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Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

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par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

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II.3 - L'expérience du regard de l'autre comme révélation de mon être.

Comme nous l'avons vu, il y a pour Sartre un cogito, qui a l'autre pour objet, une conscience qui me donne immédiatement l'existence de l'autre, de la même manière que le cogito cartésien me révèle immédiatement l'existence de ma propre conscience. Le point de départ de Sartre est le cogito cartésien, << la conscience >>, et cela veut dire que nous demeurons dans l'opposition du moi et de l'autre, qui ne peut jamais m'être donné en original, car si c'était le cas, il serait alors impossible de distinguer le moi de l'autre. Mais cela ne veut pourtant pas dire que la relation à l'autre est une relation de connaissance. "Conscience" ne signifie pas nécessairement "connaissance". Nous n'avons pas à choisir entre d'un côté la fusion entre deux consciences, ce qui serait la négation de l'altérité de l'autre, et d'un autre côté une relation à l'autre qui serait alors réduit à un pur objet.

C'est seulement quand conscience et connaissance sont identifiées que la relation à l'autre ne peut être comprise que comme une relation objective. Mais pour Sartre, dire que l'autre est en rapport avec ma conscience veut dire que ma conscience est affectée en son propre être par autrui, de sorte qu'elle doit trouver en elle-même une dimension qui lui

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permette de s'ouvrir à l'extériorité de l'autre. Sartre explique que la situation est ici la même que chez Descartes dans son affirmation de l'existence de Dieu. Descartes a été capable de montrer que la transcendance de Dieu peut être trouvée dans l'immanence même du cogito, parce que l'homme ne peut pas être par lui-même l'origine de l'idée d'infini qu'il trouve en luimême en tant que créature finie ; de la même manière Sartre veut montrer que la transcendance d'autrui peut ~tre trouvée au coeur mrme de la conscience. C'est ce qu'il avait déjà mis en évidence dans sa discussion de la conception hégélienne de l'autre : « Chacun doit pouvoir, en partant de sa propre intériorité, retrouver l'être d'autrui comme une transcendance qui conditionne l'être même de cette intériorité »54.

- L'autre n'est pas moi-même. Mais cela ne veut pas dire qu'il est une substance qui demeure séparée de moi par un gouffre infranchissable. La négativité ou l'altérité de l'autre n'est pas une négation externe, mais une négation interne, une négation qui est donc mienne, qui est une dimension de ma propre conscience.

- L'autre est un autre sujet : il ne peut par conséquent être donné de manière frontale comme un objet. Autrui n'apparaît donc pas en face de moi. Mais si mon expérience d'autrui est réellement l'expérience d'un autre sujet, cela signifie que je ne peux trouver un accès à l'autre qu'en devenant un objet pour lui, en étant regardé par lui. L'expérience de l'autre comme autre sujet, un « alter ego », est l'expérience du regard. Comme nous le voyons, Sartre ne met pas en question la notion d'alter ego, qui nous paraissait être une notion contradictoire. Mais au lieu de trouver un passage susceptible de mener de l'ego propre à l'ego de l'autre (chemin qui a été celui de Husserl dans la cinquième Méditation cartésienne), Sartre prend comme point de départ « la subjectivité de l'autre a», il se place donc du point de vue de l'autre et tente de définir l'expérience que fait l'ego lorsqu'il est regardé par un autre. L'analyse de notre auteur commence par une question : « Quelle est la signification de l'apparition banale d'autrui dans le champ de ma perception ?»55. La scène dont il part est tout à fait banale ; il dit : « Je suis dans un jardin public. Non loin de moi, voici une pelouse et, le long de cette pelouse, des chaises. Un homme passe prés des chaises. Je vois cet homme. Je le saisis comme un objet à la fois et comme un homme. Qu'est-ce que cela signifie ? »56.

Cela signifie que : l'apparition de l'autre est pour moi l'expérience de la décentralisation de mon monde : "Je ne puis plus me mettre au centre" de la relation entre cet

54 Ibid., p. 282.

55 Ibid., p. 293.

56 Ibid., p. 300.

objet particulier qu'est autrui et les autres objets du monde. Comme Sartre le dit en une formule frappante : "Ainsi tout à coup un objet est apparu qui m'a volé le monde". Je fais alors l'expérience de la perte de mon univers, ce qui veut dire que l'expérience que j'ai maintenant de moi-même est l'expérience d'une passivité, d'un être vu par l'autre : << L'être-vu par-autrui est la vérité du voir-autrui »57 affirme-t-il, de sorte que, pour lui, "l'autre est par principe celui qui me regarde". La seule expérience possible d'autrui est l'expérience de mon être-pour-autrui : c'est une expérience passive et non pas active, l'expérience consistant à devenir objet pour l'autre. Mais en devenant un objet pour l'autre, je reste un sujet, parce que je reste conscient de mon être-vu-par-l'autre. Je fais l'expérience de mon devenir un objet pour l'autre à travers le fait qu'il me regarde, de sorte que mon devenir objet demeure mon expérience propre. Mais quelle est la signification du regard de l'autre ?

Notre auteur explique que le regard n'est pas nécessairement en relation avec quelque chose de sensible apparaissant dans notre champ perceptif. L'expérience du regard n'est pas une expérience empirique : << Bien au contraire, loin de percevoir le regard sur les objets qui le manifestent, mon appréhension d'un regard tourné vers moi paraît sur fond de destruction des yeux qui "me" regardent »58.

Selon lui donc, lorsque nous apercevons le regard, nous cessons de percevoir les yeux, de sorte qu'il est impossible de remarquer la couleur des yeux qui nous regardent parce que "le regard de lautre masque ses yeux"59. Je ne peux donc pas en même temps voir les yeux de l'autre et voir son regard. Ce qui veut dire qu'il m'est impossible de situer dans le monde la source de ce regard, car si je tente de le faire, je deviens pour moi-même un regard et je ne peux donc découvrir que les objets du monde et non pas le regard des autres sujets.

L'expérience du regard ne peut par conséquent être seulement l'expérience de mon être-regardé. Nous pouvons maintenant comprendre que le regard puisse être donné sans être associé à l'apparition d'une forme sensible et qu'il puisse être donné sans aucune relation avec les yeux de l'autre, lorsqu'il y a par exemple le bruit d'un pas, ou un léger mouvement d'un rideau à la fenêtre, ou un froissement de branches. Sartre donne à ce propos des exemples assez convaincants : << Pendant un coup de main, les hommes qui rampent dans les buissons saisissent comme un regard à éviter, non deux yeux, mais toute une ferme blanche qui se découpe contre le ciel [et]... imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, par vice,

57 Ibid., p. 303.

58 Ibid., p. 304.

59 Ibid.

à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure... Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde. Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être »60. Ces exemples montrent que le regard ne peut pas être compris comme un événement empirique, mais comme la modalité de l'apparition de l'autre comme sujet. Une telle expérience de la découverte du regard de l'autre sur moi se manifeste par la "honte".

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius