I.2 - Les différentes approches du
Néant
· La conception dialectique du néant
: Après cette analyse du sens du néant en face
duquel l'homme se trouve dans une attitude permanemment
questionnante, il est intéressant ici de faire la lumière sur les
rapports de l'tre avec le non-être qui, selon notre auteur hante l'rtre.
Selon cette analyse, Sartre note un certain parallélisme entre les
attitudes humaines face à l'ktre et les attitudes que l'homme adopte
face au néant au sens oil l'on concevrait l'tre et le non-être
comme deux composantes complémentaires d'une mrme réalité
à la façon de la lumière et de l'ombre. ,Il faut aussi
souligner que si l'rtre et le non-être partagent une certaine
"contemporanéité", il serait vain de chercher à les
analyser isolément l'un l'autre si l'on veut
11 Ibid., p. 43.
12 Ibid., p. 51.
13 Ibid., p. 56.

parler de l'existant14. C'est ce que Sartre exprime
quand il dit que « l'tre pur et le non-être pur seraient deux
abstractions dont la réunion seule serait à la base des
réalités concrètes »15.
Dans cette perspective, l'existant est à
considérer comme une totalité synthétique de l'être
et du non-être. Il y a ici une sorte d'interdépendance et de
complémentarité entre l'être et le non-/tre comme entre
l'abstrait et le concret afin d'arriver à la réalisation de
l'Existant16. Et vouloir séparer l'être de son essence,
c'est le rendre plus abstrait et plus pauvre ; c'est en ce sens qu'il faut
comprendre l'affirmation de notre auteur qui dit que « l'être
coupé de l'Essence qui en est le fondement devient 'la simple
immédiateté vide' »17.
Il est important de souligner également que cette
conception hégélienne du néant comporte des
limites au sens où ce dernier réduit l'être à la
seule signification de l'existant, basée sur l'essence qui en est le
fondement et l'origine.
Sa logique consiste à chercher l'abstrait à
partir du concret et l'être à partir du phénomène ;
alors que, nous le savons, ce n'est pas de cette manière que
l'être se présente par rapport au phénomène, car
l'être et le néant ne s'opposent pas à la manière de
la thèse et de l'antithèse sinon ils seraient des
''contraires''. Le néant est plutôt le
''contradictoire'' de l'être parce qu'il est ''l'tre
posé, puis nié'. Cela implique une antériorité
de l'être sur le néant qui prend son efficace de l'être.
C'est ce que Sartre exprime en disant que le néant hante
l'être18.
H
· La conception phénoménologique
du néant : Nous venons de voir la
complémentarité
ou l'interdépendance mutuelle entre l'etre et le
néant ; l'un et l'autre étant présentés comme
composantes d'une meme réalité. Sans passer l'un dans l'autre
comme a fait Hegel, ni insister sur l'antériorité de l'un sur
l'autre, nous allons orienter notre investigation ici vers une analyse des
rapports de forces réciproques d'expulsion qu'exercent ces deux concepts
et dont le réel est le résultat de ces forces
antagonistes en nous appuyant sur l'approche heideggérienne.
Avec Heidegger, la notion du néant
transcende les apories dans lesquels on se plonge dès qu'on l'aborde, ou
du moins, ces apories n'ont de valeur qu'en tant que limites de l'entendement
humain. Dans l'étude de l'etre en tant que ''réalité
humaine'', Heidegger montre la légitimité de s'interroger sur
l'etre qui prend ici un caractère pré-ontologique. Selon lui
donc, on peut arriver à une saisie concrète du
néant, pas en tant qu'être abstrait comme dans la
ir4 .
bid.;
"j p 46
15 Ibid
16 Hegel cité par Sartre dans l'Etre et le
Néant, p 46
17 J.P. SARTRE, L'etre et le néant,
essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard,
1943, p 47
1j
bid.;
I p 49-50

9
conception hégélienne, mais en tant qu'il se
néantise. Et c'est à travers les nombreuses attitudes de
la ''réalité humaine'' telles que la haine, la
défense, le regret, l'angoisse etc.a que le ''Dasein''
peut se trouver en face du néant pour le découvrir et le
transcender19. Cette réalité humaine que Heidegger
nomme : « Etre-dans-le-monde » organise le monde autour de
lui de telle sorte qu'en le transcendant il annonce ce qu'il est. C'est donc en
le dépassant que le Dasein va réaliser la contingence du
monde en posant la question : « D'où vient-il qu'il y ait
quelque chose plutôt que rien ? »20
En somme retenons que Heidegger fait du néant le fondement
de la négation ce à partir de quoi le monde se conçoit et
ce à partir de quoi l'être émerge et transcende le monde.
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