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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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CHAPITRE II. L'AVENEMENT DE L'ETAT

L'Etat est-il un phénomène spécifique ou un phénomène commun à la nature humaine ? Si on admet la spécificité du phénomène étatique, on reconnaît par là que l'Etat n'est pas aussi vieux que le monde ni aussi rependu que l'espace. C'est aussi reconnaître avec Marcel Prélot que l'Etat est un phénomène humain localisé géographiquement, la carte étatique ou politique ne s'étant jamais superposé exactement à la carte physique du monde habité et habitable »104(*). Nous ne pouvons dire de l'Etat comme du droit : « ibi societas ibi jus »105(*).

Il importe de préciser :

- l'étymologie, et les sens du terme Etat ;

- les éléments constitutifs de l'Etat ;

- les théories sur La formation de l'Etat.

Le terme Etat vient du latin « status » traduisant une certaine position, celle d'être débout et aussi, l'idée d'une stabilité de situation. Ce vocable n'ayant pas à l'origine un sens précis prend une signification politique, grâce à l'adjonction du terminatif « Rei romanae » ou « Rei publica », l'état de la chose romaine, ou de la chose publique, ou encore l'état de la République. Au fil des temps le mot « status » sans son complément mais avec une majuscule se suffira à lui-même. C'est en Italie que le mot fut utilisé pour la première fois au XVème siècle par Nicolas Machiavel106(*) dans son ouvrage le « Prince » où il précise : « Toutes les dominations qui ont eu ou ont autorisé sur les hommes sont des Etats, et sont ou Républiques ou Principautés », « Tutti sono stoat e sono o Republiche o Principati » c'est de la sorte, explique Marcel Prélot que le terme « stato » s'introduit dans la langue moderne avec le sens qu'il conservera désormais de l'institution politique en soi située au dessus des régimes particuliers. Le mot stato se trouve bientôt transposé en allemand (straat) et en Anglais (state). Il se rencontre déjà dans l'oeuvre de Shakespeare, Hamlet où il est dit : « il y a quelque chose de pourri dans l'Etat du Danemark107(*) ». Quant au sens qu'il faut donner à l'Etat, on retient deux sens distincts : celui de l'Etat- Nation désignant la Nation elle-même et, celui de l'Etat - Gouvernement désignant l'ensemble des institutions gouvernementales d'une Nation108(*). Ainsi on parle respectivement du sens large et du sens restreint. L'Etat étant une abstraction par le concept ne serait pas perceptible sans ses éléments constitutifs.

Sans certains éléments, l'Etat ne serait nullement perceptible du fait de sa nature abstraite. Gaston Jèze disait : «Je n'ai jamais dîné avec l'Etat ».109(*)C'est vrai que nul n'a rencontré l'Etat car personne morale, mais comme le fait remarquer G. Burdeau, personne n'a jamais vu l'Etat, mais qui pourrait nier cependant sa réalité ? .Un certain nombre de signes (existence des gouvernants, des services d'un territoire, des cartes et le pointillé des frontières, une population, des règles obligatoires, un gendarme et un juge chargés d'intervenir en cas de violation de ces normes....) constituent autant d'approches conduisant à l'Etat, sans toutefois faire de l'Etat une phénoménologie tangible110(*). Comme le dit Burdeau, « l'Etat est au sens plein du terme, une idée » un concept que les juristes essayent de saisir à travers des éléments que certains qualifient de « constitutifs » et d'autres de « conditions d'existence ». Ces éléments sont le territoire, la population et le gouvernement effectif ou autorité publique (puissance publique). Pour Burdeau, les facteurs précités constituent les conditions d'existence de l'Etat. Il explique qu'en réalité quelle que soit l'importance du rôle joué par ces éléments dans la genèse et dans l'Etat lui-même, c'est déformer leur signification que de voir en eux des parties intégrantes de l'Etat. Il estime que d'anciennes et respectables habitudes d'esprit nous invitant à confondre l'Etat tantôt avec un territoire, tantôt avec la population, tantôt avec une combinaison de ces deux éléments unis sous une autorité commune sont des conceptions erronées111(*). Le même auteur déplore de fait que l'immense majorité des auteurs n'hésite pas à voir en eux les éléments constitutifs de l'Etat. Ainsi presque tous les traités de droit constitutionnel situent l'étude de la nation et du territoire sous une rubrique qui semble traditionnelle ; les éléments constitutifs de l'Etat112(*). L'observation de Georges Burdeau ne manque pas de pertinence car la confusion entre l'Etat et l'un des facteurs préalables à sa formation laisse voir l'Etat même là où il ne s'est pas encore formé. Nous croyons pour notre part que sans méconnaître le talent des auteurs congolais113(*) alignant l'étude du territoire, de la population et de l'organisation politique, sous le titre d'éléments constitutifs de l'Etat, il est préférable d'opter pour les conditions d'existences de l'Etat préconisées par Georges Burdeau. Pour nous, la raison en est simple, si les éléments précités pris isolement ou cumulativement étaient constitutifs de l'Etat au sens plein du terme, l'actuelle Palestine autant que les anciennes colonies seraient des Etats car toutes disposant d'une population, d'un territoire et dune puissance publique. En plus, comme l'observe Burdeau, l'Etat est concept et institution, ce que ne sont ni le groupe social, ni le territoire, lesquels préexistent à l'Etat et conditionnent son existence114(*).

Le Droit international public confirme également la théorie de trois éléments115(*), ainsi la Commission d'Arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie du 29 novembre 1991 a rappelé que « l'Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d'un territoire et d'une population organisée ». cette définition nous semble moins satisfaisante pour la raison que nous avons déjà avancée. Elle ne nous semble pas complète au point de rendre compte de la spécificité du phénomène étatique. Même en droit international public la doctrine va au-delà de ces trois éléments, tel que nous le verrons plus loin. Cependant, il est extrêmement utile de comprendre le rôle joué par le territoire, la population et la puissance publique dans la formation de l'Etat. La question qui mérite d'être posée est celle de savoir si un pays qui perdrait simultanément ces trois éléments ou circonstanciellement l'un d'eux peut conserver sa qualité d'Etat. La position prise par Burdeau offre un élément de réponse : « sans eux, l'Etat disparaît, non parce qu'ils sont sa subsistance, mais parce qu'il n'aurait plus sa raison d'être116(*). Nous débattrons de cette question dans la seconde partie consacrée à une sorte d'autopsie de l'Etat  « congolais ». Tour à tour, voyons ce que représente chacun des éléments précités.

Il importe de comprendre comment l'Etat se forme. Plusieurs théories sont élaborées. Elles tentent d'expliquer la genèse de l'Etat soit par la formation juridique, soit par la formation extrajuridique.

Section 1 : La formation juridique de l'Etat.

L'école qui soutient la thèse du fondement juridique de l'Etat englobe les auteurs pensant que l'Etat est une formation politique voulue et réalisée consciemment, donc d'origine conventionnelle117(*). Trois auteurs se sont rendus illustres dans la défense des théories dites du contrat : Thomas Hobbes et Jean Jacques Rousseau pour le contrat social et John Locke pour le contrat politique.

* 104 Prélot, (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dallas, 1969, p. 1.

* 105 « Là où il y a la société, là est le droit ».

* 106 Machiavel, N ; cité par Prélot, M. op.cit. p.1 ; sur l'étymologie et la naissance de l'Etat, lire aussi Mpongo Bokako Bautolinga, E. institutions politiques et droit constitutionnel, T. 1. Théorie générale des institutions politiques de l'Etat, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2001, p.p. 27-28.

* 107 Prélot, M. op.cit. p.1

* 108 Mpongo Bokako, (E.), op.cit. p. 28.

* 109 Jèse, (G), cité par Ntumba-Luaba Lumu, Droit constitutionnel Général, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2005, p. 20.

* 110 Ntumba Luaba, Idem.

* 111 Burdeau, (G). op.cit. p. 78.

* 112 Cependant Burdeau reconnaît que seuls, dans les doctrines françaises, Duguit et Jean Dabin, distinguent entre le milieu sociologique, condition de formation de l'Etat, et les éléments constitutifs de celui-ci.

* 113 Les professeurs Mpongo Bokoko et Ntumba Luala, parlent des éléments constitutifs de l'Etat. Voy. Mpongo, (B.), op.cit, p. 28, Ntumba Luaba, op.cit , p. 30.

* 114 Burdeau, (G.), op.cit, p. 78.

* 115 Ntumba Luaba, op.cit, p. 30.

* 116 Burdeau. G, op.cit, p. 78.

* 117 Lire utilement, Burdeau, (G.), op.cit, p.p. 48 et s., Chagnaullaud, D., op.cit., p.p. 5 et 6, Mpongo, (E.), op.cit., p. 57.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe