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L'analyse des pratiques professionnelles: un moyen de "faire équipe"?

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par Emilie Stella-Lyonnet
Institue de Formation des Cadres de Santé Marseille - Cadre de Santé 2007
  

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Annexe III

Entretien de Violette

En gras : questions et relances de l'entreteneur

En clair : réponses de Violette.

Entretien Violette.
Psychomotricienne

Durée : 43 minutes

1 D'après vous, quels sont les apports du dispositif d'intervention pour

2 l'équipe ?

3 Alors d'abord il faut savoir que j'ai été intégrée dans une équipe infirmière et

4 éducateurs, ce qui est un peu original pour une psychomotricienne qui

5 habituellement viennent un peu pour des groupes, pour des prises en charge

6 individuelles. Là je suis vraiment intégrée à l'équipe. Euh...donc la supervision moi

7 j'en avais jamais eue dans le cadre des...de l'endroit ...de tous les différents endroits

8 où j'ai travaillé. Maintenant ça fait 25 ans que je travaille en psychiatrie :

9 pédopsychiatrie et psychiatrie adulte et euh...donc j'avais jamais bénéficié de ce

10 qu'on appelle ici la supervision euh...donc euh...je savais pas trop, je connaissais

11 des collègues qui elles faisaient de la supervision en dehors de leur travail sur

12 euh...enfin en fait par des psychanalystes qui eux faisaient de la supervision à

13 l'extérieur donc, et elles payaient pour ça et euh...au niveau de la ; de tout ce qui

14 était vraiment service hospitalier, y avait pas de groupe de supervision. Euh...donc

15 le...j'savais pas trop en fait à quoi ça correspondait, moi en fait individuellement,

16 j'avais jamais eu, ressenti le besoin d'aller voir dans ces groupes de supervision

17 extérieurs qui regroupaient par contre que des psychomotriciens et qui étaient faits

18 par des psychomotriciens qui étaient psychologues analystes et euh...voilà donc

19 quand je suis arrivée ici les infirmières m'ont dit ben écoutes, tu fais partie de

20 l'équipe, tu viens avec nous ! (rire) Donc voilà, donc j'ai un peu découvert c'qu'était la

21 supervision ici, hein, euh...donc je trouve ça très intéressant donc, ca qui est sûr,

22 c'est qu'ici, ça manque de temps de travail clinique, c'est-à-dire qu'il y a un gros

23 travail clinique qui se fait mais, on a assez peu de temps pour pouvoir en...reprendre

24 ça avec la psychologue, le psychiatre...essentiellement donc on reprend ça entre

25 nous, mais c'est pas la même chose...voilà. Donc c'est vrai qu'il y a une grosse

26 demande de la part de l'équipe d'avoir des temps où on peut un peu se dire les

27 choses...bon, par rapport au patient, aux prises en charge et aux difficultés qu'on

28 peut rencontrer, voilà. Donc euh...donc au début c'était un autre psychanalyste qui

29 intervenait, c'était un homme, j'sais plus comment y s'appelait euh...Alors, moi c'que

30 j'trouve...enfin j'pense que ça a un peu le côté original ici , c'est qu'on fait pas mal de

31 clinique au sein de la supervision et par exemple, on va pas aborder des difficultés

32 mettons qu'on aurait entre nous euh...au niveau de l'équipe ou des choses comme

33 ça. Ca peut se faire mais à partir de difficultés qu'on a dans la perception d'un patient

34 ou on dit ben « tiens, toi tu le perçois comme ça mais moi je le perçois comme ça »

35 ou « mais toi...c'est parce que dans ton métier...t'as ta façon de faire avec lui, tu vas

36 plutôt être comme ça, moi j'suis plutôt comme ça » enfin, vous voyez, c'est plutôt

37 dans ca style là de...au niveau du travail euh...autour d'un patient en particulier mai

38 c'est vrai que euh... les difficultés qu'on peut rencontrer éventuellement entre nous,

