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Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

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par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

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III. 4 #177; La morale sartrienne: une morale d'engagement.

Sartre, dans les années 47- 48, a entrepris d'élaborer une morale, conformément au voeu de la conclusion de L'etre et le néant. Elle demeura inachevée et ne fut jamais publiée de son vivant. Il faut remarquer, comme SIMONT Juliette, que « le souci moral parcourt toute l'oeuvre de Sartre »94. Les "Perspectives morales" qui terminent L'etre et le néant donnent une idée des principes moraux de Sartre fondés sur l'ontologie. Francis JEANSON en précise aussi quelques indices dans Le problème moral et la pensée de Sartre. Tandis que la morale classique considère qu'il y a une essence humaine idéale - conforme au plan du Créateur, selon les chrétiens - la morale existentialiste de Sartre se fonde sur la liberté absolue du pour- soi et proclame la responsabilité totale de l'homme.

Cette responsabilité est extensible à toute l'humanité dans la mesure où l'homme qui créé son essence et ses valeurs, choisit ce qu'il devient au nom de tous les hommes et pour tous. L'homme, condamné à ~tre libre est lui-même cette liberté incarnée, factice et absurde. Ce sont ces caractéristiques qui lui donnent tout son sens et font de lui un être totalement responsable de ses actes contrairement aux tendances naturalistes et transcendantalistes qui le déresponsabilisent. L'ontologie est plus descriptive que prescriptive. Mais décrivant l'homme comme manque, elle détermine en même temps que ce manque est à la fois « l'origine et la nature de la valeur »95. Autrement dit, la valeur vient du manque, elle est manque. Or la mauvaise foi consiste à ne pas assurer ce manque, et par conséquent à tromper ; à se tromper soi-mrme sur ce qu'on est c'est-à-dire un pour-soi, un sujet et non un objet. Les exemples du garçon de café, de la femme coquette que nous avions cités dans les chapitres précédents démontrent à quel point la mauvaise foi est une conduite de fuite devant la responsabilité qui mesure l'étendue de notre liberté. Etre moral, c'est exister, c'est-à-dire, vouloir sa liberté. L'homme vivant dans le délaissement étant celui qui veut lui-même son être, il le veut seul. Il est un ~tre moral parce qu'il s'engage et veut par-delà l'espoir et le désespoir. Le traître de la liberté, c'est celui qui a « l'esprit de sérieux a», qui calcule avant d'agir. C'est là tout l'aspect éthique de la psychanalyse existentielle de Sartre qui a pour mission « de nous faire renoncer à l'esprit de sérieux [...] et de faire découvrir à l'agent moral qu'il est l'etre par qui les valeurs existent »96. Les valeurs ne sont pas à comprendre au sens cartésien ou spinozien du terme car, comme le dit Francis Jeanson : « Les deux ignorent que toute valeur est

94 J. SIMONT, Jean-Paul Sartre, un demi-siècle de liberté, le point philosophique, Bruxelles, 1998.

95 J.P. SARTRE, L'etre et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p. 690.

96 Ibid., pp. 690 - 691.

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valorisation »97. De fait, Sartre ne pose pas d'emblée l'existence de Dieu. Il n'est pas d'existant indépendamment de l'homme et qui fonderait les valeurs de celui-ci. Par ailleurs, si Dieu existe, il existe dans la dynamique de sa création continuelle par l'homme agissant : « Nous n'avons pas l'idée de Dieu ; nous devons redonner sans cesse, dans le choix que nous faisons de tel ou tel cheminement moral »98. Mais se pose ici le problème de savoir jusqu'à quel point cette morale sans Dieu et sans fondement objectif est-il possible.

Sartre prend conscience de l'impasse dans lequel il s'est incrusté en réalité. En faisant dépendre l'absolu de l'homme, il sait qu'il rend difficile voire impossible l'élaboration d'une morale. Il va donc essayer de compléter sa méthode dans sa Critique de la Raison Dialectique précédée de Questions de Méthode. Dans cet ouvrage, il développe la notion de ''praxis''. Telle qu'elle y apparaît, cette notion n'est que la matérialité de l'existence, mais pas au sens marxiste du terme. De fait, la praxis n'est pas que sociale, elle est aussi individuelle car elle prend en compte l'effort de l'individu pour se donner l'rtre. Par ailleurs, la praxis est la condition d'une dialectique historique parce qu'elle est un compromis entre l'individu et la société : « toute la dialectique historique repose sur la praxis individuelle en tant que celle-ci est déjà dialectique »99. C'est en ce sens que la dialectique de la praxis justifie la place de la raison pratique comme l'élément fondamental qui donne sens à l'action humaine et à l'histoire toute entière.

Ainsi, la morale sartrienne est fondée à la fois sur l'individu qui n'a pas à se laisser phagocyter par la société ; et sur la société qui permet de modérer l'individualisme parfois exacerbant de l'homme. Il faut dire que nous tombons ici dans un freudo-marxisme qui ne résout pas le problème de la possibilité d'une morale, puisque pour résoudre ce problème, il faudra d'abord résoudre celui de l'ambiguïté humaine. Cela n'est pas possible tant que je n'existe que parce que je suis un ~tre perpétuellement remis en question sur la nature et les significations de mon ~tre. Ce questionnement sur l'ambiguïté constitue l'existentialisme que notre auteur présente comme un humanisme, car elle pose l'homme comme valeur absolue. Ce qui signifie, en bref, qu'« entre une conscience qui tend à s'abolir dans le respect des valeurs objectives, de signes sans signification et une conscience révoltée qui renonce à toute signification, l'existentialisme tire la leçon de ces attitudes et décrit la conscience comme présence-à-soi, non coïncidence avec soi, origine absolue de tout sens et de toute

97 F. JEANSON, Le problème moral ans la pensée de Sartre, Paris, Seuil, 1965, p. 333.

98 Ibid., p. 334.

99 J.P SARTRE, Critique de la Raison Dialectique, Paris, Gallimard, 1960, p. 165.

valorisation »100. Ainsi, l'histoire en question est une histoire qui n'accorde aucune place ni à Dieu ni à la nature humaine. C'est une histoire sans morale. Une histoire sans morale court le risque de verser dans l'univers de la passivité, de l'anarchie, du relativisme voire mrme de la confusion du bien et du mal. Car la difficulté qui demeure est que la praxis n'est pas normée puisqu'elle dépend entièrement de chaque individu au sens oil tel individu préférera la guerre, tel autre optera pour la non-violence ; mais chacun aura agit pour la même cause.

Or Sartre ne détermine pas ici les conditions qui président à telle option plutôt qu'à telle autre dans l'action. Il trouve cependant le fondement de l'action dans la notion de responsabilité. On peut constater qu'à la fin de l'Etre et le Néant, Sartre esquisse la problématique dans les lignes de la liberté comme sa propre fin. S'engager, c'est agir. Agir c'est choisir la liberté comme fin. C'est pourquoi choisir la liberté c'est ~tre responsable. Etre moral, c'est exister, c'est-à-dire, vouloir sa liberté. L'homme vivant dans le délaissement disions-nous est celui qui veut lui-meme son etre, [...] il est un etre moral parce qu'il s'engage et veut par-delà l'espoir et le désespoir. ,Il s'agit ici d'assumer sa condition d'homme, d'affronter les situations, les dépasser pour les transformer. L'auteur de l'Etre et le Néant ne justifie pas cette option de l'affrontement plutôt que de la torpeur et du conformisme moral. Non plus il ne justifie pas l'exigence d'une modification situationnelle, ni ne précise pas vers quoi ou vers quelle fin il est judicieux d'orienter l'action.

On pourra objecter que Sartre propose peut-rtre des contenus et des fins à l'action à l'instar de la libération et le combat contre l'aliénation et qui peuvent constituer des valeurs. Mais ces fondements sont si fragiles qu'ils ne pourraient prétendre justifier un quelconque choix. Car la liberté peut tout justifier. L'appel à la responsabilité peut avoir pour conséquence un meurtre institutionnalisé. En ce sens, le massacre des Juifs à Auschwitz ou le génocide rwandais pourraient être justifiés par un argument du genre : '' la nation ou le peuple qui organise cette exaction se sent en danger face à l'autre'',, et c'est pourquoi il se défend ». On voit que l'appel à la responsabilité semble ne donner lieu qu'à une ''morale formelle''. Car il faudra chercher encore un autre fondement général et palpable qui permette de ''juger une action'' alors que cette morale, générale, pour Sartre n'existe pas : « aucune morale générale ne peut indiquer ce qu'il y a à faire »101. Est-ce à dire finalement que tout m'est permis dans ce genre de libéralisme à outrance et démesuré ? Notre réponse est non.

100 F. JEANSON, O.C., p. 351.

101 J.P. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1998, p. 46.

Les normes et les interdits peuvent etre là, mais ils ne doivent pas freiner l'action. Les

lois peuvent être dépassées en certaines circonstances. Le principe de la morale de Sartre c'est

de se battre pour la promotion de ma liberté et de celle des autres. Un être moral est enfin

celui qui veut aussi la liberté des autres, qui ne porte pas d'entrave à leur liberté. L'être moral cherche la liberté d'autrui envers et contre l'autre parce que « quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire qu'il est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes »102. Le caractère inachevé de Cahiers pour une morale de Sartre trouve sa justification dans cette contingence de la norme éthique. Celui-ci pense que toute morale qui se donne comme systématique ne peut que favoriser l'aliénation de l'homme. Dans une certaine mesure, la morale est rattachée à l'esthétique dans le sens où elle est création permanente des valeurs. C'est en ceci que nous pouvons comprendre la morale sartrienne, comme une perpétuelle interpellation à l'action

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102 Ibid., p. 30.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote