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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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B- La fiducie-gestion au service des personnes vulnérables

La fiducie-libéralité est prohibée en droit français, par crainte de fraude fiscale ou d'atteinte à la réserve héréditaire. Dans la pratique, la fiducie est un acte de disposition parfois dangereux et interdit dans certains cas (1-). Cette prohibition n'est qu'une façade puisque le législateur facilite l'accueil de la fiducie par la voie d'une extension du mandat et du droit des libéralités (2-).

1- La prohibition de la fiducie-libéralité
a) Un acte de disposition parfois dangereux

La fiducie constitue assurément un acte dangereux pour les personnes vulnérables. Il en est ainsi dès lors que le constituant est placé sous curatelle. L'article 468 alinéa 2 du Code civil dispose en effet que « la personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux ». Par conséquent, la fiducie doit être rangée dans la catégorie des actes de disposition au regard de l'article 496 alinéa 3 du Code civil246(*). Cet article définit d'une part l'acte d'administration qui est celui relatif à la gestion courante du patrimoine La définition adoptée par le décret du 22 décembre 2008 est plus large247(*). L'article 1er du décret vise à ce titre tous les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal et ne recouvre pas nécessairement les actes de gestion courante. Selon un auteur, la définition de l'acte d'administration proposée par le décret est trop large et il convient donc de le cantonner aux actes relatifs à la gestion courante du patrimoine. Afin de favoriser une bonne exploitation économique du patrimoine, l'acte d'administration peut ainsi emporter un certain nombre d'aliénations248(*).

Il convient également d'émettre des réserves à propos de la définition des actes de disposition. L'article 496 du Code civil définit ces actes de façon extensive, comme ceux qui engagent le patrimoine de manière durable et substantielle. De son côté, le décret propose une définition plus détaillée des actes de disposition. Ces actes engagent le patrimoine de la personne protégée par une modification importante de son contenu, une déprécation significative de sa valeur en capital et une altération durable des prérogatives de son titulaire249(*). Le décret comprend deux annexes contenant la liste des actes regardés comme actes d'administration et de disposition. A la lecture de ces annexes, il apparaît que le texte intègre le contrat de fiducie dans la liste des actes réputés constituer de manière irréfragable des actes de disposition250(*).

En matière de régimes matrimoniaux, le Code civil soumet la conclusion du contrat de fiducie au double consentement des époux. L'article 1424 alinéa1er du Code civil précise que les époux ne peuvent l'un sans l'autre aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté. La gravité de l'acte conduit à étendre la cogestion, il en résulte que les époux ne peuvent l'un sans l'autre transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire251(*). L'époux qui ne respecte pas la cogestion est passible de sanctions. En effet, l'article 1427 alinéa 1er du Code civil dispose que si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre peut en demander l'annulation252(*). Ce principe a été transposé au sein des dispositions relatives à la fiducie. Ainsi, l'article 2012 alinéa 2 du Code civil précise que le contrat de fiducie doit être établi par acte notarié à peine de nullité « si les biens, droits ou sûretés transférés dans le patrimoine fiduciaire dépendent de la communauté existant entre les époux ou d'une indivision ».

L'ordonnance du 30 janvier 2009 prévoit que la fiducie peut avoir de lourdes conséquences pour le patrimoine des époux mariés sous un régime de communauté, en cas de dissolution de celle-ci avant le terme du contrat de fiducie lorsque les biens transférés dépendent de la communauté ou pour les personnes propriétaires d'un bien indivis. Dans cette hypothèse, l'intervention d'un notaire est indispensable à l'établissement du contrat de fiducie. Il convient de veiller à ce que les constituants bénéficient des informations nécessaires quant aux conséquences d'un tel contrat253(*). Selon un auteur, l'analyse de la fiducie comme un acte surveillé parce que dangereux justifierait sa soumission au formalisme notarié en toute hypothèse, et non pas seulement lorsque les biens font l'objet d'une appropriation plurale254(*).

La fiducie peine également à s'harmoniser avec le principe de personnalité de la personnalité des charges tutélaires. Selon l'article 452 alinéa2 du Code civil, le curateur et le tuteur peuvent s'adjoindre le concours d'un tiers pour la conclusion des actes conservatoires qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent, et de certains actes d'administration255(*). Or le recours à la fiducie porte atteinte à ce principe puisque dans ses rapports avec les tiers, le fiduciaire est réputé disposer des pouvoirs les plus étendus sur le patrimoine fiduciaire. En vertu de l'article 2023 du Code civil, il peut donc accomplir des actes d'administration et a fortiori des actes de disposition sur le patrimoine de la personne vulnérable. Selon Jacques Massip, le recours au contrat de fiducie permet de confier au fiduciaire tous pouvoirs sur une partie ou sur la totalité du patrimoine du majeur protégé peut revêtir un intérêt considérable en matière de curatelle. La fiducie pourra présenter l'avantage de maintenir le fonctionnement de la curatelle dans une sphère purement privée, sans aucune immixtion du juge des tutelles256(*). Cet auteur se demande si l'on ne risque pas d'assister à « un détournement de la prohibition légale ». En effet, le contrat de fiducie engendre la métamorphose de la curatelle en une véritable tutelle et prive ainsi la personne protégée de toute initiative sur les biens relevant du patrimoine fiduciaire. Si la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts, le curateur peut d'ailleurs saisir le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l'ouverture de la tutelle257(*). En outre, le juge peut ordonner à tout moment une curatelle renforcée. Dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne protégée sur un compte ouvert au nom de cette dernière258(*).

Le contrat de fiducie favorise la multiplication des tiers investis de la gestion des biens de la personne protégée, sous couvert des dispositions de l'article 416 alinéa 1er du Code civil. Cet article souligne que « le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort ». A ce titre, l'article 445 alinéa 3 du Code civil interdit le cumul des qualités de fiduciaire et de curateur ou tuteur. Le fiduciaire ne peut exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l'égard du constituant. Ainsi l'avocat ne peut se voir confier par son client la gestion d'un patrimoine fiduciaire ou un mandat de protection future259(*).

L'intervention du juge est loin d'être automatique. Sur ce point, le Code civil impose au fiduciaire de rendre compte de sa mission au tuteur au moins une fois par an, sans préjudice de la périodicité fixée par le contrat260(*). C'est à l'administrateur d'intégrer le compte de la fiducie au compte annuel de gestion. Selon un auteur, le contrôle des comptes fiduciaires souffre alors d'un déficit d'homogénéité et la vérification du compte annuel de gestion échappe au juge des tutelles261(*).

* 246 « La liste des actes qui sont regardés, pour l'application du présent titre, comme des actes d'administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par décret en Conseil d'Etat ».

* 247 Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil.

* 248 A-M LEROYER, « Personnes protégées - Qualification des actes de gestion du patrimoine », RTD civ. 2009 p. 180.

* 249Décr.n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, article 2.

* 250Décr.n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, annexe 1, colonne 2, II, 1°.

* 251 Article 1424 alinéa 2 du Code civil.

* 252 Selon les dispositions de l'article 1427 alinéa 2 du Code civil, « l'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté ».

* 253 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie. JORF n°0026 du 31 janvier 2009 p.1851, préc.

* 254 N. PETERKA, « Le droit des incapacités à l'épreuve du contrat de fiducie », in Actes du colloque « La fiducie dans tous ses états », organisé le 15 avril 2010par l'Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Dalloz, 2011.

* 255 Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil, article 3.

* 256 J. MASSIP, « Le contrat de fiducie, les mineurs et les majeurs protégés », Defrénois 15 septembre 2009 n° 15, p.1549.

* 257 Article 469 alinéa 2 du Code civil ; A. KARM, « La gestion du patrimoine du majeur en curatelle », Dr. et pat. avril 2009, p.86 : Selon cet auteur, « cet éclatement de la curatelle fait craindre la dérive vers une mission de représentation du curateur ».

* 258 Article 472 alinéa 1er du Code civil.

* 259 Article 480 alinéa 2 du Code civil : « Le mandataire doit, pendant toute l'exécution du mandat, jouir de la capacité civile et remplir les conditions prévues pour les charges tutélaires par l'article 395 et les deux derniers alinéas de l'article 445 du présent code ».

* 260 Article 2022 alinéa 2 du Code civil : « Toutefois, lorsque pendant l'exécution du contrat le constituant fait l'objet d'une mesure de tutelle, le fiduciaire rend compte de sa mission au tuteur à la demande de ce dernier au moins une fois par an, sans préjudice de la périodicité fixée par le contrat. Lorsque pendant l'exécution du contrat le constituant fait l'objet d'une mesure de curatelle, le fiduciaire rend compte de sa mission, dans les mêmes conditions, au constituant et à son curateur ».

* 261 N. PETERKA, « Le droit des incapacités à l'épreuve du contrat de fiducie », ibid.

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