39 c'est pas à la supervision qu'on en parle. On en parle entre nous en fait. Et j'pense

40 aussi peut-être voilà, y a des gens qui sont très différents des autres, donc très

41 complémentaires donc de ce fait là...mais par contre on se respecte complètement

42 quoi ! Donc, j'pense que c'est intéressant parce que de ce fait là on se dit les choses

43 tout de suite quoi. Quand y a des trucs qui vont pas on s'dit « mais attends ! pourquoi

44 ça j'comprends pas ! » mais bon, après allez hop on s'explique. Donc c'qui fait qu'il y

45 a pas de... Peut-être aussi parce qu'on est une équipe 9h 17h peut-être hein. On est

46 une petite équipe et on est sur le même temps de travail, on est pas certaines du

47 matin, d'autres d'après-midi etc...donc ça, ça favorise certainement la cohésion

48 mais aussi les gens eux-mêmes disons qu'il y a pas d'éléments ni pervers ni

49 euh...j'sais pas quoi qui...L'équipe, c'est tous des gens assez francs, donc des fois

50 ça pète...des fois on est pas d'accord, on se le dit mais c'est pas grave, on travaille

51 bien ensemble quoi (rires) Voilà, donc la supervision euh...moi ça m'a aidé à

52 plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs reprises par rapport à des fois où

53 j'comprenais pas...j'me disais ben, bon là y s'passe telle chose avec tel patient et je

54 ne comprends pas euh...euh...j'arrivais pas à comprendre pourquoi quoi ! Et la

55 supervision m'a toujours aidée...

56 Pourriez-vous me dire comment ?

57 Ca m'a aidé euh...en apportant...une analyse autre ! C'est-à-dire un regard peut-être

58 ben auquel je m'attendais pas, une chose à laquelle j'avais pas pensée et la

59 psychanalyste elle me disait « mais, mais peut-être ça,ça... » et j'disais « ah ben oui,

60 ça j'y avais pas pensé ». Effectivement, ben euh...fin bon en amenant comme ça des

61 éléments euh...et j'pense que effectivement, du fait qu'elle est psychanalyste, elle a

62 une...une écoute et un regard différent. Par exemple, je sais plus, y avait un patient

63 qui jouait du violoncelle et euh...j'disais « voilà, ce patient il fait beaucoup de

64 musique etc... » et puis...et puis je disais qu'en faisant l'évaluation de la

65 psychomotricité, j'avais vraiment un sentiment que ce monsieur avait été blessé au

66 fond de lui-même quoi, qu'il avait été même peut-être euh...abusé ou enfin, il avait

67 une attitude par rapport au corps...de méfiance, de repli, de, enfin on sent que c'était

68 quelqu'un qui...bon avait été frappé ou voir violé et euh... ou en tous cas abusé, fin,

69 parce que j'ai pas mal travaillé dans une consultation avec des gens comme ça et

70 euh...j'trouvais qu'il y avait des similitudes. Et euh...donc elle, elle nous a demandé

71 de reprendre un peu son histoire... et en fait, ce monsieur il a fait une première

72 décompensation lorsqu'il a fait un concours de violoncelle où il est arrivé deuxième et

73 il voulait arriver premier. Il a complètement décompensé, il s'est mis à délirer etc...Et

74 elle, par exemple, elle a dit, oui, « viol-oncelle » enfin, elle a amené un élément

75 auquel moi j'avais pas du tout pensé par rapport au violoncelle, hein. Et

76 effectivement, là elle a fait un lien qui m'a interrogé ! hein. Parce que c'est un patient

77 qui ne veut plus jamais jouer de violoncelle...et qui, très souvent dans les groupes,

78 différents groupe soit de lecture, soit de, aborde des histoires de viol, parle beaucoup

79 de...justement des abus, de viol etc... Et elle bon l'histoire du violoncelle, c'est vrai

80 que...Elle disait « bon, ben, y a le mot viol dans violoncelle » . Enfin...vous voyez, ce

81 genre de choses...

82 Vous avez insisté sur le fait que vous êtes psychomotricienne, vous pourriez

83 m'en dire un peu plus ?

84 Oui. Ben...moi...je le sais, on est pas pareilles, ça c'est sûr...j'pense que euh...les

85 infirmières le ressentent aussi puisqu'on en a déjà parlé mais euh...oui, c'est sûr ! j'ai

86 pas le même regard. Par exemple...ici, on fait le repas, on met la table avec

87 euh...donc on a des petits groupes comme ça et puis tour à tour chacune on est

88 responsable des repas. Et, moi au début je me suis dit, « bon psychomotricienne,

89 j'vais préparer le repas, où est ma spécificité ? ». Fin, parce que quand on est intégré

90 dans une équipe, j'suis pas intégrée pour être infirmière alors que je le suis pas. Je

91 suis psychomotricienne, voilà, donc, forcément...voilà, mon travail, moi, comment je

92 me situe par rapport à ça. Et en fait, ça a été très clair tout de suite en fait c'est les

93 patients surtout qui...qui vont chercher là nos compétences à chacun et donc y a un

94 patient, il mettait la table un peu, ben voilà, n'importe comment, il mettait une main là,

95 le verre là-bas et puis euh...les infirmiers elles disaient < Mais non, X, non, ça c'est

96 là bas, l'assiette là, les couverts et tout». Mais bon, en fait, moi j'ai dit

97 < mais...comment...quelle est la forme de la table ? ». Donc j'ai fait une référence à

98 la notion de perception de l'espace et en fait, ce monsieur, il percevait pas qu'il y

99 avait un rectangle, il percevait pas qu'y avait un cercle. Fin, voyez, il avait de grandes

100 difficultés en fait à percevoir la notion de l'espace. Donc j'ai fait un travail avec lui,

101 voilà bon...repérer les deux grands côtés, les deux petits côtés...etc...et quand on

102 s'assoit, on est en face de quelque chose et puis se repérer, en fait, il avait des

103 grosses difficultés de repérage dans l'espace...Bon, voilà un exemple...

104 Chacun sa place dans l'équipe...

105 Oui. Les autres sont très demandeuses et très à l'écoute de ça, donc j'ai pas besoin

106 de...enfin, au sein de la supervision, ça apporte une richesse de l'équipe

107 pluridisciplinaire parce que bon effectivement en fonction, bon ici on a pas d'aide-

108 soignante, en fonction de la formation de chacun, on va avoir un regard, peut-être

109 un peu différents et complémentaires. Donc ça, ben c'est intéressant mais c'est vrai

110 que c'est pas..ben, disons que la supervision ne me permet pas particulièrement

111 de...Quoi que si j'avais eu des difficultés d'intégration dans l'équipe, oui. Sûrement.

112 Parce que quand même, ça permet d'entendre les spécificités de chacun, ça c'est

113 sûr, mais euh...c'est que dans c'cadre là que ça se fait. Enfin...ça apporte aussi

114 euh...du temps ! qui est réservé à l'échange et qui est réservé à la...à la pensée et à

115 comprendre la pensée de l'autre, à élaborer soi-même sa propre pensée et à, à

116 écouter celle de l'autre. C'est-à-dire que y a des fois, on va dire... < ben tiens, y a

117 ça, y a ça », parce qu'on est dans le bureau et que bon y a pas de souci, on va

118 l'aborder, mais on va pas prendre le temps, on aura pas assez de temps pour

119 pouvoir se dire les choses, de dire < bon, euh...pourquoi, toi, tu perçois les choses

120 comme ça et moi autrement? » et < pourquoi à ce moment là, ce patient là il a eu

121 telle réaction comme ça? » et...fin, donc les relations, elles sont euh...ben c'est un

122 temps de relation en fait (rires) la supervision. C`est un temps vraiment qui est

