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Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

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par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

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II. 2 - L'être-pour-autrui comme rencontre d'une conscience.

Il faut d'entrée de jeu souligner que pour Sartre l'expérience de l'autre est l'expérience d'une rencontre : l'autre est, selon lui, rencontré dans la vie quotidienne comme un phénomène particulier. La question que pose notre auteur n'est donc pas : « comment puis-je connaître l'autre ? » Mais plutôt : « quel est le sens de l'apparition de l'autre dans mon expérience ? ». Il n'est pas possible en effet de considérer que « moi-même » et « l'autre » constituons des substances séparées, car alors le problème de leur mise en relation deviendrait insoluble, il faut au contraire concevoir la relation à « l'autre » comme constitutive de ma propre conscience. Sartre trouve cette nouvelle conception de la relation à l'autre chez les trois "HM'I-It-à-dire Husserl, Heidegger et Hegel. Il faut cependant souligner qu'il ne suit pas ici un ordre chronologique, mais plutôt, comme il l'indique lui-même, "une sorte de dialectique intemporelle"41, ce qui l'autorise à voir chez Hegel un progrès significatif par rapport à celui de Husserl, et à considérer que Heidegger ait tiré profit des méditations de ses devanciers42.

La première étape est donc Husserl. Sartre n'entreprend pas l'analyse de la longue et difficile cinquième Méditation cartésienne qui constitue le texte majeur de Husserl sur la question de l'autre, mais il considère seulement le résultat de l'analyse husserlienne. Or ce résultat est le suivant : « l'autre est la véritable garantie de l'objectivité du monde, au sens oft il est nécessaire pour l'objet d'exister pour plus d'un sujet et d'être donc le référent d'une pluralité indéfinie de consciences ».43 Car dans le cas contraire, l'objet ne serait pas véritablement extérieur à la subjectivité, il ne se tiendrait pas en face de celle-ci et serait donc dépourvu de vérité objective.

L'objectivité est donc pour Husserl fondée sur "l'intersubjectivité". Husserl a montré que c'est seulement à la lumière du concept de « l'autre » que l'expérience peut être interprétée. Mais il faut dire qu'une telle conception voit en l'autre seulement une "signification", et non un "phénomène empirique". Husserl n'explique donc pas comment la rencontre empirique de l'autre est rendue possible. C'est la raison pour laquelle, selon Sartre, il n'y a pas de différence entre Kant et Husserl, qui se situent tous deux au plan des pures

41 Ibid., p. 274.

42 Ibid., p. 283.

43

Edmond Husserl, Méditations cartésiennes, Introduction à la phénoménologie ; traduction de G. Pfeiffer et E. Levinas, Paris, Vrin, 1953. P. 79.

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conditions de possibilité des phénomènes44. Pour Husserl, l'autre se refuse par principe à nous du fait que nous ne pouvons pas avoir accès à son intériorité propre, il ne peut donc être découvert que comme une absence, non comme une présence.

Mais si une connaissance empirique de l'autre est impossible, nous avons néanmoins besoin de lui comme signification, afin de garantir la validité ontologique de notre connaissance. A ce stade, la conclusion de Sartre est sévère : parce que, dans la philosophie de Husserl, l'autre est seulement requis pour garantir la validité de la connaissance, il ne peut pas plus échapper au solipsisme comme Kant, en dépit de sa théorie d'une intersubjectivité, c'està-dire d'une pluralité de sujets. C'est ainsi que Sartre demande de faire un dépassement de Husserl avec l'approche hégélienne45. Mais en quel sens ?

Parce que, pour Husserl, l'apparition de l'autre était nécessaire à la constitution du monde objectif, alors que pour Hegel elle est nécessaire à l'expérience même de la « conscience de soi ». Seul l'autre peut garantir la vérité de ma conscience de moi-même. J'ai besoin de l'autre pour constituer mon propre moi, de sorte que pour Hegel la pluralité des consciences et non l'insularité de l'ego est le fait primitif. En d'autres termes, j'ai besoin de l'autre en tant que médiateur me permettant d'accéder à mon propre moi. Pour Sartre, ce qui constitue « "l'intuition géniale de Hegel", c'est le fait qu'il me fait dépendre de l'autre dans mon être-même, au sens où je suis un être-pour-soi qui n'est pour-soi qu'à travers l'autre... C'est donc en mon coeur que l'autre me pénètre" »46.

Notons qu'en dépit de ce "progrès important" accompli par Hegel, sa solution du problème de l'autre ne satisfait pas totalement Sartre, parce que Hegel demeure au niveau de la connaissance. Ce que j'attends de l'autre, selon Hegel, c'est la vérité de mon être, et réciproquement, ce que l'autre attend de moi, c'est la vérité du sien. Mais ce que l'individu désire réellement, comme Kierkegaard l'a bien fait valoir contre Hegel, ce n'est pas la garantie d'une pure identité formelle avec lui-même, mais son accomplissement réel en tant qu'individu, et la reconnaissance de son être concret.

44 Ibid., p. 269.

45 Ibid., p. 274.

46 Ibid., p. 276.

Ainsi, contre Hegel, l'auteur de l'Etre et le Néant 7ous faut reve7ir à Descartes et déclare que « le seul point de départ sibr est lintériorité du cogito »47. Pour lui, la multiplicité

sca7dale de la pluralité des co7scie7ces : « La tâche qu'une ontologie peut se proposer, c'est

de décrire ce scandale et de le fonder dans la nature-même de l'être : mais elle est impuissante à le dépasser »48.

La critique de Hegel a été 7écessaire pour mo7trer que la relatio7 à l'autre 7e peut pas

être comprise e7 termes de ''connaissance'' mais e7 termes ''d'etre'. Heidegger peut 7ous

me7er plus loi7 au se7s où il met e7 évide7ce la 7écessité de compre7dre la relatio7 à l'autre

comme u7e relatio7 d'être, car il a tiré des leço7s de l'a7alyse hégélie77e de la lutte des

'dépendance ontologique

La co7clusio7 de Sartre à ce 7iveau est do7c positive : « Cette fois on (Heidegger)

nous a bien donné ce que nous demandions : un être qui implique l'être d'autrui en son
être »49
. Pourta7t il 7e se co7sidère pas comme complèteme7t satisfait. Car pour lui-même, si

7ous avo7s l'expérie7ce réelle d'u7e telle solidarité avec les autres, il 7'e7 reste pas moi7s que

cette coexiste7ce doit être expliquée si 7ous voulo7s reco77aître e7 elle le type fo7dame7tal

de 7otre relatio7 aux autres. Pour Sartre, le da7ger d'u7e telle co7ceptio7 est la négation de

l'altérité de l'autre. E7 outre, il 7e voit pas ici de possibilité d'expliquer la relatio7 co7crète à

l'autre : Heidegger demeure sur le plan ontologique, c'est à dire à u7 7iveau abstrait et 7e peut

pas réelleme7t expliquer ce qui se produit sur le pla7 o7tique ou co7cret de ma coexiste7ce

effective avec cet ami particulier.

C'est pourquoi la solutio7 heideggérie77e 7'est pas u7e solutio7 co7crète et « ne

saurait nous servir [aucunement] à résoudre le problème psychologique et concret de la reconnaissance d'autrui »50. La critique sartrie77e de la co7ceptio7 heideggérie77e de l'autre devie7t alors très tra7cha7te. Parce que Heidegger voit da7s ma relatio7 à l'autre u7 a priori, quelque chose comme u7e co7ditio7 de possibilité, so7 poi7t de vue o7tologique rejoi7t le

47 Ibid., p. 282.

48 Ibid., p. 283.

49 Ibid., p. 286.

50 Ibid., p. 287.

20

Heidegger ne parvient pas à échapper à l'idéalisme51 et ne peut donc réellement faire sortir la réalité humaine de sa solitude. Le résultat de l'examen critique auquel Sartre a soumis la conception heideggérienne de "l'être-avec'' est alors le suivant : « nous ne devons pas essayer de rendre compte de manière philosophique de l'existence d'autrui, parce que l'existence d'autrui est un fait contingent.[...] On rencontre autrui, on ne le constitue pas »52. A la fin de ce paragraphe, Sartre est donc en mesure de formuler les conditions nécessaires et suffisantes pour qu'une théorie de l'existence d'autrui soit valable :

1. Il ne s'agit pas de proposer une nouvelle preuve de l'existence de l'autre, parce que j'ai toujours déjà su que l'autre existait, j'ai toujours déjà eu une compréhension implicite de son existence, de sorte que ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'une nouvelle "théorie" de l'autre, mais de mettre au jour le cogito qui concerne l'autre, c'est-à-dire la conscience qui me révèle immédiatement l'existence de l'autre, de la même manière que le cogito cartésien me révèle ma propre existence.

2. Le seul point de départ possible est donc le cogito cartésien qui se confond avec ce que Sartre a nommé le "cogito de lexistence d'autrui". Cela semble paradoxal, mais il s'agit pourtant bien de trouver la transcendance de l'autre dans l'immanence absolue du moi : « c'est donc au plus profond de moi-même que je dois trouver non "des raisons de croire" à autrui, mais "autrui lui-même" comme n'étant pas moi »53.

3. Le cogito doit nous révéler autrui non comme un objet, ni comme la possibilité de l'existence du monde ou du soi, mais comme un autre intéressant le moi sur le plan empirique concret. L'autre doit apparaître comme n'étant pas moi, ce qui implique l'altérité et la négativité de l'autre. Mais une telle négativité n'est pas externe - ce qui veut dire que le moi et autrui ne sont pas des substances séparées - mais internes, cela qui implique par la suite une relation réciproque de négation entre moi et l'autre.

Sartre admet que Hegel a raison de penser que chaque conscience trouve en l'autre son être, mais refuse de considérer qu'il est possible d'adopter le point de vue de la totalité et de considérer une telle réciprocité de haut, de sorte que le conflit entre les différentes consciences ne trouve pas de solution et ne puisse mener à la réconciliation. Mais on peut se demander, jusque là, comment Sartre conçoit lui-mrme la question d'autrui ?

51 Ibid., p. 288.

52 Ibid., p. 299.

53 Ibid., p. 291.

Abordons maintenant avec Sartre la question d'autrui selon sa propre conception. D'abord, avant de continuer, il n'est pas sans intér~t de souligner à quel point la lecture que Sartre nous propose des << trois H >> est à la fois stimulante et frustrante. Stimulante, parce qu'il a l'habileté d'aller immédiatement à l'essentiel de chaque conception. Mais aussi frustrante, car il procède à des simplifications excessives, surtout en ce qui concerne, à notre lecture, Husserl et Heidegger. Il ne tient pas compte en effet des tentatives de Husserl pour préserver l'altérité de l'autre en dépit de la théorie qu'il propose et qui est celle de la constitution de l'autre par le moi. Il ne prend pas en compte le fait que Heidegger ne considère pas << l'être-avec >> comme une condition de possibilité de l'autre, mais plutôt comme une structure de l'existence qui ne nous permet plus de nous comprendre en termes de conscience, alors que Sartre lui, au contraire continue de le faire et de prendre son point de départ dans le cogito cartésien. Sa lecture de Hegel est la plus détaillée et probablement la plus intéressante des trois, et il a certainement raison de blâmer Hegel pour son point de vue "totalitaire". Nous verrons que sur ce point qu'il y aura total accord entre Sartre et Levinas, et non pas d'ailleurs seulement sur ce point, car il est certainement possible de montrer que Levinas est à bien des égards redevable à Sartre de sa propre conception de l'autre.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus