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La baie d'Ambodivahibe, un projet d'aire marine protégée dans le nord de Madagascar

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par Jean-Xavier SAINT-GUILY
Université Bordeaux 3 - Master 1 Géographie 2009
  

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2.2 Les AMP, un phénomène récent d'une ampleur mondiale

Suite à leurs engagements internationaux, de nombreux pays ont initié des plans d'action et des politiques nationales de création d'AMP. Pour certains d'entre eux comme l'Equateur ou l'Australie, cette mise en protection est déjà bien effective puisqu'ils possèdent respectivement 12,5% et 7,5% de leur façade maritime classée en AMP (Lefebvre, 2005). Mais ces derniers font figure d'exception. Des réseaux régionaux ont vu le jour traduisant l'implication des états et la globalité de l'approche mise en place. Comme le montre le programme AMP de la Commission de l'Océan Indien (COI) concernant Madagascar ou encore la Fondation Internationale pour le Banc d'Aguin. Des programmes de coopération internationale Nord/Sud se penchent également sur cette thématique (Weigel, 2007).

Au niveau mondial, le nombre d'AMP a triplé en 30 ans. Sur les dix dernières années la surface concernée augmente de 5% an (UICN, 2005), entre 2000 et 2005 le nombre d'AMP est passé de 4600 à 5127 (UICN, 2005). Le nombre de projets est impressionnant et traduit une volonté clairement affichée de rattraper le retard en matière de conservation marine. Les objectifs fixés au niveau mondial sont de l'ordre de 15 % de la surface totale des océans répartis en un réseau représentatif des différents habitats marins à l'échelle de la planète.

Les pays en voie de développement sont particulièrement concernés par le phénomène des AMP. Majoritairement située en zone intertropicale, la biodiversité marine de ces états est parmi la plus riche du globe. Les enjeux liés à la gestion de l'environnement marin y sont considérables dans un contexte de dégradation et de surexploitation des ressources dont les populations sont particulièrement dépendantes. Ce constat associé à une certaine dramatisation environnementale concernant les pays du Sud, pousse comme ont peut le voir à Madagascar les acteurs de la conservation mondiale à surinvestir ces régions. Les projets d'AMP y sont donc comme nous le verrons par la suite parfois très discutés.

2.3 Des enjeux territoriaux importants et spécifiques aux AMP

Les projets d'AMP se caractérisent par la présence sur le même espace de deux modes de constructions territoriales : le littoral et les aires protégées. Ils présentent donc des enjeux territoriaux issus des particularités de chacune de ces constructions et résultants de leurs combinaisons. Il semble donc que pour être efficaces les projets de conservation doivent s'intégrer à la dynamique de gestion et de valorisation du littoral ; d'autant plus que celle-ci ne semble pas toujours être basée sur une gestion durable de l'environnement. Les spécificités environnementales et territoriales des milieux marins sont telles qu'une réflexion méthodologique approfondie à propos des AMP apparaît indispensable. L'objectif étant de développer des approches et des outils conceptuels appropriés plutôt que de s'appuyer sur ceux habituellement utilisés en conservation terrestre. A ces enjeux s'ajoutent ceux liés au contexte politico-environnemental. Nous verrons leur importance dans le cas de Madagascar. L'examen des caractéristiques de chacun des espaces constituant les AMP apportera un éclairage concernant les enjeux territoriaux inhérents à ce type de projet.

Les espaces littoraux

Les espaces littoraux sont caractérisés par leurs singularités environnementales à l'origine d'une attractivité importante (Miossec. 2001). Ils représentent des systèmes plus ou moins anthropisés, polyfonctionnels et complexes (cf : schéma en annexe) Les enjeux d'aménagement et de développement y sont particulièrement forts. Ils reposent en premier lieu sur la protection de ressources naturelles fragiles et fortement sollicitées. Un deuxième enjeu important est la gestion de la diversité des usages. En effet de nombreux acteurs aux logiques parfois très différentes agissent sur les littoraux. S'il existe des synergies entre les activités mises en place, les cas d'antagonisme sont très fréquents. Ces enjeux placent les

espaces littoraux au coeur des mécanismes de la gestion territoriale. La dimension politique de leur aménagement est claire : « Les intérêts des groupes socioprofessionnels que l'on rencontre sur les littoraux sont très différents et fondamentalement antagonistes. Dans ce contexte les choix effectués en matière d'aménagement et de développement du littoral ne peuvent être que politiques. » (Miossec. 2001). On y observe en effet une implication importante de nombreux services étatiques plus ou moins décentralisés, associée à une mobilisation sérieuse de tous les autres acteurs concernés.

Les spécificités environnementales et territoriales des littoraux en font des espaces complexes caractérisés par un entrecroisement de diverses entités (terre/mer, espaces naturels/espaces de loisirs) ainsi qu'une superposition d'échelle d'analyse et d'action relative à l'ampleur et la prégnance de leurs enjeux territoriaux (Corlay, 1999).

Figure 3 : Le système littoral, une structure spatiale
(D'après Corlay, 1999)

Les aires protégées

Créant une zone de droits spéciaux en vue d'assurer la conservation d'éléments du patrimoine naturel, l'Aire Protégée (AP) repose sur un phénomène de discontinuité spatiale important. (Gay, 2003). La mise en protection d'un espace par le biais de son classement a des impacts importants sur les territoires concernés. On observe tout d'abord une recomposition spatiale : les zonages environnementaux sont des éléments nouveaux dans le territoire. Ils vont conférer aux différents espaces des valeurs et des règles particulières. Les interdits d'accès, d'usages ou de pratiques sont tels que l'on observe une dépossession territoriale. C'est ainsi que vont fortement évoluer les systèmes d'activité, d'accès et de représentation sur le territoire (Giraut, Guyot et Houssay-Holzscuch, 2004).

Figure 4 : La friction territoriale entre un espace protégé et une société locale
(Depraz, 2007, d'après les concepts de Debarbieux, 1995)

L'intervention au niveau local de politiques étatiques ou internationales génère une perturbation des systèmes de pouvoir en place. La redéfinition des enjeux et des valeurs liées à la gestion de l'espace engendre une friction territoriale (Despraz, 2008) ainsi qu'une évolution des potentiels de richesse et d'autorité pour les acteurs du territoire. Il en résulte une redistribution des pouvoirs influencée par les normes et les objectifs de l'AP (Dahou et al, 2004). Les interactions entre les acteurs locaux y jouent également un rôle important, en effet la restructuration territoriale est une période de transition, propice au repositionnement stratégique des acteurs.

Entre les acteurs de la conservation et les sociétés locales, les perceptions et la nature des relations vis-à-vis de l'environnement sont divergentes. L'instauration d'une AP entraîne des donc conflits de représentation. La nature et ses éléments patrimoniaux sont ainsi redéfinis selon les cas au travers de différentes orientations : rationalisation, démystification, cristallisations des conflits et des revendications.

En plus de ce bouleversement des rapports à l'environnement, l'AP et en particulier sa
dynamique de projet active des mécanismes psychologiques très profonds chez les

populations dont le territoire est concerné (Despraz, 2005). La perception de cette dernière influence le positionnement des individus. Des sentiments traumatiques et de dépossession symbolique sont également ressentis. Ils s'accompagnent souvent de relations conflictuelles, violentes et infantilisantes avec les promoteurs de l'AP. Il en résulte des attitudes de réactance ou de résignation influençant le comportement collectif des acteurs locaux et la gestion de l'Aire protégée en elle même. (Laslaz, 2006)

Figure 5 : Positionnement individuel par rapport à l'espace protégé(Despraz, 2008)

Figure 6 : Traduction collective et impact sur la gestion de l'espace protégé
(Despraz, 2008)

2.4 Les orientations actuelles de la conservation, un constat qui pousse à la remise en question

Le recours aux AMP pour répondre aux enjeux environnementaux marins semble généralisé. Ce constat nous invite à poser la question des fondements conceptuels de cet instrument de conservation. Dans les années 1990, l'implication des chercheurs en sciences sociales sur les problématiques de la gestion de l'environnement et des relations entre nature et société a permis une certaine prise de conscience (Blanc-Pamard et Boutrais, 2002).

Les dynamiques et le fonctionnement des écosystèmes sont d'une grande complexité que la biologie est bien loin de pouvoir appréhender. Les relations entre les hommes et leur environnement sont en partie influencées par des facteurs externes à la sphère environnementale : culture, économie, climat politique. La gestion de l'environnement a donc évolué sensiblement vers une prise en compte des dimensions sociales et locales. Les acteurs de la conservation ont été dans un premier temps contraints de tenir compte et d'intégrer ces notions dans leurs discours. Par la suite, on a constaté les nombreux échecs ainsi que les réels blocages auxquels a abouti cette approche novatrice. L'efficacité des programmes et des actions de conservation participative a été très aléatoire (Aubertin et Rodary, 2008). Les difficultés rencontrées à Madagascar par le programme GELOSE censé déléguer au niveau local la gestion des ressources naturelles le montrent bien (Bertrand, 2006).Leur mise en oeuvre est à l'origine de nombreux conflits territoriaux, identitaires et fonciers.

Passée cette phase de déstabilisation pour les conversationnistes radicaux et vu les difficultés rencontrées, on a vu réapparaître à partir du 5eme Congrès mondial sur les AP de 2003 des procédures plus administrées, très orientées vers la conservation stricte (Méral et Raharinnirina-Douget, 2006). Ce constat soulève des questions relatives aux orientations réelles et effectives que prend la conservation ? L'analyse de cette considération passagère du social et local dans l'environnement ainsi que de ses conséquences permettra de mieux comprendre le contexte actuel et les orientations que prend la gestion environnementale.

3. La gestion intégrée de l'environnement, une démarche difficile à mettre en oeuvre

3.1 Un nouveau paradigme environnemental intégrateur dans les années 1990

L'évolution du paradigme environnemental repose sur un élargissement des objectifs de la protection de la nature vers des considérations non-écologiques et plus largement sociales. A l'origine se situe un changement dans les représentations liées à la nature (cf : schéma en annexe). La nouvelle éthique environnementale consiste à tenter une intégration de l'homme et de la nature. Les principes du développement durable ont fortement influencé cette réflexion. Le système « environnement » doit être pris en compte dans sa globalité géographique. (Blanc-Pamard et Boutrais, 2002)

Il est important de noter que le passage d'un paradigme à un autre n'est pas immédiat. Des résistances politiques et sociales apparaissent. Elles engendrent une situation de cohabitation entre les deux paradigmes pas toujours évidente.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo