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Syndicats de salariés et territoire : La place des syndicats dans l'Intelligence Economique Territoriale

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par Philippe LATOMBE
IAE-IEMN Nantes - Master II 2010
  

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Conclusion 

«  Les partis politiques et les syndicats traditionnels ne sont plus les supports de la démocratie représentative. Ils n'incarnent plus la réalité du terrain sinon en terme purement corporatiste. Ils ne sont plus constructeurs de narrations qui parlent au coeur des gens. »84(*). C'est en ces termes qu'Edgar Morin affirme que les syndicats sont en voie de perdre leur place au sein de la société. La professionnalisation des acteurs syndicaux et l'importance de la baisse de leur représentativité (mesurée par un taux de syndicalisation associé à un taux de participation aux élections professionnelles faibles) peut effectivement démontrer une perte effective de représentation démocratique des salariés. Ce point de vue est largement partagé, cantonnant les syndicats à une forme de groupe d'intérêt, voire de lobbying, et à un rôle de gestionnaire d'institutions sociales (Sécurité Sociale...). La loi portant réforme de la représentativité syndicale est, à la fois, la cause et la conséquence. La conséquence, car la loi ne fait que constater la perte de représentativité, la cause, car elle professionnalise encore un peu plus les acteurs syndicaux en les obligeant à être à la fois élus au Comité d'Entreprise et Délégués Syndicaux. Pour certains auteurs il s'agit d'un nouveau modèle de démocratie sociale85(*). Parallèlement à cette baisse de l'audience syndicale, les territoires ont pris une place importante dans l'activité économique humaine. Le territoire est un lieu de vie, donc de travail et de résidence, de loisirs et de proximité, dans lequel s'entrecroisent de nombreux acteurs. Cette interaction permanente entre acteurs au sein d'un espace aussi restreint rend sa gestion délicate. Elle peut conduire à une fragmentation de l'information, et à des actions où le territoire émietté s'apparente à une organisation de plus en plus complexe et opaque. Pour permettre une meilleure prise de décision, les territoires ont souhaité mettre en place un système permettant sa valorisation et son développement. Plusieurs approches de ce développement se sont faites jour. L'une, plutôt libérale, mise sur la mise en concurrence des territoires et fait reposer leur richesse sur leurs « avantages compétitifs » ; elle génère la mise en place d'actions par les territoires d'un environnement attractif, essentiellement des infrastructures permettant des économies externes et une fiscalité avantageuse, et vise une réussite à court terme car basée sur le temps des firmes. L'autre consiste à considérer les territoires comme des acteurs définissant, de manière autonome et en anticipation, un cadre de développement sur le long terme ; dans celle-ci la dynamique d'un territoire n'est plus simplement approchée de manière économique mais calée sur une vision temporelle. Ces deux approches, au départ antagonistes, sont intimement mêlées par le recours à un processus d'Intelligence Economique Territorial, basé sur un fonctionnement itératif qui associe l'ensemble des acteurs territoriaux afin d'anticiper leurs besoins. Celui-ci permet de coordonner l'immédiateté des besoins territoriaux en les replaçant dans un cadre de réflexion et d'anticipation à plus long terme.

Les syndicats de salariés sont l'un de ces acteurs. Certes ils n'apparaissent pas dans la littérature de l'IET comme l'un des principaux et sont plus généralement décrits comme des acteurs du Dialogue Social Territorial dans le sens légal du terme. Leur place est fixée dans un collège comme simple représentants des salariés. Au sein du cycle de l'IET, les syndicats ont pourtant une place légitime : leur réseau, leur capacité à obtenir des informations pertinentes, exhaustives, à les analyser et à permettre d'élaborer des solutions légales adéquates sont autant d'arguments qui militent en ce sens. Ils sont un maillon important de la vie sociale pour le territoire car ils sont acteurs de nombreuses institutions tant au sein des entreprises que plus largement au sein du territoire. La gestion des oeuvres sociales par les Comités d'entreprises et son budget conséquent est un exemple flagrant de cette participation à la vie du territoire, bien au-delà de leurs attributions légales strictes. Cette participation n'est pas assez mise en avant, car sans doute reniée par les OS elles-mêmes. Les syndicats français ont une longue histoire ainsi qu'une culture bien enracinés du conflit et de l'opposition. Celles-ci sont devenues quasi-génétiques et les empêche d'être des acteurs reconnus comme incontournables bien que légitimes de l'IET.

Pour permettre leur intégration pleine et entière dans ce processus, les syndicats vont devoir opérer des mutations conséquentes : opter pour la « coopétition » plutôt que l'opposition systématique, raisonner en anticipation et non plus en réaction lors de problématiques notamment sociales ou liées à l'emploi, accepter les expérimentations comme une méthode à part entière permettant une évaluation quantitative objective, mais aussi imaginer avec l'ensemble des acteurs des solutions de compromis. Ces modifications imposent que les syndicats dépassent leur mode de fonctionnement actuel sans pour autant modifier leur structure décisionnelle ; il s'agit d'un changement d'état d'esprit plus que d'organigramme. La formation des élus doit être privilégiée et l'ensemble des syndicats doivent opérer progressivement mais rapidement une implication croissante dans les territoires en s'insérant dans la vie « civile » et en acceptant de participer à sa gouvernance. L'avenir syndical est lié aux territoires. Son existence nationale est en permanence remise en question à la fois par l'Etat, et par le patronat : par l'Etat car les syndicats ne représentent plus qu'une faible part de la population (son audience est donc faible), par le patronat car sa capacité à accepter les changements de mode de gestion car la raréfaction des ressources de cotisations est préjudiciable au système dans sa globalité. Son existence au niveau des firmes est également mise à mal : son opposition systématique à la mutation de l'environnement économique, son « archaïsme » quant à la gestion des ressources humaines, sa division entre plusieurs « centrales » syndicales et l'individualisation de la gestion des carrières génèrent une défiance de la part des mandants. Les territoires apparaissent comme un nouveau champ d'expression sociale, plus en phase avec la réalité quotidienne. Les syndicats y ont beaucoup à gagner. Le territoire met en avant l'économie sociale et solidaire ; il remet au coeur l'humain, non pas comme simple ressource mais comme acteur ; il propose une dynamique d' « éco-système », dans le sens de système économique tout autant que de système écologique. En ce sens le territoire est sans doute le lieu de l'avenir syndical car ils partagent la même finalité : la défense des intérêts moraux, sociaux et économiques des salariés. L'activité humaine est ainsi structurée, il y a des entrepreneurs (des chefs au sens sociologique) et des salariés (des éxécutants). Les syndicats doivent retrouver leur rôle initial de représentation et de défense des intérêts économiques et moraux des « travailleurs86(*) » non-entrepreneurs, qui est en phase avec leurs valeurs. Le territoire peut le leur permettre.

L'IET est un processus apprenant [Bouchet] et cyclique. Il est essentiellement dirigé vers la performance économique à court, moyen et long terme pour les territoires.  Celle-ci passe par une « mutation permanente », mais également par un souci de concilier la performance économique avec la satisfaction de la population, afin d'avoir en permanence un solde migratoire positif (une attractivité migratoire supérieure à sa « répulsion », son exode). Le lien social est une donnée clef pour les territoires, qui misent énormément sur ce facteur, notamment sous son aspect culturel. Les syndicats ont la possibilité d'apporter une partie de ce lien, à condition de se conformer à un mode d'expression plus proche de la réalité économique, à un mode de fonctionnement « moderne » par projet et donc à une recherche du compromis plutôt que du « progrès ».

Sans doute est-ce là le prix pour faire mentir Edgar Morin, et, dans un contexte de globalisation de l'économie perçue comme destructrice d'emplois et de valeurs sociales par une partie de la population, reconquérir l'adhésion des salariés et le respect des autres acteurs économiques ; et faire de l'IET une Intelligence Economique et Sociale Territoriale (IEST), fusion du dialogue social et de son intelligence économique.

* 84 Edgar Morin, « Pour un nouvel imaginaire politique », Fayard 2006

* 85 « Le syndicalisme n'est pas en crise. Un nouveau modèle s'est imposé, caractérisé par la faiblesse de ses adhérents, la place de ses « professionnels » et il est loin d'être certain que celui-ci souhaite se transformer », D. Andolfatto et D. Labbé in «  Histoire des syndicats 1906-2006 », Seuil, 2006

* 86 Travailleurs pris dans son acception littérale : ceux qui travaillent.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld