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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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B- L'admission jurisprudentielle du gage-espèces

La pratique offre de nombreux exemples de sûretés fondées sur des sommes d'argent, et plus connues sous le vocable de gage-espèces. Le gage-espèces a pour particularité de porter sur une chose fongible, en l'occurrence de l'argent. C'est pourquoi la qualification de gage est parfois remise en cause par la doctrine. Selon Planiol et Ripert, « le contrat s'éloigne du véritable nantissement, car la personne à laquelle l'argent est remis en devient propriétaire »305(*). Le constituant verse la somme au créancier soit sous la forme de billets de banque, soit sous la forme de monnaie scripturale. Le bien remis en garantie étant fongible, il s'opère alors un transfert de propriété. Le créancier devient propriétaire des sommes versées à charge de restitution si le débiteur exécute son obligation306(*).

Il semble que le gage-espèces ne soit pas réductible au gage de droit commun. Ce « gage irrégulier » confère la qualité de propriétaire au créancier gagiste alors que cette sûreté réelle n'entraîne a priori qu'un simple démembrement de propriété. Il semble alors judicieux de renoncer à telle qualification au profit de celle de cession fiduciaire ou de sûreté-propriété307(*). La jurisprudence a eu l'occasion d'affirmer que « dès l'instant de leur remise, les sommes déposées à titre de garantie de l'exécution de ses obligations par (le constituant) sont devenues, en raison de leur nature fongible, la propriété (du bénéficiaire) »308(*). Dans une autre décision, la Cour de cassation y voit un mécanisme de compensation entre la dette principale et l'obligation de restituer incombant au créancier. En premier lieu, elle décide que les actes constitutifs de la sûreté dispensaient la banque en cas de non-paiement à l'échéance, de son obligation de restituer. En second lieu, les sommes d'argent étaient devenues la propriété de la banque à titre de garantie. Enfin, la créance de la banque s'est trouvée éteinte, dès avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur, par voir d'une compensation conventionnelle309(*).

Il peut arriver que la somme d'argent remise en garantie demeure individualisée, c'est-à-dire versée sur un compte spécial ouvert au nom du constituant et réservée au créancier. Dans ce cas, il s'agit d'un véritable gage et la dépossession du constituant est réalisée par la seule inscription au crédit du compte. Selon certains auteurs, cette individualisation prolongée empêche une chose fongible de se fondre avec d'autres choses du même genre, par conséquent elle peut faire l'objet d'un droit réel et le caractère fongible ne constitue plus un obstacle310(*). A l'échéance, le créancier garanti devrait obtenir l'attribution judiciaire de la somme figurant au compte. Dans un arrêt rendu le 9 avril 1996, la chambre commerciale a admis que le dépôt d'une somme d'argent sur un compte bloqué en garantie d'un prêt pouvait contenir un pacte commissoire et était un « gage constitué en espèces »311(*). Le problème de qualification resurgit avec l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme des sûretés. L'article 2341 alinéa 1er du Code civil énonce que le créancier gagiste est à la tête d'un patrimoine d'affectation. En effet, « lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit les tenir séparées des choses de même nature qui lui appartiennent ». Par ailleurs, le gage avec dépossession portant sur des choses fongibles emporte transfert de propriété au gagiste et obligation de restituer l'équivalent312(*).

Le régime du gage est donc à présent applicable quelle que soit la forme sous laquelle les fonds ont été remis au créancier car ce régime concerne les biens corporels et les biens incorporels qui font l'objet d'un nantissement. Certains auteurs admettent ainsi que l'article 2355 du Code civil in fine assimile le nantissement au gage313(*). A ce titre, « le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ». La qualification de gage ou de nantissement est donc attribuée au gage-espèces qui est un acte hybride. Cette qualification conduit à subordonner la validité de l'opération à la rédaction d'un écrit. L'article 2336 du Code civil précise que « le gage est parfait par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ».

* 305 Planiol et Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. XII, avec le concours de E. Becqué, LGDJ, 1927, n° 77, p. 74.

* 306 M. CABRILLAC, « Les sûretés conventionnelles sur l'argent », in Mélanges Derruppé, Joly-Litec, 1991, p. 333.

* 307 D. BUREAU, « Le gage-espèces : une sûreté atteignant sa maturité ? », Dr. et pat. 1999, n° 77 ; F. LEDUC, « Le gage translatif de propriété : mythe ou réalité ? », RTD civ, 1995, p.321.

* 308Cass. Com, 17/05/1994, Bull. civ. IV, n° 178 : Selon Pierre Crocq, « le gage-espèces doit être qualifié de fiducie-sûreté, parce qu'il opère un transfert de propriété de la somme donnée en garantie au profit du créancier en raison, à la fois, de la consomptibilité et de la fongibilité de celle-ci », RTD civ 1996 p.669.

* 309Cass. Com, 03/06/1997, Bull. civ. IV, n° 165, JCP G 1997, II. 22891, rapport Rémery : « il y a place pour une compensation entre cette créance de restitution et celle du banquier au titre du crédit garanti. Cette compensation entre créance du remettant et créance du bénéficiaire de la remise est en fait le moyen de réaliser la sûreté ».

* 310 G. CUNIBERTI, « Le gage-espèces (de l'accession en matière monétaire) », LPA, 5 novembre 1999 n° 221, p.4 ; P. CROCQ, « Propriété et garantie », LGDJ, 1995, préface M. Gobert, n° 306.

* 311Cass. Com, 09/04/1996, n° 93-17370, Bull. civ. IV, n° 116 : « la cour d'appel a retenu, à bon droit, que n'est pas prohibée par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à échéance ».

* 312 Article 2341 alinéa 2 du Code civil : « Si la convention dispense le créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes ».

* 313 M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, « Droit des sûretés », 9ème édition, LexisNexisLitec, 2010 ; D.R MARTIN, « Du gage-espèces », D. 2007 p.2556.

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