. Au niveau de ce que peuvent en retirer les parents de l'enfant, Debray (2000), quant à elle, envisage que la restitution du bilan permette à ceux-ci de formuler ce qu'ils éprouvent vis-à-vis de leur enfant, leurs attentes, éventuellement leurs déceptions, leurs peurs etc. Il s'agit donc de faire de cet entretien un moment riche de réflexions partagées plutôt que celui d'une simple retranscription des « résultats » obtenus. Force est de constater que cela implique que ce que nous transmettons puisse être entendu, intelligible et prendre sens dans l'historicité de l'enfant.

Cas clinique 5 : Clarisse est une jeune fille diagnostiquée dyslexique depuis plusieurs années ; elle est régulièrement reçue en consultations thérapeutiques au CMP. Le collège spécialisé qu'elle va intégrer à la rentrée prochaine demande à ce que soit effectué un bilan psychométrique afin de confirmer qu'il s'agit bien d'un trouble instrumental et non d'une déficience intellectuelle. En dehors de la commande institutionnelle qu'il incarne, ce bilan est l'occasion d'approfondir le fonctionnement cognitif de Clarisse et son vécu en rapport à celui-ci. Lors de la restitution, après avoir évoqué les difficultés de cette jeune fille, je signale ses compétences dans certains domaines et la créativité dont elle fait preuve ; je dévoile, à l'aide d'exemples concrets, les stratégies qu'elle met en oeuvre spontanément pour soutenir ses processus de pensée. Clarisse se saisit de cela pour étoffer mes réflexions par d'autres exemples sortant de la situation de bilan. En ce sens, j'entrevois qu'elle s'approprie les élaborations que je lui transmets. La mère de Clarisse quant à elle, après avoir déclaré qu'elle ne doutait pas des capacités de sa fille, exprime toutefois ces inquiétudes quant à son avenir.

A travers cet exemple, on peut visualiser les bénéfices narcissiques que l'enfant peut retirer de la restitution du bilan. Je pense que le rappel de ses difficultés a permis la reconnaissance de la souffrance de Clarisse. L'éclairage sur les spécificités de son fonctionnement enclenche une prise de conscience de ses possibilités de manoeuvre concernant son fonctionnement cognitif. Debray (2000) affirme que « la prise de conscience par rapport à ce qui se joue dans « l'en dedans psychique est capitale si l'on vise un réinvestissement des démarches intellectuelles »14(*) ; elle ajoute que l'examen psychologique est une expérience de choix pour favoriser une telle réflexion après-coup. De plus, ce moment à été l'occasion d'une reprise associative par la mère de cette patiente. Elle a pu verbaliser ses inquiétudes qui pourront probablement être reprises par le consultant ultérieurement.

Nonobstant, je souhaite faire remarquer que la passation et la restitution du bilan de Clarisse s'est faite dans des conditions relativement aisées puisque cette jeune fille faisait preuve de ressources personnelles particulièrement développées. J'ai dû pratiquer des restitutions qui me paraissaient autrement plus complexes. L'examen psychologique peut parfois être angoissant pour l'enfant et ses parents, et bien que l'on puisse généralement s'appuyer sur des points forts, leurs faire accepter les difficultés et les souffrances de l'enfant n'est toujours facile. Il est des situations où la renarcissisation passe davantage par la reconnaissance de la souffrance de l'enfant, et où l'enjeu principal est alors de faire comprendre aux parents les bénéfices d'un travail de consultations thérapeutiques, voire de psychothérapie.

Par les différents points abordés précédemment, j'ai retracé les différentes formes de transmissions qui se déroulent au sein de l'espace thérapeutique, entre l'enfant, les parents et le clinicien. De fait, j'ai présenté des considérations dont on peut tenir compte afin de penser la dialectique entre les transmissions intrafamiliales et les transmissions entant qu'outil du psychologue pour l'acte thérapeutique. Or, les consultations en CMP s'incluent dans une prise en charge institutionnelle qui englobe souvent plusieurs intervenants. Par surcroit, même lorsque la famille ne rencontre qu'un seul professionnel, la fonction de celui-ci s'inscrit bien dans un mandat institutionnel et à l'origine, la demande est bien adressée à l'institution CMP avant d'être reprise dans la relation thérapeutique.

* 13 Lam, H., Deconinck, A., Calliau, M. (2007). L'utilisation des bilans psychologiques, orthophoniques et psychomoteurs. In: J.-P. Matot, C. Frisch Desmarez et al. Les premiers entretiens thérapeutiques avec L'Enfant et sa famille. Paris : Dunod. p. 118.

* 14 Debray, R. (2000). L'examen psychologique de l'enfant à la période de latence. Paris, Dunod. p. 111.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote