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Syndicats de salariés et territoire : La place des syndicats dans l'Intelligence Economique Territoriale

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par Philippe LATOMBE
IAE-IEMN Nantes - Master II 2010
  

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I Les syndicats doivent prendre une place au sein de l'IET

Si l'on se réfère de nouveau à la définition de Bertacchini ou de Bozzano, l'IET doit être appréhendée comme un système global dans lequel les acteurs internes sont en interaction permanente, et dirigés vers le même objectif de résolutions de problématiques économiques et sociétales du territoire. Il ne s'agit pas d'interdépendances simples, mais en fait d'une multiplicité d'interactions croisées et complexes : le territoire évolue en effet en permanence (soit de son propre fait, soit par la confrontation à des stimuli ou contraintes externes incessantes -par exemple réglementaires, budgétaires, concurrentielles...-) et repose sur des acteurs internes qui fonctionnent sur un mode « anthropologique » [Bertacchini op cit]. La multiplicité de ces interactions a fait l'objet de nombreuses études notamment de la part de laboratoires en Sciences de Gestion et de l'Information21(*) ou en Sciences de la Communication22(*) , qui ont montré que celles-ci reposaient essentiellement sur la capacité des acteurs à se regrouper pour partager des savoirs et bonne pratiques individuelles et expérimenter ensemble leur adaptation à la résolution de leurs problématiques communes (notion de territoire apprenant [Bouchet op cit]). Ces travaux ont mené à la formalisation de méthodes de travail (Catalyse®, DECiLOR,...) généralement mise en pratique selon un mode projet. Cet échange permanent entre les acteurs ne peut donc pas s'effectuer en sens unique, ce qui impose que notre réflexion sur la place des syndicats dans l'IET doit se pencher sur l'existence d'une « symbiose »23(*), ou en tous les cas d'une réelle coopération réciproque entre eux. Les syndicats doivent avoir une place au sein de l'IET pour y apporter des savoirs, informations, analyses et avis, mais également être en mesure d'en retirer une capacité à adapter les enseignements reçus des autres pour assurer son propre développement.

Cette place « gagnante-gagnante » (ou plus précisément à la fois apprenante et enseignante) des syndicats doit s'inscrire dans le processus et le mode de fonctionnement de l'IET. Celui-ci est basé essentiellement sur la mise en place d'un processus itératif qui, ainsi que nous l'avons évoqué précédemment, a été longtemps réduit au seul cycle du renseignement et de la veille stratégique (tels que les pratiquent les états et les grandes entreprises).

*plan de recherche : outil méthodologique qui permet de cerner l'information nécessaire afin de collecter l'information pertinente et d'éviter le « bruit » (information parasite)

Figure 1 - Cycle du renseignement (ou de la connaissance). Source Portail de l'IE. Etat français.

Ce cycle itératif repose sur quatre piliers (exprimés sous forme grammaticale nominale ce qui démontre un système relativement statique). Il a été rapidement complété par les chercheurs en organisations ou en techniques de l'information par l'intégration :

- de la notion d'action, car le processus a pour objectif de permettre au client (dans notre cas le Territoire) de décider et d'agir

- de stockage des données et des apprentissages, pour permettre de conserver une « mémoire »

- et enfin d'évaluation de la décision pour permettre de la remettre en question ou au contraire de la renforcer.

Figure 2 - Cycle de la veille industrielle applicable méthodologiquement à l'IET.

C'est ce schéma, formulé initialement pour représenter le cycle de veille industrielle, qui est utilisé par la majorité des acteurs territoriaux et que nous retiendrons comme mode de fonctionnement de l'IET au sein de ce mémoire.

A la lumière de ce processus nous allons montrer, en premier lieu, en quoi l'IET et les syndicats sont complémentaires dans la collecte d'informations économiques et sociales stratégiques, leur analyse et leur diffusion en réseau (A), et en second lieu, en quoi ils partagent, par leurs actions et décisions économiques, la capacité de renforcer le territoire et de le rendre socialement plus attractif (B).

A- Un fonctionnement originel tourné vers la collecte d'informations et l'élargissement du réseau territorial

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les syndicats disposent de prérogatives légales importantes (et qui se sont progressivement renforcées), qui rendent son rôle dans la collecte et l'analyse des informations économiques et sociales nécessaires au bon fonctionnement de l'IET. Ces prérogatives leurs ont été conférées du fait de leur participation active dans les réseaux de résistance en France lors du conflit mondial. Cette participation naturelle aux réseaux de résistance est liée à la nature même du fonctionnement syndical et à son histoire24(*). Ces prérogatives en matière économique légitiment leur place eu sein de l'IET sur son pilier de collecte et d'analyse de l'information (1), et sa nature même de fonctionnement en réseau accentue de fait sa légitimité à être un acteur majeur du cycle de l'IET (2).

2. Une légitimité dans la collecte et l'analyse d'informations économiques.

Dès la Libération et dans l'optique de diriger l'ensemble des forces nationales dans le même but de reconstruction du pays, le législateur a accordé aux « travailleurs » un droit constitutionnel de participation à la gestion des entreprises par l'intermédiaire de leurs représentants. Ce droit a été inscrit de manière législative forte par l'ordonnance du 25 février 1945 et a été complété par la loi du 16 mai 1946 qui instaure la création des Comités d'Entreprise (CE). La loi de 1946 donne essentiellement un but social aux CE en les chargeant de la gestion des oeuvres sociales de l'entreprise, mais leur attribue également un rôle consultatif (uniquement) en matière économique. Ce nouveau rôle attribué au syndicat va générer des insatisfactions, tant au niveau patronal qu'au sein de certains syndicats qui ne veulent pas se voir confier de rôle ou de prérogatives économiques25(*). Il va rester en l'état jusqu'en 1966, et la promulgation de la loi du 18 juin qui accorde aux CE un droit de regard sur l'emploi au sein de l'entreprise et notamment sur les réductions d'effectif. Un autre palier dans le droit à l'information économique pour les syndicats est à nouveau franchi en 1974 avec la reconnaissance par l'Etat que les syndicats sont un « partenaire »26(*) mais ne doivent pas disposer d'un droit de véto ou de décision en matière économique dans l'entreprise : « les extensions de compétences ne pourraient aller jusqu'à conférer au CE un pouvoir de veto ou de codécision »27(*). C'est cette doctrine qui va perdurer jusqu'à maintenant, même si depuis le droit d'accès à l'information s'est renforcé quant à son formalisme (obligation de présenter les comptes annuels, des documents de gestion prévisionnelle, droit à l'examen des comptes sociaux par un expert mandaté par le CE...)28(*).

Ce droit d'accès à l'information économique des entreprises est fondamental pour l'IET. Les syndicats sont en effet en mesure, légalement et de plein droit, de disposer des comptes sociaux N-1 des entreprises au même moment que les actionnaires (concomitance des examens des comptes par le CE et des Assemblées Générales d'Actionnaires constatant le résultat de l'exercice social car la loi fixe 6 mois comme délai maximal dans les deux cas) mais également d'avoir accès à des documents de travail (budgets prévisionnels...) que les actionnaires n'ont pas forcément à disposition pour l'exercice en cours. De plus la loi impose la consultation du CE lors d'évènements particuliers (plan de sauvegarde de l'emploi -PSE-...). L'ensemble de ces informations doit être obligatoirement et systématiquement fournit aux représentants des salariés élus au CE (ainsi qu'aux Représentants Syndicaux) sous peine de condamnation pénale29(*). Ainsi, sans nécessiter d'efforts de collecte spécifiques, les syndicats disposent de l'intégralité des informations économiques sur les entreprises composant le tissu économique du territoire, pourvu que ces entreprises disposent d'un CE. En effet les entreprises de moins de 50 salariés n'ont pas l'obligation de constituer un CE (ce sont en ce cas les Délégués du Personnel qui disposent par la loi des attributions des élus au CE), or en dessous de 11 salariés les entreprises n'ont pas l'obligation de procéder à l'élection de représentants du personnel (DP). Or le tissu économique territorial est essentiellement composé de PME-PMI voir TPE dont le nombre de salariés est inférieur aux seuils permettant l'accès aux informations économiques.

Même si les informations économiques légalement transmises aux syndicats ne sont donc pas exhaustives en terme de nombre, leur qualité et leur présentation en font une source précieuse puisque directement exploitable. La qualité de l'information est essentielle dans le cycle de l'IET car elle permet de l'accélérer en évitant d'avoir à recouper celle-ci avec d'autres sources pour la vérifier. En ce sens les syndicats sont un acteur incontournable dans le cycle, d'autant qu'ils disposent souvent des informations stratégiques pour l'économie du territoire avant même la survenance des évènements et l'information des autres acteurs. Ainsi, par exemple, la consultation d'un CE dans une entreprise afin d'envisager la mise en place d'un PSE est préalable à sa mise en action. Cette information peut être directement intégrée dans le cycle de l'IET avec un degré de certitude de survenance de l'évènement annoncé extrêmement fort, ce qui peut permettre la prise de décision par les acteurs d'anticiper l'évènement par la mobilisation de tous et la création (par exemple) d'une cellule de reclassement bénéficiant de l'aide et l'appui des services déconcentrés de l'Etat ou des collectivités locales (Pôle Emploi, Directions Départementales du Travail, Maisons de l'Emploi...). Ces informations sont donc d'excellente qualité et d'arrivage permanent ce qui offre aux syndicats une place de choix dans l'IET.

De plus, l'organisation même des syndicats en « unions locales » (départementales et régionales notamment) permet une consolidation permanente des informations collectées sur l'ensemble d'un territoire pour en réaliser une analyse précise. Ce travail est généralement effectué par les Unions Régionales au titre de leur participation aux Conseils Economiques, Sociaux et Environnementaux Régionaux (CESER). Cette participation est de droit pour les syndicats de salariés (représentatifs au niveau national30(*)) au sein de cet organisme31(*). Par nature les CESER sont un lieu de concertation et d'échange d'informations dans le but d'émettre un avis ou porter un jugement sur des sujets économiques et sociaux intéressant un territoire régional. Même si un territoire, on l'a vu précédemment, n'est pas obligatoirement une région mais peut avoir une taille infra-régionale, la participation des syndicats à l'action des CESER est également un argument pour justifier sa légitimité à avoir sa place au sein de l'IET. Les missions des CESER rentrent parfaitement dans le champ de l'IET car ils collectent des informations en lien avec les besoins des acteurs et décideurs politiques, en pratiquent l'analyse et le traitement afin de les synthétiser pour permettre une décision. De même, les CESER sont souvent chargés d'évaluer des politiques ou expérimentations territoriales afin d'en envisager la généralisation à l'ensemble de la région (ou son abandon). Là encore, la participation des syndicats à ce processus « apprenant »32(*) permet de légitimer leur appartenance comme étant un acteur important voir incontournable de l'IET.

Enfin, de nombreuses autres instances existent au niveau local et dans lesquelles les syndicats peuvent acquérir de manière aisée de l'information. Les Comités de Bassin d'Emploi (CBE) sont un exemple de ces instances dans lesquelles les syndicats sont en mesure de glaner de l'information économique pré-analysée et fiable. Les CBE sont définis par la loi comme "des instances locales d'animation du dialogue social, de concertation et d'action dont l'objectif est de contribuer à l'amélioration de la situation locale de l'emploi et du développement local des territoires". Leur fonctionnement et leur composition33(*) rendent la présence des syndicats de salariés obligatoire car ils composent à eux seuls un collège. Y sont invités les services déconcentrés de l'Etat et notamment de façon quasi-systématique les Directions Départementales du Travail, Pôle Emploi et l'AFPA. La définition donnée par la loi des objectifs d'un CBE, de sa composition et de son mode d'action collégiale en mode projet permettent de considérer que ceux-ci sont des exemples (parmi d'autres) concrets et existants d'IET. La place légale et obligatoire des syndicats au sein des CBE prouve à nouveau que ceux-ci ont une place légitime au sein de l'IET, et que leur rôle dans la collecte de l'information économique est primordial pour les autres acteurs.

A l'inverse, les syndicats ne peuvent pas se dispenser d'être présents au sein de l'IET, et en ce sens, leur participation est bien conforme à la notion de symbiose évoquée précédemment et que nous avons retenue pour démontrer la légitimité de la place des syndicats dans l'IET. Comme nous l'avions indiqué, les syndicats ne sont pas forcément représentés dans toutes les entreprises implantées sur les territoires. Leur place légale ne commence qu'à compter du 11ème salarié. En dessous de ce nombre leur présence est généralement faible, le taux de syndicalisation des salariés dans les TPE étant marginal34(*). Cette absence des syndicats au sein d'une partie du tissu économique territorial génère donc un défaut d'obtention d'informations économiques cruciales pour ceux-ci. Il leur faut essayer de combler cette absence par la diversification des sources potentielles d'information. Ainsi, la participation à l'IET est un moyen palliatif pour les syndicats de partager de l'information en flux entrant, en contrepartie de leur apport (flux sortant). De même, les syndicats sont, par leur statut, absents de certaines instances territoriales, notamment les collectivités locales (communes, communautés de communes...) ou les sociétés chargées de gérer ou d'aménager le territoire (SEM par exemple). Cette absence est préjudiciable pour les syndicats car ces instances ont un rôle économique fort sur le territoire du fait de leurs prérogatives en matière économique, sociale ou d'aménagement de l'espace. Les syndicats ne participant pas aux travaux préparatoires (car n'étant pas membres de ces entités), ils bénéficient du même niveau d'information que les citoyens : droit d'accès à l'information au moment de la décision (de son vote ou de la publication de la décision par voie légale) ou droit à s'exprimer dans le cadre d'enquêtes (enquêtes d'utilités publiques par exemple dans le cadre d'un aménagement d'espace soumis à cette procédure). Ainsi, à nouveau, les syndicats doivent pouvoir pallier ce manque d'information préalable afin de pouvoir influer sur les décisions à venir et tenter de les rendre conformes à leurs objectifs ou intérêts. La création ou l'implantations d'infrastructures de transport sont souvent des sujets sur lesquels les syndicats veulent avoir des informations en amont afin de pouvoir évaluer leur impact futurs en terme de création ou de destruction d'emplois. La seule façon de pouvoir bénéficier des informations nécessaires à cette évaluation est la participation comme acteur légitime, incontournable et reconnu de l'IET. A ce titre en effet, les syndicats peuvent être associés aux réflexions en cours et ainsi se forger leur propre opinion pour influer ensuite sur les décisions, ce qui est leur but.

Ainsi, la participation des syndicats dans l'IET en ce qui concerne la collecte d'information est essentielle à la fois pour les autres acteurs, car les syndicats bénéficient de sources d'information de premier ordre et d'une grande réactivité (car souvent en anticipation), mais également pour les syndicats, car elle leur permet de compenser leur absence dans certaines entreprises ou instances locales décisionnaires.

* 21 Par exemple LARGEPA (LAboratoire de Recherche en sciences de GEstion Panthéon Assas) (Paris II)

* 22 Par exemple EURISTIK Centre de recherche de l'IAE de LYON (Lyon 3)

* 23 Dans le sens biologique réduit d'une association à bénéfice réciproque, mais non exclusive ni obligatoire.

* 24 Les syndicats sont issus des mouvements corporatistes (métiers, compagnonnages) et ont subi, à la suite de la Loi le Chapelier en 1791 et jusqu'en 1864 ( Loi OLLIVIER), une répression féroce visant à les faire disparaître.

* 25 Le Crom (1997), « Le comité d'entreprise une institution sociale instable, communication au colloque «L'enfance des comités d'entreprise » 1996.

* 26 Rapport remis au Premier Ministre par Pierre Sudreau

* 27 Avis adopté par le Conseil économique et social, saisi par le Premier ministre sur la réforme de l'entreprise (juillet 1975).

* 28 Lois dites AUROUX et notamment celle du 4 août 1982

* 29 Délit d'entrave au CE (art L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8)

* 30 Notion de représentativité syndicale depuis la loi du 20 août 2008

* 31 Place quantifiée par la loi à 35% des sièges pour les syndicats représentant les salariés.

* 32 Au sens de « territoire apprenant » op cit

* 33 Décret n°2002-790 du 3 mai 2002 et circulaire n°2004-007 du 16 février 2004

* 34 D'où le projet de création de Commission Paritaires territoriales pour permettre l'entrée des syndicats au sein des TPE - Projet abandonné en juillet 2010 contre l'avis du gouvernement par le groupe majoritaire à l'Assemblée Nationale.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand