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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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I- L'INCLUSIVISME CHRISTOLOGIQUE CONSTITUTIF

Pour l'inclusivisme, dire que la médiation du Christ est constitutive, cela va de soi, tel que nous l'avons souligné en précisant les caractéristiques de cette approche. Cependant, pour besoin de clarté, l'on appellera constitutive cette christologie qui accentue de façon significative la médiation salvifique du Christ comme essentielle. Le concept « constitutif » renvoie à deux autres : l'unicité et l'universalité,

« elles appartiennent à l'essence du salut, en ce que Jésus-Christ possède une signification salvifique pour l'humanité tout entière, et que l'évènement-Christ - en particulier le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection - est vraiment « cause » de salut pour tous les hommes. Il scelle entre la Divinité et le genre humain un lien d'union qui ne pourra jamais être rompu et constitue le canal privilégié à travers lequel Dieu a choisi de partager la vie divine avec les êtres humains. »65(*)

1- Karl Rahner et les « chrétiens anonymes »

a- L'anthropologie et la christologie transcendantales

Karl Rahner est un théologien à la pensée riche et complexe, subtile et architectoniquement ramifiée. Pour arriver à ressortir efficacement les traits de sa christologie transcendantale en lien avec le débat du pluralisme religieux, nous partirons de l'anthropologie qui le conduit à la thèse des « chrétiens anonymes », et pour cause. Mais avant, précisons que son inclusivisme se manifeste par la valeur qu'il concède aux religions non chrétiennes. En effet, d'après Evelyne Maurice, pour Rahner, « dans l'acquisition du salut par un non-chrétien, on ne peut concevoir que les religions non-chrétiennes ne jouent aucun rôle. »66(*)

Si la volonté salvifique universelle de Dieu figure parmi les multiples héritages thomistes de la pensée du théologien allemand, les concepts « transcendantal » et « catégorial », eux, trahissent son attache à la philosophie heideggérienne et son affinité pour l'ontologie fondamentale. En effet, quelle que soit sa situation : « l'homme, comme personne et sujet, est habité par une expérience transcendantale qui anime de l'intérieur toute son activité catégoriale. »67(*) Le domaine du catégorial ou du savoir thématique réfère au pôle du langage, de notre activité de connaissance et du vouloir. Celui-ci, à son tour, dépend d'un autre pôle proprement « subjectif, infiniment plus difficile à définir et à saisir, parce que, par hypothèse, il échappe toujours à la thématisation. »68(*) Et « ce pôle subjectif (...) de notre conscience est la condition de possibilité de toute connaissance réflexive. »69(*) Son ampleur est infinie, et pour le sujet, il « est pure ouverture à absolument tout, à l'Etre en général. »70(*) On est en présence du creuset du désir infini qui porte l'homme dans l'ordre de la connaissance et du vouloir, la source de l'insatiable qui l'habite. A cause de ce mouvement qui « transcende » toujours, porte continuellement le sujet au dépassement, Karl Rahner parle de l'expérience transcendantale. Toutefois, l'existential ou le transcendantal surnaturel propre à l'historicité de la personne ne saurait se réduire à une simple puissance obédientielle ou une puissance passive d'autotranscendance en Dieu sans plus.

Ce mystère qui actue l'homme au plan transcendantal est théologiquement nommé Dieu, de sorte qu'on peut affirmer qu'il « est donné pour ainsi dire un savoir anonyme et non thématique de Dieu. »71(*) Les traditions religieuses n'assument de facto qu'une médiation catégoriale inchoactive de la transcendantalité surnaturellement élevée.

Ensuite, la révélation, don gracieux de Dieu, fruit de l'initiative de Dieu est proposée à un sujet qui y est ontologiquement disposé : « Le mouvement transcendantal de l'esprit, ordonné du mystère absolu dans la connaissance et la liberté, est porté par Dieu lui-même en son autocommunication, de telle sorte que ce mouvement a son terme et son origine (...) dans le Dieu d'absolue proximité et immédiateté. »72(*) Le concept de « chrétiens anonymes » peut alors mieux se comprendre : 

« Celui qui ne se trouve en aucune manière en lien historique concret avec la prédication expresse du christianisme peut néanmoins être un homme justifié, qui vit dans la grâce de Dieu. Il ne possède pas seulement alors cette autocommunication surnaturellement gracieuse de Dieu comme une offre, comme un existential de son existence ; mais il a également accueilli cette offre, et possède ainsi proprement l'essentiel de ce que le christianisme veut lui transmettre : son salut dans la grâce qui objectivement est celle de Jésus Christ. Parce que l'autocommunication transcendantale de Dieu comme offre à la liberté de l'homme est, d'un côté, un moment de cette autocommunication de Dieu au monde qui en Jésus Christ possède son terme et son point culminant, l'on peut parler sans hésiter d'un `chrétien anonyme'. Mais il reste vrai néanmoins que (...) n'est chrétien, dans la dimension de l'historicité réfléchie de cette autocommunication transcendantale de Dieu, que celui qui se déclare expressément en faveur de Jésus le Christ par la foi et le baptême. »73(*)

Le chrétien anonyme est ainsi celui qui rencontre le Christ sans le savoir à travers le double mouvement de l'acceptation de son humanité et de l'amour du prochain.74(*) Du reste, le théologien ne laisse pas subsister d'amalgame entre le christianisme anonyme et le christianisme plénier :

« Il existe un christianisme implicite, anonyme... Nous avons déjà eu très souvent à souligner qu'existe parfaitement et doit exister un rapport dans une certaine mesure anonyme et cependant réel de l'homme individuel à la concrétude de l'histoire du salut, et par suite aussi à Jésus Christ, et cela en celui-là même qui n'a pas encore fait toute l'expérience historique concrète, en même temps qu'explicitement réfléchie, dans la parole et le sacrement, qui le lierait à cette réalité de l'histoire du salut, mais possède un rapport existentiellement réel de façon simplement implicite, dans l'obéissance (...) au Dieu de l'autocommunication absolue, (...) en ce que cet homme accueille sa propre existence sans prévention [...] A côté de quoi il y a le christianisme plénier, venu explicitement à lui-même dans l'écoute croyante de la parole de l'Evangile, dans la confession de l'Eglise, dans le sacrement et dans l'accomplissement explicite de la vie chrétienne, cet accomplissement qui se sait lui-même en rapport avec Jésus de Nazareth. »75(*)

Cela dit, il nous en chaut de nous pencher sur la christologie transcendantale que nous qualifierons de logologie pro-anthropologique, car, le Christ de Rahner qui se rapporte à l'homme est le Logos en tant que principe d'autocommunication intramondain de la vie intratrinitaire. Le jésuite n'a-t-il pas lui-même déclaré que « la Trinité économique de l'histoire du salut est la Trinité immanente »76(*) pour identifier l'être-en-soi de Dieu à l'être-pour-nous de Dieu tel qu'il s'est révélé dans l'histoire du salut ? De manière analogue, la christologie rahnérienne, fortement marquée par l'autocommunicativité du Logos, tente de réfléchir sur l'être du Logos dans son mouvement de donation à l'homme.

A travers l'incarnation qui est le sommet de l'autocommunication de Dieu, le Logos de Dieu, le muable immuable de par la logique kénotique, assume la créature. A l'anthropologie transcendantale correspond à l'évidence une christologie transcendantale qui, à coup sûr, est l'union ontologique de l'homme au Verbe de Dieu : « l'incarnation apparaît comme l'origine nécessaire et permanente de la divinisation du monde en son ensemble. Dans la mesure où advient, en ouverture sans réserve, la proximité insurpassable au mystère absolu que Dieu est et demeure »77(*). L'union hypostatique est l'expression particulière de cette solidarité du Verbe avec l'humanité, une solidarité qui relève l'homme déchu. Daniel Woung émet une glose dans ce sens : « En Jésus l'humanité atteint son niveau ontologique le plus élevé grâce à l'acte créationnel par lequel Dieu lui-même assume cette humanité. »78(*) Le Logos pose l'homme comme la préoccupation ultime de Dieu, abstraction faite de sa croyance religieuse (qui relève du catégorial), au point de faire de lui un mystère, c'est-à-dire le lieu de la contenance et du dévoilement de Dieu  tout à la fois: « L'homme est alors, pour l'éternité, le mystère de Dieu proféré, mystère qui, pour l'éternité, a part au mystère de son fondement. »79(*) Enfin, lisons l'éminent théologien allemand ressortir à merveille le caractère pro-anthropologique de sa christologie : « Parce qu'elle est l'unité de l'être proprement dit de Dieu et de l'homme à travers l'autodiction personnelle de Dieu dans son Logos éternel, la christologie est commencement et terme de l'anthropologie, et cette anthropologie dans sa réalisation la plus parfaite, est pour l'éternité théologie. »80(*)

* 65 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op. Cit., p. 257.

* 66 MAURICE Evelyne, La christologie de Karl Rahner, coll. « Jésus et Jésus-Christ. », n°65, Desclée, Paris, 1995, p. 216.

* 67 SESBOUE Bernard, « Karl Rahner et les « chrétiens anonymes » dans Etudes, 5, Vol 361, novembre 1984, p. 523.

* 68 Ibidem.

* 69 Ibidem.

* 70 RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi, Centurion, Paris, 1983, p. 32.

* 71 Ibidem, p. 34.

* 72 Ibidem, p. 154.

* 73 Ibidem, p. 203.

* 74 Cf. Ibidem, pp. 257-258.

* 75 Ibidem, pp. 342-343.

* 76 Ibidem, p. 160.

* 77 Ibidem, p. 208.

* 78 WOUNG DOB Daniel, L'unicité et l'universalité de Jésus-Christ chez Rahner, herméneutique du « devenir-homme de Dieu », pour une affirmation de l'unité de la protologie et de l'eschatologie, thèse de doctorat, Université pontificale La Grégorienne, Rome, 2006, p. 28.

* 79 RAHNER Karl, Op. Cit., p. 255.

* 80 Ibidem, p. 255.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo