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Les fondements ontologiques de la liberté dans l'etre et le néant de Jean-Paul Sartre

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par Jean-Merci ENDJIKESSE
Grand Séminaire Spiritain International Père Daniel BROTTIER de Libreville - Licence 2009
  

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II. 4 #177; / 9eISOIMPR3ERlaRhonte HP P IR3OMNIP 117R39-7r1.

Sartre reprend la question développée par Hegel dans La Phénoménologie de l'esprit : celle de la structure du pour-autrui. En décrivant cette nouvelle structure, il part de « la honte », cette saisie de soi-mrme devant l'autre. Il privilégie l'expérience du regard : quand l'autre me regarde, la situation m'échappe : je ne suis plus qu'une transcendance transcendée, une liberté dépassée : « Par le regard d'autrui, je me vis comme figé au milieu du monde, comme en danger, comme irrémédiable. Mais je ne sais ni qui je suis, ni quelle est ma place dans le monde, ni quelle est face ce monde où je suis tourné vers autrui. »61

En effet, pour Sartre, la honte est une modalité de la conscience, elle est ce cogito qui me donne immédiatement l'existence d'autrui. Il précise là que la honte est un mode de conscience qui, comme tout autre mode de conscience, peut être décrit en termes d'intentionnalité : « Sa structure est intentionnelle au sens où elle est lappréhension de quelque chose, et ici, ce quelque chose c'est moi-même, qui ai "honte" de moi-même. La honte accomplit donc une relation interne de moi à moi »62. Mais la honte n'est pas originellement réflexive, en dépit du fait qu'elle est une conscience de soi, parce que je ne peux avoir honte de moi-même que devant quelqu'un d'autre. Dans la honte, l'autre est l'indispensable médiateur entre moi et moi-même, au sens oil je ne peux avoir honte de moi que lorsque j'apparais devant autrui63.

La description de Sartre est à nouveau ici tout à fait convaincante : je n'ai honte que lorsque je vois ma conduite à travers les yeux de l'autre, du fait que je suis alors mis dans la position de me juger moi-même de manière objective. Mais ce processus d'auto-objectivation est quelque chose qui arrive du dedans de moi-même, de sorte que dans la honte, je reconnais

60 Ibid., p. 304-305.

61 Ibid., p. 314.

62 Ibid., p. 265.

63 Ibid.

que je suis tel que l'autre me voit : << La honte est, par nature, reconnaissance >>64. Je ne procède pas à une comparaison entre moi tel que je suis pour moi-même et moi tel que je suis pour l'autre, parce qu'une telle comparaison entre mon être-sujet et mon être-objet est impossible, mais au contraire l'autre me révèle comme un type d'être nouveau que je suis maintenant pour moi-même : « La honte est la honte de soi devant autrui. Les deux structures sont inséparables >>65 ; ce qui veut dire que dans la honte j'ai une relation d'être avec autrui.

Cela implique donc que l'autre ne fait pas partie du monde : << Par le regard de l'autre, je fais l'épreuve concrète qu'il y a un au-delà du monde. Autrui m'est présent sans aucun intermédiaire comme une transcendance qui n'est pas la mienne. Mais cette présence n'est pas réciproque...Transcendance omniprésente et insaisissable... tel est le regard de l'autre quand je l'éprouve d'abord comme regard »66. En faisant l'expérience du regard, je fais l'expérience de la subjectivité insaisissable de l'autre et de son infinie liberté. On comprend alors pourquoi Sartre a pu dire quelques pages auparavant, dans un passage où il se référait à Kafka, que << Dieu n'est ici que le concept d'autrui poussé à la limite »67. Car, comme il l'explique, le regard ne peut pas être rapporté à un nombre déterminé de sujets, du fait que l'expérience de la pluralité et de la singularité n'est possible que dans le monde. De sorte qu'il y a deux possibilités de se détourner du regard d'autrui : soit en regardant ceux qui me regardent et en faisant ainsi d'eux une multiplicité de consciences existant dans le monde, soit en tentant d'unifier le regard d'autrui en un être infini et en obtenant ainsi la notion purement formelle de Dieu compris comme le sujet omniprésent et infini pour lequel j'existe68. En fait, nous ne faisons jamais l'expérience ni d'un unique regard ni d'une pluralité de regards, mais il s'agit plutôt d'une réalité impalpable, fugace et "omniprésente" à laquelle il convient de réserver le mot "on". On comprend à partir de là que Sartre puisse affirmer : << Perpétuellement, où que je sois, "on" me regarde. On n'est jamais saisi comme objet, il se désagrège aussitôt >>69.

Sartre peut par conséquent définir la honte comme "le sentiment originel davoir mon être dehors, engagé dans un autre être et, comme tel, sans défense aucune", comme "la conscience d'être irrémédiablement ce que j'étais toujours" et comme "le sentiment de chute originelle", au sens où du fait d'autrui je suis tombé dans le monde et ai désormais besoin de

64 Ibid.

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Ibid., p. 312.

68 Ibid., p. 328.

69 Ibid., p. 329.

la médiation d'autrui pour être ce que je suis70. La honte est ainsi l'appréhension unitaire de trois dimensions : « "J'ai honte de moi devant autrui", ce qui suppose la simultanéité de mon être conscient de mon propre être et mon être un objet pour l'autre »71.

Il ne semble donc pas qu'il puisse y avoir pour Sartre de rapports harmonieux avec autrui. C'est ce qui explique qu'il fasse plus de place aux expériences concrètes où nous nous découvrons en conflit avec autrui qu'à celles où nous sommes en communauté avec lui et qu'il consacre des analyses plus convaincantes à la haine et au sadisme qu'à l'amour qui, selon lui, débouche toujours sur un échec. Il n'y a pas, pour Sartre, de possibilité réelle de respect de la liberté d'autrui, pas même dans l'indifférence, car notre situation originelle est celle du face-àface avec autrui, dont notre seule existence limite déjà sa liberté sans qu'aucun de nos actes ne puisse changer quoi que ce soit à cette injustice première. Sartre, bien qu'athée déclaré, trouve ici un fondement philosophique à l'idée de culpabilité et de péché. Il déclare en effet : « Ainsi, le péché originel, c'est mon surgissement dans un monde oil il y a l'autre, et quelles que soient mes relations ultérieures avec l'autre, elles ne seront que des variations sur le thème originel de ma culpabilité »72. C'est donc sur le fond d'une telle culpabilité fondamentale à l'égard d'autrui que l'on peut comprendre le phénomène de la haine qui consiste à vouloir purement et simplement la mort de l'autre.

26

70 Ibid., p. 336.

71 Ibid., p. 337.

72 Ibid., p. 461.

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I. LES FONDEMENTS ONTOLOGIQUES DE LA LIBERTE

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote