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Syndicats de salariés et territoire : La place des syndicats dans l'Intelligence Economique Territoriale

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par Philippe LATOMBE
IAE-IEMN Nantes - Master II 2010
  

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B- S'affranchir d'un cadre normatif strict pour entrer dans un cadre plus « flou »

Ainsi que l'exprime J. PERRAT75(*) dans le résumé de son article sur le dialogue social territorial : «  Le territoire est aujourd'hui le lieu de déploiement de dispositifs qui remettent fortement en cause les modes d'interventions traditionnels des organisations syndicales. Le passage de l'institutionnel « dur » à l'institutionnel « mou » leur demande de sortir de la logique de négociation pour entrer dans des logiques floues de « gouvernance » et de « dialogue social ». ». Cette affirmation est parfaitement transposable à l'IET, car, dans les deux cas, c'est la nature même du processus et de sa méthode qui impose de modifier le cadre d'action pour les syndicats. Il leur faut prendre conscience qu'il ne suffit plus de retenir le cadre existant comme seul cadre d'expression et d'action (1), mais qu'il faut au contraire accompagner et participer à l'élargissement du champ d'application du Code du Travail (2).

1. Vers un nouveau cadre d'action syndicale

L'IET est un concept récent dont la mise en oeuvre est passée prioritairement par des initiatives locales disséminées. Les syndicats y ont pris une part sur la base du volontariat et en s'affranchissant à la fois de leurs attributions habituelles, mais également de leur structuration d'action usuelle. Ces initiatives ont été concluantes dans la majorité des cas et ont conduit les pouvoirs politiques à encourager l'IET par la mise en oeuvre d'un cadre normatif autour de certaines d'entre elles (notamment les Comités de Bassin d'Emploi). Ce cadre normatif est, somme toute, léger et non exhaustif. Léger, car il ne repose que sur des règles de fonctionnement non constitutionnelles, non inscrites dans le Code des Collectivités, mais uniquement dans un cadre administratif. Les CBE, par exemple, sont des associations reconnues par arrêté préfectoral et leur fonctionnement est régi par une loi simple (instauration des collèges en son sein...). La non-exhaustivité, quant à elle, repose sur le fait que seules une minorité d'actions qui participent au processus global d'IET sont codifiées ou normées. La grande majorité des processus territoriaux en relevant, sont en phase d'expérimentation. Ce manque de cadre strict est sans doute une conséquence du changement imposé par les pouvoirs politiques, qui, depuis une petite dizaine d'années, voit le rôle normatif de l'Etat en matière sociale disparaître au profit d'une reconnaissance plus large de l'autonomie contractuelle des partenaires. Les différentes lois récentes portant réforme du temps de travail (en « assouplissant » les 35h, ou en créant des zones touristiques dans lesquelles les horaires de travail légal peuvent être modifiés sans prise en compte de majorations pour travail du dimanche ou des jours fériés par exemples) renvoient quasi-systématiquement à la conclusion d'accords locaux entre partenaires sociaux. Ce recours au droit contractuel, notion d'inspiration anglo-saxonne quant à sa forme mais qui vise à atteindre des résultats plus proches de ceux des pays du nord de l'Europe, est aussi utilisé par l'Etat dans ses rapports avec les territoires. L'instauration de contrats d'agglomération ou des contrats de pays en 2005, sont une des innovations majeures des contrats de plan Etat -Région. Ils en constituent d'ailleurs expressément le « volet territorial », c'est-à-dire une déclinaison infrarégionale, dans des territoires de projet. La contractualisation nécessite de la part des territoires une vision à long terme de la stratégie à adopter, afin de pouvoir négocier dans de bonnes conditions avec l'Etat. Le corolaire de cette contractualisation avec l'Etat est donc que la vision des territoires et de ses partenaires est fiable dans un horizon de temps fixe, à durée déterminée. A l'échéance du contrat, le territoire doit à nouveau renégocier avec l'ensemble de ses partenaires. Or, par nature, un contrat à durée déterminée est pour les syndicats un contrat difficile à gérer, que ce soit dans le cadre du droit du travail stricto sensu, ou dans le cadre d'une participation à un projet de territoire. Le terme de contrat offre un cadre sécurisant car détermine les droits et obligations de chacun des co-contractant, mais en revanche la durée déterminée impose une fin au contrat et donc un cadre plus  « flou ». Cette logique de contractualisation et donc de cadre flou pour exercer l'IET est partagée par les acteurs issus du patronat et des représentants des entreprises car ce mode de fonctionnement est proche de leur activité au quotidien et de leur cadre de référence juridique : celui du contrat commercial. Ainsi le Medef a écrit dans une circulaire interne que « la dialogue social interprofessionnel territorial ne doit pas, d'une façon générale, conduire à la création de normes juridiques contraignantes pour les adhérents des MEDEF territoriaux 76(*)». Cette position est partagée par la CGPME qui indique son opposition à toute conclusion d'accords normatifs territoriaux mais est ouverte à des négociations territoriales pour « mettre en oeuvre des accords interprofessionnels dans une logique d'adaptation77(*) ». Les syndicats sont donc dans l'obligation d'adapter leur comportement pour entrer dans ce cadre plus souple dont l'ensemble des contours restent à construire.

De même, les syndicats doivent abandonner leur vision (« quasi-régalienne » ?) de droit à siéger dans les instances locales. Si les syndicats ont, par leur existence même ainsi que par leur rôle économique et social, une place légitime au sein de l'IET, ils doivent aussi comprendre que celle-ci ne sera pas automatiquement fixée par une règle administrative ou légale. En effet l'IET est un champ d'initiatives et d'expérimentations. Celles-ci ne donnent pas automatiquement droit à une participation des syndicats. Il faut donc qu'ils s'intègrent dans les processus, participent à leur construction avant de se voir reconnaitre une position inamovible et une sorte de droit à siéger. C'est ainsi que l'expérimentation des CBE a permis la création de collèges constitutifs. Parallèlement, la contractualisation des territoires passe par la création par les collectivités locales d'outils juridiques nouveaux pour assurer la gestion et le développement. Ces outils, comme par exemple les Sociétés d'Economie Mixte ou les associations de pays..., qui ont un mode de fonctionnement proche de celui de l'entreprise avec un Conseil d'Administration et des salariés. Si les syndicats souhaitent se voir reconnaitre un rôle au sein des territoires, il faudra qu'ils participent au fonctionnement de ces sociétés et acceptent un rôle d'administration. Cette position peut être génératrice d'inconfort pour les organisations syndicales, car leur impose d'avoir une position proche de celle du patronat : celle de diriger78(*). La gouvernance partagée n'est pas dans l'esprit des syndicats français, mais plus dans celle de nos voisins allemands. En France, les syndicats peuvent, dans les entreprises de taille significative, avoir un droit de représentation au sein du conseil d'administration. Ils ne disposent d'aucun pouvoir de décision et ne prennent pas part aux votes. En Allemagne, le représentant syndical au Conseil d'Administration dispose de pouvoirs identiques à ceux des administrateurs représentant l'actionnariat. Cette gouvernance d'entreprise allemande est appelée « co-gestion ». En France ce terme est limité à la gestion des organismes sociaux (Caisse d'Assurance Maladie, ...) et n'a pas encore pénétré le monde des firmes. Il a en revanche trouvé un écho dans la gestion des territoires.

Ce cadre nouveau imposé par les territoires nécessite donc que les syndicats opèrent une mutation dans leurs schémas d'action car leur impose de décider et de participer à la gestion du territoire. Ce nouveau cadre étant en construction permanente, le cadre est donc plus flou pour les syndicats. Il leur impose de voir le Code du Travail non plus comme une référence absolue mais plutôt comme une base de travail pour réussir des contractualisations locales réussies.

* 75 Jacques PERRAT, 2010, « Dialogue social territorial : les atouts et les ambiguïtés de la proximité », ADEES Rhône-Alpes

* 76 Circulaire interne du 5 février 2003, Medef.

* 77 Citation issue des Cahiers Thématiques de la DGE concernant le Dialogue Social Territorial, cf bibliographie.

* 78 Au sens de « gouvernance » du terme.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius