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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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III. Poursuite du processus d'effondrement de l'Etat embryonnaire.

La crise institutionnelle congolaise a eu une incidence très relative sur la consolidation de l'Etat. Il est utile d'examiner son incidence sur les conditions d'existence de l'Etat avant d'analyser celle sur les fonctions de l'Etat.

A. Incidence sur les conditions d'existence de l'Etat.

Trois éléments sont retenus comme constitutifs de l'Etat à savoir, la population, le territoire et la puissance publique.

IL convient d'apprécier chacun de ces éléments par rapport à son essence ou à son rôle étatique en ce qui concerne la République Démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du 1er août 1964.

1. Incidence de la crise politique sur la population au Congo.

L'existence des êtres humains sur un sol donné suffit-il à faire des lieux occupés un Etat au sens moderne ?

La réponse est sûrement négative. Nous l'avons dit avec Carré de Malberg que la population étatique satisfait à certains critères à savoir l'homogénéité, le caractère politique et la liberté.

Carré de Malberg observe que « dans chaque Etat on trouve un certain nombre d'hommes. Ce nombre peut être plus ou moins considérable : il suffit que ces hommes soient parvenus en fait à former un corps politique autonome »334(*). Il dit que l'Etat c'est avant tout une communauté humaine. L'Etat est une forme de groupement social. Ce qui caractérise cette sorte de communauté humaine, ce qu'elle est une collectivité publique, se superposant à tous les groupements particuliers, d'ordre domestique ou d'intérêt privé, ou même d'intérêt public local qui peuvent exister entre ses membres335(*). Tandis que à l'origine, poursuit le même auteur, les individus n'ont vécu que par petits groupes sociaux, famille, tribus, gens, isolés les uns des autres quoique juxtaposés sur le même sol, et ne connaissant chacun que son intérêt particulier, les communautés étatiques se sont formées en englobant tous les individus qui peuplaient un territoire déterminé, en une corporation unique fondée sur la base de l'intérêt général et commun qui unit entre eux, malgré toutes les différences qui les séparent, les hommes vivant côte à côte en un même pays »336(*). C'est dire que la population étatique n'est pas un conglomérat des groupes opposés les uns aux autres pour satisfaire leurs aspirations particulières. Il doit s'agir plutôt d'une population constituée en une nation ou ayant la vocation à le devenir.

Comme observe Carré de Malberg, le mot « nation » dans son sens juridique précis, tel qu'il résulte du système positif du droit public français et notamment du système de la souveraineté nationale, désigne non pas une masse amorphe d'individus, mais bien la collectivité « organisée des nationaux, en tant que cette collectivité se trouve constituée par le fait même de son organisation en une unité individuelle »337(*). Partant de l'analyse précédente de Carré de Malberg, l'on peut retenir que ni l'intérêt général ni le bien commun ne constituaient la préoccupation des populations congolaises. Fragmentées autour des politiciens omnibulés par la recherche effrénée du gain personnel, les masses congolaises miséreuses et éprouvées par les affres de la guerre, se préoccupaient plus des problèmes de survie dans un environnement où l'allégeance au seigneur de guerre occupant offrait l'unique voie de salut, encore que cela ne suffirait pas car les caprices d'un porteur d'armes, révolutionnaire ou rebelle pouvaient donner la mort sans que l'auteur soit inquiété par une quelconque justice.

Depuis 1960, la caractéristique de la population congolaise, fut une agitation quasi permanente soit des partis politiques à connotation exclusivement tribale ou ethnique soit des politiciens incitant à la haine tribale.

La situation n'aurait pu être différente dès lors qu'à la veille de l'indépendance les partis politiques qui ont existé ou émergé à l'époque ont véhiculé plutôt une sensibilité tribale ou ethnique découlant même de leurs dénominations. Ces formations étaient les plus nombreuses. Ainsi on pouvait noter l'existence de l'Alliance des Bakongo (ABAKO), le Mouvement Solidaire Muluba (MSM), le Mouvement pour l'Unité Basongye (MUB), l'Union de Bateke (UNIBAT), l'Union des Mongo (UNIMO), l'Union de Warega (UNERGA), l'Association des Baluba du Katanga (BALUBAKAT), etc. Ces types des partis étaient complétées par des fédérations et autres structures interethniques : l'Association de Tchokwe du Congo, de l'Angola et de Rhodésie (ATCAR), la confédération des Associations tribales du Katanga (CONAKAT), la coalition Kasaïenne (COAKA), la fédération des Associations des ressortissants de la province du Kasaï (FEDEKAT), l'Association des Ressortissants du Haut - Congo (ASSRECO), l'Union Kisangalaise pour l'indépendance et la liberté (LUKA), le Rassemblement Démocratique du Lac Léopold II et du Kwango - Kwilu (RDLK). Mêmes quelques uns aux titres extravagants n'avaient qu'en audience régionale : Centre de Regroupement Africain (CEREA) au Kivu, Parti Solidaire Africain (PSA) au Kwilu et Parti de l'Unité Nationale (PUNA) en Equateur338(*). Les partis à vocation nationale qui auraient pu galvaniser l'élan de la population vers l'intérêt général non seulement étaient moins nombreux mais ce sont trouvés farouchement opposé par rapport à des positions irréductibles quant aux options sur la gestion politique et administrative de l'Etat d'une part et sur la poursuite ou non de la coopération avec le bloc occidental. Aussi a-t-on assisté à un combat acharné entre le bloc pro occidental accusé de néocolonialisme dit bloc de « Binza » comme on l'a vu opposé au bloc de nationaliste « Lumumbiste » accusé de communiste. Mais quant à la forme de l'Etat la bataille s'est située entre fédéraliste et unitariste. Comme les congolais ne sont pas fort en batailles d'idées et des mots seulement, ils recourt trop vite à la bataille du feu.

Au delà de la population en tant que communauté organisée, et faut-il le souligner l'organisation ne provient que d'un pouvoir lui-même organisé, les individus membres de la communauté sont des nationaux ou encore des citoyens au sens romain du mot « civis »339(*). Ce terme désigne le lien social qui, par dessus tous leurs rapports particuliers et leur groupement partiels, rattache tous les membres340(*). De ce point de vue, il y a lieu de dire que pris individuellement les hommes constituant la masse humaine congolaise manifestaient moins ce lien d'appartenance à un corps politique congolais qu'à un corps tribal ou « idéologique ».

Nous dirons que selon les extravagances de leurs leaders tribaux de leur conducteur politique, les populations congolaises se sont trouvés soit otages soit prisonniers des libérateurs auxquels ils n'ont légués aucuns mandats. Or l'Etat est formé d'hommes libres. Nous retiendrons que de 1964 à 1965, la constitution du 1er août 1964 n'a pas eu d'incidence d'impact sur l'organisation sociale au point de générer une culture de citoyenneté ni de liberté ni chez les gouvernés ni chez les gouvernants. A cette période est-il possible de parler d'une population congolaise en tant qu'élément constitutif de l'Etat alors que la volonté la plus remarquable entre les communautés de ses populations était soit de se détruire mutuellement soit de s'exclure ? La question demeure lorsqu'on considère que ces populations se sont trouvées sous l'autorité des plusieurs « pouvoirs » exerçant avec succès le monopole de la violence physique, c'est-à-dire deux gouvernements dont l'un de la République Démocratique du Congo avec comme capitale Léopoldville sous la direction de Adoula ou Tshombe après et l'autre, la République Populaire du Congo à Stanleyville, sous l'autorité de G. Soumialot341(*). Nous y reviendrons.

* 334 Carré de Malberg, op.cit, p. 37.

* 335 Idem.

* 336 Ibidem.

* 337 Carré de Malberg, op.cit, p. 38.

* 338 Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 540.

* 339 Carré de Malberg (R.), op.cit, p. 38.

* 340 Idem.

* 341 Lire Ndaywel è Nziem, (I.), op.cit, p. 619.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon