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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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II. Le Pouvoir dans le chaos.

La constitution du 1er août 1964 fut promulguée à une période de grande tension interne. Bien que l'année 1963 connut la fin de la sécession « katangaise », la République Démocratique du Congo ne sombrait pas moins dans le chaos. Un fait majeur devrait perturber le cours de la situation politique et militaire, à savoir la « révolution muleliste ». A cette période, parler du pouvoir au Congo-Kinshasa appellerait la question de savoir de quel pouvoir s'agissait-il, tellement que les guerres révolutionnaires et les rebellions persistaient ayant pour conséquence, plusieurs centres de pouvoirs. Il convient de rappeler les événements troubles de cette époque non par le souci de faire de l'histoire mais de mettre en relief les obstacles à l'exercice d'un pouvoir institutionnalisé et à l'édification de l'Etat, bref des facteurs défavorables à la stabilité et du pouvoir et de l'Etat. Jusqu'à la promulgation du 1er août 1964 le clivage politique entre les nationalistes327(*) et les autres formations politiques qualifiées de néocolonialistes ou pro occidentales persista.

Isidore Ndaywel affirme que la réconciliation de Lovanium328(*) fut de courte durée car les nationalistes qui se réclamaient héritier de Lumumba se rendirent compte qu'ils avaient été dupés par le « groupe de Binza ». Le gouvernement Adoula procéda à des remaniements visant à évincer la tendance nationaliste en son sein. A cela s'ajoutaient deux faits ayant contribué à renforcer l'opposition à l'égard du gouvernement Adoula, à savoir le refus de libérer Gisenga Antoine et la dissolution des chambres du Parlement.

En effet, Gisenga était emprisonné depuis 1962, en mai 1962, le conseil de Ministres avait décidé de le relâcher mais plus tard Adoula reviendra sur cette décision, déclarant qu'il était lui-même d'accord, mais que ses amis avaient refusé. En juin 1963 c'est Adoula lui-même qui se décida de libérer le prisonnier encombrant, mais Kasa-Vubu n'y prêtera guère grande attention ; Et c'est Tshombe qui le libérera le 15 juillet 1964, soit à quelques jours de la promulgation de la nouvelle constitution. Du fait de son emprisonnement Gisenga commençait à acquérir la faveur de l'opinion comme un héros tandis que le gouvernement Adoula devenait de plus en plus impopulaire. En même temps, le Président Kasa-Vubu prit la décision, le 29 septembre 1963, de dissoudre les chambres en vue de stopper l'offensive de l'opposition qui ne cessait d'importuner le gouvernement329(*).

A l'abri des incursions policières, l'opposition frondeuse, trouva abri à Brazzaville où Alphonse Massamba - Débat favorable à la tendance progressiste et partenaire de Lumumbistes, venaient de renverser l'Abbé Youlou ; Mieux sécurisé à Brazzaville qu'au sein du Parlement à Kinshasa, l'opposition congolaise décida de s'organiser pour déclencher la « révolution ». Ainsi, les partis unitaristes qui constituaient l'opposition s'organisèrent en un cartel appel « Conseil National de Libération » (CNL) ayant pour objectif de renverser le gouvernement Adoula et réaliser enfin « la décolonisation totale et effective du Congo », encore dominé par la coalition, des puissances occidentales330(*).

Fondé le 3 octobre 1963, la CNL proclama dans son manifeste, la déchéance de toutes les institutions régies par la loi fondamentale, Chef de l'Etat, Gouvernement et autres et réclama, la mise en place d'un « gouvernement provisoire de salut public »331(*). Autant que le pouvoir à Kinshasa était dès 1960 affaibli par les tendances à la personnification et les contestations réciproques de ses détenteurs les uns les autres autant les pouvoirs révolutionnaires souffraient de mêmes maux. De là, à nous faire croire que l'homme congolais s'est systématiquement montré inapte à se conformer à la rigueur d'une discipline institutionnelle. L'institutionnalisation suppose, l'organisation structurelle et systématique par des normes, et une soumission des membres et à la règle et à la hiérarchie ou aux organes. Ainsi, à partir de février 1964, il eut deux ailes du CNL : le CNL - Gbenye et le CNL - Bocheley. Ce dernier étant Vice-Président du CNL contestait l'autorité de son Président Gbenye dont il trouvait le mouvement ambigu et hésitant à s'engager dans une lutte concrète. Avec ses amis, Bocheley, révoque Gbenye et se fit élire responsable du CNL, le 5 février 1963. Comme Kasa-Vubu et Lumumba en 1960, Gbenye à son tour révoqua son Vice-Président. Finalement chaque comité fonctionna en dissident. Le CNL Bocheley s'appuya davantage sur le Parti Solidaire Africain (PSA), et essaya de récupérer le projet révolutionnaire de Mulele. Il importe de signaler qu'il existait deux ailes du PSA, PSA - Kamitatu et PSA - Gbenye, farouchement opposés. La « révolution » fut déclenchée en deux mouvements :

Le premier fut dirigé par Pierre Mulele dans le Kwilu à partir du mois d'août 1963. Ce front fut complété par un autre ouvert dans la région de Bolobo - Mushie en juillet 1964.

Le second, partait de la région Uvira - Fizi conquise en avril 1964332(*). Il s'étendit vers le Nord - Katanga par la conquête d'Albert - ville le 19 juin 1964 ; puis au Maniema dont la capitale tomba le 24 juillet de la même année et enfin au Haut- Congo ou Stanleyville tombée le 5 août 1964 devint la capitale d'une « République populaire du Congo ».

Il faut noter que l'offensive muleliste enregistra une succession de victoires. Les forces mulelistes en quelques mois, occupèrent le territoire compris entre Kikwit - Gungu et Idiofa.

A l'Est, un autre front révolutionnaire s'ouvrit le 15 avril 1964, huit mois après le déclenchement de l'opération du Kwilu. Depuis le mois de janvier, Gaston Soumaïli dit Soumialot et Laurent Désiré Kabila venant de Brazzaville s'y livraient à des activités subversives. La Chute d'Uvira servit de point de départ pour des nouvelles conquêtes. Albert - Ville, Baudouin ville, Kabalo, Manono, Kabongo tombèrent successivement l'un après l'autre.

Très rapidement l'ensemble de la région tomba sous contrôle de révolutionnaires333(*). Au mois de juillet, Kindu la capitale du Maniema tomba avant Kabambare, Kasongo et d'autres villes et localités.

Comme il est possible de le constater, au moment où la constitution du 1er août 1964 est promulguée, le pays est déchiré par des guerres rageuses qui ne manquent pas d'affecter le pouvoir et l'Etat. Les calculs politiciens et le souci de protéger les intérêts extérieurs semblent plus peser dans la manière dont les détenteurs du pouvoir l'exercent que la règle constitutionnelle, que du reste, les rebelles ignorent.

Le moins que l'on puisse dire est que le pouvoir tel que défini par la constitution du 1er août 1964 s'est exercé dans un environnement chaotique qui a favorisé le processus d'effondrement de ce qui aurait dû aboutir à la formation de l'Etat au Congo-Kinshasa.

* 327 Ndaywel è Nziem (I.), Histoire générale du Congo de l'héritage ancien à la République Démocratique, Paris, Bruxelles, Afrique - Editions, 1998, p.p. 611 et s.

* 328 Idem, p. 611.

* 329 Ndaywel è Nziem (I.),op.cit, p. 611.

* 330 Mbaya (E.R.), cité par Ndaywel è Nziem, op.cit, p. 612.

* 331 Congo 1963, p. 332-235 cité par Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 612.

* 332 Ndaywel è Nziem (I.),op.cit, p. 615.

* 333 Pour plus de détails, lire Verhaegen (B.), cité par Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 620.

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