123 réservé à l'échange, à la relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre. C'est pas

124 uniquement un temps d'expression. Mais bon, c'est vrai, y a plus d'écoute pendant la

125 supervision...Ca c'est sûr, c'est pas de notre volonté, hein. Les gens demandent que

126 ça d'écouter, mais euh...on a pas assez de temps pour ça ! Donc c'est vrai que

127 euh...la supervision, c'est aussi...puis euh...une personne qui est extérieure, hein,

128 donc qui va pas être impliquée directement dans le travail thérapeutique et

129 qui...justement va nous donner un regard un p'tit peu différent, on va mieux...ça va

130 nous permettre de prendre un peu de distance. Ca va... Et puis de nous mettre en

131 lien, ça va... des fois on voit les choses différemment et puis la psychanalyste, elle

132 dit << ben, c'est normal, parce que ce patient là il est comme ci il est comme ça, et

133 puis avec vous il est comme ça, avec vous il va être comme ça et c'est bien comme

134 ça ! » (rires). Il y a aussi cet aspect là, hein. C'est...c'est pas la pensée unique hein,

135 donc on est vraiment dans le...justement, le vrai temps d'échange, hein.

136 Ce « vrai temps d'échange », il vous permet quoi ?

137 Ben...il permet...il favorise le dialogue, il permet de se comprendre mieux. Mais bon,

138 encore une fois, c'est vrai qu'on attend pas forcément après la supervision pour ça.

139 Mais c'est plus facile... Mais bon on fait, par exemple, on essaie de faire un travail

140 sur le projet du service etc...Bon, euh...mais en même temps, avoir des idées...fin,

141 partager des choses communes oui, au niveau du but...du travail qui est toujours

142 thérapeutique mais maintenant euh...y a des fois , y a des choses, moi j'me dis

143 << ouh là...pffff ». J'vois une infirmière qui fait un truc, j'fais <<ouh là ! » et puis parce

144 que moi j'aurai pas fait comme ça puis après je...donc j'interviens pas, j'laisse faire,

145 puis après j'vais me rendre compte que c'est vrai j'serai pas intervenue comme ça,

146 n'empêche qu'elle, elle est intervenue comme ça et que ça a fonctionné. Donc

147 euh...c'est des choses...vous voyez, c'est au niveau d'un langage commun, j'pense

148 qu'on a pas forcément un langage commun dans les personnes qui travaillent ici et

149 pourtant, j'pense que c'qui est important, c'est ce respect du travail de l'autre quoi.

150 Hein, et...les différences ont de l'importance, par exemple , moi j'ai eu beaucoup de

151 mal une fois y avait un patient qui voulait pas aller en sortie, c'est moi qui faisait la

152 sortie etc...et il voulait pas y aller, et je le sentais très angoissé, il me disait << non,

153 non, j'veux pas y aller, j'veux pas y aller !!! » et donc moi j'étais prête à ne pas

154 l'emmener, parce que j'ai dit moi j'veux pas lui faire violence et y a une infirmière qui

155 est arrivée et qui a dit « Allez ! Hop ! C'est l'heure ! Allez, Hop ! Vous allez à la

156 douche ». Et alors moi j'étais...j'me suis dit « oh la honte ! ». Bon, et finalement, il est

157 venu à la sortie et ça s'est très bien passé. Donc moi j'aurai jamais été capable de le

158 faire parce que je ressentais ça comme une virulence parce qu'il était angoissé et

159 l'infirmière, elle, elle savait ce qu'elle faisait quoi ! Donc elle a été jusqu'au bout du

160 truc et le patient il est venu et ça s'est bien passé. Donc, ça c'est des choses

161 qu'on...enfin, moi j'pense que j'apprends en travaillant avec des gens qui ont pas la

162 même formation que moi et...et c'est vrai que j'pense qu'une psychomotricienne ne

163 ferait jamais ça. Quelle qu'elle soit mais, voilà, une infirmière y a une autre...peut-

164 être une autre formation, ça veut pas dire que toutes les infirmières feraient ça, hein,

165 mais en tous cas, là, voilà. Donc, là on était pas sur un truc commun là, avec elle,

166 maintenant n'empêche que je suis pas intervenue, j'ai laissé faire, je lui ai fait

167 confiance en fait, hein. Et puis ça s'est bien passé. Voilà, donc des fois c'est des

168 choses comme ça qu'on reprend en supervision pour être sûr que les choses ont

169 bien été euh...comprise ...

170 Ca vous a à aidé à vous intégrer cette supervision ?

171 Euh... Oui, oui parce que en fait, au début, moi, quand je suis arrivée ici, il y avait 5

172 temps infirmiers et les trois éducatrices et euh donc en fait la direction et la direction

173 du service avait décidé qu'il y avait une infirmière qui partait, qu'il n'y airait plus

174 quatre temps infirmiers puisqu'ils avaient des difficultés à recruter en intra-hospitalier,

175 donc, ils voulaient laisser quatre infirmières. Et puis bon, ben il s'est trouvé que moi

176 j'faisais une mutation professionnelle. Et bon, j'ai...un certain bagage on va dire en

177 psychiatrie adulte et ça les a intéressé. Et du coup, ils ont, ils m'ont proposé de venir

178 sur ce temps infirmier. Donc c'était pas simple parce que, ni pour les infirmières ni

179 pour moi, bon euh...ça leur a été imposé en fait, ça je le savais pas (rires) C'est-à-

180 dire que l'équipe n'a pas été préparée, hein, du jour au lendemain, on leur a dit

181 « bon, écoutez, soit vous restez à quatre, soit vous serez quatre plus une

182 psychomotricienne. ». Boum ! Donc euh...Ouf ! c'était pas évident mais bon, quand

183 je suis arrivée ici, il y avait des tracts syndicaux contre l'embauche d'une

184 psychomotricienne qui fera pas le travail d'une infirmière, et effectivement, c'est vrai

185 (rires). Donc euh, voilà, hein, ça a pas été simple au départ parce que l'équipe était

186 en grande souffrance et les infirmières, elles étaient vraiment en souffrance, elles

187 avaient vraiment le sentiment qu'on leur avait fait un enfant dans le dos quoi,

188 que...mais bon, c'qui était super, c'est que tout de suite elles m'ont dit tout de suite

189 on a absolument rien contre toi en tant que personne ni contre l'embauche d'une

190 psychomotricienne bien au contraire, mais par contre qu'on nous mette une

191 psychomotricienne sur un temps infirmier, ça euh...voilà, hein ! Moi, j'avais l'esprit

192 tranquille parce que je savais que de toute façon, ils mettaient pas d'infirmière à ma

193 place si j'y étais pas donc j'avais pas le sentiment de prendre la place de quelqu'un

194 etc..quoi hein. Donc c'était, pour moi c'était clair dans ma tête sauf que pour elles,

195 elles le voyaient pas bien sûr de cet angle. A l'issue finalement, ce qui a été

196 intéressant c'est que s'est posée la question dès l'arrivée de la référence des

197 patients. Moi j'ai dit « non hein, ça c'est pas mon travail ça, je sais pas faire d'abord».

198 Une psychomotricienne référente, non, enfin, moi la connaissance que j'ai du métier

199 d'infirmier, c'est pas ça, surtout en psychiatrie, enfin bon, du coup, là on est tombées

200 sur des bases communes et j'pense que ça c'est quelque chose que les infirmières

201 ont pu dire en supervision hein, la difficulté que ça représentait pour elles euh...de

202 ben d'intégrer quelqu'un qui faisait pas le même métier, qui avait pas le même

203 regard, de pas avoir été consultées par les instances supérieures, qu'on leur ait pas

204 demandé leur avis enfin bon voilà. En fait on est tombé là sur un terrain vraiment

205 d'entente quoi parce qu'elles ont vu que moi justement je voulais absolument pas

206 prendre la place d'une infirmière (rires) que c'était pas du tout ça, voilà, moi je suis

207 psychomotricienne et je le reste et je crois que justement ça a permis parce qu'à ce

208 moment là, y s'trouvait que moi je coordonnais un numéro parce que je suis au

209 comité de rédaction d'une revue de psychomotricité qui s'appelait « le corps

210 psychiatrique » et je voulais faire un numéro sur l'intérêt de la cohésion et de la

211 coopération dans l'équipe pluridisciplinaire et donc je leur ai sit « et ben si vous

212 voulez, on écrit un article ensemble sur l'intégration d'une psychomotricienne dans

213 une équipe infirmière et justement l'infirmière référente etc...Et donc rn fait, de là est

214 parti tout un travail. Y a eu toute une journée sur la référence infirmière etc...Enfin,

215 elles avaient déjà écrit des trucs sur la référence, elles m'ont pas attendu mais c'que

216 j'veux dire c'est que du coup tout ça ça a été repris en supervision mais aussi sur

217 d'autres temps et on a écrit, voilà on a écrit sur notre travail en commun etc...Donc

218 euh...Et la supervision a aidé les infirmières à imposer des choses que visiblement

219 les autres n'avaient pas envie d'entendre. Donc moi j'ai pu aussi, c'était important

220 que je l'entende aussi et qu'elles me le disent et c'est c'qui fait je pense d'ailleurs que

221 le fait qu'elles aient pu déposer un peu tout ca. Parce que quand je suis arrivée ici, il

222 y avait deux maladies, il y en avait une en congés, enfin c'était la « bérézina »,

223 l'équipe était complètement explosée et et ils étaient sous le coup de massue là, et

224 puis la psychomotricienne au milieu, « qu'est-ce-qu'on va en faire ? » enfin, c'était un

225 peu la panique, la crise identitaire par rapport au métier etc...Donc le fait de jeter un

226 peu les choses pendant la supervision , ca permet de finalement accepter l'autre en

227 tant que...en tant que ce qu'il est, parce que ca permet de dire des choses, de

228 déposer des choses, de dire qu'elles en avaient marre de pas être consultée, qu'on

229 les mette devant le fait accompli que... et ca, ca a pu être entendu. De toutes facons,

230 sous l'attention bienveillante de la personne qui faisait la supervision. Les autres, la

231 cadre sup etc...ne pouvaient pas entendre ca. Moi ca m'a été dit « vous verrez,

232 l'équipe ca va être difficile, ca va être difficile parce que elles ont peur du

233 changement etc »...en fait c'était pas ca, elles avaient pas été préparée au

234 changement. Et c'est justement parce que c`est une équipe très professionnelle,

235 qu'elles voulaient pas que les choses se passent comme ca quoi. Moi ca me parait

236 tout à fait normal. Donc en fait, finalement, au bout du compte on s'est soutenu

237 mutuellement c'est-à-dire moi j'ai soutenu l'idée qu'effectivement j'voulais pas

238 remplacer une infirmière et que ce qu'elles disaient... elles disaient que ca leur avait

239 été dit comme ca : « la psychomotricienne elle pourra tout faire comme vous sauf

240 les médicaments ! » donc j'comprends qu'elles aient eu un peu peur donc là après

241 quand on a travaillé ensemble ben elles ont vu que c'était pas ca quoi.

242 En fait, vous avez appris en travailler en commun ?

243 Moi oui, ben oui, il faut dire ca développe des compétences quand même. Bon à

244 chaque fois on apprend des choses donc euh...moi je suis toujours intéressée

245 pour...enfin, je pense que la remise en question, j'dirai que dans notre métier voilà

246 hein...quand on fait nos études etc...on fait beaucoup par exemple de pratique

247 corporelle et là, justement on est confronté à notre propre agressivité, à nos propres

248 angoisses, on nous met en situation pratique physique et mentale de, hein, donc on

249 a dans notre formation, on est habitué dans notre fonctionnement thérapeutique à

250 toujours se remettre en question , à mettre à distance ou a s'dire ben tiens ce patient

251 là il a l'âge de mon fils ou de ma fille, enfin c'est un recul que j'dirai de par ma

252 formation , je sens que je l'ai plus que les infirmières, je vois bien, tout de suite ça

253 c'est sûr mais donc ça, c'est pas ça que ça m'apporte, ça m'apporte au niveau de

254 l'élaboration, c'est-à-dire de la compréhension et des choses et de pouvoir aller plus

255 loin dans mes interprétations, dans mes comment dire ? d'aller plus loin dans mes

256 pensées en fait, voilà. Parce qu'à la supervision, ça va aller poser encore d'autres

257 questions que moi j'ai pas, on va jamais assez loin nous hein, on est que des

258 individus en fait. Donc ce regard extérieur va aller pousser l'autre dans ses

259 retranchements et moi, franchement ça m'a aidé, oui, oui oui. Y a plusieurs fois, au

260 moins deux ou trois fois, j'étais vraiment...j'me disais : « mais qu'est-ce-qui se passe

261 là ? Pourquoi ci pourquoi ça ? et en fait, vraiment après la supervision je me suis dit

262 « mais oui, bien sûr ! » Du coup ça m'a facilité mon travail...parce que quand y a un

263 mal-être, notamment lié au travail ou à l'équipe, c'est-à-dire que... mettons, si... si

264 mon intégration s'était mal passée, s'était pas bien passée, que j'ai eu une hostilité

265 de la part des autres etc... J'pense que c'est des choses que j'aurais pu aborder en

266 supervision. Maintenant, si c'est un mal-être qui est lié complètement à autre chose,

267 des choses personnelles, un deuil ou je sais pas quoi, des problèmes de couple

268 etc... là non, c'est pas l'endroit. Par contre, dans l'équipe oui. Mais la seule chose

269 qui est embêtante c'est que l'équipe elle est pas vraiment au complet.

270 Vous pourriez m'en parler un peu plus longuement ?

271 Elle est pas vraiment au complet parce que des fois y a des gens qui sont pas là

272 ou... et puis il y a pas la cadre, il y a pas le médecin, il y a pas le psychologue, il y a

273 pas, fin. Je trouve que ce serait intéressant, j'trouve que c'est...oui, oui,oui. Alors des

274 fois aussi, c'qui pose question, c'est aussi la présence des élèves. La première

275 année où j'étais là, y avait une élève psychologue qui était là et euh...enfin des fois,

276 c'est un peu...J'trouve la supervision c'est un moment d'intimité. Donc, oui,

277 personnellement, je serai assez d'avis que les étudiants ne participent pas à la

278 supervision, j'sais pas ce qu'ils en font, enfin, voilà. J'vois pas ce que ça leur apporte

279 vraiment, si ce n'est de voir et d'écouter mais... parce que comme on en a une tous

280 les deux mois, les élèves qui restent un mois, quatre semaines, etc, enfin,bon, moi je

281 sais que j'avais une élève psychomotricienne qui est restée quinze jours en

282 stage...bon, comme les autres élèves venaient, les infirmières m'ont dit « allez, tu la

283 fais venir à la supervision », bon, elle est venue à la supervision, elle a posé des

284 questions intéressantes etc...fin c'était...j'trouve que...voilà. Ca pour moi, c'est pas

285 évident. Mais bon, c'est pas la même chose, j'trouve que c'est bien. Les gens qui ont

286 un travail thérapeutique ensemble...par exemple, la cadre sup' j'vois pas c'qu'elle

287 viendrait y faire, les gens qui sont au chevet du malade, si j'puis dire, je... si on avait

288 un ergothérapeute, ça serait important qu'il soit à la supervision, si on avait un kiné,

289 si on avait enfin je sais pas ... Oui, c'est important, parce que c'est ce qui relie les

290 gens...surtout quand on travaille avec des psychotiques, enfin, c'qu'y est très

291 important, on passe notre temps à faire du lien. Donc euh...Il faut faire du lien autour

292 du patient, c'est-à-dire enfin moi c'est toujours ce que je dis aux étudiants : »vous

293 pouvez être une super psychomotricienne, si vous n'êtes pas capables d'entrer en

294 communication avec les gens avec qui vous travaillez, de dire ce que vous faites,

295 pourquoi vous le faites, comment vous le faites, qu'est-ce-qui s'y passe, les

296 échanges, les difficultés etc...C'est nul, ça marche pas, parce qu'on rentre dans un

297 clivage, euh...où il va y avoir, enfin j'pense un, faut pas trop qu'il y ait de...

298 de...comment dire ? Faut que ce soit un partage. Pour moi c'est un partage,

299 j'envisage pas de pouvoir faire des séances sans en parler aux infirmièreset aux

300 éducatrices , ça a aucun intérêt quoi. (rires) Dans ce cas là, on prend un cabinet en

301 libéral, on travaille en ville mais l'intérêt de l'équipe c'est justement ça, on a envie de

302 partager des choses, comme ça plus avec le médecin, le psychologue qui eux aussi

303 connaissent le patient. Ils le voient dans un cadre différent et comment ça se passe

304 et comment ça se dit, qu'est-ce-qu'on en comprend et puis, etc... Donc c'est vrai que

305 nous on est sur le terrain 8 heures par jour, eux ils sont pas là toute la journée. Mais

306 c'est pas grave, ils connaissent le patient, ils s'en occupent quoi ! Donc pour moi, la

307 boucle n'est pas bouclée (rires). C'est, c'est très intéressant notamment au niveau

308 de l'équipe elle-même déjà, mais bon, ce serait important qu'il y ait d'autres gens,

309 d'autres membres de l'équipe mais vraiment les gens qui sont dans une relation

310 transférentielle avec le patient. C'est pour ça que j'dis que les étudiants, pour moi, ils

311 y ont pas trop leur place. Il faudrait appartenir à l'équipe pour y aller...parce que ça

312 m'a permis justement euh... ben encore une fois un temps d'écoute. En fait, on peut

313 dire les choses, par exemple, j'ai pu dire « Ah ben tiens, tu as vu l'évaluation, on a

314 fait comme ci, on a fait comme ça, donc forcément de faire découvrir un peu mon

315 travail ,d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait

316 etc... Donc forcément, ça facilite l'intégration , parce que du coup les infirmières, elle

317 parle du travail : « pourquoi je suis là ? A quoi je sers ? etc...Cest que souvent, j'me

318 souviens y a un psychiatre qui m'avait dit : « j'aimerai bien être une petite mouche

319 dans une salle de psychomotricité pour voir ce qui s'y fait ». Et j'avais beaucoup

320 réfléchis à ça parce que je m'étais dit « mais c'est vrai que Bon, la psychomotricité,

321 en plus, c'est le travail du corps et le corps, par rapport à l'histoire de la psychiatrie,

322 c'est quand même quelque chose de... de très tabou, de très, voilà hein. Alors,

323 c'qu'on a comme point commun, avec les infirmières, c'est que justement, elles

324 travaillent aussi sur le corps, au niveau du corps, c'est les infirmières et euh...à un

325 autre niveau, c'est vrai, mais là, il y a plein de points communs. Donc euh... on parle

326 même langage hein. Mais par exempla avec une psychologue, ça va être différent ,

327 mais son regard va quand même être intéressant hein. Sur le corps des patients,

328 c'qu'elles vont pouvoir en dire...enfin etc... On perçoit mieux ce qu'on fait au

329 quotidien... (silence)

330 Quelque chose à rajouter ?

331 Non, non, non... (elle est pressée)

332 Merci beaucoup alors...

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci