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Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

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par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

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III.3 #177; Liberté et Responsabilité.

Si l'entière liberté apparaît dans une situation toujours aliénée, j'en suis pourtant responsable. Le lien entre l'affirmation « nous sommes condamnés à être libres » et une éthique de l'engagement est établi par la notion de responsabilité. Sartre en parle en conclusion de l'analyse de la liberté, dans L'Être et le Néant. Il reprend à son compte le sens courant du terme : « conscience d'être auteur incontestablement d'un événement ou d'un objet » et en donne ce premier critère : « assumer la situation où on se trouve, avec son coefficient d'adversité, flit-il insoutenable [...]. Ce qui m'arrive, m'arrive par moi et je ne saurais ni m'en affecter ni me révolter, ni me résigner. D'ailleurs tout ce qui m'arrive est mien ; il faut entendre par-là, tout d'abord, que je suis toujours à la hauteur de ce qui m'arrive, en tant qu'homme, car ce qui arrive à un homme par d'autres hommes et par luimeme ne saurait etre qu'humain. »83

Rappelons que, pour Sartre, la responsabilité radicale de chaque personne est la simple revendication logique des conséquences de sa liberté ontologique fondamentale. Il n'y a pas de situation inhumaine ; les plus épouvantables guerres et les plus atroces méfaits sont humains : « ...la responsabilité du pour-soi est accablante, puisqu'il est celui par qui il se fait qu'il y ait un monde. »84 L'homme est engagé dans un monde qu'il crée sans cesse et auquel il donne un sens. Sartre est très clair sur ce point : l'homme est toujours responsable, meme individuellement, du monde dans lequel il vit. Le choix d'un homme engage toute l'humanité, car il doit pouvoir répondre de ce choix devant chacun et se demander sans cesse ce qui se passerait si les autres hommes faisaient le mrme choix que lui. L'homme crée des valeurs auxquelles il choisit d'obéir. Sa manière de vivre et sa façon de penser l'engage face aux

81 Ibid., 1943, p. 546.

82 Ibid., p. 538.

83 Ibid., p. 639.

84 Ibid., p. 612.

autres. Son choix libre est bien l'expression d'une responsabilité totale : « Le propre de la réalité humaine, c'est qu'elle est sans excuse »85.

Dans un monde dépourvu de Dieu, l'homme se trouve face à lui-même et au milieu de différents existants. Incréé, mais ne s'étant pas créé lui-même86, il est ''jeté-là'' dans un univers sans repère, ni appui. Autrement dit, il est abandonné à lui-même. Il ne dépend d'aucun autre ~tre que de lui-même. Pour user des termes heideggériens, on parlera du "délaissement''. L'homme est délaissé dans une existence à laquelle il n'a pas donné son assentiment. Il est comme perdu dans le néant absolu. Il vit dans un monde où rien n'est donné ou fait, mais où tout est à faire. D'où l'angoisse qui le hante. Il n'y a rien de plus terrible pour l'homme que d'1tre purement gratuit, d'rtre par hasard, de ne pas avoir été voulu, d'tre sans recours et sans secours. Dès lors que l'homme n'est soumis à aucun déterminisme, à aucune valeur suprême tel un Dieu qui régulerait ses conduites pouvant le mettre à l'abri de l'absurdité de l'existence, il est alors totalement libre et responsable de ses conduites. Tout lui est permis comme dit Dostoïevsky cité par Sartre : « Si Dieu n'existait pas, tout est permis »87. C'est le postulat fondamental qui justifie l'existence mrme de l'homme : « la liberté l'etre de l'homme »88. C'est-à-dire que l'homme se définit essentiellement et foncièrement par sa liberté ; il est liberté. Et celle-ci est néantisation de "l'etre-en-soi", car elle s'assimile au ''néant qui est au coeur de l'homme". Elle a ainsi le pouvoir de néantisation et de négation face à la contingence et à l'absurdité de l'existence. Cette liberté est fatale et infinie dans la mesure où elle n'est limitée ni par une situation quelconque, ni par une règle préétablie, ni par la mort.

L'homme condamné à ~tre libre est donc condamné toujours à faire des choix. En un mot, l'homme se définit par sa liberté, et nier cette liberté c'est nier son statut d'homme. C'est en ce sens qu'on comprend la liberté comme condition première de l'action telle que Sartre la définit : « ...dès lors qu'on attribue à la conscience ce pouvoir négatif vis-à-vis du monde et d'elle-même, dès lors que la néantisation fait partie intégrante de la position d'une fin, il faut reconnaître que la condition indispensable et fondamentale de toute action c'est la liberté de l'être agissant »89. Toujours et entièrement libre, l'homme endosse une responsabilité absolue. Puisque son envie n'est pas figée, et puisqu'il n'y a ni nature humaine ni Dieu, l'homme est totalement libre et responsable de ses actes. C'est ce que notre auteur explicite lorsqu'il

85 Ibid., p. 613

86 J.P. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1998, p. 39.

87 Ibid.

88 Ibid.

89 IDEM, L'être et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p. 691.

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affirme : « En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent, l'homme est délaissé, parce quil ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses »90. Ce qui veut dire en d'autres mots que l'homme n'a de compte à rendre à qui que ce soit, ni n'attend de secours de personne, il est appelé à prendre son destin en main.

L'expérience de l'absurde constitue pour lui une interpellation à l'action, à la prise de conscience d'un monde dans lequel la ''praxis" apparaît comme une dimension fondamentale. Son devenir historique dépend de lui. En ce sens, l'homme est son propre projet. Il n'est que ce qu'il se fait, et ne sera que ce qu'il aura projeté d'rtre ; et non pas ce qu'il voudra être91. Rien n'existe antérieurement à ce projet. C'est celui-ci qui définit son essence même. Sartre parle à ce sujet de "Subjectivité" : « C'est l'homme en tant que liberté qui invente l'homme »92. Cette liberté absolue engage entièrement l'homme. L'homme responsable prend en main le projet de la réalisation de son existence. Qui dit "Oui" dit "Engagement'' car il n'y a pas de liberté passive. L'engagement est condition mrme de la liberté. Elle se ramène, en effet, à une dimension pratique opposée au simple constat, à la théorie et à la spéculation. L'homme, pour se réaliser, doit passer à l'acte véritable. Il faut agir pour ttre. Ce qui est fondamental, c'est l'action qui, seule est susceptible de transformer le réel et de lui donner un sens. De là, la liberté est liée à la responsabilité et à l'engagement. Tout homme est en situation. Il a un corps, un passé, des amis, des ennemies, des obstacles à franchir, des problèmes vitaux jà résoudre. Mais l'on ne peut pas dire que les situations dans lesquelles se trouve l'homme déterminent ses conduites. Ce qui veut dire qu'en projetant mes intentions, mes visées d'avenir sur la situation actuelle, c'est moi qui, librement et en toute responsabilité transforme celle-ci en motif d'action. Ce sont mes libres projets qui donnent une signification aux situations. Le monde n'est jamais rien d'autre que le miroir de ma liberté. Ainsi, « tout homme qui, pour échapper à l'absolue de la liberté et à l'angoisse qu'elle suscite invente un déterminisme est un homme de mauvaise foi »93. Mais si c'est l'homme qui crée son essence et ses valeurs, choisit ce qu'il devient, sans l'intervention d'un Dieu créateur ni d'une valeur suprême pouvant lui inspirer normes ou ligne de conduite extérieures, comment est-il possible l'idée de la morale chez Sartre ? Autrement dit, en quoi consiste la morale de Sartre et sur quoi est-elle fondée ?

90 Ibid.

91 Ibid., p. 30.

92 Ibid., p. 40.

93 D. HUISMAN, Les philosophies de la liberté, Paris, Bruno Huisman, 1982, p. 291.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery