WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Syndicats de salariés et territoire : La place des syndicats dans l'Intelligence Economique Territoriale

( Télécharger le fichier original )
par Philippe LATOMBE
IAE-IEMN Nantes - Master II 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. Changer la vision du champ d'application du Code du Travail.

Le Code du Travail est un ensemble de règles normatives strictes et très détaillées. Il réglemente le fonctionnement social des entreprises et des relations salariés/syndicats/employeur de manière extrêmement précise. Il détaille les droits et devoirs de chacun dans le cadre du fonctionnement firme/syndicat. En revanche, dans le cadre des relations territoriales, le Code du Travail est plus vague. Les articles L 2234-1 et L 2234-2 disposent que : « des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles peuvent être instituées au niveau local, départemental ou régional, par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L 2231-1 » et que « les commissions paritaires 1° concourent à l'élaboration et à l'application de conventions et accords collectifs de travail, négocient et concluent des accords d'intérêt local, notamment en matière d'emploi et de formation continue ; (...) ». Les termes choisis reflètent le cadre plus flou de cette partie du Code : « peuvent être » renvoie à une notion de liberté de choix, « concourent » reflète un objectif et non des moyens ainsi que le Code en a l'habitude. Il laisse donc la possibilité aux acteurs locaux (y compris les syndicats sous leur représentation via les unions départementales ou régionales) de conclure des accords locaux. L'Etat a redéployé ses services pour aider à l'atteinte de ces objectifs. Il a encouragé les initiatives locales en vue de l'insertion professionnelle et leur a confié des missions qui sont en lien fort avec le Code du Travail et son application. En effet les Maisons de l'Emploi par exemple sont investies d'un rôle de meneur d'actions d'information et de sensibilisation aux phénomènes de discrimination à l'embauche et dans l'emploi ainsi que relatives à l'égalité professionnelle et à la réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Ces missions sont traditionnellement celles des organisations syndicales dans les entreprises. Le fait que les syndicats participent à ces missions via une participation à la gestion et l'animation des Maisons de l'Emploi est donc un moyen de voir le Code du Travail comme s'appliquant à un autre champ que la seule entreprise ou branche. Le territoire peut être un lieu pour l'application de l'ensemble des règles relatives au travail. La formation professionnelle est un droit pour les salariés et une obligation pour les entreprises. Celle-ci découle directement des textes du livre IX du Code. Les syndicats sont très impliqués dans le respect de ces droits, non seulement parce qu'ils peuvent en retirer une source de financement, mais également car il s'agit d'un moyen de permettre l'adaptabilité des salariés (et donc la préservation de leur capacité d'emploi), ainsi qu'une façon visible et mesurable de l'implication syndicale dans le quotidien des salariés (ce qui, en période électorale, est important). Le territoire est un lieu favorable pour la mise en oeuvre d'actions de formation professionnelle, car cela entre directement dans ses compétences à la suite de la décentralisation. Nicole Maggi Germain79(*) indique que : « si le territoire apparaît de plus en plus souvent mobilisé, la notion prend une signification toute particulière dès lors que le lien est fait avec les politiques de l'emploi et de la formation professionnelles continue, en particulier sous l'impulsion des normes communautaires. Il se présente alors comme un lieu d'élaboration aussi de nouvelles normes collectives généralement dénuées de force contraignante. ». La formation professionnelle est donc un bon exemple d'un nouveau champ pour les syndicats d'appliquer le code du travail. Le champ territorial souhaite s'emparer de la formation car il s'agit d'un formidable outil qui permet à l'IET de mettre en oeuvre les décisions issues de son processus. Seulement, le territoire n'a pas toute latitude légale pour imposer des règles contraignantes dans ce domaine et les syndicats peuvent y être les gardiens de l'application du Code du Travail et de son adaptation. Celle-ci passe par la transposition de règles applicables à la firme vers le territoire. Les outils juridiques du territoire sont quasi inexistants en ce domaine, mais les syndicats ont la capacité de conclure des accords locaux ayant une force contraignante, il leur suffit donc d'intégrer , par analogie ou par syllogisme, des éléments du Code dans les accords conclus pour y apporter une réelle plus-value.

Cette façon de faire nécessite de voir le Code du Travail non plus comme un livre de règles inamovibles mais au contraire comme une source de possibles pour insuffler aux territoires une capacité normative en matière d'emploi. En ce sens, l'action syndicale est essentielle et celle-ci doit leur permettre de s'intégrer pleinement dans la vie du territoire et dans sa construction via l'IET. Mais au-delà de la transposition du Code du Travail dans l'IET, les syndicats doivent essayer d'intégrer les nouvelles formes d'emploi et s'investir dans la « société civile », tout en prenant appui sur les règles issues du Code. Les territoires recherchent la création de valeur et l'entreprenariat est un des moyens privilégié pour permettre cet objectif. Les pouvoirs publics nationaux se sont emparés également du sujet depuis plusieurs décennies et ont décidé de favoriser la création d'entreprise en simplifiant la cadre juridique de celles-ci. La loi Dutreil a ouvert le capital social des entreprises à 1€80(*), puis ont été crées les Sociétés par Actions Simplifiées [SAS et SAS à associé unique (SASU)], puis a été mis en place le statut d'auto-entrepreneur. Autant la modification du « vieux » Code des Sociétés de 1966 ne concernait que peu les syndicats, autant la création d'un nouveau statut, hybride entre l'entreprise individuelle (pourtant fortement décriée car risquée pour le patrimoine des entrepreneurs, même malgré la Loi Madelin81(*)) et le salariat a interpellé les syndicats qui y voient une réelle menace pour leur influence car il réduit le nombre des salariés au profit de celui des entrepreneurs. Lors de la crise immobilière de 2008/2009 la majorité des commerciaux dans les agences immobilières, ainsi que de nombreux tâcherons ou ouvriers spécialisés dans le bâtiment ont été « contraints » de quitter un statut salarié pour opter pour celui d'auto-entrepreneur. Les raisons fiscales et sociales de coût plus faible pour ces entreprises en ont été la raison principale. Or le territoire, s'il peut se féliciter d'une vague de création d'entreprises par ce biais, constate en même temps une baisse de l'emploi salarié. Or celui-ci bénéficie de mesures de protection sociale (Allocation et accompagnement par Pôle Emploi...) qui permettent d'amortir le choc économique pour le territoire et lui laisse le temps et les moyens de lancer un cycle complet d'IET à la recherche de solutions. Dans le cadre des auto-entrepreneurs, la sanction de la non-activité est le dépôt de bilan et l'absence de mesure de protection des revenus [pas d'Allocation pour Retour à l'Emploi (ARE) par exemple]. Les syndicats ont donc un rôle à jouer au sein du processus d'IET pour expliquer ces risques, pour montrer que le salariat est une manière d'accroitre la valeur d'un territoire et que le Code du Travail n'est pas simplement un outil de contrainte mais également un recueil de textes qui permet une protection de la population et donc du territoire. Ce rôle syndical est donc de promouvoir l'accompagnement des territoires dans la recherche de solutions pérennes pour garantir l'emploi et la croissance économique. Cela peut passer par la promotion de l'emploi salarié associatif par exemple, ce fameux Tiers Secteur, dont on estime le potentiel en création de richesse comme conséquent82(*), et au sein duquel les syndicats ont une place à prendre pour y représenter les salariés. Là encore le Code du Travail n'est pas applicable en l'Etat car le Tiers Secteur n'est ni le secteur public (avec application des règles de droit public régissant le travail) ni le secteur privé (avec le Code du Travail comme source). Cette définition en « creux » montre que ce secteur est un champ dans lequel les syndicats ont à construire et que le Code du Travail peut être une base de travail. Or les territoires comme le Tiers Secteur sont des creusets, des lieux d'expérimentation. En matière d'audio-visuel local, par exemple, le Tiers Secteur est le premier entrepreneur83(*) du fait d'un désintérêt des grandes entreprises nationales du secteur pour l'échelon infranational en raison des faibles recettes publicitaires. Il concentre de nombreux salariés et peut être, pour les syndicats et les territoires, un lieu d'expression et de valorisation de leur action notamment dans les domaines de l'emploi et du social.

Ainsi, le territoire et son processus d'Intelligence Economique est un lieu, pour les syndicats, de dépassement des strictes missions et droits qui leurs sont conférés par le Code du Travail. Ce lieu est propice à la construction de nouveaux référentiels car il n'en contient que peu. Le Code du Travail doit servir à élaborer ces nouvelles normes mais sans forcément en conserver la rigidité qui le caractérise. Cette base peut être le moyen de négocier des accords locaux (au sens de l'espace local) et les syndicats maîtrisant parfaitement les règles du droit du travail ont un rôle d'impulsion important. Pour cela ils doivent dépasser leur vision stricte pour accompagner les mutations de la société et de l'environnement économique notamment via les nouvelles formes d'emploi. Pour autant, et comme le souligne N. Maggi-Germain (op cit), il ne faut pas perdre de vue que « la territorialisation du droit marque une évolution dans la construction de l'action publique qui articule, parfois avec ambivalence, des intérêts divergents ». Cet écueil de la divergence des intérêts est également vrai pour les syndicats eux-mêmes, on l'a vu préalablement.

* 79 2008, «  La territorialisation du droit : l'exemple des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle continue », CAIRN Droit et Société.

Mme Maggi-Germain est membre du Laboratoire de Recherche Ange Guépin (UMR CNRS 6028/ MSH Ange Guepin).

* 80 Pour les SARL

* 81 Loi dite « Madelin » qui impose un formalisme particulier aux banques pour les garanties demandées aux entrepreneurs individuels en cas de recours à l'emprunt. Une seconde Loi dite « Madelin » instaurera un statut obligatoire de conjoint collaborateur et la possibilité de cotiser pour la retraite par capitalisation avec déduction des primes.

* 82 Cf rapport de Raphael Chaves et José Luis Monzon (CIRIEC), « L'économie sociale dans l'Union Européenne », 2007, ed Comité Economique et Social Européen.

* 83 Pradié, « La Tiers Secteur, premier entrepreneur de l'audiovisuel local », 2001, Les Dossiers de l'Audiovisuel

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite