WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

( Télécharger le fichier original )
par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.3 #177; La mauvaise foi

La mauvaise foi est une des formes de manifestation de la conscience. C'est une réalité exclusivement vécue par la conscience. Et c'est précisément à ce niveau que les difficultés commencent à se faire jour. En effet, dit Sartre : « la conscience est un être pour lequel il est dans son être question de son être en tant que cet être implique un être autre que lui»21, c'est un fait, et son être est avenir car « l'existence précède l'essence »22. En d'autres termes, la conscience surgit dans l'existence avant que sa nature lui soit donnée. Elle ne peut donc être déterminée par quoi que ce soit dans le monde et paradoxalement, elle est tenue de justifier son existence de fait et son fondement en droit dans la même réalité qu'est le monde. C'est ainsi qu'apparaît la mauvaise foi qui, elle, se présente comme une solution au néant d'être qui est la conscience. Mais que peut-on entendre concrètement par ''mauvaise foi'?

Il n'y aucun doute quant à la conception selon laquelle la mauvaise foi est une structure fondamentale et constitutive de la conscience, une attitude qui tire l'homme dans l'angoisse existentielle en face de laquelle sa liberté voire son ''être-pour-soi'' l'y conduit pour le contraindre à l'existence. Sartre conclut que l'homme est capable de se donner négativement. La conscience elle-même se donne dans ce cas négativement. Ce constat permet d'affirmer qu'il y a des manifestations de la conscience mais cela ne doit pas toutefois nous donner droit de penser l'être en présence de la conscience, c'est le cas des hommes vivants dont les existences ne sont que moins exhaustives. Ceci est la preuve irréfutable que l'on se saisit dans

19 Ibid., p. 52.

20 Ibid.

21 Ibid., p. 27.

22 M. WETZEL, La mauvaise foi (l'tre et le Néant). Sartre (profil philosophique, n°705), Paris, Hatier, 1985, p. 9.

10

des rapports de contradiction. Cette attitude de la conscience ne peut pas signifier la conscience, car elle n'est le fait que d'une catégorie d'individus mis en rapport de contradiction.

L'évocation de la ''coquette'' manifeste bien cette possibilité qu'a la conscience de se donner dans « ce qu'elle n'est pas, d'apparaître pendant qu'elle n'est que néant »23. La conscience peut ainsi prendre plusieurs états. Mais jusqu'alors nous n'avons entrevu que sa négative néantisation. La jeune coquette devient moins excessive. Cette dégradation entre les individus témoigne que l'rtre de la conscience n'est pas ce en quoi l'homme se reconnaît.

Après avoir vu cette possibilité qu'a la conscience de se donner négativement, nous pouvons poursuivre notre investigation. C'est à travers l'ironie que le père de l'existentialisme français oriente sa démarche, et ce qui nous marque ici est l'ambiguïté de l'homme. Ses propos sont présentés dans un rapport de contradiction du point de vue de leurs intentions et de l'effet qu'il veut qu'ils produisent : « il donne à croire qu'il n'est pas cru, il affirme pour nier et nie pour affirmer »24. Ces contradictions sont ici exprimées et observées dans les rapports que l'individu établit avec autrui. S'il est l'acteur, l'autre occupe une place de choix car c'est à lui que revient l'appréciation, et c'est de lui que dépend la réalisation de la fin. On peut alors se demander si l'homme ou la conscience ne peut pas réaliser un tel dessein vis-à-vis de soimême.

Si la conscience est à même de réaliser ce dessein par rapport à elle-mrme, c'est parce qu'elle est capable de s'apparaître à elle-mrme autrement qu'elle n'est en réalité et donc elle serait capable de se mentir à elle-même25. La mauvaise foi est donc en ce sens un mensonge à soi. Toutefois, notre auteur nous invite à ne pas confondre la mauvaise foi et le mensonge. Car tandis que le mensonge porte, en effet, sur des faits irréels, la mauvaise foi se distingue du mensonge précisément par ceci que celui-ci est manipulation transparente à elle-même, alors que celle-là a foi à sa mauvaise foi26. Ce qui est intéressant dans notre comparaison, c'est la réalité du menteur qui manifeste une double attitude : « l'idéal du menteur serait donc une conscience cynique, affirmant en soi la vérité et le néant dans ses paroles et niant par lui-même cette négation »27.

Dans ce sens, l'individu fait tout ce qui est en son pouvoir pour que son interlocuteur ne s'aperçoive pas qu'il lui cache la vérité. Sartre présente la mauvaise foi ici comme oscillant

23 Idid., p. 25.

24 Ibid., p. 34.

25 Idid., p. 73.

26 Idid.

27 K. SIMONT, Un demi-siècle de liberté, Paris, P.U.F, 1998, p. 137.

entre le cynisme et la bonne foi, il nous introduit dans une perspective non négligeable qu'est la responsabilité de la croyance dans les attitudes de mauvaise foi. Le menteur doit d'abord ~tre au fait de la vérité qu'il dissimule à autrui. Ici c'est l'indissociabilité du trompeur et du trompé qui pose problème. Il apparaît cynique en effet de connaître la vérité mais de choisir délibérément de se laisser aller à l'ignorance. Mais seulement on serait dans l'erreur car le mensonge à soi ne saurait être un mensonge cynique ni même du reste une évidence28.

En parlant de l'évidence, Sartre veut entendre par là ''la possession intuitive de l'objet''29, or on ne peut pas dire que l'objet est possédé dans le cadre de la mauvaise foi ; plutôt que de posséder l'objet, on croit, ou on a foi en sa possession, vu que nous avons établi que l'rtre de la conscience est le néant de cet ~tre. Il ne peut donc en aucun cas ~tre l'objet se rapportant d'une manière ou d'une autre à elle, c'est pourquoi d'après Sartre, on se met de mauvaise foi comme on rêve.30 Il a aussi établi l'image quasi naturelle d'rtre de mauvaise foi. C'est le caractère du sommeil qu'on doit davantage creuser. Est-ce librement ou non que l'homme s'endort et rIve ? La nécessité du sommeil ne dépend pas de l'homme, du fait qu'il n'y a pas une volonté de l'individu, la transparence dans l'acte de la conscience n'est pas faite. D'où sa distinction du mensonge et sa parenté avec la croyance « qui n'est pas une décision réfléchie et volontaire, mais une détermination spontanée »31.

Notre ambition après cette analyse de la mauvaise foi est d'élucider la notion. Sans cette élucidation il n'est pas impossible d'appréhender le concept. En effet, les célèbres exemples du "garçon de café" et de la ''jeune coquette"32 illustrent bien le concept de mauvaise foi. Procédons dans un premier temps à l'analyse de la ''jeune coquette". Dans sa narration, Sartre fait une présentation du décor décrivant la coquette qui fait preuve de liberté. C'est librement mrme qu'elle choisit de se rendre à l'invitation de son ami. Son choix est d'autant plus libre qu'elle se trouve en face d'une question. Elle sait fort bien les intentions que son ami porte à son égard. Elle le désire aussi qu'elle habille la scène d'une coloration qui ne correspond pas à l'instant présent. Elle s'attache à ce que son partenaire lui procure des attitudes discrètes et respectueuses pour plaire et être séduite.

Il y a comme un refus de sa part d'admette ce qui se passe en réalité. Elle découpe les événements et les lie selon qu'elle se trouve satisfaite et non plus selon qu'ils apparaissent en

28 J.P. SARTRE, L'être et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p. 104.

29 Ibid., p. 104.

30 Ibid., p. 106.

31 Ibid., p. 91.

32 Ibid., p. 82.

12

réalité. Le mobile qui soutient tout l'agir de l'homme est perverti. Elle arrache au discours et à la conduite de son interlocuteur les significations immédiates qu'elle envisage comme qualités objectives. En fait, il apparait une sorte de contradiction dans son attitude, en même temps qu'elle est heureuse de la situation, en même temps elle en a très peur, et c'est précisément cela qui conditionne son agir. L'auteur ajoute qu'elle chosifie l'action de son interlocuteur comme prétexte à son refus de décider. Et elle-même, par voie de conséquence, se trouve chosifiée également car elle se met en condition d'être statique dans le temps, elle fixe leurs attitudes en niant qu'elles sont en fait une réalité dynamique. Elle renonce volontairement à sa liberté donc au choix qu'elle doit faire. ''Ni consentante, ni résistante''33, son adhésion à elle en tant que conscience ne se fait pas. On comprend qu'en abandonnant sa main dans celle de son partenaire, elle ne fasse plus corps avec elle même. C'est bien ici la preuve d'une attitude, d'un comportement de mauvaise foi présente en elle qui finit par la défaire de sa liberté.

Examinons maintenant l'exemple du ''garçon de café''. Le choix de cet exemple obéit aux critères précités. Seulement dans cet exemple du serveur en pleine tâche, il y a comme une gradation dans l'explication du concept, car ici, il ne s'agit plus d'une situation mais plutôt d'une tâche qu'un homme se doit d'accomplir, d'un travail qui tend dans bien des cas à l'identifier aux yeux des autres. Alors, on peut demander à Sartre, le garçon de café est-il garçon de café tel quel ?

Pour répondre, Sartre affirme que c'est un jeu, « il joue à être garçon de café »34, il veut se faire l'automate qu'il n'est pas, le déséquilibre existant entre ce qu'il est et la réalisation de ses gestes. Et le geste tel qu'il doit s'exécuter par le servant montre l'inadéquation d'être avec ce qu'il entreprend, pourtant il est de notre nature de vouloir coïncider l'individu et sa satisfaction, ''le garçon de café joue sa fonction pour la réaliser''35. Et ici, il en vient qu'il cherche à se fixer et donc à se considérer comme un en-soi.

De même les attitudes telles que la tristesse sont examinées pour montrer que l'homme la prend avec lui et s'en défait. Dès que le décor change, il s'y replonge vu que le cadre le permet à nouveau. Par là, l'homme montre qu'il est changement et qu'il est un être pour la liberté. Cette liberté l'effraie au point où il s'en défait pour vivre dans un cadre bien déterminé et c'est cela la mauvaise foi. En ce sens, l'on peut comprendre le refus du prix Nobel par Sartre qui, en réalité, n'est qu'une volonté de vivre sa philosophie. Dire qu'il était Nobel, ce serait accepter l'existence d'un garçon de café et de bien d'autres. Ici, ce n'est pas le déterminisme

33 Ibid., p. 95.

34 Ibid.

35 D. MARITAIN DELIAS, Jean-Paul Sartre ou la conscience ambigüe, Paris, Nagel, 1972, p. 2.

qui est en cause dans mauvaise foi, mais plutôt la volonté de faire coïncider l'tre de la conscience à une attitude.

Un autre exemple, c'est celui de la tristesse qui montre aussi bien que c'est en face d'autrui qu'on adopte une attitude de mauvaise foi. L'tre apparaît ici comme inconnaissable par autrui, mais surtout que le surgissement d'autrui est cause de mauvaise foi. Noël Maritain confirme cette thèse en ces termes : « le thème de mauvaise foi dont l'Etre et le Néant expose la philosophie s'exprime dans le théatre de Sartre, comme un trait essentiel des personnages et des péripéties de l'intrigue, bien de confirmation du moi et de l'autre, théatre des êtres qui en tant que sujets pour eux-mêmes se sentent devenir objets sous les regards d'autrui et tentent d'esquiver le viol de leurs consciences. Pour cela, ils se forgent d'eux-mêmes une image qui leur plaise, c'est-à-dire qu'ils se mentent et sont de mauvaise foi »36

36 Ibid.

14

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera